Le Voleur d'Or (Золотой вор) - Сувестр Пьер 6 стр.


Fantômas fuyait, Fantômas disparaissait, Fantômas échappait…

Jérôme Fandor, pris d’un vertige, bondit vers l’escalier.

Il pensait donner la chasse au bandit, il voulait, maintenant qu’il n’avait plus à craindre que sa mère ne fût mêlée au drame qui allait se passer, en terminer enfin avec le terrible monstre.

— Lui ou moi !… pensait-il.

Et des visions rouges passaient dans ses yeux…

Jérôme Fandor, cependant, qui, en deux bonds, avait atteint l’escalier, s’arrêta net et rebroussa chemin.

— Je deviens fou !…

Il avait entendu tout simplement le bruit d’une clé tournant dans une serrure. Pour gagner du temps, pour retarder la poursuite de Jérôme Fandor, Fantômas avait évidemment fermé la porte d’entrée de la maison. Il faudrait donc au jeune homme, s’il tentait de sortir par là, perdre quelques instants, dilapider quelques minutes pour enfoncer cette porte… Et les minutes étaient précieuses, les secondes avaient leur valeur…

Jérôme Fandor rebroussa chemin, suivit à nouveau le corridor. Il traversa la chambre dans laquelle il avait pénétré ; d’un geste, il ouvrit la fenêtre.

Jérôme Fandor était toujours le gymnaste entraîné ne redoutant aucune acrobatie. Le jeune homme n’hésitait donc pas un instant.

Sauter d’un premier étage, c’était pour lui moins qu’un jeu, à peine une plaisanterie. Il s’élança dans le vide. D’un bond, il franchit un énorme massif de fleurs, puis, retrouvant son équilibre, il se prit à courir vers le bout du jardin.

Jérôme Fandor, à ce moment, était envahi d’un grand espoir.

Il n’avait guère perdu de temps. En sautant par la fenêtre, il avait en quelque sorte déjoué la ruse de Fantômas, qui l’avait forcé à monter au premier étage de la maison. Le bandit n’était pas loin, Jérôme Fandor aperçut sa silhouette au détour d’une allée. Fantômas fuyait, il escaladait évidemment la clôture du jardinet, il allait gagner la route, il trouverait moyen de disparaître.

Mais Fandor, attaché à sa poursuite, ne désespérait pas de le rejoindre.

Et la course s’engageait, une course effrénée, une course qui devait peut-être s’achever par la mort, la mort d’un de ces deux hommes, le poursuivant ou le poursuivi.

À deux reprises, tout d’abord, Jérôme Fandor put apercevoir Fantômas et pensa tirer sur lui.

Mais, au moment où il serrait la crosse de son revolver, une pensée rapide le forçait encore à demeurer calme. Ce coup de revolver, sa mère l’entendrait ; ce coup de revolver terrifierait assurément la vieille femme. Non, non, il ne fallait pas lui donner l’éveil, il ne fallait pas qu’elle pût soupçonner le drame, dont les péripéties se déroulaient si près d’elle !

Que faisait cependant Fantômas ?

Pourquoi n’avait-il pas quitté le jardin ?

Il semblait en effet que le bandit, au lieu de sauter la clôture, tournait sur lui-même, faisait de brusques crochets, cherchant à faire perdre sa piste.

Jérôme Fandor, tout en courant, réfléchit à l’extraordinaire conduite du misérable.

— Que veut-il donc ? se demanda-t-il.

Et il imagina brusquement que Fantômas n’osait peut-être pas se lancer sur la grand-route, songeant qu’il serait alors trop facile à Jérôme Fandor de le prendre pour cible et de l’abattre d’une balle de son browning.

Or, comme Jérôme Fandor, un instant, redoublait d’efforts pour atteindre le meurtrier dont il venait d’apercevoir, au tournant d’un massif, la silhouette, le jeune homme roula brusquement sur le sol. Pour rompre la poursuite, pour gagner quelque temps, Fantômas avait brusquement tendu, au travers de l’allée, un mince fil de fer arraché à la bordure d’une pelouse.

Jérôme Fandor n’avait pas vu l’obstacle, il tomba, jurant !…

Hélas ! quand il se releva, il était trop tard pour agir. En quelques secondes, évidemment, Fantômas avait trouvé moyen de disparaître réellement. L’Insaisissable avait-il découvert une cachette ? L’Insaisissable avait-il pris la fuite tout bonnement ? Jérôme Fandor ne pouvait pas le savoir. Il ne le voyait plus, en tout cas. Il ne l’entendait plus, il n’avait aucune idée de ce qu’il avait pu devenir.

Alors, la rage au cœur, baissant la tête et dévorant les sanglots qui l’étouffaient, Jérôme Fandor se résigna :

— Trop tard ! pensait-il. Fantômas vient d’échapper, je ne puis plus espérer le rejoindre.

Jérôme Fandor, abandonnant toutes poursuites, qui désormais ne pouvaient plus guère avoir de résultats, se dirigea vers la maison d’habitation, pensant rejoindre sa mère, et frémissant encore en se demandant quelles seraient les explications qu’il pourrait lui donner de la disparition de son père.

Or, comme le jeune homme, à pas lents, se rapprochait de la maison, il s’arrêta brusquement, stupéfié, prêtant l’oreille.

Que se passait-il donc encore ?

Jérôme Fandor venait de remarquer qu’il entendait depuis quelques instants un bruit extraordinaire, comme un véritable ronflement, un ronflement formidable, qui semblait s’accompagner de crépitements, d’effondrements aussi.

— Bon Dieu, qu’y a-t-il donc ? se demanda-t-il.

Il soufflait encore ; pourtant, il reprit sa course, un pressentiment le tenait haletant en effet.

Et Jérôme Fandor, quelques instants plus tard, devait concevoir une nouvelle horreur.

Qu’était devenu Fantômas ? Qu’avait-il fait ? Ah ! désormais, le journaliste ne le savait que trop ! Fantômas avait dû se précipiter en toute hâte dans la direction de la maison. Le crime qu’il avait commis alors, il avait dû le préméditer depuis longtemps, il avait dû même le préparer.

Jérôme Fandor, au tournant d’une allée, aperçut soudain la maisonnette où sa mère dormait, qui flambait.

Une fumée noire, âcre, la fumée que produit le pétrole en brûlant, se dégageait de l’incendie. Par moments, on ne voyait qu’elle, en d’autres, des flammes immenses s’élevaient vers le ciel bleu, comme de terribles langues de feu qui claquaient au vent.

— Ma mère !… ma mère ! hurla Fandor…

Et le journaliste fonça vers le brasier.

Il n’avait fallu qu’un instant à Fantômas, en effet, pour commettre l’abominable forfait.

Fantômas, depuis de longs jours, s’était dit qu’assurément le rôle qu’il jouait lui craquerait dans les mains. Juve et Fandor, certainement, l’obligeraient à se démasquer.

Et c’était dans la pensée de cet inévitable événement que Fantômas avait pris ses précautions, qu’il avait inventé la ruse dernière de l’incendie.

Depuis de longs jours, Fantômas transportait mystérieusement dans les caves de la maisonnette des bidons de pétrole dont il aspergeait les murs. Il avait entassé un peu partout des provisions de ce terrible liquide. Il lui avait donc suffi de jeter une allumette pour que l’incendie s’allumât, comme il avait suffi de quelques secondes pour qu’il prît une intensité formidable.

Mais pourquoi Fantômas brûlait-il ainsi la maison de M me Rambert ? Pourquoi voulait-il la mort de cette pauvre femme, qui avait toujours été sa victime et qui ne pouvait pas être pour lui une ennemie dangereuse ?

Fantômas agissait-il par un simple besoin de cruauté, dans le simple désir de torturer Fandor ?

À la vérité, Fantômas avait cédé, en incendiant la maison, à de pressants motifs.

Une fois encore, en effet, il avait tranquillement raisonné, tranquillement réfléchi, tranquillement conclu ce qu’il importait de faire.

Le bandit connaissait en effet la ténacité de Juve et de Fandor. Il savait que ceux-ci ne lui laisseraient point la paix, que, lancés sur une piste, ils le poursuivraient sans trêve ni répit, s’il ne les forçait pas à s’occuper de tout autre chose.

Et Fantômas, qui peut-être à cet instant nourrissait un colossal dessein, peut-être méditait un crime effroyable, ourdissant une de ces intrigues ténébreuses dont il aimait à dénouer les fils, Fantômas, qui avait besoin de ne pas être talonné par Juve et par Fandor, inventait de mettre le feu à la maison de M me Rambert, en se disant :

— Assurément, ils perdront ma trace, ils s’occuperont de la morte, j’aurai le temps de disparaître !

Fantômas ne se trompait pas, en vérité. Dès la minute où il apercevait le terrible incendie, dès l’instant ou il prenait conscience du danger que courait sa mère, Jérôme Fandor cessait de s’acharner à la poursuite de Fantômas pour ne plus songer qu’au péril qui menaçait celle qu’il venait enfin de retrouver.

Fandor n’hésita pas.

Il fonçait vers le brasier comme il avait foncé sur Fantômas. Le vent projetait la fumée de son côté, il crut vite qu’il allait étouffer, asphyxié par l’atmosphère suffocante.

Mais qu’importait, grand Dieu, puisqu’il courait vers sa mère, puisqu’il s’agissait de sauver sa mère ?

Le jeune homme, traversant les flammes, sentant ses habits roussir sur lui, se brûlant aux pans de bois qui commençaient à s’écrouler, s’élançait bientôt à l’intérieur de la maison en flammes.

Des paysans déjà étaient accourus. Il y avait des cris, des hurlements.

Comme dans un rêve, Jérôme Fandor crut comprendre que toute une foule lui conseillait de ne pas entrer, hurlait dans une folie d’épouvante qu’il allait à la mort.

La lueur de l’incendie était aveuglante à l’intérieur de la maison. La chaleur qui y régnait eût suffi à faire l’air irrespirable.

Jérôme Fandor crut que sa poitrine était en feu. Chaque aspiration entraînait dans ses poumons des gaz asphyxiants et surchauffés ; un vertige commençait à faire tourner sa tête. Ses joues saignaient, il avait un bras horriblement brûlé. Il avança encore…

À ce moment, Jérôme Fandor n’agissait plus qu’à la manière d’un automate, incapable de raisonner et de réfléchir.

— La chambre est là, se disait-il, au fond du couloir, à droite…

Et, les mains en avant, comme s’il eût pu écarter les flammes et la fumée, il avançait.

Jérôme Fandor titubait bien vite. L’incendie semblait couler pour ainsi dire devant lui. Des bidons de pétrole, en effet, éclataient à la chaleur du feu et déversaient, du haut du premier étage, un véritable fleuve de flammes.

Il lui fallait traverser cela.

— Maman ! maman ! râla-t-il.

Mais il se jetait toujours en avant. Il atteignait la porte de la chambre de sa mère, cette porte où, quelques instants plus tôt, il avait eu avec Fantômas un scène si terrible.

Fandor, aux trois quarts asphyxié, mort presque, debout par un prodige d’énergie, ouvrit la porte qui flambait.

Une surprise devait lui être réservée.

La chambre de M me Rambert était peut-être le seul endroit de la maison qui ne fût pas encore tout à fait en feu. Comme la malade, en effet, n’avait pas quitté cette pièce depuis de longs jours, Fantômas n’avait pas pu y dissimuler du pétrole.

Fandor, en entrant, eut l’impression de trouver un peu d’air respirable ; il vit en même temps que sa mère était toujours là, qu’elle était à genoux sur son lit, qu’elle faisait de grands gestes, des gestes de démence, qu’elle riait !…

— Mon Dieu ! mon Dieu ! gémit Fandor.

Il ne sentait plus à ce moment ses brûlures terribles. L’incendie grondait… Il n’avait point conscience que les flammes s’attachaient sur ses pas, qu’elles entraient par la porte ouverte, que, trouvant des matériaux nouveaux, elles renouvelaient de vigueur… Il ne pensait point que la retraite lui serait coupée et qu’il ne sortirait pas vif de cet enfer !…

Jérôme Fandor ne pouvait imaginer rien d’autre que le danger couru par sa mère.

Épuisé, il retrouvait pourtant quelque peu d’énergie, une vaillance même, pour sauver celle qui lui était naturellement si chère.

Jérôme Fandor prit sa mère dans ses bras, il l’entourait dans une couverture pour la protéger de la chute des décombres. Puis, chargé de ce fardeau précieux, n’ayant pas dit un mot, entendant toujours rire d’un rire étrange et démoniaque celle qu’il emportait, il revint en arrière, voulut sortir de la maison.

Jérôme Fandor avait fait un prodige en se frayant un passage à travers l’incendie jusqu’à la chambre de sa mère, et c’était en réalité un miracle qu’il essayait en tentant de quitter cette chambre, et de s’évader des flammes.

Désormais, la maison s’écroulait tout entière.

Les murs s’affaissaient les uns contre les autres, des poutres de fer tordues par la flamme, rougies à blanc, s’écroulaient en un enchevêtrement inextricable.

Il n’y avait plus un coin de la bâtisse qui ne fût en flammes.

Jérôme Fandor, pourtant, avança.

Il se jetait en avant, comme un soldat se jette à l’assaut. Les flammes lui faisaient l’effet d’être de véritables ennemies, il luttait avec elles corps à corps.

Il parut au journaliste qu’il restait une heure dans cette géhenne, il lui fallait en réalité trois minutes au moins pour traverser la maison, se rapprocher de la porte. Déjà, il entrevoyait le salon, déjà il se croyait sauf, lorsqu’un coup violent le heurtait à l’épaule, le renversait.

Jérôme Fandor ne lâcha point sa mère, mais il s’écroula comme une masse, il sentit qu’il était écrasé entre le dallage surchauffé du vestibule et quelque énorme morceau de ferraille que les flammes léchaient encore…

— Mais, fichtre de nom d’un chien ! Juve, vous êtes assommant, il n’y a pas moyen de causer avec vous !… Si maintenant, chaque fois que j’ouvre la bouche, vous fichez le camp sans vouloir me renseigner, j’aime autant que vous me plaquiez ici !

C’était Jérôme Fandor qui fulminait, Jérôme Fandor qui s’essayait à affecter une gaieté qui était loin de son cœur.

Le jeune homme se trouvait alors étendu dans le lit blanc d’une chambre d’hôtel assez confortable. Il avait un énorme bandeau autour du front. Un pansement lui enserrait le cou, son bras droit était en écharpe, et, sous les couvertures, on devinait sa jambe raidie dans un appareil de plâtre.

Juve était devant lui, Juve fumait une cigarette, haussait les épaules et grognait.

À la diatribe de Fandor, il répondit :

— Eh bien, c’est cela, je vais te plaquer ! Après tout, tu deviens assommant, Fandor. Tu radotes comme un vieillard de soixante-dix ans…

— En quoi, Juve ?

— En tout !

Et Juve, haussant les épaules, continuait :

— Voilà vingt fois au moins que tu me demandes comment il se fait que tu n’es pas mort ! Eh bien, mon bon, tu n’es pas mort tout bonnement parce que, quand tu es tombé, tu étais à peu près sorti de la maison et que l’on n’a eu qu’à te retirer un peu plus loin, toi et ta mère, car tu n’avais pas lâché ta mère !

Juve, à la vérité, mentait.

Si Fandor n’était pas mort, c’était en réalité parce que Juve l’avait bel et bien sauvé.

Le policier était survenu sur les lieux du sinistre, juste à temps, en effet, pour entendre la clameur dont la foule saluait l’écroulement d’un pan de muraille.

— Il n’y a personne, là-dedans, au moins ? s’informait Juve.

On lui répondit qu’un jeune homme s’était précipité pour sauver la propriétaire, et qu’il n’avait pas reparu.

Juve, naturellement, n’en demandait pas davantage.

Il comprenait immédiatement que le jeune homme était Fandor, il devinait quelque drame effroyable, et, n’écoutant que son courage, tranquillement, il entrait dans le brasier.

Juve, par bonheur, n’avait pas à aller trop loin. Il découvrait assez vite les corps enlacés de Jérôme Fandor et de M me Rambert qui étaient pris sous une énorme poutre. Juve fit effort, les arracha de cette terrible situation.

Il sauva M me Rambert, d’abord, puisque c’était une femme, puis, risquant une effroyable mort, il rentra une seconde fois dans le brasier pour en retirer Jérôme Fandor.

C’était ce que Juve appelait avoir « tiré Fandor un peu plus loin » !

Le journaliste, affreusement brûlé, s’était réveillé d’un long évanouissement dans une chambre d’hôtel où Juve l’avait fait transporter, cependant qu’on installait à côté la pauvre M me Rambert.

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