Micah Clarke Tome III. La Bataille de Sedgemoor - Конан-Дойль Артур 4 стр.


Un autre me prit corps à corps avant que j'eusse dégagé mon arme, mais je l'écartai violemment de ma main gauche, puis j'abattis sur sa tête le plat de mon épée, et je l'étendis sans connaissance sur le pavé.

Dieu le sait, je n'avais nul désir d'ôter la vie à ces fanatiques égarés, ignorants, mais la nôtre était en jeu.

Un homme des marais, qui avait plutôt l'air d'une bête sauvage velue que d'un être humain, s'élança au dessus de mon arme et me saisit par les genoux pendant qu'un autre abattait son fléau sur mon casque, d'où le coup glissa sur mon épaule.

Un troisième me porta un coup de pique et m'atteignit à la cuisse, mais d'un coup je tranchai son arme en deux, et d'un autre je lui fendis la tête.

À cette vue, l'homme au fléau recula.

Une violente ruade me délivra de la créature sans armes, aux apparences simiesques, qui était à mes pieds, si bien que je me trouvai débarrassé de mes adversaires, sans avoir souffert de la rencontre, si ce n'est une égratignure à la cuisse et une certaine raideur dans le cou et l'épaule.

Je regardai autour de moi et je vis que mes compagnons avaient également réussi à écarter leurs agresseurs.

Saxon tenait de la main gauche sa rapière sanglante.

Le sang coulait à petites gouttes d'une blessure légère qu'il avait reçue à la main droite.

Devant lui gisaient, l'un sur l'autre, deux mineurs, mais aux pieds de Sir Gervas, il n'y avait pas moins de quatre corps entassés.

Au moment où je le regardai, il avait tiré sa tabatière et il s'inclinait devant Lord Grey, et d'un gracieux mouvement, il la lui présentait, l'air aussi insouciant que s'ils s'étaient rencontrés dans un café de Londres.

Buyse s'appuyait sur son grand sabre et considérait d'un air sombre un corps décapité, qui gisait devant lui, et qu'à ses vêtements je reconnus pour être celui du prédicant.

Pour Ruben, il était sain et sauf, mais il témoignait une vive inquiétude au sujet de ma légère entaille, malgré tout ce que je fis pour lui prouver que c'était moins grave que tant de déchirures causées par les branches ou les épines, que nous avions jadis reçues en allant ensemble cueillir les mûres.

Les fanatiques, bien qu'ils eussent été repoussés, n'étaient pas gens à s'en tenir à une première défaite.

Ils avaient perdu dix des leurs, y compris leur chef, sans arriver à forcer notre ligne, mais cet échec ne servit qu'à exaspérer leur furie.

Ils se rassemblèrent, haletants, dans une aile de l'église, pendant une ou deux minutes.

Puis, poussant un hurlement de rage, ils s'élancèrent une seconde fois et firent un effort désespéré pour se frayer un passage jusqu'à l'autel.

Cette fois, la lutte fut plus acharnée, plus prolongée que la première.

Un de nos hommes reçut un coup de poignard au cœur, à travers les barreaux et tomba sans pousser un gémissement.

Un autre fut étourdi par un bloc de maçonnerie que lança sur lui un gigantesque montagnard.

Ruben fut jeté à terre d'un coup de massue, et il aurait été traîné au dehors et haché en morceaux, si je ne m'étais pas dressé au-dessus de lui et si je n'avais pas écarté ses adversaires.

Sir Gervas perdit l'équilibre sous le flot des assaillants, mais quoique étendu à terre, il se débattait comme un chat sauvage blessé, frappant furieusement tout ce qui se trouvait à sa portée.

Buyse et Saxon, dos à dos, se tenaient debout solidement au milieu de la foule bouillonnante, qui s'élançait sur eux, et chacun de leurs coups d'épée lancés à toute volée abattait son homme.

Mais dans une pareille lutte, le nombre devait l'emporter, et pour ma part je dois reconnaître que je commençais à avoir des craintes sur le dénouement de notre querelle, quand les pas lourds d'une troupe disciplinée résonnèrent dans la cathédrale.

C'étaient les mousquetaires du baronnet qui arrivaient en hâte par la nef centrale.

Les fanatiques n'attendirent pas leur charge.

Ils s'enfuirent par-dessus les bancs, les stalles, poursuivis par nos alliés furieux de voir à terre leur bien-aimé capitaine.

Il y eut une ou deux minutes d'effarements, des bruits de pas, des coups de poignard, des plaintes sourdes, des fracas de crosses de mousquets tombant sur les dalles de marbre.

Parmi les émeutiers, quelques-uns furent tués, mais le plus grand nombre jetèrent leurs armes et furent arrêtés sur l'ordre de Lord Grey.

En même temps, une forte garde fut placée aux portes, pour s'opposer à toute nouvelle explosion de la rage sectaire.

Lorsqu'enfin la cathédrale fut vide et l'ordre rétabli, nous pûmes à loisir regarder autour de nous et nous rendre compte de ce que nous avions souffert.

Dans toutes mes pérégrinations, dans les nombreuses guerres auxquelles j'ai pris part, à côté desquelles cette affaire de Monmouth ne fut qu'une simple escarmouche, je ne vis jamais scène plus étrange ou plus émouvante.

À la faible et solennelle lueur, le tas de cadavres en avant de la grille, avec leurs membres tordus, leurs faces blêmes et contractées, avait un aspect fort mélancolique, des plus fantastiques.

La lumière du soir, passant par un des rares vitraux, qui n'avaient point été brisés, jetait de grandes taches d'un rouge vif et d'un vert livide sur l'amas de corps immobiles.

Quelques blessés étaient assis dans les stalles du premier rang ou gisaient sur les marches, demandant à boire d'une voix plaintive.

Aucun de ceux de notre petite troupe ne s'était tiré d'affaire sans égratignure.

Trois de nos hommes avaient été bel et bien égorgés; un quatrième gisait assommé.

Buyse et Sir Gervas avaient de fortes contusions, Saxon une entaille au bras droit.

Ruben avait été abattu d'un coup de gourdin et aurait été certainement massacré sans la forte trempe de la cuirasse donnée par Sir Jacob Clancing qui avait détourné un violent coup de pique.

Quant à moi, ce n'est guère la peine d'en parler, mais j'entendais dans ma tête des bourdonnements comparables au chant de la bouilloire d'une ménagère, et ma botte était pleine de sang, ce qui était peut-être un bienfait involontaire. Sneckson, notre barbier de Havant, ne cessait-il pas de me corner aux oreilles qu'après une saignée je ne m'en trouverais que mieux.

Pendant ce temps, toutes les troupes avaient été réunies et on avait écrasé la mutinerie sans retard.

Sans doute il y avait parmi les Puritains bien des gens qui ne voulaient aucun bien aux Prélatistes, mais aucun, à part les fanatiques les plus écervelés, ne pouvait se dissimuler que la mise à sac de la Cathédrale armerait toute l'Église d'Angleterre et ruinerait la cause pour laquelle ils combattaient.

En tout cas, de grands ravages avaient été commis, car, pendant que la bande du dedans s'était occupée à briser tout ce qui se trouvait sous sa main, d'autres, au dehors, avaient abattu les corniches, les gargouilles, avaient même arraché le plomb qui couvrait la toiture et l'avait jeté en grandes feuilles à ceux d'en bas.

Ce dernier forfait servit du moins à quelque chose, car l'armée n'était pas trop bien approvisionnée de munitions.

Le plomb fut donc recueilli par l'ordre de Monmouth et on en fondit des balles.

On garda à vue quelque temps les prisonniers, mais on jugea imprudent de les punir, en sorte qu'on finit par leur pardonner, en les renvoyant de l'armée.

Le second jour de notre arrivée à Wells, comme le temps était enfin redevenu beau et ensoleillé, une revue générale de l'armée fut passée dans la campagne autour de la ville.

On trouva alors que l'infanterie comptait six régiments de neuf cents hommes, en tout cinq mille quatre cents.

Sur ce nombre, quinze cents étaient armés de mousquets; deux mille étaient des piquiers, les autres armés de faux des paysans avec des fléaux et des maillets.

Quelques corps, comme le nôtre et celui de Taunton, pouvaient prétendre à passer pour des soldats, mais le plus grand nombre étaient encore des laboureurs et des artisans auxquels on aurait mis des armes à la main.

Et pourtant, mal armés, mal dressés, c'étaient toujours des Anglais pleins de vigueur et d'endurance, de courage et de zèle religieux.

Le léger et mobile Monmouth reprenait courage, en voyant leur attitude énergique, en écoutant leurs cordiales acclamations.

Comme je me trouvais à cheval près de son état-major, je l'entendis parler avec enthousiasme à ceux qui étaient à côté de lui et demander s'ils croyaient possible que ces beaux gaillards fussent battus par des mercenaires sans entrain.

 Qu'en dites-vous, Wade? s'écria-t-il. Est-ce que nous ne verrons jamais un sourire sur la figure que vous faites? Ne voyez-vous pas le sac de laine qui vous attend, lorsque vous jetez les yeux sur ces braves garçons?

 Dieu me préserve de dire un seul mot pour refroidir l'ardeur de Votre Majesté, répondit l'homme de loi, mais je me rappelle le temps où Votre Majesté, à la tête de mercenaires pareils à ceux de l'ennemi, tailla en pièces et mit en déroute des hommes aussi braves que ceux-ci au Pont de Bothwell.

 C'est vrai, c'est vrai, dit le Roi en passant la main sur son front par un geste qui lui était habituel quand il était vexé, fâché. C'étaient de vaillants hommes, les Covenantaires de l'Ouest, et pourtant ils n'ont pu résister au choc de nos bataillons. Mais ils n'étaient point dressés, tandis que ceux-ci savent combattre en ligne et exécuter un feu de file avec autant de précision qu'on peut le désirer.

 Quand même nous n'aurions ni un canon, ni un pétrinal, dit Ferguson, quand nous n'aurions pas même une épée, quand nous serions réduits à nos mains, le Seigneur nous donnerait la victoire, si cela semblait bon à ses yeux qui voient tout.

 Toutes les batailles sont affaire de chance, Votre Majesté, fit remarquer Saxon, dont le bras était entouré d'un mouchoir. Un incident heureux, une faute légère, un hasard que nul ne saurait prévoir peuvent survenir selon toute vraisemblance et faire pencher la balance. J'ai perdu alors que j'avais l'air de gagner et j'ai gagné quand j'étais sur le point de perdre. C'est une partie incertaine, et personne ne peut savoir comment elle tournera avant que la dernière carte soit abattue.

 Non, pas tant que les enjeux sont encore sur la table, dit Buyse de sa voix profonde et gutturale. Plus d'un général gagne ce que vous appelez la partie et cependant perd la belle.

 La partie, c'est la bataille, et la belle c'est la campagne, dit le Roi en souriant. Notre ami allemand est un maître en métaphores de bivouac. Mais je trouve que nos pauvres chevaux sont dans un piteux état. Que dirait notre cousin Guillaume, là-bas, à la Haye, s'il voyait un pareil défilé?

Pendant cet entretien, la longue colonne d'infanterie avait défilé jusqu'au bout, portant encore les étendards avec lesquels elle était venue à la guerre, mais fort endommagés par le vent et les intempéries.

Les remarques de Monmouth avaient été provoquées par l'aspect des dix escadrons de cavalerie qui suivaient les fantassins.

Les chevaux avaient été terriblement fatigués par le travail continuel et la pluie incessante.

Les cavaliers, ayant laissé la rouille atteindre leurs casques et leurs cuirasses, avaient l'air aussi mal en point que leurs montures.

Il était évident pour le moins expérimenté d'entre nous que, si nous voulions tenir bon, nous devions surtout compter sur notre infanterie.

Le reflet des armes, se multipliant sur les crêtes des basses collines, tout autour de nous, et brillant çà et là, quand les rayons du soleil les frappaient, nous montraient combien l'ennemi était fort sur le point même qui était le plus faible de notre côté.

Mais en somme cette revue de Wells nous ragaillardit, car elle nous fît voir que les hommes conservaient leur entrain, et qu'ils ne nous en voulaient pas de la rude façon dont nous avions traités les fanatiques de la veille.

La cavalerie de l'ennemi voltigea autour de nous, pendant ces jours-là, mais son infanterie avait été retardée par le mauvais temps et le débordement des cours d'eau.

Le dernier jour de juin, on partit de Wells et on traversa des plaines égales, couvertes de roseaux.

Puis on franchit les basses collines de Polden, pour arriver à Bridgewater, où nous attendaient quelques recrues.

Monmouth songea un instant à y faire halte et commença même à élever quelques ouvrages de terre, mais on lui fit remarquer que lors même qu'il pourrait tenir bon dans la ville, il ne s'y trouvait des provisions que pour peu de jours.

Le pays environnant avait été nettoyé si complètement qu'on ne devait guère s'attendre à en retirer davantage.

Les ouvrages furent donc abandonnés.

Ainsi donc, bel et bien réduits aux abois, sans la moindre fente pour nous échapper, nous attendîmes l'approche de l'ennemi.

III Du grand cri qui part d'une maison isolée

Là se terminent nos marches et contremarches monotones.

Nous étions cette fois au pied du mur, ayant en face de nous toutes les forces du gouvernement.

Il ne nous arrivait aucune nouvelle d'un soulèvement, d'un mouvement en notre faveur dans une partie quelconque de l'Angleterre.

Partout, les Dissenters étaient jetés en prison, et l'Église avait le dessus.

La milice des comtés, dans le Nord, dans l'Est, dans l'Ouest, marchait contre nous.

Six régiments hollandais, prêtés par le Prince d'Orange, étaient arrivés à Londres et on disait qu'il y en avait d'autres en route.

La capitale avait mis sur pied dix mille hommes.

Partout on enrôlait, on marchait pour renforcer l'élite de l'armée anglaise, qui était déjà dans le comté de Somerset.

Et tout cela dans le but d'écraser cinq ou six mille pieds terreux et pêcheurs, à demi armés, sans un penny, prêts à sacrifier leurs existences pour un homme et pour une idée.

Mais c'était une idée noble, une de celles qui méritent amplement qu'on leur sacrifie tout et qu'on se dise que c'était un sacrifice bien placé.

En effet, ces pauvres paysans auraient éprouvé de grandes difficultés à dire, dans leur langage pauvre et gauche, toutes leurs raisons, mais au plus profond de leur cœur, il y avait la certitude, le sentiment qu'ils luttaient pour la cause de l'Angleterre, qu'ils défendaient la véritable personnalité de leur pays contre ceux qui voulaient détruire les systèmes de jadis, grâce auxquels elle avait marché à la tête des nations.

Trois ans plus tard, on vit cela clairement.

Alors on reconnut que nos compagnons illettrés avaient aperçu et apprécié les signes du temps avec plus de justesse que ceux qui se disaient leurs supérieurs.

Il y a, selon mon opinion, des phases du progrès humain, auxquelles convient admirablement l'Église Romaine.

Lorsque l'intelligence d'une nation est jeune, il est peut-être préférable qu'elle ne s'occupe point d'affaires spirituelles, qu'elle s'appuie sur l'antique support de la coutume et de l'autorité.

Mais l'Angleterre avait rejeté ses langes et était devenue une pépinière d'hommes énergiques et de penseurs, disposés à ne s'incliner devant aucune autre autorité que celle que reconnaissaient leur raison et leur conscience.

C'était une tentative désespérée, inutile, et folle que de vouloir ramener les gens à une croyance que leur développement avait dépassée.

Назад Дальше