Ivanhoe. 2. Le retour du croisé - Вальтер Скотт 2 стр.


Gurth remercia le capitaine, et l'assura qu'il suivrait son avis. Deux des outlaws, armés de leurs bâtons, lui dirent alors de les suivre, et traversèrent ensemble la forêt, par un petit sentier embarrassé de broussailles, et à nombreux détours. Sur la lisière du bois, deux hommes parlèrent à ses guides, et en reçurent à l'oreille une réponse qui permit de continuer la marche sans encombre. Le fidèle écuyer reconnut que la précaution du chef n'avait pas été vaine, et il conclut de cette circonstance que la bande était nombreuse, et qu'il y avait une garde régulière autour du lieu de leur rendez-vous.

En arrivant sur la bruyère, Gurth n'aurait pu y trouver son chemin, qui n'était pas celui par où il était venu; mais ses deux guides l'accompagnèrent jusqu'à une petite éminence du haut de laquelle, au clair de la lune, on distinguait la place du tournoi, les tentes dressées à chaque bout, avec les pannonceaux qui les ornaient, et que le vent balançait encore; on entendait même le chant dont les sentinelles cherchaient à égayer leur faction nocturne.

Ici les deux voleurs s'arrêtèrent. «Nous n'irons pas plus loin, lui dirent-ils; car il y aurait de notre part imprudence à le tenter. Rappelle-toi l'avertissement que tu as reçu. Garde le secret sur ce qui t'est survenu cette nuit, tu n'auras pas sujet de t'en repentir. Mais si tu t'avisais de parler, la tour de Londres ne te protégerait pas contre notre vengeance.» «Grand merci et bonne nuit, messieurs, dit Gurth, je suis discret de mon naturel, mais je me flatte que sans vous offenser, je puis vous souhaiter un meilleur état que le vôtre.

À ces mots ils se séparèrent. Les outlaws reprirent le chemin par où ils étaient venus, et Gurth se rendit à la tente de son maître, auquel, nonobstant l'injonction qu'il avait reçue, il conta toutes ses aventures de la nuit. Le chevalier déshérité éprouva un étonnement inexprimable, non moins de la générosité de Rébecca, dont cependant il résolut de ne pas profiter, que de celle des voleurs, à la profession desquels un pareil sentiment paraît si étranger. Ses réflexions sur ces événemens singuliers furent toutefois interrompues par le besoin qu'il avait de repos; les fatigues de la journée et celles qui l'attendaient le lendemain le lui rendaient indispensable. Il se mit donc sur une superbe couche que les maréchaux du tournoi lui avaient fait préparer; et, de son côté, le fidèle gardien de pourceaux s'étendit sur une peau d'ours, à travers l'entrée du pavillon, de manière que personne n'eût pu s'y introduire sans l'éveiller.

CHAPITRE XII

«Les hérauts cessent maintenant de toucher, serrer et remonter leurs trompettes et leurs clairons, qui ne font plus entendre leurs sons éclatans. Il ne reste plus rien à dire ou à faire; mais de toutes parts on voit les lances se précipiter au milieu des ennemis; ici l'éperon pointu est poussé dans le flanc; là vous voyez des jouteurs et des cavaliers; autre part des javelots frappant des boucliers volent en éclats; la pointe se fait jour jusqu'au coeur; les lances volent dans les airs à vingt pieds de hauteur; les épées, brillantes comme l'argent, cherchent des casques à briser, des cuirasses à mettre en lambeaux: le sang jaillit de toutes les plaies et forme de longs ruisseaux.»

Chaucer.

Le jour reparut dans tout son éclat; et avant que le soleil se fût un peu élevé sur l'horizon, les plus tardifs comme les plus empressés des spectateurs étaient accourus de toutes parts vers le cercle tracé autour de la lice, afin de s'assurer le poste le plus favorable, pour voir les joutes qui allaient commencer. Les maréchaux du tournoi et leurs suivans arrivèrent bientôt dans l'arène, avec les hérauts d'armes, pour recevoir les noms des chevaliers décidés à combattre, et leur demander sous quel étendard ils voulaient se ranger. C'était une précaution indispensable qui devait établir l'égalité entre les deux corps prêts à être opposés l'un à l'autre.

Suivant l'usage, le chevalier déshérité, qui avait triomphé dans le dernier tournoi, devenait de droit le chef d'une des deux troupes, tandis que Brian de Bois-Guilbert, regardé comme le second qui avait obtenu le plus de gloire dans le jour précédent, fut déclaré le premier champion de l'autre bande. Ceux qui la veille s'étaient rangés de son parti revinrent sous son drapeau, excepté Ralph de Vipont, que sa chute avait mis hors d'état de reprendre de sitôt son armure. Il ne manqua pas de vaillans et nobles candidats pour remplir les rangs de l'une et l'autre cohorte. En effet, bien que le tournoi général, dans lequel beaucoup de chevaliers combattaient à la fois, devînt plus dangereux que des combats singuliers, à cette époque du moyen âge, on le préférait toujours. Une foule de ces mêmes chevaliers, qui n'avaient pas assez de confiance dans leur propre habileté pour défier un seul adversaire d'une haute réputation, désiraient néanmoins déployer leur courage dans un combat général, où ils pouvaient lutter contre des champions moins redoutables. Cinquante chevaliers étaient déjà inscrits, lorsque les maréchaux déclarèrent qu'il n'en serait pas admis un plus grand nombre, ce dont plusieurs autres, arrivés trop tard, éprouvèrent bien du regret.

Vers dix heures, toute la plaine était couverte par une multitude de personnes des deux sexes, à cheval ou à pied, empressées au tournoi; et bientôt des fanfares annoncèrent le prince Jean et sa suite. Le monarque était entouré de la plupart des chevaliers qui se proposaient de prendre une part active à la lutte, aussi bien que de ceux dont le rôle devait se borner à celui de spectateurs. Dans le même instant arriva le Saxon Cedric avec lady Rowena, mais non suivi du baron Athelstane. Ce dernier avait revêtu une forte armure, afin de se mêler parmi les combattans; et, à la grande surprise de Cedric, il avait pris son rang sous la bannière du Templier. Le Saxon fit à son ami de très vives remontrances sur un choix si peu judicieux; mais il n'en avait reçu qu'une réponse évasive, comme en donnent ordinairement ceux qui s'obstinent beaucoup plus à suivre une détermination qu'à la justifier.

Athelstane cependant avait une excellente raison pour adhérer au parti de Brian de Bois-Guilbert; mais il eut la prudence de ne point la révéler. Quoique l'apathie de son humeur fût loin de le porter à faire aucune démarche pour gagner les bonnes grâces de lady Rowena, il s'en fallait qu'il demeurât insensible à ses charmes, et il considérait son alliance avec elle comme une chose irrévocablement fixée par le consentement de Cedric et des autres amis que la jeune personne eût pu consulter. Aussi était-ce avec un déplaisir extrême qu'il avait vu le vainqueur de la veille, usant de la prérogative que la coutume lui accordait, porter son choix sur lady Rowena, et la proclamer reine de la beauté et de l'amour. Pour le punir d'une préférence qui venait en quelque sorte contrarier ses desseins, Athelstane, confiant dans sa force et son habileté, que du moins ses flatteurs ne manquaient pas de vanter, résolut non seulement de priver du secours de son bras le chevalier déshérité, mais même, si l'occasion s'en présentait, de lui faire sentir le poids de sa hache d'armes. Bracy et d'autres chevaliers attachés au prince Jean s'étaient rangés parmi les tenans, d'après l'ordre de leur maître, qui par tous les moyens désirait assurer la victoire au drapeau de Brian de Bois-Guilbert. Du côté opposé, beaucoup d'autres chevaliers normands ou anglais s'étaient déclarés contre les tenans, d'autant plus volontiers qu'ils étaient fiers de suivre un champion aussi brave que le chevalier déshérité.

Sitôt que le prince Jean vit que la reine du jour était arrivée, il vint à sa rencontre avec cet air de courtoisie qu'il savait si bien prendre quand il le voulait, et, ôtant de sa tête la riche toque dont elle était parée, il descendit de cheval, et offrit la main à lady Rowena, pour quitter également la selle de son palefroi, tandis que, le front découvert, l'un des premiers seigneurs de sa suite tenait la bride du coursier de la belle, qui hennissait, comme orgueilleux d'un tel fardeau. «C'est ainsi qu'il nous faut les premiers, s'écria le prince, donner l'exemple du respect dû à la reine de la beauté et de l'amour, en nous empressant de l'accompagner jusqu'au trône où son triomphe lui a acquis le doux privilége de s'asseoir aujourd'hui. Mesdames, ajouta-t-il, escortez votre souveraine, et rendez-lui tous les honneurs qu'un jour aussi vous recevrez sans doute à votre tour.» En disant ces paroles, il conduisit Rowena au siége d'honneur, vis-à-vis de son trône, tandis que les dames les plus distinguées par leur naissance et leur beauté se pressaient, afin d'obtenir les places les plus voisines de leur reine éphémère.

Sitôt que le prince Jean vit que la reine du jour était arrivée, il vint à sa rencontre avec cet air de courtoisie qu'il savait si bien prendre quand il le voulait, et, ôtant de sa tête la riche toque dont elle était parée, il descendit de cheval, et offrit la main à lady Rowena, pour quitter également la selle de son palefroi, tandis que, le front découvert, l'un des premiers seigneurs de sa suite tenait la bride du coursier de la belle, qui hennissait, comme orgueilleux d'un tel fardeau. «C'est ainsi qu'il nous faut les premiers, s'écria le prince, donner l'exemple du respect dû à la reine de la beauté et de l'amour, en nous empressant de l'accompagner jusqu'au trône où son triomphe lui a acquis le doux privilége de s'asseoir aujourd'hui. Mesdames, ajouta-t-il, escortez votre souveraine, et rendez-lui tous les honneurs qu'un jour aussi vous recevrez sans doute à votre tour.» En disant ces paroles, il conduisit Rowena au siége d'honneur, vis-à-vis de son trône, tandis que les dames les plus distinguées par leur naissance et leur beauté se pressaient, afin d'obtenir les places les plus voisines de leur reine éphémère.

À peine fut-elle assise, que des fanfares et des acclamations saluèrent sa nouvelle dignité. Les rayons du soleil, alors dans tout son éclat, se réfléchissaient sur les armes des chevaliers qui, aux deux extrémités de la lice, se concertaient vivement sur la manière dont ils disposeraient leur ligne, et soutiendraient l'assaut.

Les hérauts d'armes commandèrent alors le silence, jusqu'à ce qu'on eût terminé la lecture des règles du tournoi. Elles étaient calculées de façon à diminuer jusqu'à un certain point les dangers du combat; précaution devenue d'autant plus nécessaire, qu'on devait faire usage d'épées et de lances affilées. Aussi, était-il expressément défendu aux champions de pousser de la pointe; il ne leur était permis que de frapper du plat de la lame. Un chevalier pouvait à son gré se servir d'une massue ou d'une hache d'armes; mais le poignard lui était interdit. Tout chevalier désarçonné pouvait renouveler à pied le combat avec un autre adversaire qui se trouvait dans le même cas; mais alors nul cavalier ne pouvait l'attaquer. Lorsqu'un chevalier parvenait à repousser son antagoniste jusqu'à l'extrémité de la lice, de manière à lui faire toucher, de sa personne et de ses armes, la palissade, celui-ci était tenu de s'avouer vaincu, et son armure et son coursier passaient à la disposition du vainqueur. Un chevalier ainsi défait ne pouvait plus rentrer en lice. Si un chevalier tombait renversé et hors d'état de se relever, son page pouvait entrer dans l'arène et emporter son maître hors de l'enceinte; mais alors ce chevalier était déclaré vaincu, et privé de ses armes et de son cheval. Le combat devait cesser dès que le prince Jean jetterait dans l'arène son bâton de commandement; autre précaution usitée pour empêcher l'inutile effusion du sang, par la trop longue prolongation d'une joute désespérée. Tout chevalier qui transgressait les règles du tournoi, ou, de quelque manière que ce fût, celles de la chevalerie, pouvait être dépouillé de ses armes, et obligé, son bouclier renversé, de s'asseoir dans cette posture sur les barreaux de la palissade, exposé à la risée publique, en punition de sa déloyale conduite.

Après avoir ainsi proclamé ces sages dispositions, les hérauts d'armes terminèrent par une exhortation à tout bon chevalier de remplir son devoir et de mériter la faveur de la reine de la beauté et de l'amour. Cette proclamation finie, les hérauts se retirèrent à leurs places respectives. Alors les chevaliers s'avancèrent lentement des deux bouts de la lice, rangés en double file exactement opposée l'une à l'autre, le chef de troupe au centre du premier rang, poste qu'il n'occupa qu'après avoir passé en revue son corps, et avoir assigné à chacun la place qu'il devait garder.

C'était un spectacle tout à la fois agréable et terrible, que de voir tant de valeureux champions richement armés, guidant de superbes coursiers, et se tenant tous prêts à une attaque formidable, fixés sur leur selle de guerre, comme autant de piliers d'airain, et attendant le signal du combat avec la même impatience que leurs généreux coursiers, qui, hennissant et frappant du pied la terre, brûlaient de commencer un choc épouvantable.

Pendant que les chevaliers tenaient leurs lances debout, les rayons du soleil en faisaient briller les pointes acérées, et des banderoles, les ornant à l'envi, flottaient sur les panaches qui ombrageaient l'éclat des casques belliqueux. Ils demeurèrent dans cette noble attitude pendant que les maréchaux du tournoi parcouraient les rangs avec une rigoureuse attention, de peur que l'un des deux partis ne se trouvât plus ou moins nombreux que l'autre. Assurés d'une balance égale, ils se retirèrent de la lice; et, d'une voix de tonnerre, Guillaume de Wyvil donna le signal en ces mots: «Laissez aller!» Les trompettes sonnèrent au même instant; les lances des chevaliers se baissèrent à la fois, et se mirent en arrêt; les éperons s'enfoncèrent dans les flancs des coursiers: des deux côtés les premiers rangs fondirent l'un sur l'autre au grand galop, et, lorsqu'ils se rencontrèrent au milieu de l'arène, leur choc fut si terrible, qu'on l'entendit à un mille de distance.

Le résultat de ce premier engagement ne fut pas sur-le-champ connu des spectateurs, car les flots de poussière élevés par le trépignement des chevaux obscurcirent l'air, et il fallut attendre quelques minutes avant de pouvoir juger l'effet de cette rencontre meurtrière. Aussitôt que l'on put apercevoir le champ de bataille, on vit de chaque côté que la moitié des chevaliers avaient été désarçonnés, les uns vaincus par la dextérité de leurs adversaires, les autres par une force plus grande qui avait abattu en même temps le cheval et le cavalier; quelques uns gisaient sur la terre comme dans une impossibilité absolue de se relever; d'autres étaient déjà sur pied, et serraient de près ceux de leurs ennemis qui se trouvaient dans la même position; deux ou trois avaient reçu de si graves blessures qu'ils se voyaient hors de combat, et, employant leurs écharpes à arrêter le sang, ils s'épuisaient en douloureux efforts pour s'éloigner du milieu de la foule et du bruit. Les chevaliers non démontés, mais dont presque toutes les lances avaient été rompues par la violence du choc, avaient maintenant l'épée à la main; ils poussaient leurs cris de guerre, et échangeaient leurs coups avec le même acharnement que si l'honneur et la vie de chacun eussent dépendu de l'issue de l'action.

Le tumulte s'accrut bientôt, lorsque de chaque côté le second rang, qui formait la réserve, se précipita au secours du premier. Les compagnons de Brian de Bois-Guilbert criaient: «Ah! Baucéan! Baucéan5! pour le Temple! pour le Temple!» Le parti opposé répondait: «Desdichado! desdichado!6» cri de guerre qu'il avait pris de la devise gravée sur le bouclier de son chef.

Les deux partis en vinrent derechef aux mains avec une inexprimable furie. Le succès était balancé, et la victoire flottait incertaine entre les combattans. Le cliquetis des armes et les cris des champions, se mêlant à l'âpre son des trompettes, étouffaient les gémissemens de ceux qui succombaient et roulaient, sur le sol et sans défense, sous les pieds des chevaux. Les éclatantes armures des guerriers étaient alors couvertes de poussière et de sang, et se brisaient aux coups réitérés du glaive et de la hache d'armes. Les plumes blanches qui décoraient les casques voltigeaient au gré de la brise comme des flocons de neige. Tout ce qu'il y avait de brillant et de gracieux dans le costume militaire s'était évanoui, et ce qui demeurait visible n'était plus de nature qu'à éveiller la crainte ou la pitié.

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