Discours par Maximilien Robespierre 17 Avril 1792-27 Juillet 1794 - Maximilien Robespierre 5 стр.


J'ai entendu quelques personnes me dire froidement que la municipalité devait proclamer la loi martiale. La loi martiale à l'approche de l'ennemi! La loi martiale, après la journée du 10! La loi martiale pour les complices du tyran détrôné contre le peuple! Que pouvaient les magistrats contre la volonté déterminée d'un peuple indigné, qui opposait à leurs discours, et le souvenir de sa victoire, et le dévouement avec lequel il allait se précipiter au devant des Prussiens, et qui reprochait aux lois mêmes la longue impunité des traîtres qui déchiraient le sein de leur patrie; ne pouvant les déterminer à se reposer sur les tribunaux du soin de leur punition, les officiers municipaux les engagèrent à suivre des formes nécessaires, dont le but était de ne pas confondre, avec les coupables qu'ils voulaient punir, les citoyens détenus pour des causes étrangères à la conspiration du 10 août; et ce sont les officiers municipaux qui ont exercé ce ministère, le seul service que les circonstances permettaient de rendre à l'humanité, qu'on vous a présentés comme des brigands sanguinaires.

Le zèle le plus ardent pour l'exécution des lois ne peut justifier ni l'exagération, ni la calomnie; or, je pourrais citer ici, contre les déclamations de M. Louvet, un témoignage non suspect: c'est celui du ministre de l'Intérieur, qui, en blâmant les exécutions populaires en général, n'a pas craint de parler de l'esprit de prudence et de justice que le peuple (c'est son expression) avait montré dans cette conduite illégale; que dis-je? je pourrais citer, on faveur du conseil général de la commune, M. Louvet lui-même, qui commençait l'une de ses affiches de La Sentinelle par ces mots: "Honneur au conseil général de la commune, il a fait sonner le tocsin, il a sauvé la patrie..." C'était alors le temps des élections.

On assure qu'un innocent a péri; on s'est plu à en exagérer le nombre: mais un seul c'est beaucoup trop sans doute; citoyens, pleurez cette méprise cruelle, nous l'avons pleurée dès longtemps; c'était un bon citoyen; c'était donc l'un de nos amis. Pleurez même les victimes coupables réservées à la vengeance des lois, qui ont tombé sous le glaive de la justice populaire; mais que votre douleur ait un terme comme toutes les choses humaines.

Gardons quelques larmes pour des calamités plus touchantes. Pleurez cent mille patriotes immolés par la tyrannie; pleurez nos citoyens expirants sous leurs toits embrasés, et les fils des citoyens massacrés au berceau ou dans les bras de leurs mères. N'avez-vous pas aussi des frères, des enfants, des épouses à venger? La famille des législateurs français, c'est la patrie; c'est le genre humain tout entier, moins les tyrans et leurs complices. Pleurez donc, pleurez l'humanité abattue sous leur joug odieux. Mais consolez-vous, si, imposant silence à toutes les viles passions, vous voulez assurer le bonheur de votre pays, et préparer celui du monde. Consolez-vous, si vous voulez rappeler sur la terre l'égalité et la justice exilées, et tarir, par des lois justes, la source des crimes et des malheurs de vos semblables.

La sensibilité qui gémit presque exclusivement pour les ennemis de la liberté m'est suspecte. Cessez d'agiter sous mes yeux la robe sanglante du tyran, ou je croirai que vous voulez remettre Rome dans ses fers. En voyant ces peintures pathétiques des Lamballe, des Montmorin, de la consternation des mauvais citoyens, et ces déclamations furieuses contre des hommes connus sous des rapports tout à fait opposés, n'avez-vous pas cru lire un manifeste de Brunswick ou de Condé? Calomniateurs éternels, voulez-vous donc venger le despotisme? Voulez-vous flétrir le berceau de la république? Voulez-vous déshonorer aux yeux de l'Europe la révolution qui l'a enfantée, et fournir des armes à tous les ennemis de la liberté? Amour de l'humanité, vraiment admirable, qui tend à cimenter la misère et la servitude des peuples, et qui cache le désir barbare de se baigner dans le sang des patriotes!

A ces terribles tableaux, mon accusateur a lié le projet qu'il me supposait d'avilir le corps législatif, qui, disait-il, était continuellement tourmenté, méconnu, outragé par un insolent démagogue qui venait à sa barre lui ordonner des décrets.

Espèce de figure oratoire, par laquelle M. Louvet a travesti deux pétitions que je fus chargé de présenter à l'Assemblée législative, au nom du conseil général de la commune, relativement à la création du nouveau département de Paris. Avilir le corps législatif! Quelle chétive idée vous étiez-vous donc formée de sa dignité? Apprenez qu'une assemblée où réside la majesté du peuple français ne peut être avilie, même par ses propres oeuvres. Quand elle s'élève à la hauteur de sa mission sublime, comment concevez-vous qu'elle puisse être avilie par les discours insensés d'un insolent démagogue? Elle ne peut pas plus l'être que la divinité ne peut être dégradée par les blasphèmes de l'impie; pas plus que l'éclat de l'astre qui anime la nature ne peut être terni par les clameurs des hordes sauvages de l'Asie.

Si des membres d'une assemblée auguste, oubliant leur existence comme représentants d'un grand peuple, pour ne se souvenir que de leur mince existence comme individus, sacrifiaient les grands intérêts de l'humanité à leur méprisable orgueil ou à leur lâche ambition, ils ne parviendraient pas même, par cet excès de bassesse, à avilir la représentation nationale; ils ne réussiraient qu'à s'avilir eux-mêmes.

Mais, puisqu'il faut qu'au mois de novembre 1792, je rende compte à la Convention nationale de ce que j'ai dit le 12 ou 13 août, je vais le faire. Pour apprécier ce chef d'accusation, il faut connaître quel était le motif de la démarche de la commune auprès du corps législatif.

La révolution du 10 août avait nécessairement fait disparaître l'autorité du département, avec la puissance de la cour, dont il s'était déclaré l'éternel champion; et le conseil général de la commune en exerçait le pouvoir. Il était fermement convaincu, comme tous les citoyens, qu'il lui serait impossible de soutenir le poids de la révolution commencée, si on se hâtait de le paralyser par la résurrection du département, dont le nom seul était devenu odieux. Cependant, dès le lendemain du premier jour de la révolution, des membres de la commission des 21, qui dirigeaient les travaux de l'assemblée, avaient préparé un projet de décret, dont l'objet était d'annuler l'influence de la commune, en la renfermant dans les limites qu'exerçait le conseil général qui l'avait précédée. Le même jour, des affiches, où elle était diffamée de la manière la plus indécente, couvrirent les murs de Paris; et nous connaissons les auteurs de ces affiches; ils ont beaucoup de rapports avec les auteurs de l'accusation à laquelle je réponds. Ce premier objet ayant échoué, on imagina de créer un nouveau département, et le 12 ou le 13 on surprit à l'Assemblée un décret qui en déterminait l'organisation. Le soir, je fus chargé par la commune, avec plusieurs autres députés, de venir présenter à l'Assemblée législative des observations puisées dans le principe que j'ai indiqué. Elles furent appuyées par plusieurs membres, notamment par Lacroix, qui alla même jusqu'à censurer la commission des Vingt-et-Un, à qui il attribuait le décret; et, sur sa rédaction même, rassemblée décréta que les fonctions du nouveau corps administratif se borneraient aux matières d'impositions, et que. relativement aux mesures de salut public et de police, le conseil général ne correspondrait directement qu'avec le corps législatif. Deux jours après, une circonstance singulière nous ramena à la barre pour le même objet. La lettre de convocation, expédiée par le ministre Roland pour nommer les membres de l'administration provisoire du département, était motivée non sur le dernier décret qui en circonscrivait les fonctions, mais sur le premier décret, que l'Assemblée législative avait changé. Le conseil général crut devoir réclamer contre cette conduite, et il crut que le seul moyen de prévenir toutes ces divisions et tous les conflits d'autorité, si dangereux dans ces circonstances critiques, était que l'administration provisoire ne prît que le titre de commission administrative, qui déterminait clairement l'objet des fonctions qui lui étaient attribuées par le dernier décret. Tandis qu'on discutait cette question à la commune, les membres nommés pour remplacer le directoire viennent lui jurer fraternité, et lui déclarer qu'ils ne voulaient prendre d'autre titre que celui de commission administrative. Ce trait de civisme, digne des jours qui ont vu renaître la liberté, produisit une scène touchante. On arrête que les membres du directoire et des députés de la commune se rendront sur-le-champ à l'Assemblée législative pour lui en rendre compte et la prier de consacrer la mesure salutaire dont je viens de parler. Je portai la parole: c'est cette pétition que M. Louvet a qualifié d'insolente. Voulez-vous apprécier ce reproche? Interrogez Hérault, qui, dans cette séance, présidait le corps législatif; il nous adressa une réponse véritablement républicaine, qui exprimait une opinion aussi favorable à l'objet de la pétition qu'à ceux qui la présentaient. Nous fûmes invités à la séance. Quelques orateurs ne pensèrent pas comme lui, et un membre, qui m'a vivement inculpé le jour de l'accusation de M. Louvet, s'éleva très durement et contre notre demande et contre la commune elle-même, et l'Assemblée passa à l'ordre du jour. Lacroix vous a dit que, dans le coin du côté gauche, je l'avais menacé du tocsin. Lacroix sans doute s'est trompé. Et il était possible de confondre ou d'oublier les circonstances, dont j'ai aussi des témoins, même dans cette Assemblée et parmi les membres du corps législatif. Je vais les rappeler. Je me souviens très bien que, dans ce coin dont on a parlé, j'entendis certains propos qui me parurent assez feuillantins, assez peu dignes des circonstances où nous étions, entre autres celui-ci, qui s'adressait à la commune: "Que ne faites-vous resonner le tocsin?" C'est à ce propos, ou à un autre pareil, que je répondis: "Les sonneurs de tocsin sont ceux qui cherchent à aigrir les esprits par l'injustice." Je me rappelle encore qu'alors un de mes collègues, moins patient que moi, dans un mouvement d'humeur, tint en effet un propos semblable à celui qu'on m'a attribué, et d'autres m'ont entendu moi-même le lui reprocher*. [* La vérité de ce récit a été attestée sur-le-champ par plusieurs membres de l'Assemblée législative, députés à la Convention nationale. (Note de Robespierre.)] Quant à la répétition du même propos que l'on me fait tenir au comité des Vingt-et-Un, la fausseté de ce fait est encore plus notoire. Je ne retournais au conseil général que pour dénoncer l'Assemblée législative, dit M. Louvet. Ce jour-là, retourné au conseil général pour rendre compte de ma mission, je parlai avec décence de l'Assemblée nationale, avec franchise de quelques membres de la commission des Vingt-et-Un, à qui j'imputais le projet de faire rétrograder la liberté. On a osé, par un rapprochement atroce, insinuer que j'avais voulu compromettre la sûreté de quelques députés, en les dénonçant à la commune durant les exécutions des conspirateurs. J'ai déjà répondu à cette infamie, en rappelant que j'avais cessé d'aller à la commune avant ces événements, qu'il ne m'était pas plus donné de prévoir que les circonstances subites et extraordinaires qui les ont amenés. Faut-il vous dire que plusieurs de mes collègues, avant moi avaient déjà dénoncé la persécution tramée contre la commune par les deux ou trois personnes dont on parle, et ce plan de calomnier les défenseurs de la liberté et de diviser les citoyens au moment où il fallait réunir ses efforts pour étouffer les conspirations du dedans et repousser les ennemis étrangers. Quelle est donc cette affreuse doctrine, que dénoncer un homme et le tuer c'est la même chose? Dans quelle république vivons-nous, si le magistrat qui, dans une assemblée municipale, s'explique librement sur les auteurs d'une trame dangereuse, n'est plus regardé que comme un provocateur au meurtre? Le peuple, dans la journée même du 10 août, s'était fait une loi de respecter les membres les plus décriés du corps législatif; il a vu paisiblement Louis XVI et sa famille traverser Paris, de l'Assemblée au Temple; et tout Paris sait que personne n'avait prêché ce principe de conduite plus souvent ni avec plus de zèle que moi, soit avant, soit depuis la révolution du 10 août. Citoyens, si jamais, à l'exemple des Lacédémoniens, nous élevons un temple à la peur, je suis d'avis qu'on choisisse les ministres de son culte parmi ceux-là mêmes qui nous entretiennent sans cesse de leur courage et de leurs dangers.

Mais comment parlerai-je de cette lettre prétendue, timidement, et j'ose dire très gauchement présentée à votre curiosité? Une lettre énigmatique adressée à un tiers! Des brigands anonymes! Des assassins anonymes!.. et, au milieu de ces nuages, ce mot, jeté comme au hasard: ils ne veulent entendre parler que de Robespierre... Des réticences, des mystères dans des affaires si graves, et en s'adressant à la Convention nationale! Le tout attaché à un rapport bien astucieux, après tant de libelles, tant d'affiches, tant de pamphlets, tant de journaux de toutes les espèces, distribués à si grands frais et de toutes les manières, dans tous les coins de la république... O homme vertueux, homme exclusivement, éternellement vertueux, où vouliez-vous donc aller par ces routes ténébreuses? Vous avez essayé l'opinion... Vous vous êtes arrêté, épouvanté vous-même de votre propre démarche... Vous avez bien fait; la nature ne vous a pas moulé, ni pour de grandes actions, ni pour de grands attentats... Je m'arrête ici moi-même, par égards pour vous... Mais une autre fois examinez mieux les instruments qu'on met entre vos mains... Vous ne connaissez pas l'abominable histoire de l'homme à la missive énigmatique; cherchez-la, si vous en avez le courage, dans les monuments de la police... Vous saurez un jour quel prix vous élevez attacher à la modération de l'ennemi que vous vouliez perdre. Et croyez-vous que, si je voulais m'abaisser à de pareilles plaintes, il me serait difficile de vous présenter des dénonciations un peu plus précises et mieux appuyées? Je les ai dédaignées jusqu'ici. Je sais qu'il y a loin du dessein profondément conçu de commettre un grand crime à certaines velléités, à certaines menaces de mes ennemis, dont j'aurais pu faire beaucoup de bruit. D'ailleurs, je n'ai jamais cru au courage des méchants. Mais réfléchissez sur vous-même; et voyez avec quelle maladresse vous vous embarrassez vous-même dans vos propres pièges... Vous vous tourmentez, depuis longtemps, pour arracher à l'Assemblée une loi contre les provocateurs au meurtre: qu'elle soit portée; quelle est la première victime qu'elle doit frapper? N'est-ce pas vous qui avez dit calomnieusement, ridiculement, que j'aspirais à la tyrannie? N'avez-vous pas juré par Brutus d'assassiner les tyrans? Vous voilà donc convaincu, par votre propre aveu, d'avoir provoqué tous les citoyens à m'assassiner. N'ai-je pas déjà entendu, de cette tribune même, des cris de fureur répondre à vos exhortations? Et ces promenades de gens armés, qui bravent, au milieu de nous, l'autorité des lois et des magistrats! Et ces cris qui demandent les têtes de quelques représentants du peuple, qui mêlent à des imprécations contre moi vos louanges et l'apologie de Louis XVI! Qui les a appelés? qui les égare? qui les excite? Et vous parlez de lois, de vertu, d'agitateurs...

Mais sortons de ce cercle d'infamie que vous nous avez fait parcourir, et arrivons à la conclusion de votre libelle.

Indépendamment de ce décret sur la force armée, que vous cherchez à extorquer par tant de moyens; indépendamment de cette loi tyrannique contre la liberté individuelle et contre celle de la presse, que vous déguisez sous le spécieux prétexte de la provocation au meurtre, vous demandez pour le ministre une espèce de dictature militaire, vous demandez une loi de proscription contre les citoyens qui vous déplaisent, sous le nom d'ostracisme. Ainsi vous ne rougissez plus d'avouer ouvertement le motif honteux de tant d'impostures et de machinations; ainsi vous ne parlez de dictature que pour l'exercer vous-même sans aucun frein; ainsi vous ne parlez de proscriptions et de tyrannie que pour proscrire et pour tyranniser; ainsi vous avez pensé que, pour faire de la Convention nationale l'aveugle instrument de vos coupables desseins, il vous suffirait de prononcer devant elle un roman bien astucieux, et de lui proposer de décréter, sans désemparer, la perte de la liberté et son propre déshonneur! Que me reste-t-il à dire contre des accusateurs qui s'accusent eux-mêmes?.. Ensevelissons, s'il est possible, ces misérables manoeuvres dans un éternel oubli. Puissions-nous dérober aux regards de la postérité ces jours peu glorieux de notre histoire, où les représentants du peuple, égarés par de lâches intrigues, ont paru oublier les grandes destinées auxquelles ils étaient appelés. Pour moi, je ne prendrai aucunes conclusions qui me soient personnelles; j'ai renoncé au facile avantage de répondre aux calomnies de mes adversaires par des dénonciations plus redoutables. J'ai voulu supprimer la partie offensive de ma justification. Je renonce à la juste vengeance que j'aurais le droit de poursuivre contre mes calomniateurs. Je n'en demande point d'autre que le retour de la paix et le triomphe de la liberté. Citoyens, parcourez, d'un pas ferme et rapide, votre superbe carrière. Et puissé-je, aux dépens de ma vie et de ma réputation même, concourir avec vous à la gloire et au bonheur de notre commune patrie!

Opinion de Maximilien Robespierre, député du département de Paris, sur le jugement de Louis XVI; imprimé par ordre de la Convention nationale (3 décembre 1792)

Citoyens,

L'Assemblée a été entraînée, à son insu, loin de la véritable question. Il n'y a point ici de procès à faire. Louis n'est point un accusé. Vous n'êtes point des juges. Vous n'êtes, vous ne pouvez être que des hommes d'Etat, et les représentants de la nation. Vous n'avez point une sentence à rendre pour ou contre un homme, mais une mesure de salut public à prendre, un acte de providence nationale à exercer. Un roi détrôné, dans la république, n'est bon qu'à deux usages: ou à troubler la tranquillité de l'Etat et à ébranler la liberté, ou à affermir l'une et l'autre à la fois. Or, je soutiens que le caractère qu'a pris jusqu'ici votre délibération va directement contre ce but. En effet, quel est le parti que la saine politique prescrit pour cimenter la république naissante? C'est de graver profondément dans les coeurs le mépris de la royauté, et de frapper de stupeur tous les partisans du roi. Donc, présenter à l'univers son crime comme un problème, sa cause comme l'objet de la discussion la plus imposante, la plus religieuse, la plus difficile qui puisse occuper les représentants du peuple français; mettre une distance incommensurable entre le seul souvenir de ce qu'il fut, et la dignité d'un citoyen, c'est précisément avoir trouvé le secret de le rendre encore dangereux à la liberté.

Louis fut roi, et la république est fondée: la question fameuse qui vous occupe est décidée par ces seuls mots. Louis a été détrôné par ses crimes; Louis dénonçait le peuple français comme rebelle; il a appelé, pour le châtier, les armes des tyrans ses confrères; la victoire et le peuple ont décidé que lui seul était rebelle: Louis ne peut donc être jugé; il est déjà condamné, ou la république n'est point absoute. Proposer de faire le procès à Louis XVI, de quelque manière que ce puisse être, c'est rétrograder vers le despotisme royal et constitutionnel; c'est une idée contre-révolutionnaire, car c'est mettre la révolution elle-même en litige. En effet, si Louis peut être encore l'objet d'un procès, il peut être absous; il peut être innocent: que dis-je! il est présumé l'être jusqu'à ce qu'il soit jugé: mais si Louis est absous, si Louis peut être présumé innocent, que devient la révolution? Si Louis est innocent, tous les défenseurs de la liberté deviennent des calomniateurs; les rebelles étaient les amis de la vérité et les défenseurs de l'innocence opprimée; tous les manifestes des cours étrangères ne sont que des réclamations légitimes contre une faction dominatrice. La détention même que Louis a subie jusqu'à ce moment est une vexation injuste; les fédérés, le peuple de Paris, tous les patriotes de l'empire français sont coupables: et ce grand procès pendant au tribunal de la nature, entre le crime et la vertu, entre la liberté et la tyrannie, est enfin décidé en faveur du crime et de la tyrannie.

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