Henri VI. 1 - Уильям Шекспир 3 стр.


BEDFORD. Talbot est-il tué? Je me tuerai alors moi-même, pour me punir de vivre oisif ici dans le luxe et la mollesse, tandis qu'un si brave général, manquant de secours, est trahi et livré à ses lâches ennemis.

LE TROISIÈME MESSAGER. Oh! non, il vit; mais il est prisonnier, et avec lui le lord Scales et le lord Hungreford. La plupart des autres ont été massacrés ou pris.

BEDFORD. Il n'est point, pour le délivrer, de rançon que je ne sois déterminé à payer. Je précipiterai le dauphin, la tête la première, en bas de son trône, et sa couronne sera la rançon de mon ami: j'échangerai quatre de leurs seigneurs contre un de nos lords.  Adieu, messieurs, je cours à ma tâche. Il faut que j'aille sans délai allumer des feux de joie en France, pour célébrer la fête de notre grand saint Georges. Je prendrai avec moi dix mille soldats, dont les sanglants exploits ébranleront l'Europe.

LE TROISIÈME MESSAGER. Vous en auriez besoin, car Orléans est assiégé: l'armée anglaise est affaiblie et impuissante. Le comte de Salisbury sollicite des renforts, et c'est avec peine qu'il empêche ses soldats de se mutiner; car ils sont bien peu pour contenir tant d'ennemis.

EXETER. Lords, souvenez-vous des serments que vous avez faits à Henri, ou d'accabler le dauphin, ou de le ramener sous le joug de l'Angleterre.

BEDFORD. Je m'en souviens, et je prends ici congé de vous pour aller faire mes préparatifs.

(Il sort.)

GLOCESTER. Je vais me rendre en toute hâte à la Tour pour visiter l'artillerie et les munitions, et ensuite proclamer roi le jeune Henri.

EXETER. Moi, je vais à Eltham, où est le jeune roi; je suis son gouverneur particulier, et je verrai là à prendre les meilleures mesures pour sa sûreté.

(Il sort.)

WINCHESTER. Chacun ici a son poste et ses fonctions; moi, je suis laissé à l'écart, il ne reste rien pour moi. Mais je ne veux pas être longtemps un serviteur sans place. Je me propose de tirer le roi d'Eltham, et de m'asseoir au premier rang sur le gouvernail de l'État.

(Il sort.)

SCÈNE II

En France, devant Orléans Entrent CHARLES, avec ses troupes, ALENÇON, RENÉ, et autres

CHARLES. Le véritable cours de Mars n'est pas plus connu aujourd'hui sur la terre qu'il ne l'est dans les cieux. Dernièrement il brillait pour les Anglais; maintenant nous sommes vainqueurs, et c'est à nous qu'il sourit. Quelles villes un peu importantes dont nous ne soyons les maîtres? Nous sommes ici paisiblement établis près d'Orléans: les Anglais affamés, comme de pâles fantômes, nous assiégent à peine une heure dans le mois.

ALENÇON. Ils n'ont point ici leurs tranches de boeuf gras: il faut que les Anglais soient repus, comme leurs mules, et qu'ils aient leur sac de nourriture lié à la bouche; autrement ils ont aussi piteuse mine que des rats noyés.

RENÉ. Faisons lever le siège: pourquoi vivons-nous ici paresseusement? Talbot est pris, lui que nous étions accoutumés à craindre: il ne reste plus de chef que cet écervelé de Salisbury; il peut dépenser son fiel en vaines fureurs: il n'a ni hommes ni argent pour faire la guerre.

CHARLES. Sonnez, sonnez l'alarme. Fondons sur eux; sauvons l'honneur des Français jadis mis en déroute.  Je pardonne ma mort à celui qui me tuera, s'il me voit fuir ou reculer d'un pas. (Ils sortent. On sonne l'alarme.  Mêlée.  Ensuite une retraite.) (Rentrent Charles, Alençon et René.) Qui vit jamais telle chose? Quels hommes ai-je donc? des chiens, des poltrons, des lâches! Je n'aurais jamais fui s'ils ne m'avaient abandonné au milieu de mes ennemis.

RENÉ. Salisbury tue en désespéré. Il combat comme un homme lassé de la vie. Les autres lords, en lions affamés, fondent sur nous comme sur une proie que leur montre la faim.

ALENÇON. Froissart, un de nos compatriotes, rapporte que l'Angleterre n'enfantait que des Rolands et des Oliviers sous le règne d'Édouard III. Le fait est encore plus vrai de nos jours, car elle n'envoie pour combattre que des Samsons et des Goliaths. Un contre dix! De grands coquins maigres et efflanqués! qui aurait jamais cru qu'ils eussent tant de courage et d'audace?

CHARLES. Abandonnons cette ville! Ce sont des forcenés, et la faim les rendra encore plus acharnés. Je les connais de vieille date: ils arracheront les remparts avec leurs dents plutôt que d'abandonner le siége.

RENÉ. Je crois que, par quelque étrange invention, par quelque sortilége, leurs armes sont ajustées pour frapper sans relâche, comme des battants de cloche; autrement, ils ne pourraient jamais tenir aussi longtemps.  Si l'on suit mon avis, nous les laisserons ici.

ALENÇON. Soit; laissons-les.

(Entre le bâtard d'Orléans.)

LE BATARD. Où est le dauphin? J'ai des nouvelles pour lui.

LE DAUPHIN. Bâtard d'Orléans, sois trois fois le bienvenu.

LE BATARD. Il me semble que vos regards sont tristes, votre visage pâle. Est-ce la dernière défaite qui vous a fait ce mal? Ne vous découragez pas: le secours est proche: j'amène ici avec moi une jeune et sainte fille, qui, dans une vision que le Ciel lui a envoyée, a reçu l'ordre de faire lever cet ennuyeux siége et de chasser les Anglais de France. Elle possède l'esprit de prophétie bien mieux que les neuf Sibylles de Rome. Elle peut raconter le passé et l'avenir. Dites, la ferai-je entrer? Croyez-en mes paroles: elles sont certaines et infaillibles.

CHARLES. Allez, faites-la venir. (Le bâtard sort.) Mais, pour éprouver sa science, René, prends ma place et fais le dauphin. Interroge-la fièrement; que tes regards soient sévères. Par cette ruse, nous sonderons son habileté.

(Entrent la Pucelle, le bâtard d'Orléans et autres.)

RENÉ. Belle fille, est-il vrai que tu veux exécuter ces étonnants prodiges?

LA PUCELLE. René, espères-tu me tromper?  Où est le dauphin?  Sors, sors, ne te cache plus là derrière. Je te connais sans t'avoir jamais vu. Ne sois pas étonné, rien n'est caché pour moi. Je veux t'entretenir seul et en particulier.  Retirez-vous, seigneurs, et laissez-nous un moment à part.

RENÉ. Elle débute hardiment.

(Ils s'éloignent.)

LA PUCELLE. Dauphin, je suis née fille d'un berger; mon esprit n'a été exercé dans aucune espèce d'art. Il a plu au Ciel et à Notre-Dame-de-Grâce de jeter un regard sur mon obscure condition. Un jour que je gardais mes tendres agneaux, exposant mon visage aux rayons brûlants du soleil, la mère de Dieu daigna m'apparaître; et, dans une vision pleine de majesté, elle me commanda de quitter ma basse profession, et de délivrer mon pays de ses calamités: elle me promit son assistance et me garantit le succès. Elle daigna se révéler à moi dans toute sa gloire. J'étais noire et basanée auparavant; les purs rayons de lumière qu'elle versa sur moi me douèrent de cette beauté que vous voyez. Fais-moi toutes les questions que tu pourras imaginer, et je répondrai sans préparation; essaye mon courage dans un combat, si tu l'oses, et tu verras que je surpasse mon sexe. Sois certain de ceci: tu seras heureux si tu me reçois pour ton compagnon de guerre.

CHARLES. Tu m'as étonné par la hauteur de ton discours. Je ne veux que cette preuve de ton mérite; tu lutteras avec moi dans un combat singulier: si tu as l'avantage, tes paroles sont vraies; autrement je te refuse ma confiance.

LA PUCELLE. Je suis prête. Voilà mon épée à la pointe affilée, ornée de chaque côté de cinq fleurs de lis. Je l'ai choisie dans le cimetière de Sainte-Catherine en Touraine, parmi un amas de vieilles armes.

LA PUCELLE. Je suis prête. Voilà mon épée à la pointe affilée, ornée de chaque côté de cinq fleurs de lis. Je l'ai choisie dans le cimetière de Sainte-Catherine en Touraine, parmi un amas de vieilles armes.

CHARLES. Viens donc: par le saint nom de Dieu! je ne crains aucune femme.

LA PUCELLE. Et moi, tant que je vivrai, je ne fuirai jamais devant un homme.

(Ils combattent.)

CHARLES. Arrête, arrête; tu es une amazone: tu combats avec l'épée de Débora.

LA PUCELLE. La mère du Christ me seconde; sans elle, je serais trop faible.

CHARLES. Quelle que soit la main qui te secoure, c'est toi qui dois me secourir. Un désir ardent consume mon âme; tu as vaincu à la fois et ma force et mon coeur. Sublime Pucelle, si tel est ton nom, permets que je sois ton serviteur et non pas ton souverain: c'est le dauphin de France qui te conjure ainsi.

LA PUCELLE. Je ne dois céder à aucun voeu d'amour, car ma vocation a été consacrée d'en haut. Quand j'aurai chassé tes ennemis de ces lieux, je songerai alors à une récompense.

CHARLES. En attendant, jette un regard de bonté sur ton esclave dévoué.

RENÉ, en dedans de la tente avec Alençon. Monseigneur, il me semble, a un long entretien.

ALENÇON. N'en doutez pas: il sonde cette femme en tout sens; autrement il n'aurait pas prolongé à ce point la conférence.

RENÉ. Le dérangerons-nous, puisqu'il ne garde aucune mesure?

ALENÇON. Il prend peut-être des mesures plus profondes que nous ne savons: les femmes sont de rusées tentatrices avec leur langue.

RENÉ. Mon prince, où êtes-vous? Quel objet vous occupe si longtemps? Abandonnerons-nous Orléans, ou non?

LA PUCELLE. Non, non, vous dis-je, infidèles sans foi! Combattez jusqu'au dernier soupir: je serai votre sauvegarde.

CHARLES. Ce qu'elle dit, je le confirmerai: nous combattrons jusqu'à la fin.

LA PUCELLE. Je suis destinée à être le fléau des Anglais. Cette nuit je ferai certainement lever le siége. Puisque je me suis engagée dans cette guerre, comptez sur un été de la Saint-Martin, sur les jours de l'alcyon. La gloire est comme un cercle dans l'onde; il ne cesse de s'élargir et de s'étendre, jusqu'à ce qu'à force de s'étendre il s'évanouisse. La mort de Henri est le terme où finit le cercle des Anglais; toutes les gloires qu'il renfermait sont dispersées. Je suis maintenant comme cet orgueilleux vaisseau qui portait César et sa fortune.

CHARLES. Si Mahomet était inspiré par une colombe 8, tu l'es donc, toi, par un aigle. Ni Hélène, la mère du grand Constantin, ni les filles de saint Philippe 9 ne t'égalèrent jamais. Brillante étoile de Vénus, descendue sur la terre, par quel culte assez respectueux pourrai-je t'adorer?

ALENÇON. Abrégeons les délais, et faisons lever le siége.

RENÉ. Femme, fais ce qui est en ton pouvoir pour sauver notre honneur. Chasse-les d'Orléans, et immortalise-toi.

CHARLES. Nous allons en faire l'essai. Allons, marchons à l'entreprise. Si sa promesse est trompeuse, je ne crois plus à aucun prophète.

(Ils sortent.)

SCÈNE III

Londres.  Colline devant la Tour Entre LE DUC DE GLOCESTER qui s'approche des portes de la Tour, avec ses gens vêtus de bleu

GLOCESTER. Je viens pour visiter la Tour: je crains que depuis la mort de Henri il ne s'y soit commis quelque larcin. Où sont donc les gardes, qu'on ne les trouve pas à leur poste? Ouvrez les portes: c'est Glocester qui vous appelle.

PREMIER GARDE. Qui frappe ainsi en maître?

PREMIER SERVITEUR DE GLOCESTER. C'est le noble duc de Glocester.

DEUXIÈME GARDE. Qui que ce soit, vous ne pouvez entrer ici.

DEUXIÈME SERVITEUR DE GLOCESTER. Misérables, est-ce ainsi que vous répondez au lord protecteur?

PREMIER GARDE. Que Dieu protége le protecteur: voilà notre réponse. Nous n'agissons que d'après nos ordres.

GLOCESTER. Qui vous les a donnés? Quelle autre volonté que la mienne doit commander ici? Il n'est point d'autre protecteur du royaume que moi. (A ses gens.) Forcez ces portes: je serai votre garant. Me laisserai-je jouer de la sorte par de vils esclaves?

(Les gens de Glocester cherchent à forcer les portes.)

WOODVILLE, en dedans. Quel est ce bruit? Qui sont ces traîtres?

GLOCESTER. Lieutenant, est-ce vous dont j'entends la voix? Ouvrez les portes: c'est Glocester qui veut entrer.

WOODVILLE. Patience, noble duc; je ne puis ouvrir. Le cardinal de Winchester le défend: j'ai reçu de lui l'ordre exprès de ne laisser entrer ni toi ni aucun des tiens.

GLOCESTER. Lâche Woodville, tu le préfères à moi, cet arrogant Winchester, ce prélat hautain que Henri, notre feu roi, ne put jamais supporter? Tu n'es ami ni de Dieu ni du roi. Ouvre les portes, ou dans peu je te fais chasser de la Tour.

PREMIER SERVITEUR DE GLOCESTER. Ouvrez les portes au lord protecteur. Nous les enfoncerons si vous n'obéissez pas à l'instant.

(Entre Winchester suivi de ses gens en habits jaunâtres 10.)

WINCHESTER. Eh bien, ambitieux Humfroi, que veut dire ceci?

GLOCESTER. Vil prêtre tondu, est-ce toi qui commandes qu'on me ferme les portes?

WINCHESTER. Oui, c'est moi, traître d'usurpateur, tu n'es point le protecteur du roi ou du royaume.

GLOCESTER. Retire-toi, audacieux conspirateur, toi qui machinas le meurtre de notre feu roi, toi qui vends aux filles de mauvaise vie des indulgences qui leur permettent le péché. Je te bernerai dans ton large chapeau de cardinal, si tu t'obstines dans cette insolence.

WINCHESTER. Retire-toi toi-même; je ne reculerai pas d'un pied. Que ceci soit la colline de Damas; et toi, sois le Caïn maudit; égorge ton frère Abel, si tu veux.

GLOCESTER. Je ne veux pas te tuer, mais te chasser; je me servirai, pour t'emporter d'ici, de ta robe d'écarlate, comme on se sert des langes d'un enfant.

O tyger's heart wrapt in a woman's hide
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