L'HABITANT. Eh! vraiment: un aveugle qui a recouvré la vue à la châsse de saint Alban, il n'y a pas une demi-heure; un homme qui n'avait vu de sa vie.
LE ROI. Gloire à Dieu, qui donne aux âmes croyantes la lumière dans les ténèbres et les consolations dans le désespoir!
(Entrent le maire de Saint-Albans et des compagnons, Simpcox, porté par deux personnes dans une chaise, et suivi de sa femme et d'une grande foule de peuple.)LE CARDINAL. Voici le peuple qui vient en procession présenter cet homme à Votre Majesté.
LE ROI. Grande est sa consolation dans cette vallée terrestre, quoique la vue doive augmenter pour lui le nombre des pêchés!
GLOCESTER. Arrêtez, mes maîtres, portez-le près du roi. Sa Majesté veut l'entretenir.
LE ROI. Bonhomme, raconte-nous la chose en détail, afin que nous puissions glorifier en toi le Seigneur. Est-il vrai que tu sois depuis longtemps aveugle, et que tu aies été guéri tout à l'heure?
SIMPCOX. Je suis né aveugle, n'en déplaise à Votre Grâce.
LA FEMME. Oui, en vérité, il est né aveugle.
SUFFOLK. Quelle est cette femme?
LA FEMME. Sa femme, sauf le bon plaisir de Votre Seigneurie.
GLOCESTER. Tu en serais plus certaine si tu eusses été sa mère.
LE ROI. Où es-tu né?
SIMPCOX. A Berwick, dans le nord, n'en déplaise à Votre Grâce.
LE ROI. Pauvre créature! la bonté de Dieu a été grande envers toi. Ne laisse passer ni jour ni nuit sans le célébrer, et conserve éternellement la mémoire de ce que le Seigneur a fait pour toi.
MARGUERITE. Dis-moi, mon ami, est-ce par hasard ou par dévotion que tu es venu à cette sainte châsse?
SIMPCOX. Dieu sait que c'est par pure dévotion, parce que j'avais été appelé cent fois et plus pendant mon sommeil par le bon saint Alban, qui me disait: «Simpcox, va te présenter à ma châsse, et je viendrai à ton secours.»
LA FEMME. Cela est bien vrai, sur ma parole. Moi-même j'ai entendu plusieurs fois, très-souvent, une voix qui l'appelait comme cela.
GLOCESTER. Mais quoi! es-tu donc boiteux?