- Ou un quartz.
- Tu ne peux pas dire le contraire, Mai.
Il fit une pause et regarda une femme noire mince traverser le portail de lécole en marmonnant.
- Je suis ici pour veiller sur tes intérêts. Tu te rappelles quand ta mère ma mis en contact avec toi, il y a deux ans ? On avait signé un contrat. Et dans ce contrat, javais mentionné que je travaillerai toujours pour maximiser à la fois ton apport et ton statut professionnel. Cest de ça quil sagit. Tu peux te moquer de moi comme tu veux, et je suis même prêt à y participer de temps en temps, mais lorsquil sagit de prendre une grande décision comme celle-ci, jaimerai tout simplement avoir un peu de respect. Tu nas pas le droit de prendre les choses en main et décider te lancer dans un rôle sans me prévenir.
- Eric, regarde-moi. Je suis grande, maintenant. Javais à peine dix-huit ans quand jai signé ce contrat et javais besoin de toute laide que tu pouvais me donner. Et je ten remercie. Et merci de mavoir fait participer à cette pièce et mavoir eu le rôle dans Tornado, qui je suis sûre battra tous les records de box-office et gagnera dix oscars. Mais en ce qui concerna le rôle de Deannah, lâche-moi putain, daccord ? Cest une chose que je veux faire. Je veux ce rôle parce que je pense que ça sera bien pour moi, et parce que je pense que le livre est populaire et je sais que je peux le faire. Jai lu le livre et je connais cette fille. Si jai le rôle, jy serai bonne. Et avec un peu de chance, le film sera bon pour ma carrière.
Il y eut une pause. Puis Eric se redressa de toute sa hauteur.
- Donc, tu te dispenses de mes services.
- Non, pour lamour du ciel !
- Cest limpression que jai, en tout cas.
- Tu commences à être mélodramatique. Cest mon travail, à lintérieur de cette putain de salle glaciale. Ce que je veux dire est que notre boulot maintenant soit de faire en sorte que jobtienne le rôle de Deannah. On complote et on planifie et je bats à nouveau cette blonde dHelena Cross.
Eric leva brusquement la tête.
- Quest-ce quelle a à faire dans tout ça ? Qui est-ce qui la mêlée à tout ça ?
Mai finit son sandwich et roula la feuille daluminium en boule quelle mit dans sa boîte-déjeuner.
- Cest elle qui la fait. Elle veut le rôle, uniquement pour me battre. Je ne peux pas vraiment lui en vouloir. Jai eu deux ans dAmberside, et elle, elle a passé deux ans à choisir des numéros de loterie à la télévision et à suivre des cours de danse avec des députés. Ça aurait pu être moi.
- Peu probable. Au moins, toi, tu as du talent.
- Merci, cest gentil de lavoir remarqué. Est-ce quon peut reprendre ?
Elle savait quà la fin Eric était toujours pragmatique. Il avait des rafales de fierté personnelle, mais finalement elle était son atout majeur et il éviterait de la perdre si cela était possible. Au cours des deux dernières années, il sétait de plus en plus concentré sur elle pendant que sa popularité montait et il avait laissé tomber certains de ses clients les moins importants. Sa mère avait dit à Mai que cétait une erreur, parce quil aurait dû élargir sa liste et non la rétrécir pour elle. Mais il la voyait probablement comme un gagne-pain le premier quil ait eu depuis presque trente ans dans le spectacle.
Il gonfla ses joues et fourra ses mains dans les poches de son pantalon en velours côtelé :
- Tu es du genre un peu méchante quand tu veux, cest ça ? Je me demande doù tu tiens ça pas de ta mère, elle est aussi douce quune tarte aux pommes Bramley.
- Ecoute, je dois retourner à lintérieur maintenant. Appelle-moi demain et on se mettra daccord pour un rendez-vous. Tu peux lappeler un rendez-vous de stratégie, si ça peut te faire plaisir. Fais-moi un bisou maintenant et rentre chez toi.
Il savança dun pas et ils échangèrent des baisers dHollywood.
- Ne fais rien dautre dimprudent sans men parler, dit-il. Es-tu sûre de vouloir le faire ? Tu sais que ça va être cruel, nest-ce pas ?
- Helena Cross ne peut rien faire pour me nuire.
Eric fit une grimace :
- Tu ne devrais jamais dire des choses pareilles. Elle est comme un ballon de plage tu peux essayer de la pousser dans une boîte, mais elle rebondira toujours vers lextérieur.
CHAPITRE QUATRE
Billie tira les chiens des senteurs primitives et les suivit, les retenant maintenant alors quils tiraient vers la pièce montée du National Maritime Museum au bout de Greenwich Park. Ils tiraient sans relâche sur leurs laisses, toussant dune voix rauque, heureux simplement de sortir.
Elle constata quelle était excitée pour Mai. Si elle obtenait le rôle de Deannah, ce serait un tout nouveau niveau de célébrité pour elle. Ce serait comme Kristen Stewart ou cette fille dHarry Potter dont elle ne se souvenait jamais du nom. Ce serait un grand pas en avant dans sa carrière Hollywood lappellerait. Elle devra probablement opter pour William Morris et se débarrasser dEric, mais cela ne sera pas une grande perte. Elle pourra alors se payer sa propre maison à Londres au lieu davoir à louer.
Elle réalisa soudain le grand avantage quelle aurait à ce que Mai gagne le sondage. Cétait impératif, une nécessité. Elle avait déjà entendu des rumeurs que cette stupide fille dHelena Cross était en tête des votes, seulement après une journée. Mais cela était compréhensible, puisquelle avait récemment participé à un téléthon de célébrités, dansant avec cinq députés pour une œuvre de bienfaisance. Lorsquon saura que Mai était sérieuse à se présenter pour le rôle, le résultat du vote changera, elle en était sûre.
Billie était convaincue que cétait à elle de décider dassumer la responsabilité du succès de Mai. Elle avait toujours assumé la responsabilité, lorsque les gens nétaient pas à la hauteur de leur potentiel. Cétait comme sils transféraient le lourd fardeau de leurs épaules sur les siennes mais elle arrivait à lassumer. En fait, elle sen réjouissait, parce que cela lui permettait de trouver une vraie valeur à sa vie. Souvent, elle ne recevait ni reconnaissance, ni récompense pour le stress quelle endurait, mais elle savait quun jour des personnes finiraient par remarquer son sacrifice et quelles seraient reconnaissantes pour ses services. Ceci demande juste du temps.
Elle pensa à Mai pendant un bon moment, en tirant les chiens de la statue du Capitaine Cook et en redescendant la colline en direction du centre de Greenwich. Cela faisait un an maintenant quelle travaillait pour Mai, depuis quelle a eu les chiens, et elle savait que Mai était sérieuse dans son travail dinterprète. Elle voulait saméliorer et devenir la meilleure actrice. Billie était daccord avec cela cétait une bonne éthique professionnelle pour une personne aussi jeune et inexpérimentée.
Dautre part, depuis quelle avait rompu avec Dennis, Billie sest rendue compte quil ny avait rien de plus important dans la vie que le travail. Si vous pensez que seul le travail peut satisfaire votre esprit, cest que vous êtes fou. La vie est une répétition. Vous faites de votre mieux pour laimer et vous vous emparez de ce qui vous plait lorsque loccasion se présente.
Même si vous deviez vous plier en quatre pour y arriver au début.
- Regarde un film avec moi, dit Mai lorsque Billie entra.
- Daccord. Tu diriges ma vie, après tout.
En son for intérieur, Billie était ravie que Mai le lui ait demandé. Au cours de cette dernière année, elles avaient regardé plusieurs films ensemble et elle aimait toujours les explications que lui donnait Mai concernant les faits et gestes des acteurs. Elles regardaient généralement un vieux film quelles avaient déjà vu pour quelles puissent se concentrer sur la technique des acteurs et la réalisation, et non sur lintrigue. Elle calma les chiens, puis rejoint Mai dans le salon. Elle avait téléchargé un film dHitchcock et utilisa un câble pour connecter son ordinateur portable à larrière de la télévision murale. Billie laida à déplacer le canapé face à la télévision, puis elles éteignirent toutes les lampes de table, excepté une.
Lhomme qui en savait trop avec Doris Day et James Stewart. Lhistoire commençait à Marrakech, où Stewart, un médecin, était en vacances avec sa femme et son jeune enfant. Ils se retrouvèrent impliqués avec un français, qui sest révélé être un membre des services secrets français et qui fut assassiné devant eux sur le marché de Marrakech. Avant de mourir, il murmura un secret à Stewart un homme sera assassiné à Londres. Stewart est empêché de transmettre ces informations. Il reçoit un coup de fil de menace, lui annonçant que son fils sera en danger sil divulgue le secret à quiconque.
Cela les emmena presque à la moitié du film. Mai était silencieuse, assise enroulée dans une robe de chambre sur le canapé, ses pieds calfeutrés sous elle. Billie avait ouvert une bouteille de blanc sud-africain et sapprêtait à se resservir. Elle se pencha en avant et appuya sur pause sur lordinateur portable.
- Un autre ?
- Elle assure vraiment, Doris Day, nest-ce pas, elle est vraiment présente.
- Que veux-tu dire ?
- Tu peux voir quelle est à lécoute des autres acteurs, même lorsquils sont hors écran. Tu sais lorsquils font ces gros plans, lautre acteur reste là, debout avec le script à lire. Doris ne laisse pas cela interférer dans sa réaction. Ses yeux se lèvent et se baissent comme si elle regardait le personnage parler, en le regardant des yeux à la bouche. Puis lorsquelle sourit, elle le fait vraiment. Ce nest pas un sourire fabriqué ça atteint même ses yeux. Cest parfaitement naturel. Emma Thompson possède ce don le sentiment quil y a un être humain là-dedans, et non une personne qui joue le rôle dun être humain.
- Jaime Jimmy Stewart la manière dont il sest transformé dun américain ordinaire en vacances sur une terre étrangère à une personne avec du cran.
- Il est également intelligent. Il sait que tout se joue dans le regard. Cette partie maintenant lorsquil enlace Doris pour la réconforter et quon voit son visage au-dessus de son épaule tu vois, il utilise le regard et la bouche ? Le regard dun côté comme sil cherchait une échappatoire, la bouche légèrement ouverte, puis un rapide coup dœil vers Doris avant de détourner à nouveau son regard tout ça se produit en un clin dœil, mais tout est parfaitement contrôlé. Cela pour montrer sa peur, sa panique et sa détermination.
- Et il est drôle, en plus.
- Cette partie dans le restaurant marocain, à manger du poulet avec les mains. Il arrive à rendre cela drôle et cinq minutes après il devient sérieux à donner des ordres au policier. Il change son langage corporel, plus de mouvements angulaires, plus direct, plus droit. Il exprime cette hésitation dans sa voix, cette voix traînante.
Billie se leva, alla dans la cuisine et remplit son verre à vin. Elle cria :
- Tu veux tasse de thé ou autre chose ?
Mai lui répondit quelle ne voulait rien et Billie retourna dans la pièce limage de Day et Stewart immobile dans un entrelacement sur le grand écran, le visage de Mai pâle dans sa direction comme une quémandeuse soûle de talent. Billie sarrêta un moment à la porte. Elle pensa soudain que ces moments étaient parfaits mais en même temps elle avait peur. Sa vie était comme une dépendance, comme lun de ces oiseaux qui vivaient sur le dos des éléphants ou des rhinocéros un serpentaire, cest ça ? Lorsquelle partira ce soir, elle prendra sa voiture pour retourner dans un petit appartement à Twickenham au-dessus dune agence dassurances. Elle monterait les escaliers en faisant attention à lavancée des escaliers qui pourrait lui fondre le front si elle ne baissait pas la tête, arrivée à la dernière marche du haut, elle tournerait à gauche sur le palier et ouvrirait la troisième porte sur sa droite. Un lit, un lavabo, une fenêtre à guillotine. Une chaise, une commode à tiroirs, une mince penderie. Cétait une chambre sombre à larrière déguisée en appartement, avec un accès à une salle de bain commune. Cétait un enfer, mais le seul enfer quelle pouvait soffrir après sêtre séparée de Dennis. Plutôt mourir que de retourner à Bude, malgré lattrait de son air marin vivifiant.
Elle avait donc peur que tout cela sarrête un jour cette vie, cette amitié, cette intimité. Elle naurait plus que lenfer de Twickenham. Depuis quelle avait mis Dennis à la porte, elle avait peur de ne plus avoir damis. Elle était trop difficile à vivre, se dit-elle. Trop âgée pour changer. Elle avait peur quà un moment donné, la vie de famille quelle voyait autour delle ses clients, sa famille, ses amis lui échappe pour toujours. Elle disait à tout le monde quelle était anticonformiste, quelle ne voulait pas sattacher, trop occupée à samuser mais les mots devenaient éphémères dans sa bouche dès quelle les avait prononcés.
Elle avait réalisé depuis longtemps quelle avait peur de sengager dans un seul courant de pensées, dans un seul mode de vie mais quelle avait également peur de la solitude qui pourrait en résulter.
Alors sa solution était de plaire. De sassurer que les gens laimaient et voulaient sa compagnie, son amitié. Elle travaillerait pour eux pour de largent, mais elle cèderait également à leurs caprices. Elle se rendrait irremplaçable. Elle serait honnête, tant que lhonnêteté ne blessait pas, et directe tant quaucune critique ne sy impliquait. Elle marchait sur une corde raide pour quon la considère comme utile et attentionnée, et en même temps capable de dire les choses sans mâcher les mots.
- Alors, tu viens ? dit Mai. Je veux voir sils vont récupérer lenfant.
- Cest Hollywood, bien sûr quils vont le récupérer. Et les méchants auront ce quils méritent.
- Contrairement à la vie réelle, dit Mai aigrement.
Maintes fois, Billie se demanda ce qui motivait Mai. Parfois, elle se comportait comme une enfant trop maîtrisée, désireuse de sortir des contraintes dêtre Mai Rose. A dautres moments, elle avait lair dêtre passive et vigilante, comme si cétait plus amusant de voir les autres sengager dans la vie, et éventuellement échouer, que de prendre elle-même le risque.
Peut-être que ce concours permettrait de mettre au clair sa vraie personnalité.
CHAPITRE CINQ
Le trajet du taxi jusquau club où The Gastric Band devait jouer, semblait interminable, comme un voyage dans un rêve où on narrive jamais à destination, bien quelle soit toujours visible.