Elle s'éloigna de la statue, baissant sa main d'un air hésitant et s'assit de nouveau, se penchant contre une pierre froide.
Et s'il a des sentiments pour toi ? Si le baiser était allé plus loin, t'aurait-il embrassé en retour ?
Qui est à l'origine de ce baiser, déjà ?
Mais c'est un joueur... il aurait embrassé n'importe quelle femme.
Il t'a défendue face à Toya.
Seulement parce qu'il s'est senti menacé, et d'ailleurs, c'est sa manière d'être.
Une voix profonde la sortit de ses pensées embrouillées.
Kyoko, l'appela Shinbe d'une voix rauque.
Kyoko releva brusquement la tête et rougit, ayant l'impression qu'il avait entendu ses pensées.
Hum, salut.
Elle détourna le regard, espérant qu'il n'avait pas vu la rougeur bien présente.
Est-ce que tu rentres à la maison ?
Il s'avança de quelques pas tout en parlant.
Je ne peux pas vraiment te le reprocher, après la manière dont Toya a réagi.
Shinbe s'agenouilla devant elle avec sa main tendue pour l'aider à se relever. Elle saisit sa main et se leva, tapotant sa jupe pour faire partir la poussière.
Parfois, je ne peux pas supporter sa présence, Shinbe... je... je suis vraiment désolée pour tous les problèmes que je t'ai causés.
Elle s'avança vers l'autel.
Shinbe ne voulait pas voir Kyoko partir, mais il savait qu'il ne pourrait pas l'arrêter après avoir pris sa décision. Il savait qu'elle détestait quand Toya lui demandait de ne pas partir, et il ne voulait pas qu'elle lui en veuille pour les mêmes raisons. Mais en vérité, il ressentait la même chose que Toya... il ne voulait pas la voir partir.
Dissimulant ses vrais sentiments, il essaya de l'encourager.
Ce n'est rien, Kyoko. Tu peux me causer des problème à tout moment.
Il lui sourit, faisant semblant de la chercher lentement.
Kyoko ne manqua pas sa main tandis qu'elle s'avançait vers elle. Elle gloussa, lui souriant. Puis, elle disparut.
Shinbe se tenait debout, fixant la statue tandis que son sourire faiblissait. Il voulait lui dire de ne pas partir. Il n'aurait eu aucun mal à la peloter... enfin, peut-être un peu. Il avait fait ce geste pour lui permettre de partir l'esprit tranquille et de lui faire savoir que rien n'avait changé entre eux. Il savait qu'elle était furieuse et tout ce qu'il voulait, c'était la voir sourire, ou montrer d'autres émotions que la tristesse et la colère. Son plan avait mieux fonctionné que ce qu'il pensait en la voyant rire.
Le regard d'améthyste et hagard de Shinbe se détourna brusquement de l'autel de la jeune fille. Il détestait la capacité du portail temporel de l'éloigner de lui et aurait voulu pouvoir la suivre dans son monde... juste une fois. Ses yeux s'assombrirent d'un air séduisant, puis se plissèrent en pensant envieusement à Toya pouvant la suivre à travers le cÅur du temps. Pourquoi le portail temporel avait-il choisi le gardien argenté et seulement lui ? Ce n'était pas juste. Toya n'était pas son unique gardien.
*****
Lorsque Kyoko se retrouva de l'autre côté de l'autel de la jeune fille, elle s'allongea dans l'intimité du temple, reposant sa tête contre son sac à dos et fermant les yeux. à cet instant, elle ne voulait voir personne.
Les pensées de Shinbe lui faisant l'amour continuaient à pénétrer son esprit. Pourquoi avait-elle dû rêver de lui comme cela ? Cela lui donnait envie de...
à quoi est-ce que je pense ? Se demanda-elle.
Elle devait cesser de penser à cela.
De toute évidence, Shinbe et Suki s'appréciaient, même s'ils ne voulaient pas l'admettre. D'ailleurs, il faisait des avances à toutes les femmes. C'était sa manière d'être.
Kyoko se releva lentement et sortit du temple qui protégeait la statue de la jeune fille.
Je vais aller dans ma chambre et étudier. Ouais, puis j'irai à l'école demain, et tout ira bien. Je vais peut-être même appeler mes amis et aller traîner avec eux un petit moment.
Kyoko s'arrêta en plein chemin et loucha presque en pensant à voix haute :
Nouvelle règle, ne pas manger de fruits avec ses amis.
*****
Toya luttait toujours contre son humeur jalouse tandis qu'il marchait lentement vers l'autel. Il avait bien l'intention de suivre Kyoko et de lui parler franchement. Il ne supportait pas de la savoir en colère contre lui.
Ses sens montèrent en flèche, lui disant qu'il n'était pas seul. Il jeta un coup dâÅil et vit Shinbe penché contre l'un des gros rochers environnants appartenant à un château oublié qui se tenait là auparavant. Ses mains étaient soigneusement mises dans son imperméable avec son bâton posé sur ses genoux. Sa tête était posée en arrière avec les yeux fermés, comme s'il dormait.
Réveille-toi, stupide coureur de jupons ! Lui cria Toya, maintenant plus agacé que jamais.
Shinbe s'efforça d'ouvrir un Åil somnolent, puis le referma.
Qu'est-ce que tu veux, Toya ?
Qu'est-ce que je veux ? Je veux savoir ce que tu fous assis là , ragea-t-il.
Shinbe ouvrit les yeux et sourcilla face à son frère.
N'ai-je pas le droit de me reposer ?
Toya plissa les yeux en le regardant.
Depuis quand est-ce que tu viens au cÅur du temps pour te reposer ?
Shinbe se leva lentement, se préparant, juste au cas où. Il savait que Toya était bien plus fort. Mais il savait également qu'il n'était pas aussi faible que ce que Toya pensait. Leurs pouvoirs étaient juste différents.
Je suis venu dire au revoir à Kyoko. Après la manière dont tu l'as traitée, on serait chanceux de la voir revenir un jour. Qu'est-ce qui se passe dans ce petit pois qui te sert de cerveau, d'ailleurs ?
La voix calme de Shinbe avait une touche d'agitation qu'il cachait.
Toya grogna doucement, sachant que Shinbe disait la vérité. Peut-être, oui peut-être qu'il avait exagéré, mais quand même, il les avait vus s'embrasser. Kyoko avait embrassé ce gardien lubrique. La scène repassait dans l'esprit de Toya et son âme cria :
Non, c'est Shinbe qui embrassait Kyoko, pas l'inverse.
Il tourna le dos à Shinbe.
Je ne sais pas ce que tu mijotes, gardien, mais si tu retouches Kyoko... je te tuerai.
Après cela, Toya s'envola dans les airs, ne laissant qu'une plume argentée flotter dans la brise.
Shinbe soupira et s'assit de nouveau, se posant contre la pierre lorsqu'il entendit le rire moqueur de Kamui à distance. Quelques instants plus tard, Sennin, Kamui et Suki entrèrent dans la clairière, portant des paniers d'herbes et de légumes que le vieil homme avait cherchés.
Ils ont dû le rencontrer en retournant à la cabane, raisonna Shinbe.
Ils ont dû le rencontrer en retournant à la cabane, raisonna Shinbe.
Sennin était le vieil homme qui possédait la cabane dans laquelle ils séjournaient lorsqu'ils étaient proches de l'autel. Sennin avait élevé Suki et son frère, tout seul, lorsque sa femme, leur mère, avait été tuée par des démons lors d'une attaque au village. Suki était trop jeune pour se souvenir de la mère qu'elle préférait, mais elle avait été la meilleure tueuse de démons du royaume.
Au village, Sennin était un médecin, mais les gardiens savaient la vérité. Il maîtrisait le lancement de sorts, et en savait bien plus que la plupart des humains dans le royaume. Shinbe sourit tristement tandis qu'il observait le vieil homme s'approcher.
Pourquoi as-tu l'air si morose, Shinbe ? Demanda Sennin en s'approchant.
Il le regarda en plissant les yeux avec sa vue vieillissante. Le gardien d'améthyste avait agi bizarrement ces derniers temps... et cela en disait beaucoup car selon lui, tous les gardiens étaient naturellement étranges.
Shinbe se leva tandis qu'ils approchaient, comme s'il les attendait, au lieu d'en venir presque aux mains avec Toya.
Suki regarda l'autel de la jeune fille derrière lui.
Est-ce que Kyoko est déjà rentrée ?
Shinbe regarda dans le vide avant de lui répondre :
Oui, oui elle est rentrée.
Kamui cessa de fouiller dans le panier à la recherche de quelque chose à manger et observa Shinbe avec attention, son sourire disparaissant et se transformant en inquiétude.
Pourquoi est-elle partie ?
Puis, comme s'il venait de s'en rendre compte, il plissa les yeux :
Qu'est-ce que Toya a fait cette fois ?
Shinbe tendit la main et la posa sur l'épaule de Kamui pour le calmer. Il savait que Kamui détestait quand Kyoko retournait dans son temps, autant que lui d'ailleurs.
Ãa va aller Kamui. Elle reviendra bientôt.
Ou du moins il l'espérait. Il grogna intérieurement.
Suki semblait troublée. Kyoko était revenue au milieu de la nuit. Elle n'avait pas eu la chance de lui parler sauf ce matin, quelques instants.
Est-ce qu'elle a dû le dompter ?
Shinbe jeta un coup dâÅil à la fille et sourit d'un air narquois :
J'en ai bien peur. Toya n'est pas de très bonne humeur.
J'imagine bien. Est-ce que tu sais pourquoi ils se sont disputés cette fois ?
Sennin le regarda en plissant les yeux tandis qu'il déplaçait son panier et marchait vers la cabane. Suki le suivit avec Kamui, qui était de nouveau en train de chercher de la nourriture dans le panier pour grignoter. Shinbe les suivit en essayant de trouver une réponse.
Est-ce que Toya a besoin d'une raison pour lui crier dessus ?
Shinbe haussa les épaules, comme s'il ne savait rien, en espérant que personne ne pourrait sentir sa culpabilité.
Toya était assis dans un arbre près de la cabane de Sennin et écoutait leurs badinages tandis qu'ils s'approchaient. Il avait entendu le commentaire de Shinbe et voulait le réduire en bouillie. Mais en y repensant, il valait mieux ne pas leur raconter ce qu'il avait vu. Ses yeux étincelaient d'une couleur argentée en repensant au baiser. Décidant de ne rien dire pour l'instant, Toya se pencha contre l'arbre et ferma les yeux, faisant semblant de dormir.
Est-ce que tu dors, Toya ? L'appela Sennin.
Toya continuait d'ignorer le vieil homme. Ce n'était pas comme s'il lui devait quoi que ce soit.
Sennin marqua une pause, souhaitant se faire comprendre.
Tu as recommencé. Tu ne pouvais pas attendre un peu plus longtemps ?
Toya se pencha en avant et lança un regard furieux à Sennin.
Ferme-la, vieil homme. Tu ne sais même pas de quoi tu parles.
Il descendit de l'arbre et se dirigea vers la forêt.
Shinbe soupira de soulagement. Il avait peur d'entendre Toya leur parler du baiser innocent, il aurait dû s'expliquer.
Est-ce que j'ai dit « innocent » ? Se dit-il en sentant quelque chose de lourd s'installer dans le creux de son estomac.
Si c'était innocent, pourquoi n'arrêtait-il pas de penser à la douceur de ses lèvres qui avaient touché les siennes ? Face à cette pensée, il grogna et entra dans la cabane.
Kaen, un allié des gardiens, mieux décrit comme un jet de feu, apparut devant Kamui avec un sourire. Il aidait souvent Kamui à s'entraîner et était très protecteur envers lui durant la bataille. Kaen pouvait se transformer en dragon, c'était un avantage... cela rendait l'entraînement bien plus intense. Ils s'entraînaient dehors tandis que Sennin et Suki se regardaient mutuellement.
Suki haussa les épaules et ils entrèrent dans la cabane. Shinbe était allongé sur un matelas, appuyé sur son coude en leur tournant le dos. Ils l'observaient, mais aucun d'eux ne disait quoi que ce soit concernant son humeur déprimée. Suki allumait le feu de cuisson tandis que Sennin préparait la nourriture pour le dîner, jetant tous les deux un coup dâÅil à Shinbe alors qu'il soupirait.
*****
Toya resta loin de la cabane toute la journée, jusqu'à ce que le soleil ait commencé à se coucher. Il s'approchait silencieusement lorsqu'il entendit Sennin et Suki parler doucement. Son ouïe améliorée de gardien pouvait entendre chaque mot que leurs lèvres prononçaient.
Est-ce que tu crois qu'il est malade, Sennin ? Demanda Suki d'un air inquiet en fixant Shinbe qui était toujours allongé sur sa couverture, apparemment endormi.
Oui, il n'a rien mangé, répondit le vieil homme en nettoyant les bols du dîner.
J'espère qu'il n'a rien attrapé. Sans l'aide de Kyoko, on va vraiment avoir besoin de lui demain pour chercher le talisman manquant.
Suki haussa les épaules tout en déroulant son sac de couchage.
Oui, je lui ferai du thé aux herbes à son réveil.
Sennin ne pensait pas que le gardien était malade car ils étaient très bien immunisés contre les maladies humaines. En vérité... il n'en avait jamais vu un malade. Cela devait être quelque chose de plus profond.
Son regard marron et âgé s'aiguisait en pensant au talisman manquant. Depuis que le cristal du cÅur du gardien avait été brisé, les petits éclats de talisman apparaissaient n'importe où, et souvent dans de mauvaises mains. Tout démon faible possédant un talisman devenait fort et dangereux. L'armée maléfique de Hyakuhei semblait s'élargir de jour en jour. Récemment, il avait senti le mal s'approcher.
Toya se tenait à l'extérieur de la cabane en se demandant s'il devait entrer, lorsqu'il entendit son nom. Suki étouffa un bâillement :
Je me demande ce qui a énervé Toya au point de faire partir Kyoko.
Sennin hocha la tête.
Je pensais qu'il avait compris la leçon. On a besoin d'elle autant qu'on a besoin des gardiens.
Suki s'assit sur son matelas, balayant de la poussière imaginaire.