Sa voix vacilla lorsque son dos heurta le mur et ses paumes de mains la bloquèrent de chaque côté d'elle la piégeant efficacement contre le rocher du château.
C'est ma partenaire qui aide Storm pas moi, grogna Syn. Je ne suis là que pour la protéger et quelle ne se fasse pas tuer à nouveau !
On ne ma jamais tuée, nia Angelica. Elle trembla quand le mur se fissura, remontant en lignes irrégulières sous ses paumes jusquà sa tête et ses épaules.
Arrête ! chuchota-t-elle en respirant à peine.
Quelque chose n'allait vraiment pas chez lui, mais bizarrement, ça ne lui faisait pas peur. Non, tout à coup, elle eut le sentiment davoir le cœur brisé. Elle respira de manière plus ralentie, voulant être prudente en ce moment, parce qu'elle sentait que si elle ne l'était pas, lhomme puissant qui était devant elle allait exploser et une peur profonde risquerait de lenvahir.
Laisse-moi te prendre dans mes bras jusqu'à ce que je me calme, lui dit Syn, juste au moment où il se pencha en avant et la traîna contre lui.
Comme Angelica ne résistait pas, Syn sentit quune partie du chagrin qui lécrasait lui quittait les épaules. Elle ne se souvenait peut-être pas de sa mort, mais c'était un souvenir qu'il avait encore du mal à garder enfoui au plus profond de lui-même sinon il risquait de devenir fou. Maintenant son emprise, il s'abaissa lentement au niveau de ses genoux, la tirant avec lui le long du mur. Il laissa une main tremblante courir sur ses cheveux sombres et soyeux, puis il pressa sa joue dans l'arc de son cou, en posant ses lèvres contre sa tempe.
Angelica cligna des yeux lorsqu'elle sentit son corps trembler contre le sien et entendit son souffle dans son oreille. C'était comme s'il luttait contre quelque chose qu'elle ne pouvait pas voir. Trouvant quil sagissait là dun bon prétexte pour sabandonner à lui, elle se détendit lentement contre lui et le laissa faire. Elle se sentit étonnée de la chaleur et de la protection qu'elle ressentait lorsqu'il la tenait dans ses bras. Il était si grand et si fort qu'elle pouvait même sentir sa retenue quand il létreignait.
Comptant sur son courage pour apaiser sa curiosité, elle garda un ton calme et doux :
Je ne comprends pas ce que j'ai fait pour attirer son attention.
En effet je suis sûr que tu ne comprendrais pas, admit Syn en embrassant doucement ses cheveux noirs avant de poser sa joue contre elle.
Une partie de lui ne voulait pas lui rappeler leur passé houleux ni voir les éclairs de haine dans ses yeux pour ce qu'il avait fait. Surtout quil n'avait pas l'intention de lui demander pardon. Ils méritaient tous de mourir.
Tu ne mes pas très utile, ajouta Angelica, se sentant légèrement épuisée par toutes les poussées d'adrénaline qu'elle avait pu subir au cours de ces deux dernières heures.
Elle ne lui avait pas menti elle n'avait pas peur de lui pas du tout. Elle l'avait presque vu se suicider pour ramener à la vie un endroit plein d'enfants assassinés. Comment pouvait-elle vraiment le craindre alors que c'était tout ce qu'elle pouvait faire pour ne pas lui tendre la main ? Il fallait quelle trouve un moyen de s'éloigner de lui définitivement.
Tu es cruelle envers moi, Angelica, chuchota Syn après avoir entendu ses pensées les plus profondes. Si tu gardes ton âme enfermée, tu sauras à quel point tu m'as rendu cruel.
Sa peur saccrut à ses paroles et Angelica essaya de la repousser. Mais en vain. Voulait-il prendre son âme à elle aussi ? Était-ce la raison pour laquelle il la harcelait ?
Tu n'as aucun droit sur mon âme et tu n'en auras jamais, insista-t-elle alors que son instinct de lutte s'emparait d'elle, la poussant à intensifier sa lutte.
Et pourquoi ? grogna Syn en sentant sa santé mentale défaillir. Dois-je détruire un autre monde juste pour te le prouver ?
Les yeux d'Angelica s'élargirent et elle s'immobilisa. Que voulait-il dire par détruire un autre monde ? Elle décida de ne pas le lui demander, parce que, sérieusement, qui voudrait savoir ce genre de choses ? Elle ressentit une peur non désirée s'accrocher à elle-même après avoir repoussé les questions qui la dérangeaient dans le coin le plus sombre de son esprit.
Il sentait son souffle s'accélérer, se plaçant contre son cou dans des bouffées douces et chaleureuses. Même si cette sensation était apaisante, elle lui chauffait le sang, ce qui n'était pas bon pour sa maîtrise de lui-même. Ce monde l'avait gardé à distance assez longtemps. Il serra son emprise et courba son corps autour d'elle pour la protéger lorsque les petites ampoules du grand lustre du centre de la pièce se mirent à exploser, envoyant des étincelles qui séteignait peu à peu en atteignant le sol.
Angelica commença à regarder le plafond, mais Syn ne la laissa pas lever la tête. Du coup, elle resta pressée contre lui en se demandant que faire. L'aube était en train de se lever, baignant la pièce dans une légère pénombre.
On serait pas en train de nous disputer, là ? demanda-t-elle en chuchotant.
Parce que si c'était le cas, elle savait déjà que cest elle qui allait perdre.
Non, grogna-t-il d'un ton dur.
Il fixa le miroir ovale de la coiffeuse qui se mit à craquer assez fort.
Et si tu me disais ce qui ne va pas avant dencore complètement détruire ma chambre ? lâcha Angelica.
Syn se figea lorsquil l'entendit dire « encore ». Se souvenait-elle enfin de choses qui ne s'étaient pas produites dans cette vie ? Ni dans ce monde, d'ailleurs ? Son âme était-elle assez forte pour enfin secouer la cage de sa prison mortelle ? Il pointa doucement sa main dans les cheveux noirs dans lesquels ses doigts étaient emmêlés pour qu'il puisse se pencher en arrière d'elle et aller chercher la vérité dans ses yeux.
Encore ?
Sa voix tremblotait, comme hantée, même à ses propres oreilles.
Quoi demanda Angelica, confuse.
Alors ça cest comme sil était partout, ce qui l'empêchait de suivre. C'était vraiment épuisant.
Tu m'avais dit de te dire ce quil n'allait pas avant que je détruise ta chambre encore une fois, répéta-t-il en insistant sur le mot « encore ».
Cest bien ce que j'ai fait, chuchota Angelica en sentant des frissons glacés effleurer ses bras. Sa bouche sentrouvrit pour le nier, mais elle avait dit « encore » et elle ne pouvait pas revenir en arrière maintenant, parce que cela ressemblait vraiment à la vérité.
Syn laissa la frustration labandonner et un lent sourire lui fit grimacer les lèvres. Il avait déjà détruit sa chambre plus d'une fois, et même s'il n'avait aucun moyen de savoir quel souvenir avait du mal à percer, il s'en fichait. Bon ou mauvais, il l'attendait avec impatience, ainsi que la bataille qu'ils auraient probablement dû livrer à ce sujet.
Son âme était la plus intime des âmes et lui avait déjà pardonné c'était ce quil restait d'elle et il devait se forcer à se rendre.
L'attrapant en souriant devant tant de confusion, Angelica le repoussa, reconnaissante qu'il lui lâche les cheveux avant de lui faire le coup du lapin.
Parfait si tu aimes redécorer les chambres pendant ton temps libre peu importe. Si tu ne pars pas et ne me laisses pas me reposer, cest moi qui vais te redécorer !
Elle fronça les sourcils lorsquil disparut dun coup, faisant résonner dans la pièce lécho de son rire chaleureux, quelle entendit s'estomper au lointain. Elle ne se souvenait pas l'avoir entendu rire comme ça ni même sourire pour de vrai. Alors pourquoi cela lui faisait mal à la poitrine, comme si elle avait à la fois récupéré et perdu quelque chose qui lui était cher ?
Se sentant soudainement épuisée, elle se mit à ramper jusqu'au lit et se hissa sur le matelas en essayant d'ignorer la sensation de tout le temps tomber en arrière. Elle vit le vague éclat de son sourire chaleureux. Ce même sourire qu'elle venait de prétendre n'avoir jamais vu. Cette vision fugace lui donna envie d'en voir plus. Fatiguée, elle ferma les yeux en sabandonnant à ce qui lentraînait implacablement vers le haut.
Syn réapparut sur le toit du château. Il avait remarqué ces petites nuances d'améthyste scintiller dans ses yeux sombres et avait décidé de ne pas la distraire alors quelle cherchait au plus profond de ses pensées. Il avait déjà vu la couleur de ses iris changer, mais seulement quand elle utilisait ses pouvoirs. C'était la seule fois qu'elle sautorisait à ressentir l'âme puissante qu'elle avait emprisonnée au plus profond d'elle-même.
Il comprenait pourquoi elle protégeait inconsciemment son âme d'un monde où la vie et la mort des mortels pouvaient changer en un clin d'œil. C'était de l'instinct pur, mais cette crainte n'était plus acceptable. À linstant même où elle l'avait appelé de cette grotte sombre, il lui avait envoyé son pouvoir sous la forme de cette marque quelle avait sur sa paume. Plus tard, il avait renforcé ce pouvoir en lui insufflant sa force vitale même si elle n'était pas consciente de l'importance d'un tel échange.
Elle avait maintenant des capacités dont elle n'était même pas consciente et il ne l'avait pas aidée à s'en rendre compte pour des raisons purement égoïstes. Elle était déjà trop indépendante à son goût. Et même si le temps n'était plus son ennemi et que la plupart des blessures guériraient instantanément, elle était toujours en danger à cause des puissants immortels qui avaient déclaré la guerre à cette ville.
Il y avait encore une chose qu'il pouvait faire pour elle et qui aiderait à égaliser leurs chances, mais il allait devoir être patient, parce quil savait qu'elle n'était pas encore prête pour les effets secondaires du mélange de leur sang. Il avait déjà fait cette erreur auparavant. Ce n'était pas la même chose que lorsque leurs enfants partageaient leur sang avec leurs âmes sœurs.
Il fit glisser son regard du toit en ressentant le silence qui venait de la pièce qui se trouvait juste sous lui. En plus, il se disait que s'il la mordait maintenant, elle verrait ça comme la preuve qu'il était exactement ce qu'elle s'était convaincue qu'il était : un monstre.
Être doux avec elle la mettait en danger et il n'en fallait pas beaucoup plus pour le tenter de devenir le monstre dont elle avait besoin. Après tout il avait déjà joué ce rôle auparavant.
Chapitre 5
Kriss se tenait devant l'immense baie vitrée de leur appartement, une bouteille de Heat, le fameux mélange de Kat, dans une main, et un verre de vin surdimensionné dans l'autre. Il voulait se soûler, mais son métabolisme agaçant et rapide ne lui permettait pas d'obtenir la libération qu'il désirait pour juste quelques instants fugaces. De plus en plus frustré, il serra la main autour du verre, le brisant accidentellement dans sa paume alors qu'il se rappelait quil navait pas vu Vincent depuis des lustres.
Certes, Vincent ne se souviendra pas de leur première rencontre depuis que Storm avait fait demi-tour mais Kriss n'oubliera jamais cette expression de haine quil lui avait adressée. En rejetant cette haine, il s'était rebellé contre les souvenirs de son enfance, à l'époque où Vincent avait ressenti pour lui exactement les sentiments inverses.
Il n'était pas dans ce monde depuis longtemps quand Dean s'était envolé pour arrêter une horde de démons qui se dirigeaient droit sur eux. Il avait attendu, seul, caché parmi les énormes rochers au pied d'une falaise, suivant les ordres stricts de Dean qui étaient de rester tranquille et caché parce que cet endroit était sûr. Dans cette histoire, Dean avait eu raison sur certaines choses.
Depuis des jours, Kriss n'avait pas vu d'animaux encore moins d'humains ou de démons. C'était la première fois de sa vie qu'il se retrouvait seul. Le silence qui l'entourait ne faisait qu'alimenter le sentiment d'abandon et de peur qu'il ressentait en attendant l'amour qu'il avait reçu dans son monde natal et la chaleur et la sécurité que Dean lui y avait données.
Ce fut au milieu de la nuit que Kriss entendit un bruit de cailloux tombant de quelque part juste au-dessus de lui. Il s'était adossé contre l'un des rochers et avait levé les yeux vers la falaise où la lumière du croissant de lune latteignait à peine. Tout ce quil put voir nétait que de sombres silhouettes ressemblant à des silhouettes de démons ramper vers lui. Il était comme fasciné par la façon dont leurs yeux rouge sang brillaient lorsqu'il les voyait les observer, et par la manière dont leurs corps presque humains se tordaient de la façon la plus effrayante qui soit lorsqu'ils se mouvaient dans lespace. Il aiguisa son regard, afin de pouvoir se rendre compte que leurs corps décharnés semblaient avoir brûlé de manière profonde, comme si elles venaient de sortir d'un feu invisible. Il pouvait même sentir la pourriture de la viande rôtie à mesure qu'ils se rapprochaient.
Il avait eu si peur qu'il avait rampé en arrière et était tombé de l'autre côté, atterrissant violemment sur un tas de petits rochers pointus qui s'élançaient du sol comme des milliers de pics. Constatant qu'il avait été blessé à plusieurs endroits, il lutta pour se relever en essayant de ne pas empirer son cas.
Au moment où l'odeur de son sang non contaminé senvola dans la brise, il entendit leurs griffes acérées gratter les rochers. Plusieurs coups de tonnerre lui indiquèrent que certains des démons avaient tout bêtement sauté depuis leur rocher pour l'atteindre.
Et puis, le silence disparut, et fut remplacé par leurs cris troublants qui résonnaient sur les rochers, ce qui lui donna l'impression qu'il y en avait beaucoup plus qu'ils n'étaient en réalité. Passant au-delà des rochers pour s'enfuir, il ne parvint qu'à déchirer ses vêtements et à ségratigner à plusieurs endroits avant d'atteindre un endroit plus stable pour pouvoir enfin se lever.
En faisant un tour des environs, Kriss se rendit compte qu'il était trop tard pour courir ou essayer de se cacher il était entouré de démons et ils étaient tous bien plus grands que sa taille denfant. Il se tenait debout, figé sur place, alors que de longs doigts griffus venaient de derrière lui pour s'enrouler autour de son visage. Des griffes affûtées lui tranchaient l'arête du nez et les joues pendant quun démon le tordait en arrière, puis le secouait brusquement dans les airs comme pour le montrer à ses congénères.
Il n'avait jamais eu à se battre dans son monde et Dean ne lui avait jamais autorisé à se battre dans celui-ci. Il y eut un moment fugace où il se demanda s'il ne valait pas mieux les laisser l'engloutir, plutôt que de rester seul dans cet endroit effrayant. Cette pensée s'évanouit rapidement lorsquune douleur se diffusa soudainement en lui, provoquant son instinct de survie à donner un coup de pied vengeur.
Les larmes lui brouillant la vue, il gagna difficilement son premier combat à mort. Le silence régnait une fois de plus dans la zone et il jeta un coup d'œil à ce qu'il avait dans la main juste à temps pour voir sa lame de Déchu illuminée disparaître de sa prise sanglante. Sentant quelque chose peser sur son autre main, il tourna lentement la tête pour voir de quoi il sagissait et vit des yeux démoniaques qui le fixaient d'un regard vide. Sa main était dans la bouche de la chose agrippant sa mâchoire il ne savait pas où était passé le reste de son corps. Il s'était accidentellement éraflé les articulations contre les dents pointues du démon lorsquil avait voulu arracher la main de sa bouche en agissant à la va-vite. Il parvint enfin à faire tomber sa tête au sol, qui roula loin de lui en frappant un rocher en plein œil à la fin de sa course.