Liaisons interdites
Victory Storm
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Editeur: Tektime
Traducteur (ita --> fr): Jean-Luc Dollat
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LIAISONS INTERDITES
Est-ce qu`un amour qui défie la loi de deux familles séparées par une haine ancestrale pourra survivre ? Liaisons interdites est la réinterprétation de l`œuvre de Shakespeare Roméo et Juliette, dans une version au goût du jour et une touche de suspense supplémentaire.
Ginevra Rinaldi n`a jamais su ce qu`était la liberté. Ayant vécu dans une prison dorée, étouffante et surchargée de règles édictées par son père, elle est habituée à obéir et à subir la sanction de sa famille pour tout manquement. Lorenzo Orlando a renoncé à la succession de sa famille afin d`avoir la liberté de faire ce qui lui plaisait, même au risque de sa propre vie. Aujourd`hui, toutefois, c`est un homme respecté et il est propriétaire de l`établissement le plus prestgieux de Rockart City, le Bridge. Décidé à rompre le carcan préétabli, Ginevra pénètrera dans l`antre du loup. Que lui arrivera-t-il lorsqu`elle sera envoûtée par le regard pénétrant de Lorenzo et découvrira qu`elle ne peut plus le fuir ? De combien de temps disposera Ginevra avant de finir dans les filets de Lorenzo ?
Exergue
Deux familles, égales en noblesse,
Dans la belle Vérone, où nous plaçons notre scène,
Sont entraînées par d'anciennes rancunes à des rixes nouvelles
Où le sang des citoyens souille les mains des citoyens.
Des entrailles prédestinées de ces deux ennemies
A pris naissance, sous des étoiles contraires, un couple d'amoureux
Dont la ruine néfaste et lamentable
Doit ensevelir dans leur tombe l'animosité de leurs parents.
Les terribles péripéties de leur fatal amour
Et les effets de la rage obstinée de ces familles,
Que peut seule apaiser la mort de leurs enfants,
Vont en deux heures être exposés sur notre scène.
Si vous daignez nous écouter patiemment,
Notre zèle s'efforcera de corriger notre insuffisance.
( Extrait de Roméo et Juliette
de William Shakespeare,
traduction de François-Victor Hugo)
Chapitre 1
GINEVRA
"Je ne sais pas, Maya. Il vaudrait peut-être mieux laisser tomber", murmurai-je en mefforçant de maîtriser l'angoisse qui m'envahissait.
"Allez, Ginevra, laisse-toi aller pour une fois ! N'en astu pas assez de toujours devoir te soumettre aux règles de ta famille ? Tu ne me feras pas croire qu'une partie de toimême ne désire pas sortir des sentiers battus pour s'amuser comme nimporte quelle fille de ton âge !", laissa échapper mon amie en râlant.
Bien sûr que je le voulais ! Mais ce n'était pas évident pour quelqu'un qui, comme moi, avait le sang italien des Rinaldi dans les veines.
Être la fille d'un boss de la mafia signifiait mener une vie prédéterminée, encadrée par des règles et des limitations édictées par un padre-padrone.
Le fait d'être la plus jeune ne me donnait pas plus de liberté et toute erreur ou transgression était sévèrement sanctionnée. C'était la raison pour laquelle j'avais appris assez tôt à respecter les volontés familiales.
Je m'étais toujours parfaitement comportée mais, au cours des dernières années, depuis que je fréquentais l'université, j'avais commencé à souffrir de cette rigidité typique de mon père et de ce perfectionnisme maniacal de ma mère.
J'avais changé depuis que j'avais été confrontée avec une réalité aussi ample que celle de l'université, dont les étudiants n'étaient pas sélectionnés ni évalués selon les mêmes critères que l'école catholique féminine où j'avais étudié jusqu'alors.
J'avais appris qu'il existait d'autres styles de vie et que, en l'absence de mon père du conseil de faculté, le fait que je fûsse une Rinaldi n'intéressait absolument personne.
Pour la première fois de ma vie je métais permise d'être moimême et d'embrasser des idéaux que mon père abhorrait.
Ces deux dernières années j'étais devenue la brebis galeuse de la famille, celle qu'il fallait éviter ou traiter comme une pauvre dégénérée ; la vérité était que je ne m'étais jamais sentie vivre pleinement jusqu'alors.
Petit à petit j'avais coupé tous ces liens qui m'ancraient dans la famille ; mais j'étais encore loin de jouir pleinement de la liberté et de la faculté de faire ce qui me plaisait, comme prendre des décisions relatives à mon avenir sentimental ou professionnel.
Jusque là je m'étais contentée d'observer Maya, la fille du comptable du patrimoine des Rinaldi et ma seule amie tandis qu'elle transgressait allègrement les règles de sa famille, laquelle respectait à la lettre les lois de mon père.
J'enviais Maya à chaque fois qu'elle m'appelait pour me demander de la couvrir pendant qu'elle fréquentait des amis à elle, non appréciés par ses parents, ou quelle sortait avec un garçon.
J'avais toujours admiré sa crânerie visàvis de sa famille dont elle défiait la volonté.
Combien de fois auraisje voulu l'accompagner, mais le poids de mon nom m'en avait toujours empêchée.
Cependant Maya avait raison : il ne m'était plus possible de continuer ainsi. Je venais de terminer ma première année à l'université sans avoir éprouvé l'ivresse d'une liaison, de la rencontre secrète d'un garçon ou d'une folle soirée en vadrouille en compagnie de parfaits inconnus.
"Ok, allons-y !" m'exclamaije enthousiaste, la voix encore nimbée d'appréhension.
"Tout ira bien, tu verras. Je l'ai fait plus d'une centaine de fois et je te garantis que je n'ai jamais eu de problème", me rassura Maya.
"J'ai tout simplement peur que quelqu'un me reconnaisse et que mon père l'apprenne."
"J'ai pris toutes les précautions utiles. Regarde un peu", ditelle en me tendant une perruque aux longs cheveux blonds ondulés.
Comprenant, je blêmis :"Ce n'est pas vrai ! Tu plaisantes ?"
"Ma chérie, tu es la fille du propriétaire de la moitié de Rockart City. Tu ne peux pas sortir sans attirer l'attention."
"Personne ne sait plus qui je suis. Cela fait deux ans que mon père ne m'inclut plus dans ses interviews et il ne m'invite même pas aux cérémonies dinauguration. Tout le monde pense quil na que deux enfants et pas trois. Mes apparitions à ses côtés sont plus quépisodiques depuis que je suis devenue végétarienne et que jai commencé à parler des droits civiques."
Maya gloussa :Il ne ta pas encore pardonnée dêtre devenue végétarienne ?
Non. Quand nous mangeons ensemble il fait déposer un bifteck dans mon assiette que jéloigne de moi à chaque fois, ce qui lénerve au plus haut point. Maintenant je mange toujours en solitaire dans lannexe où jai été reléguée, lui expliquaije tristement. Il était assez douloureux de se sentir rejetée en permanence par sa famille.
Trop cool ! Là tu es toute seule et tu peux faire tout ce que tu veux !
Si seulement cétait vrai ! Rappelletoi quil y a des caméras de vidéo-surveillance disséminées un peu partout dans la maison. Je nai pas de vie privée et, souvent, je me demande si je réussirai jamais à me détacher de la famille et à vivre pleinement ma vie, trouver un travail et épouser lhomme que jaime...
Cest impossible tant que tu demeureras à Rockart City. Une feuille ne peut pas bouger à lest de la Safe River sans que ton père en soit tenu au courant... Ton unique espoir est de partir loin, très loin dici, là où ton père ne pourra pas parvenir car tu sais parfaitement quil ne te laissera jamais agir de ton propre chef. Il mettra tout en œuvre pour tempêcher de travailler pour subvenir à tes propres besoins, tempêchant de couper ce cordon ombilical qui tenchaîne encore à lui malgré tes vingt-trois ans !
Et à coup sûr, il ne me laisserait jamais épouser qui je veux.
Oublie tout cela, Ginevra ! Pense simplement à toutes les relations amoureuses que tu as eues jusquà présent.
Je nen ai eu quune seule, trois jours durant, pendant ma dernière année de high school.
Daniel Spencer, nest-ce pas ?
Oui. À peine aije pu échanger un premier baiser avec lui avant dapprendre que lui et toute sa famille avaient été exilés de Rockart City pour toujours.
Tout ça pour un baiser... Je nose même pas imaginer ce qui se serait passé si tu avais couché avec lui.
Je ris faiblement : Jaurais atterri dans les oubliettes du château, comme un prisonnier de guerre, même si jétais convaincue que je subirais le même sort. Je navais pas oublié le coup de sang de mon père ni la gifle dont il mavait gratifiée lorsquil avait découvert le béguin que jéprouvais pour le fils de David Spencer, lindividu qui lui avait fait louper une affaire deux ans auparavant.
Edoardo Rinaldi avait la rancune tenace.
Bah, cette fois je te promets quil narrivera rien et ton père nen sera jamais informé, me rassura Maya, passant la perruque blonde sur mes cheveux châtains qui me descendaient sur les épaules.
Je me regardai dans le miroir.
Jeus envie de rire parce que jétais méconnaissable avec cet eye-liner noir et ces cheveux qui marrivaient à la taille. De plus, la robe que mavait faite endosser Maya était à lopposé de mon style bon chic-bon genre habituel.
Cette robe rouge sans épaulettes et cette veste noire aux manches courtes me donnaient une aura de femme cosmopolite, entreprenante et transgressive, tout le contraire de ma personnalité.
Surprise, je mexclamai : Est-il possible que ton père ne remarque rien de tout ces achats ?
Mon père nest pas aussi circonspect que le tien mais il pointe toutes les dépenses effectuées par carte de crédit. Quant à ma mère, elle passe ma garde-robe en revue une fois par mois si mon père se plaint du relevé.
Ta mère est comme la mienne. Comment se fait-il quon ne te reproche pas tous ces achats ?
Ma mère nest pas au courant de ma double vie. Jai un accord avec la vendeuse du magasin de fringues : elle me laisse emporter ces vêtements à la maison pour les essayer pendant vingtquatre heures ; je les lui ramène le lendemain, intacts, lorsque je vais acheter des habits plus conformes aux goûts de ma mère, dit-elle, me dévoilant son stratagème. Ce faisant elle me montra létiquette encore attachée à la robe avant de la cacher dans le décolleté, sous laisselle droite.
Tu es géniale !
Je sais mais souvienstoi de prendre bien soin de cette robe car demain je dois la rapporter en parfait état au magasin.
Promis, juré !
Bon, alors allons-y. Lemployée de maison ma laissé les clés de la voiture qui sert à faire les courses et, ainsi accoutrées, nul ne nous reconnaîtra lorsque nous nous dirigerons vers la sortie. Pas même le garde du corps qui ta conduite ici et qui tattend, garé à lextérieur de la grille.
Je lespère, autrement je suis morte.
Par précaution laissons les téléphones portables ici pour éviter que le signal GPS nous fasse pincer ; enfin nous nemporterons dans nos sacs à main que de largent liquide et le faux document didentité que je tai procuré. Ce soir, rappelletoi que je ne mappelle plus Maya Gerber mais Chelsea Faye ; quant à toi tu nes plus Ginevra Rinaldi mais Mia Madison, de Los Angeles.
Tu as vraiment tout prévu, nest-ce pas ?
Maya pouffa de rire. Ginevra, après cinq années descapades secrètes, je pourrais même mévader dune prison, ditelle, ce qui détendit latmosphère.
Chapitre 2
GINEVRA
Mon cœur battait à tout rompre.
Cétait la première fois que je faisais quelque chose de dingue et jétais morte de trouille.
Je suivis Maya en silence, malgré mes hauts talons.
Tout le monde était parti se coucher et la maison était déserte.
Nous sortîmes par la porte de derrière et nous nous dirigeâmes vers la voiture garée à proximité immédiate, daprès les ordres donnés par mon amie.
Nous montâmes à bord dune vieille Toyota Corolla et, linstant daprès, nous démarrions.
Lorsque la voiture franchit la grille dentrée je me cachai afin de ne pas me faire remarquer des occupants du véhicule garé à proximité. Cétait dans cette voiture quon mavait amenée ici et elle ne serait pas repartie sans moi.
Je détestais ce contrôle permanent de tous mes faits et gestes mais je ne savais pas comment me libérer de cette prison sans barreaux.
Le fait dêtre une Rinaldi était ma croix et je la porterais jusquà ma mort.
Je commençai à me détendre lorsque nous empruntâmes la voie rapide. Mais à peine entrevisje la Safe River que ma respiration sarrêta : cétait la première fois que je la voyais réellement.
Aussitot la peur pénétra toutes les cellules de mon corps.
Je magitai nerveusement, voyant que mon amie franchissait le pont qui reliait les quartiers est et ouest de Rockart City : Maya, où allons-nous ?