Oui, mdame.
Les matches avaient été lidée de Léona. Cétait elle qui avait approché Béryl. Il ne sétait pas demandé pourquoi la mère de six lions mâles avait organisé les matches. Ça avait semblé évident ; elle était la mère de six lions mâles. Elle avait besoin dun moyen de libérer leur agressivité qui ne causerait pas davantage de dégâts dans son repaire.
Léona se retourna vers son fils. Elle nexamina pas ses blessures ni ne laida à se relever comme une mère normale le ferait. Parce que cétait une lionne. Quand elle vit que son aîné respirait toujours, elle se tourna vers la foule et annonça que Béryl était le vainqueur.
La foule scanda son nom. Lors de ses combats précédents, cela avait représenté le temps fort du match dentendre des applaudissements pour ce qui lui venait naturellement. Mais avec ce match-ci, il avait limpression davoir perdu le concours.
Il avait perdu quelque chose. Il sétait perdu lui-même. Il navait aucune prise sur son animal. Si Léona nétait pas intervenue, Béryl nétait pas certain quil aurait regagné le contrôle. Il aurait pu tuer Léander. Alors quen fait, Béryl aimait bien ce joli garçon, énorme et poilu. Plus quil aimait son propre frère.
Cétait un très mauvais esprit sportif, dit Ilia lorsque Béryl descendit du ring. Tu aurais dû viser ses genoux à la place
Ferme-là.
Béryl donna une bourrade à son frère.
Ilia, qui était trente centimètres plus petit et pesait dix kilos de moins que Béryl, retomba dans une foule de fées. Les fleurs le rattrapèrent dans leur étreinte végétale. Les yeux bruns dIlia furent traversés dun éclair de jade, son dragon se manifestant en réponse à lattaque de Béryl.
Béryl ressentit un pincement de remords, mais il le piétina rapidement. Ilia avait lhabitude de ce genre de traitement, étant lavorton de la portée. Et Béryl navait pas le temps de sexcuser. Il y avait des choses plus importantes dont il devait soccuper.
Il se fraya un chemin dans la foule enthousiaste. Sans se préoccuper de couvrir sa virilité en cours de route.
Laisse-moi guérir ces blessures, dit une fée.
Elle sappelait Dahlia.
Il lavait eue plusieurs fois. Son doux parfum lattirait dhabitude, mais il était amer, ce soir. Il navait pas cédé aux fées depuis un bon moment, à présent, pas depuis quil savait quil y avait une chance.
Béryl sécarta de Dahlia et poursuivit son chemin vers les Valkyries qui partaient.
Siggy ? Hilda ? Aucune nouvelle en provenance de lautre côté du Voile ?
Hilda se tourna vers lui, ses tresses voletant avec son mouvement. Son épée se leva et décrivit un arc jusquà la gorge de Béryl. Il déglutit. La lame accrocha sa pomme dAdam.
Pour qui me prends-tu ? dit Hilda en retroussant les lèvres tout en toisant Béryl. Le Journal de 20h ?
Béryl leva les mains en signe dapaisement.
Mes excuses. Je demandais simplement si vous aviez des nouvelles de Morrigan.
Morri nest pas revenue de sa chasse, dit Siggy.
Son regard fixait sans vergogne les bijoux de famille de Béryl.
Quelques semaines plus tôt, Corin, le frère de Béryl, avait conclu un accord avec les Valkyries pour quelles leur ramènent des sacrifiées en échange de pierres précieuses. Béryl avait pris Morrigan à part et lui avait offert son poids en émeraudes si elle lui ramenait sa première prise. Mais il navait plus vu un cheveu de la Valkyrie depuis.
Je double le prix si vous la rejoignez dans sa chasse.
Béryl laissa le dragon remonter à la surface. Ses yeux étincelèrent dun vert émeraude.
Les regards des Valkyries eurent un éclair doré de convoitise. Cétait lunique faiblesse des farouches guerrières. Elles aimaient les pierres précieuses. Elles aimaient la plupart des choses scintillantes. Les dragons extrayaient les joyaux de leurs mines et étaient réputés pour couver leurs trésors. Mais les dragons chérissaient leurs sacrifiées plus que les joyaux de leur montagne.
Nous ne travaillons pas pour toi, dit Hilda dont la voix avait perdu son ton mordant. Nous ne sommes pas ici pour faire apparaître ton plan cul personnel.
Ce nétait pas un plan cul. Cétait une bouée de sauvetage. Une sacrifiée, une femme toute à lui, à protéger, à chérir et à qui donner du plaisir, était la seule chose qui calmerait sa bête de façon permanente et la garderait en laisse. Si Béryl nobtenait pas de sacrifiée rapidement, son dragon prendrait le contrôle du corps quils partageaient, et lhomme serait coincé à lintérieur. Sinon, Béryl devrait continuer à combattre lors de ces matches en cage pour garder un semblant de contrôle. Si ce soir avait prouvé quelque chose, cest quavec son contrôle qui diminuait, au cours du prochain match, quelquun mourrait.
CHAPITRE 2
Vous êtes fatiguée de votre train-train quotidien ?
Poppy Maddow releva la tête de sa planche à repasser. Sur lécran carré de la télévision, une jeune femme blonde au sourire joyeux haussa le sourcil dun air conspirateur. La jeune femme regardait Poppy en simple définition sur lécran douze pouces, mais Poppy eut limpression quelle pouvait voir ses désirs les plus profonds.
Nous vivons sur une belle planète avec de magnifiques paysages, des vues à couper le souffle, et des paradis tropicaux.
Poppy jeta un coup dœil par la fenêtre de la caravane. Il ny avait pas grand-chose à voir. À part des arbres nus, des voitures rouillées posées sur des blocs, des tas débordants dordures, et une décharge qui était autrefois un étang boueux.
Alors venez avec moi et évadez-vous dans un univers de montagnes pittoresques, de mers émeraude et de cités médiévales.
Sur lécran douze pouces, la caméra dévoila une vue aérienne deaux vertes, mais pas du vert des eaux usées de larrière-cour de Poppy. Elle pouvait voir dans les profondeurs de la mer, à la télévision. À linverse de la forêt aride derrière chez elle, des feuilles dun vert luxuriant couronnaient chaque arbre. Le brun qui recouvrait le paysage, dans lémission télévisée, était du sable et non la poussière et la crasse de la pauvreté.
Poppy se pencha en avant, les yeux écarquillés, le cœur battant, les pieds mourant denvie de senfuir vers cette merveille.
Où est mon putain de pantalon ?
Poppy ne sursauta pas en entendant le braillement rauque. On lui avait crié dessus toute sa vie. Cétait normal, pour elle, que Bruce élève la voix.
Elle ouvrit la bouche pour lui dire quelle était en train de repasser le pantalon quil cherchait. Au lieu de cela, elle sétrangla, et aucun mot ne sortit de sa bouche. En baissant les yeux, elle vit quil y avait une tache noire sur la jambe droite du pantalon. Quand elle avait été captivée par la destination touristique exotique, elle avait oublié le fer à repasser, et il avait brûlé une partie du meilleur pantalon de Bruce.
Merde. Elle allait sen prendre une.
Poppy se précipita pour cacher la preuve. Malheureusement, il ny avait pas beaucoup de place dans la caravane. Chaque pièce faisait double emploi. La cuisine était aussi la salle à manger. Chaque placard était rempli à ras bord de pots en verre, de casseroles, de tubes et autres outils et ustensiles nécessaires à la fabrication de la drogue abrutissante qui maintenait un toit métallique au-dessus de leurs têtes. Alors, elle ne pouvait pas fourrer le pantalon là-dedans.
La seule option était de fourrer le pantalon sous sa robe dété. Cétait un endroit où Bruce ne regarderait pas. Il lui écarterait bien les cuisses au milieu de la journée sil navait pas tiré son coup avec une de ses michetonneuses pendant la nuit, mais il ne lèverait jamais les yeux sur elle pendant quil le faisait.
Tu mas entendu, espèce de pétasse moche ? dit Bruce en tournant langle de la chambre à coucher qui faisait aussi office de salon.
Il portait un caleçon moulant et miteux, sa bedaine débordant par-dessus. Son torse velu était nu. Il y avait un trou à lorteil de lune de ses chaussettes bleues. Mais cétait ses chaussettes des grandes occasions. Visiblement, il devait aller quelque part dimportant, et il avait besoin de ce jean, sa meilleure tenue.
Merde, merde.
Tu as regardé dans le panier à linge ? demanda innocemment Poppy.
Elle tapota son ventre, essayant davoir lair naturel et non pas lair dêtre enceinte. Une chose sur laquelle elle ne faisait jamais limpasse malgré ses maigres revenus, cétait la contraception. Elle se rendait à la clinique voisine tous les mois, avec une régularité de métronome, pour sa pilule. Elle navait pas envie de faire naître un bébé dans cette misérable vie dont elle voulait elle-même séchapper.
Tu devais faire la lessive, dit Bruce en fonçant vers elle tandis que ses pas secouaient la caravane sur sa base. Je ne peux pas mettre ton cul répugnant sur le trottoir pour gagner quelque chose. Tu es allergique aux putains de produits chimiques pour fabriquer mon produit. Tu sers à quoi si tu ne peux même pas faire le putain de ménage, salope ?
Il la poussa, mais il ny avait pas vraiment de place où elle puisse aller dans lespace confiné. Son dos cogna la cuisinière, et elle glissa le long de sa surface. Le pantalon séchappa de sous sa robe.
Cest quoi, ce bordel ?
Il lui arracha le pantalon avant quelle puisse à nouveau le cacher. Le dos de la main de Bruce entra en contact avec le côté du visage de Poppy avant quelle ne puisse lui faire des excuses ou sécarter de son chemin.
Putain de connasse bonne à rien. Ce pantalon, cest une vraie imitation de Gucci. Je lai payé cinquante balles.
Deux ou trois mois auparavant, elle avait brûlé le steak quil avait volé dans la cuisine dun restaurant. Il y en avait eu pour vingt-cinq dollars de viande. Il lavait frappée une fois pour ça. Cinquante balles, cétait une fortune. Poppy leva les bras, attendant le second coup.
Couvre-toi, aboya Bruce.
Il tira sur sa robe pour la faire descendre, mais le tissu usé ne sétendait pas assez pour couvrir la laideur de ses jambes. Il se détourna delle. Les taches sur ses membres étaient une des raisons pour lesquelles il ne la regardait pas quand il la sautait au milieu de la journée.
Tu sais ce que je devrais faire ? dit-il, toujours accroupi au-dessus delle. Je devrais balancer ton cul derrière un glory hole. Personne naurait à regarder ce cul répugnant, alors.
Son haleine était chargée des relents de la chatte dune autre femme. Ses ongles étaient noirs de la crasse de son boulot de nuit comme proxénète local du parc de caravanes. Les veines de ses biceps étaient pleines de cicatrices dues à labus de son produit.
Poppy releva les genoux pour couvrir les taches sensibles de ses jambes. La décoloration faisait ressembler sa peau nue à celle dune lépreuse. Cest comme ça quon lavait appelée à lécole primaire, quand les taches avaient commencé à apparaître. Les docteurs avaient tous dit quelle navait pas cette maladie. Ils étaient incapables dexpliquer ce qui nallait pas chez elle.
Sa mère avait eu les mêmes problèmes de peau. Ça ne lavait pas empêchée de faire le trottoir. Cétait lun des rares boulots disponibles ici, dans ce trou paumé de Knudsen. Cétait soit travailler à genoux pour faire le ménage, soit travailler sur le dos pour faire des passes.
Kellyanne avait été déterminée à ce que sa petite fille ne travaille jamais sur le dos. Mais Poppy avait fini par avoir le pire des deux mondes. Elle commençait ses journées à genoux, en nettoyant la porcherie de Bruce et en faisant la lessive pour ses michetonneuses qui faisaient le trottoir. Puis elle se couchait sur le côté, la nuit, en espérant quil ne rentrerait pas à la maison pour la mettre sur le dos.
Sa vie nétait pas si mal. Dautres filles vivaient bien pire. Elle pouvait passer ses journées seules tandis que les autres femmes se rassemblaient aux abords du terrain de camping pour attendre les passants. Elle avait récupéré la TV qui recevait les chaînes publiques, y compris les émissions de voyage comme Globe Trekker où elle pouvait voir le monde. Et il y avait même une chaîne qui diffusait de vieilles séries comme K-2000, LIncroyable Hulk et La Belle et la Bête, mais en espagnol.
Non, sa vie nétait pas mal du tout. Oui, elle se faisait frapper de temps en temps. Parfois même, elle le méritait. Comme maintenant. Elle navait pas fait attention et avait ruiné le meilleur pantalon de Bruce.
Je crois que je peux arranger ça, dit-elle à travers la douleur cinglante de sa mâchoire. Il me faut juste un peu de vinaigre. Laisse-moi essayer.
Il lui jeta un regard noir pendant encore une minute entière avant de se reculer. Il ne lui tendit pas la main. Elle se remit précipitamment sur ses pieds, sassurant de garder ses taches dissimulées à sa vue pour ne pas le mettre plus en colère.
Poppy fouilla les placards à la recherche de vinaigre. Elle trouva la bouteille juste au moment où la lessive suivante se terminait avec un petit ding. Elle soccupa dabord du pantalon de Bruce, tamponnant lacide sur la marque de brûlure. Dieu merci, elle avait lair de partir. Elle ne recevrait peut-être pas cette deuxième gifle, après tout. La journée sannonçait déjà meilleure.
Elle étendit le pantalon sur le côté pour le laisser sécher et partit soccuper de la lessive. Poppy sortit de la machine un mélange de strings et de mini-jupes qui auraient pu faire office de bandanas. Sa main simmobilisa sur une pièce de sous-vêtement.
La culotte nétait pas une taille dame. Létiquette indiquait la taille par âges. Cétait celle dune enfant. Âge : de six à douze ans. Le coton blanc était décoré de nounours qui se faisaient un câlin. Sur lentrejambe, il y avait des traces de sang décolorées.
La bretelle de la robe de Poppy tomba de son épaule quand elle se redressa. Elle ne remit pas la bretelle en place pour couvrir les taches de ses bras. Plus que tout, elle avait envie darracher sa robe. Le fin coton ressemblait soudain à du papier de verre sur sa peau sensible et couverte de maladie.
Quest-ce que tu fous ? Il faut que je me casse. Tes aussi stupide que tes moche ?
Elle nétait pas sûre de la manière dont le couteau de boucher avait atterri dans sa paume. Quand la main de Bruce sabattit sur son épaule, elle se retourna et lui porta un coup avec le couteau.
Les yeux de Bruce sécarquillèrent sous le choc. Sa main vint couvrir sa joue. Du sang dégoulina entre ses doigts.
Tu as dit que tu ne toucherais jamais une enfant, dit Poppy dune petite voix qui luttait pour sortir de sa gorge.
Elle tenait le couteau dans une main et la culotte denfant dans lautre.