Jim Harrison, boxeur - Конан-Дойль Артур 7 стр.


 Très bien, madame, dit Jim en promenant ses regards étonnés d'elle à son oncle.

 Et vous êtes heureux aussi?

 Oui, madame, je vous remercie.

 Et vous n'aspirez à rien de plus?

 Mais non, madame. J'ai tout ce qu'il me faut.

 Cela suffit, Jim, dit son oncle d'une voix sévère. Soufflez la forge, car le fer a besoin d'un nouveau coup de feu. Mais il semblait que la femme avait encore quelque chose à dire, car elle marqua quelque dépit de ce qu'on le renvoyait.

Ses yeux étincelèrent, sa tête s'agita, pendant que le forgeron, tendant ses deux grosses mains, semblait faire de son mieux pour l'apaiser.

Pendant longtemps, ils causèrent à demi-voix et elle parut enfin satisfaite.

 À demain alors, cria-t-elle tout haut.

 À demain, répondit-il.

 Vous tiendrez votre parole, et je tiendrai la mienne, dit-elle en cinglant le dos du poney.

Le forgeron resta immobile, la râpe à la main, en la suivant des yeux jusqu'à ce qu'elle ne fut plus qu'un petit point rouge sur la route blanche.

Alors, il fît demi-tour.

Jamais je ne lui avais vu l'air aussi grave.

 Jim, dit-il, c'est miss Hinton, qui est venue se fixer aux Érables, au-delà du carrefour d'Anstey. Elle s'est prise d'un caprice pour vous, Jim, et peut-être pourra-t-elle vous être utile. Je lui ai promis que vous irez par-là et que vous la verrez demain.

 Je n'ai pas besoin de son aide, mon oncle, et je ne tiens pas à lui rendre visite.

 Mais j'ai promis, Jim, et vous ne voudrez pas qu'on me prenne pour un menteur. Elle ne veut que causer avec vous, car elle mène une existence bien solitaire.

 De quoi veut-elle causer avec des gens de ma sorte?

 Ah! pour cela, je ne saurais le dire, mais elle a l'air d'y tenir beaucoup et les femmes ont leurs caprices. Tenez, voici le jeune maître Stone. Il ne refuserait pas d'aller voir une bonne dame, je vous le garantis, s'il croyait pouvoir améliorer son sort, en agissant ainsi.

 Eh bien! mon oncle, j'irai si Roddy Stone veut venir avec moi, dit Jim.

 Naturellement, il ira, n'est-ce pas, maître Rodney?

Je finis par donner mon consentement et je revins à la maison rapporter toutes mes nouvelles à ma mère, qui était enchantée de toute occasion de commérages.

Elle hocha la tête, quand elle apprit que j'irais, mais elle ne dit pas non et la chose fut entendue.

C'était une course de quatre bons milles, mais quand vous étiez arrivés, il vous était impossible de souhaiter une plus jolie maisonnette.

Partout du chèvrefeuille, des plantes grimpantes avec un porche en bois et des fenêtres à grillages.

Une femme à l'air commun nous ouvrit la porte:

 Miss Hinton ne peut pas vous recevoir, dit-elle.

 Mais c'est elle qui nous a dit de venir, dit Jim.

 Je n'y peux rien, s'écria la femme d'un ton rude, je vous répète qu'elle ne peut vous voir.

Nous restâmes indécis un instant.

 Peut-être pourriez-vous l'informer que je suis là, dit enfin

Jim.

 Le lui dire, comment faire pour le lui dire, à elle qui n'entendrait pas seulement un coup de pistolet tiré à ses oreilles. Essayez de lui dire vous-même, si vous y tenez.

Tout en parlant, elle ouvrit une porte.

À l'autre bout de la pièce gisait, écroulée sur un fauteuil, une informe masse de chair avec des flots de cheveux noirs épars dans tous les sens.

Pour moi, j'étais si jeune que je ne savais si cela était plaisant ou affreux, mais quand je regardai Jim pour voir comment il prenait la chose, il avait la figure toute pâle, l'air écoeuré.

 Vous n'en parlerez à personne, Roddy, dit-il.

 Non, excepté à ma mère.

 Je n'en dirai pas un mot, même à mon oncle. Je prétendrai qu'elle était malade, la pauvre dame. C'est bien assez que nous l'ayons vue dans cet état de dégradation, sans en faire un objet de propos dans le village. Cela me pèse lourdement sur le coeur.

 Elle était comme cela hier, Jim.  Ah! vraiment? Je ne l'ai pas remarqué. Mais je sais qu'elle a de la bonté dans les yeux et dans le coeur, car j'ai vu cela pendant qu'elle me regardait. Peut-être est-ce le manque d'amis qui l'a réduite à cet état!

Son entrain en fut éteint pendant plusieurs jours et alors que l'impression faite en moi s'était dissipée, ses manières la firent renaître.

Mais ce ne devait pas être la dernière fois que la dame à la pelisse rouge reviendrait à notre souvenir.

Son entrain en fut éteint pendant plusieurs jours et alors que l'impression faite en moi s'était dissipée, ses manières la firent renaître.

Mais ce ne devait pas être la dernière fois que la dame à la pelisse rouge reviendrait à notre souvenir.

Avant la fin de la semaine, de nouveau, Jim me demanda si je consentirais à retourner chez elle avec lui.

 Mon oncle a reçu une lettre, dit-il. Elle voudrait causer avec moi et je serai plus à mon aise, si vous m'accompagnez, Rod.

Pour moi, toute occasion de sortir était bienvenue, mais à mesure que nous nous approchions de la maison, je voyais fort bien que Jim se mettait l'esprit en peine à se demander si quelque chose n'irait pas encore de travers.

Toutefois, les craintes s'apaisèrent bientôt, car nous avions à peine fait grincer la porte du jardin que la femme parut sur le seuil du cottage et accourut à notre rencontre par l'allée.

Elle faisait une figure si étrange, avec sa face enflammée et souriante, enveloppée d'une sorte de mouchoir rouge, que si j'avais été seul, cette vue m'aurait fait prendre mes jambes à mon cou.

Jim, lui-même, s'arrêta un instant, comme s'il n'était pas très sûr de lui, mais elle nous mis bientôt à l'aise par la cordialité de ses façons.

 Vous êtes vraiment bien bons de venir voir une vieille femme solitaire, dit-elle, et je vous dois des excuses pour le dérangement inutile que je vous ai causé mardi. Mais vous avez été, vous-mêmes en quelque sorte la cause de mon agitation, car la pensée de votre venue m'avait excitée et la moindre émotion me jette dans une fièvre nerveuse. Mes pauvres nerfs! Vous pouvez voir vous-mêmes ce qu'ils font de moi.

Tout en parlant, elle nous tendit ses mains agitées de secousses.

Puis, elle en passa une sous le bras de Jim et fit quelques pas dans l'allée.

 Il faut que vous vous fassiez connaître de moi et que je vous connaisse bien. Votre oncle et votre tante sont de très vieux amis pour moi, et bien que vous l'ayez oublié, je vous ai tenu dans mes bras, quand vous étiez tout petit. Dites-moi, mon petit homme, ajouta t-elle en s'adressant à moi, comment appelez-vous votre ami?

 Le petit Jim, madame.

 Alors, dussiez-vous me trouver effrontée, je vous appellerai aussi petit Jim. Nous autres, vieilles gens, nous avons nos privilèges, vous savez? Maintenant, vous allez entrer avec moi, et nous prendrons ensemble une tasse de thé.

Elle nous précéda dans une chambre fort coquette, la même où nous l'avions aperçue lors de notre première visite.

Au milieu de la pièce était une table couverte d'une nappe blanche, de brillants cristaux, de porcelaines éblouissantes.

Des pommes aux joues rouges étaient empilées sur un plat qui occupait le centre.

Une grande assiette, chargée de petits pains fumants, fut aussitôt apportée par la domestique à la figure revêche. Je vous laisse à penser si nous fîmes honneur à toutes ces excellentes choses.

Miss Hinton ne cessait de nous presser, de nous redemander nos tasses et de remplir nos assiettes.

Deux fois, pendant le repas, elle se leva de table et disparut dans une armoire qui se trouvait au bout de la pièce et chaque fois je vis la figure de Jim s'assombrir, car nous entendions un léger tintement de verre contre verre.

 Eh bien, voyons, mon petit homme, me dit-elle, quand la table eut été desservie, qu'est-ce que vous avez à regarder, comme cela, tout autour de vous?

 C'est qu'il y a tant de jolies choses contre les murs.

 Et quelle de ces choses trouvez-vous la plus jolie?

 Ah! celle-ci, dis-je en montrant du doigt un portrait suspendu en face de moi.

Il représentait une jeune fille grande et mince, aux joues très rosées, aux yeux très tendres, à la toilette si coquette que je n'avais jamais rien vu de si parfait. Elle tenait des deux mains un bouquet de fleurs et il y en avait un second sur les planches du parquet où elle était debout.

 Ah! c'est la plus jolie? dit-elle en riant. Eh bien! avancez- vous, nous allons lire ce qui est écrit au bas.

Je fis ce qu'elle me demandait et je lus: «Miss Hinton, dans son rôle de Peggy dans la Mariée de Campagne, joué à son bénéfice au théâtre de Haymarket le 14 septembre 1782.»

 C'est une actrice? dis-je.

 Oh! le vilain petit insolent et de quel ton il dit cela! dit- elle. Comme si une actrice ne valait pas une autre femme! Il n'y a pas longtemps  c'était tout juste l'autre jour  le duc de Clarence, qui pourrait parfaitement s'appeler le roi d'Angleterre, a épousé mistress Jordan, qui n'est, elle aussi, qu'une actrice. Et cette personne-ci, qui est-elle, à votre avis?

Elle se plaça au-dessous du portrait, les bras croisés sur sa vaste poitrine, nous regardant tour à tour de ses gros yeux noirs.

 Eh bien! où avez-vous les yeux? dit-elle enfin. C'était moi qui étais miss Polly Hinton du théâtre de Haymarket et peut-être n'avez-vous jamais entendu ce nom?

Nous fûmes obligés d'avouer qu'en effet, nous l'ignorions.

Et ce seul mot d'actrice avait excité en nous une sensation de vague horreur, bien naturelle chez des garçons élevés à la campagne.

Pour nous, les acteurs formaient une classe à part, qu'il fallait désigner par allusions sans la nommer, et la colère du Tout- Puissant était suspendue sur leur tête comme un nuage chargé de foudre.

Et en vérité ce jugement semblait avoir reçu son exécution devant nous, quand nous considérions cette femme et ce qu'elle avait été.

 Eh bien, dit-elle en riant, comme une femme qui a été blessée, vous n'avez aucun motif de dire quoi que ce soit, car je lis sur votre figure ce qu'on vous aura appris à penser de moi. Tel est donc le résultat de l'éducation que vous avez reçue, Jim: mal penser de ce que vous ne comprenez pas! J'aurais voulu que vous fussiez au théâtre ce soir-là, avec le prince Florizel et quatre ducs dans les loges, tous les beaux esprits, tous les macaronis de Londres se levant dans le parterre à mon entrée en scène. Si Lord Avon ne m'avait pas fait place dans sa voiture, je ne serais pas venue à bout de rapporter mes bouquets dans mon logement d'York Street à Westminster. Et voilà que deux petits paysans s'apprêtent à méjuger!

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