La nuit noire fut soudainement éclairée par des milliers de flèches enflammées, naviguant en de hauts arcs dans l'air, coupant à travers la neige, faisant leur chemin vers les dizaines de navires pandésiens ancrés dans le port. Une par une, comme des lucioles, elles trouvèrent leurs cibles, atterrissant sur les longues voiles pandésiennes.
Il ne fallut que quelques moments pour que les navires s'enflamment, les voiles et puis les navires tous en flammes, le feu se propageant rapidement dans le port venteux.
« ENCORE! » cria Duncan.
Salve après salve, les flèches enflammées tombaient comme des gouttes de pluie partout sur la flotte pandésienne.
La flotte était, au début, tranquille dans la nuit, les soldats tous endormis, donc sans méfiance. Les Pandésiens étaient devenus, Duncan réalisa, trop arrogants, trop complaisants, ne pouvant possiblement soupçonner une attaque de ce genre.
Duncan ne leur donna pas le temps de se rallier; enhardi, il galopa de l'avant, s'approchant du port. Il mena ses hommes jusqu'au mur de pierre bordant le port.
« TORCHES! » cria-t-il.
Ses hommes chargèrent jusqu'à la rive, soulevèrent leurs torches bien haut, et avec un grand cri, suivirent l'exemple de Duncan et lancèrent leurs torches sur les navires les plus proches d'eux. Leurs lourdes torches atterrirent comme des gourdins sur le pont, frappant le bois remplissant l'air, comme des dizaines d'autres navires s'enflammaient.
Les quelques soldats pandésiens en service remarquèrent trop tard ce qui se passait, se retrouvant pris dans une vague de flammes, criant et sautant par-dessus bord.
Duncan savait que c’était seulement une question de temps avant que le reste des Pandésiens ne se réveillent.
« CORS! », hurla-t-il.
Les cors furent sonnés tout le long des rangs, le vieux cri de ralliement d'Escalon, les courtes rafales, qu'il le savait, Seavig reconnaîtrait. Il espérait que cela le réveillerait.
Duncan descendit de son cheval, tira son épée et se précipita vers le mur du port. Sans hésiter, il sauta par-dessus le muret de pierres et sur le navire en flammes, ouvrant la voie comme il chargeait. Il devait terminer les Pandésiens avant qu'ils puissent se rallier.
Anvin et Arthfael chargeaient à ses côtés et ses hommes les rejoignirent, tous poussant un grand cri de bataille comme ils jetaient leur vie aux quatre vents. Après tant d'années de soumission, leur jour de vengeance était venu.
Les Pandésiens étaient enfin réveillés. Les soldats commençaient à émerger des ponts inférieurs, sortant comme des fourmis, toussant à cause de la fumée, hébétés et confus. Ils aperçurent Duncan et ses hommes, et ils tirèrent leurs épées et chargèrent. Duncan se retrouva confronté à un flot d'hommes – cependant, il ne broncha pas; au contraire, il attaqua.
Duncan chargea de l'avant et se baissa comme le premier homme visait sa tête, puis se releva et poignarda l'homme dans l'intestin. Un soldat sabra en direction de son dos et Duncan se retourna en un éclair et bloqua le coup – puis fit virevolter l'épée du soldat et le poignarda dans la poitrine.
Duncan se battait héroïquement comme il était attaqué de tous les côtés, se rappelant les temps anciens comme il se trouvait plongé dans la bataille, parant les coups de tous les côtés. Quand les hommes s'approchaient de trop près pour les atteindre avec son épée, il se penchait en arrière et les repoussait d'un coup de pied, créant un espace pour pouvoir manier son épée; dans d'autres cas, il se retournait et leur envoyait un coup de coude, se battant au corps à corps quand il le fallait. Des hommes tombaient tout autour de lui, et aucun ne pouvait s’approcher.
Duncan se trouva bientôt rejoint par Anvin et Arthfael comme des dizaines de ses hommes se précipitaient pour aider. Comme Anvin le rejoignait, il bloqua le coup d'un soldat chargeant Duncan par derrière, lui épargnant une blessure – pendant qu'Arthfael avançait, levait son épée, et bloquait une hachette descendant vers le visage de Duncan. En même temps, Duncan s'avança et poignarda le soldat dans l'estomac, Arthfael et lui travaillant ensemble pour le vaincre.
Ils combattaient tous comme un seul homme, une machine bien huilée par toutes leurs années de vie commune, protégeant le dos de l'autre comme le cliquetis des épées et des armures perçait la nuit.
Tout autour de lui, Duncan voyait ses hommes monter à bord des navires partout dans le port, attaquant la flotte comme un seul homme. Les soldats pandésiens continuaient à apparaître, entièrement réveillés, certains d'entre eux en feu, et les guerriers d'Escalon combattaient tous bravement au milieu des flammes, aucun d'entre eux ne reculant, même comme les incendies faisaient rage tout autour d'eux. Duncan se battit jusqu'à ce qu'il ne puisse plus lever les bras, la transpiration, la fumée lui piquant les yeux, le bruit des épées retentissant tout autour de lui, faisant tomber un soldat après l'autre lorsqu'ils tentaient de fuir vers la rive.
Enfin, les incendies devinrent trop chauds; les soldats pandésiens, en armure complète, pris au piège par les flammes, sautaient de leurs navires dans les eaux et Duncan conduisit ses hommes hors du navire et par-dessus le mur de pierres, retournant au port. Duncan entendit un cri et se retournant, il aperçut des centaines de soldats pandésiens essayant de les suivre, de les poursuivre hors du navire.
Comme il débarquait sur la terre ferme, le dernier de ses hommes le suivant, il se retourna, leva son épée haute, et en frappa les grandes cordes qui retenaient les navires au rivage.
« LES CORDES! » cria Duncan.
Partout dans le port ses hommes suivirent son exemple et sectionnèrent les cordes ancrant la flotte à la côte. Comme la large corde devant lui cédait finalement, Duncan plaça sa botte sur le pont et avec un grand coup de pied, poussa le navire loin de la rive. Il gémit sous l'effort, et Anvin, Arthfael et des dizaines d'autres se précipitèrent pour le rejoindre. Comme un seul homme, ils poussèrent la coque en feu du bateau loin de la rive.
Le navire en flammes, rempli de soldats hurlant, dériva inévitablement vers les autres navires dans le port et en les atteignant, leur mettait le feu aussi. Des hommes sautaient des navires par centaines, hurlant, sombrant dans les eaux noires.
Duncan se tint là, respirant fort et regarda, ses yeux illuminés, comme le port dans son entier s'allumait dans une grande conflagration. Des milliers de Pandésiens, entièrement réveillés maintenant, émergeaient des ponts inférieurs des autres navires – mais il était trop tard. Ils émergeaient devant un mur de flammes, et n'avaient d'autres choix que d'être brûlés vifs ou de sauter vers une mort par noyade dans les eaux glaciales, tous choisirent cette dernière. Duncan regarda le port bientôt rempli de centaines de corps, flottant dans les eaux, criant comme ils essayaient de nager vers la rive.
« ARCHERS! » cria Duncan.
Ses archers visèrent et tirèrent salve après salve, visant les soldats s'agitant dans l'eau. Un par un, ils atteignirent leur cible et les Pandésiens coulèrent.
Les eaux se couvrirent de sang, et bientôt vint le son de puissantes mâchoires se refermant et des cris, comme les eaux se remplissaient de requins jaunes brillants, se régalant dans le port rempli de sang.
Duncan regarda autour de lui et il réalisa lentement ce qu'il avait fait: l'ensemble de la flotte pandésienne, il y a quelques heures assise comme une sorte de défi dans le port, un signe de la conquête pandésienne, n'était plus. Ses centaines de navires avaient été détruits, brûlant tous ensemble dans la victoire de Duncan. Sa vitesse et surprise avaient fonctionné.
Il y eut un grand cri parmi ses hommes, et Duncan se retourna pour voir tous ses hommes en liesse pendant qu'ils regardaient les navires brûler, leurs visages noirs de suie et montrant l'épuisement d'avoir chevauché toute la nuit et pourtant chacun d'entre eux ivre de victoire. C'était un cri de soulagement. Un cri de liberté. Un cri qu'ils avaient attendu des années avant de le pousser.
Pourtant, à peine avait-il retenti qu'un autre cri rempli l'air – celui-ci beaucoup plus sinistre – suivi d'un son qui fit se lever les cheveux sur le cou de Duncan. Il se retourna et son cœur chuta en voyant les grandes portes de la caserne de pierres s'ouvrant lentement. Puis, apparut un spectacle effrayant: des milliers de soldats pandésiens, entièrement armés, en rangs parfaits; une armée professionnelle, surpassant en nombre ses hommes dix contre un, se préparait. Et comme les portes s'ouvrirent, ils laissèrent échapper un cri et chargèrent dans leur direction.
La bête avait été réveillée. Maintenant, la vraie guerre allait commencer.
CHAPITRE SIX
Kyra, serrant la crinière d'Andor, galopait dans la nuit, Diedre à côté d'elle, Léo à ses pieds, traversant à grande vitesse les plaines enneigées à l'ouest d'Argos comme des voleurs fuyant dans la nuit. Comme elle chevauchait, d'heure après heure, le bruit des chevaux battant dans ses oreilles, Kyra se perdit dans son propre monde. Elle imaginait ce qui pouvait se trouver devant elle, dans la Tour de Ur, qui pouvait être son oncle, ce qu'il allait dire à son sujet, à propos de sa mère, et elle pouvait à peine contenir son excitation. Pourtant, elle devait également l'admettre, elle avait peur. Ce serait un long périple pour traverser Escalon, un qu'elle n'avait jamais fait auparavant. Et se profilant devant eux, elle vit, était le Bois des Épines. Les plaines ouvertes touchaient à leur fin, et ils seraient bientôt plongés dans un bois claustrophobe rempli de bêtes sauvages. Elle savait que les règles n'existaient plus une fois qu'ils auraient franchi cette ligne d'arbres.
La neige fouettait son visage comme le vent hurlait à travers les plaines ouvertes, et Kyra, ses mains engourdies, laissa tomber le flambeau de sa main, réalisant qu'il avait fini de brûler depuis longtemps. Elle chevaucha dans l'obscurité, perdue dans ses pensées, le seul bruit celui des chevaux, de la neige sous eux et le grognement occasionnel d'Andor. Elle pouvait sentir sa rage, sa nature sauvage, ne ressemblant à aucun des animaux, qu'elle avait monté jusqu'à présent. C'était comme si Andor non seulement n'avait pas peur de ce qui l'attendait, mais espérait ouvertement une confrontation.
Enveloppée dans ses fourrures, Kyra sentit une autre vague de faim, et entendant Léo gémir encore une fois, elle savait qu'ils ne pouvaient pas ignorer leur faim beaucoup plus longtemps. Ils avaient chevauché pendant des heures et avaient déjà dévoré leurs bandes de viande congelée; elle réalisa, trop tard, qu'ils n'avaient pas emporté assez de provisions. Aucun petit gibier ne faisait surface durant cette nuit neigeuse, et ce n'était pas de bon augure. Ils auraient à s'arrêter et à trouver de la nourriture bientôt.
Ils ralentirent alors qu'ils s'approchaient du bord de la forêt, Léo grondant en direction de la ligne des arbres sombres. Kyra regarda par-dessus son épaule, dans les plaines vallonnées menant à Argos, au dernier ciel ouvert qu'elle allait voir pendant un certain temps. Elle se retourna et regarda la forêt, et une part d'elle-même répugnait à aller de l'avant. Elle connaissait la réputation du Bois des Épines, et c'était, elle le savait, un moment de non-retour.
« Tu es prête? » demanda-t-elle à Dierdre.
Dierdre semblait maintenant être une fille différente que celle qui avait quitté la prison. Elle était plus forte, plus ferme, comme si elle avait visité les profondeurs de l'enfer et en était revenue et était prête à tout affronter.
« Le pire qui puisse arriver m'est déjà arrivé », dit Diedre, sa voix froide et dure comme le bois devant eux, une voix trop vieille pour son âge.
Kyra hocha la tête, la comprenant, et ensemble, elles se dirigèrent vers la ligne des arbres, y pénétrant.
Kyra sentit immédiatement un froid glacial, même par cette nuit froide. Il faisait plus sombre ici, et cela la faisait se sentir claustrophobe. L'endroit était rempli d'anciens arbres noirs avec des branches noueuses ressemblant à des épines et des feuilles épaisses et noires. La forêt exsudait non pas un sentiment de paix, mais un de mal.
Ils continuèrent à une allure rapide, aussi rapide que possible au milieu de ces arbres, la neige et la glace crissant sous leurs bêtes. Les sons de créatures bizarres se levaient lentement, cachés dans les branches. Elle se retourna et les balaya du regard cherchant de la source, mais ne put en trouver aucune. Elle sentait qu'ils étaient observés.
Ils s'enfoncèrent plus en plus profondément dans le bois, Kyra essayant de se diriger à l'ouest et au nord, comme son père le lui avait dit, jusqu'à ce qu'elle trouve la mer. Comme ils avançaient, Léo et Andor grondaient en direction des créatures cachées que Kyra ne pouvait pas voir, alors qu'elle esquivait les branches essayant de l'égratigner. Kyra réfléchit à la longue route devant elle. Elle était excitée à l'idée de sa quête, mais elle avait envie d'être avec son peuple, de se battre à leur côté dans la guerre qu'elle avait commencée. Elle ressentait déjà une urgence à revenir.
Comme les heures suivaient les autres, Kyra regardait dans le bois, se demandant quelle distance il restait avant qu'ils n'atteignent la mer. Elle savait qu'il était risqué de chevaucher dans une telle obscurité et pourtant elle savait qu'il était aussi risqué de camper ici surtout quand elle entendit un autre bruit surprenant.
« Où est la mer? » demanda finalement Kyra, regardant Dierdre, principalement pour rompre le silence.
Elle pouvait dire à partir de l'expression de Dierdre qu'elle l'avait sortie de ses pensées; elle ne pouvait qu’imaginer les cauchemars dans lesquels elle était perdue.
Dierdre secoua la tête.
« J'aimerais bien le savoir », répondit-elle, sa voix desséchée.
Kyra était confuse.
« N'êtes-vous pas passer par ici quand ils t'ont prise? » demanda-t-elle.
Dierdre haussa les épaules.
« J'étais enfermée dans une cage à l'arrière du wagon », répondit-elle, « et inconsciente la plus grande partie du voyage. Ils auraient pu m’emmener dans n'importe quelle direction. Je ne connais pas ce bois. »
Elle soupira, scrutant la noirceur.
« Mais quand nous nous approcherons de Whitewood, je devrais en reconnaître plus. »
Elles continuèrent, tombant dans un silence confortable, et Kyra ne pouvaient s'empêcher de se questionner au sujet de Dierdre et de son passé. Elle pouvait sentir sa force, mais aussi sa profonde tristesse. Kyra se retrouva consommée par des pensées sombres au sujet du voyage à venir, de leur manque de nourriture, du froid mordant et des créatures sauvages qui les attendaient, et elle se tourna vers Dierdre, voulant se distraire.
« Parle-moi de la Tour de Ur », dit Kyra. « À quoi ça ressemble? »
Dierdre lui retourna son regard, des cercles noirs sous ses yeux, et haussa les épaules.
« Je ne suis jamais allée à la tour », répondit Dierdre. « Je suis de la ville d'Ur – et c'est à une bonne journée à cheval au sud. »
« Alors parle-moi de ta ville », dit Kyra, voulant penser à quelque chose d'autre que l'endroit où elle se trouvait.
Les yeux de Dierdre se mirent à briller.
« Ur est un endroit magnifique », dit-elle, de la nostalgie plein la voix. « La ville au bord de la mer. »