– Ah! cher papa, achève!… holà! je me meurs!… Je me pâmai dans ses bras.
Depuis ce temps, tout fut pour moi une source de lumières; ce que je n'avais pas conçu jusqu'alors se développa dans l'instant. Mon imagination s'ouvrit entièrement; elle saisissait tout; il semblait que l'instrument que je touchais fût la clef merveilleuse qui ouvrit tout à coup mon entendement. Je sentis alors cet aimable papa me devenir plus cher, et ma tendresse pour lui prendre un accroissement incroyable: tout son corps fut livré au plaisir dans mes mains; mes baisers et mes caresses sans nombre se succédaient sans interruption, et le feu qu'elles excitaient en lui m'animait à les multiplier.
Il me ramena dans ma chambre, où ma bonne revint quelques instants après. Je ne prévoyais pas ce qu'il allait lui dire:
– Lucette, il est désormais inutile que nous nous gênions pour
Laure, elle en sait autant que nous.
Et il lui répéta tout ce que je lui avais détaillé, en lui montrant le jeu du rideau. Elle en parut affectée; mais je me jetai à son cou et mes caresses, unies aux raisons dont il la tranquillisa, dissipèrent le petit chagrin qu'elle avait témoigné. Il nous embrassa en recommandant à ma bonne de ne point me quitter. Il sortit, et revint une heure après avec une femme qui, dès qu'elle fut entrée, me fit déshabiller et prit sur moi la mesure d'une sorte d'ajustement dont je ne pouvais concevoir ni la forme ni l'usage.
Quand l'heure de se coucher fut venue, il me mit dans le lit de Lucette en la priant de veiller sur moi. Il nous laissa. Mais l'inquiétude le ramenant bientôt près de nous, il se mit dans le même lit. J'étais entre elle et lui; il me tenait embrassée et, couvrant de sa main l'entre-deux de mes cuisses, il ne me laissait pas y porter la mienne. Je pris alors son instrument, qui me causa beaucoup de surprise en le trouvant mou et pendant. Je ne l'avais point encore vu dans cet état, m'imaginant au contraire qu'il était toujours gros, raide et relevé: il ne tarda pas à reprendre, dans ma main, la fermeté et la grosseur que je lui connaissais. Lucette, qui s'aperçut de nos actions, étonnée de sa conduite ne pouvait la concevoir, et me fit beaucoup de peine par son propos:
– La manière, monsieur! dont vous agissez avec Laurette a lieu de me surprendre. Vous, monsieur, vous, son père!…
– Oui et non, Lucette. C'est un secret que je veux bien confier à votre discrétion et à celle de Laure, qui y est assez intéressée pour le garder. Il est même nécessaire, par les circonstances, de vous en faire part à l'une et l'autre.
"Il y avait quinze jours que je connaissais sa mère, quand je l'épousai. Je découvris dès le premier jour l'état où elle était; je trouvai qu'il était de la prudence de n'en rien faire paraître. Je la menai dans une province éloignée, sous un nom de terre, afin qu'on ne pût rassembler les dates. Au bout de quatre mois, Laure vint au monde, jouissant de la force et de la santé d'un enfant de neuf mois bien accomplis. Je restai six mois encore dans la même province et je les ramenai toutes deux au bout de ce terme.
Vous voyez à présent l'une et l'autre que cette enfant, qui m'est devenue si chère, n'est point ma fille suivant la nature: absolument étrangère pour moi, elle n'est ma fille que par affection. Le scrupule intérieur ne peut donc exister, et toute autre considération m'est indifférente, avec de la prudence.
Je me souvins aussitôt de la réponse qu'il avait faite à ma mère: le silence qu'elle observa dans ce moment ne me parut plus extraordinaire. Je le dis à Lucette dont l'étonnement cessa d'abord.
– Mais comment donc en avez-vous agi vis-à-vis de votre épouse lorsque cet événement fut à votre connaissance?
– Tout simplement; j'ai vécu toujours avec elle d'une manière indifférente, et je ne lui en ai jamais parlé que la seule fois dont Laure vient de vous rendre compte; encore y avait-elle donné lieu. Le comte de Norval, à qui elle doit le jour, est un cavalier aimable, bien fait et d'une figure intéressante, doué des qualités qui plaisent aux femmes. Je ne fus point étonné qu'elle se fût livrée à son penchant.
Cependant, elle ne put l'épouser, ses parents ne le trouvant pas assez riche pour elle. Mais si Laure ne m'est rien par le sang et la nature, la tendre affection que j'ai conçue pour cette aimable enfant me la fait regarder comme ma fille et me la rend peut-être plus chère. Néanmoins, cet événement fut cause que je n'approchai jamais de sa mère, me sentant pour elle une opposition que sa fausseté fit naître et que je n'ai pu vaincre, d'autant plus que son caractère et son humeur ne faisaient que l'augmenter. Ainsi, je ne tiens à ma chère Laurette que par les liens du coeur, ayant trouvé en elle tout ce qui pouvait produire et m'inspirer l'attachement et l'amitié la plus tendre.
Ma bonne m'embrassa et me fit cent caresses qui dénotaient que le scrupule et ses préjugés étaient enfin totalement effacés. Je les lui rendis avec chaleur: je pris ses tétons, que je trouvais si jolis; je les baisais, j'en suçais le bout. Mon père passa la main sur elle; il rencontra la mienne qu'il prit; il me la promena sur le ventre de Lucette, sur ses cuisses. Sa peau était d'un velouté charmant; il me la porta sur son poil, sur sa motte, sur sa fente: j'appris bientôt le nom de toutes ces parties. Je mis mon doigt où je jugeai bien que je lui ferais plaisir. Je sentis dans cet endroit quelque chose d'un peu dur et gonflé.
– Bon! Ma Laure, tu tiens l'endroit sensible, remue la main et ne quitte pas son clitoris tandis que je mettrai mon doigt dans son petit conin…
Lucette me serrait entre ses bras, me caressait les fesses; elle prit le vit de mon papa, le mit entre mes cuisses, mais il n'enfonçait ni ne s'agitait. Bientôt ma bonne ressentit l'excès du plaisir; ses baisers multipliés, ses soupirs nous l'annoncèrent:
– Holà! holà! vite, Laurette!.., chère amie, enfonce… Ah! je décharge!… je me meurs!…
Que ces expressions de volupté avaient de charmes pour moi! Je sentis son petit conin tout mouillé; le doigt de mon papa en sortit tout couvert de ce qu'elle avait répandu. Ah! chère Eugénie, que j'étais animée! Je pris la main de Lucette, je la portai entre mes cuisses; je désirais qu'elle fit pour moi ce que je venais de faire pour elle; mais mon papa, couvrant de sa main ma petite motte, arrêta ses mouvements, suspendit mes desseins. Il était trop voluptueux pour n'être pas ménagé des plaisirs. Il modérait ses désirs; il suspendit mon impatience et nous recommanda d'être tranquilles. Nous nous endormîmes entre les bras les uns des autres, plongés dans la plus agréable ivresse. Je n'avais pas encore passé de nuit qui me plût autant.
Nous étions au milieu des caresses du réveil, lorsque mon père fit ouvrir à cette femme qu'il avait fait venir la veille. Quels furent ma surprise et mon chagrin lorsqu'elle mit sur moi un caleçon de maroquin doublé de velours qui, me prenant au-dessous des hanches, ne descendait qu'au milieu des cuisses! Tout était assez lâche, et ne me gênait point; la ceinture, seulement, me prenait juste la taille, et avait des courroies semblables au caleçon, qui passaient par-dessus mes épaules et qui étaient assemblées en haut par une traverse pareille, qui tenait de l'une à l'autre. On pouvait élargir tout cet assemblage autant qu'on le jugeait à propos. La ceinture était ouverte par-devant, en prolongeant plus de quatre doigts au-dessous. Le long de cette ouverture, il y avait des oeillets des deux côtés, dans lesquels mon père passa une petite chaîne de vermeil délicatement travaillée, qu'il ferma d'une serrure à secret:
– Ma chère Laure, aimable enfant, ta santé et ta conservation m'intéressent: le hasard t'a instruite sur ce que tu ne devais savoir qu'à dix-huit ans. Il est nécessaire que je prenne des précautions contre tes connaissances et contre un penchant que tu tiens de la nature et de l'amour. Tu apprendras du temps à m'en savoir gré, et tout autre moyen n'irait point à ma façon de penser, et à mes desseins.
Je fus d'abord très fâchée, et je ne pouvais cacher l'humeur que j'en avais. Mais j'ai trop bien appris depuis combien je lui en devais de reconnaissance.
Il avait prévu à tout. Au bas de ce caleçon était une petite gondole d'argent, dorée en dedans, qui était de la largeur de l'entre-deux de mes cuisses; toute ma petite motte y était renfermée. Elle se prolongeait, en s'élargissant, par une plaque qui s'étendait quatre doigts au-dessous de mon petit conin, et elle se terminait en pointe arrondie jusqu'au trou de mon cul, sans aucune incommodité. Elle était fendue en long, et cette fente s'ouvrait et se fermait, par des charnières à plat, en écartant ou resserrant les cuisses. Un canal d'anneaux à charnières plates, de même métal, y était attaché et me servait de conduit. Ce caleçon avait un trou rond, assez grand, vis-à-vis celui de mon cul, qui me laissait la liberté de faire toutes les fonctions nécessaires sans l'ôter. Mais il m'était impossible d'introduire le doigt dans mon petit conin, et encore moins de le branler, point essentiel que mon père voulait éviter, et dont la privation me faisait le plus de peine.
J'ai pensé bien des fois depuis, ma chère, qu'on ferait bien d'employer quelque chose de semblable pour les garçons, afin d'éviter les épuisements où ils se plongent avant l'âge. Car, de quelque façon qu'on veille sur eux, la société qu'ils ont ensemble ne leur apprend que trop, et trop tôt, la manière de s'y livrer.
Pendant quatre ou cinq années qui se sont écoulées depuis ce jour-là, tous les soirs mon père ôtait lui-même ce caleçon; Lucette le nettoyait avec soin et me lavait. Il examinait s'il me blessait, et il me le remettait. Depuis ce moment, jusqu'à l'âge de seize ans, je ne le quittai pas.
Durant tout ce temps, mes talents s'accrurent, et j'acquis des lumières dans tous les genres. Une curiosité naturelle me faisait désirer d'apprendre les raisons de tout; chaque année voyait augmenter mes connaissances, et je ne cessais de chercher à en acquérir. Je m'étais accoutumée à l'emprisonnement où j'étais, et la perspective de la fin m'avait rendu supportable le temps où j'y étais condamnée. Je m'étais fait une raison de cette nécessité d'autant plus aisément qu'elle ne m'empêchait pas de jouir des caresses que je faisais ou de celles dont j'étais témoin, puisque j'avais mis ma bonne et mon papa dans le cas de n'être pas gênés par ma présence.
Parmi toutes les questions que je lui faisais, je n'oubliais guère celle où je trouvais le plus d'intérêt. Plus j'avançais en âge, plus la nature parlait en moi, avec d'autant plus de force que leurs plaisirs l'animaient vivement. Aussi lui demandais-je souvent sur quelles raisons était fondée la nécessité de la contrainte où il me tenait, et quel était le sujet des précautions qu'il avait prises vis-à-vis de moi. Il m'avait toujours renvoyée à un âge plus avancé. J'étais enfin dans ma seizième année lorsqu'il me donna la solution de cette demande:
– Puis-je donc à la fin, cher papa, savoir quelles sont les causes qui vous ont engagé de me faire porter ce fâcheux caleçon, puisque vous m'assurez avoir tant de tendresse pour votre Laurette? Ma bonne est plus heureuse que moi, ou vous m'aimez moins qu'elle. Expliquez-moi donc aujourd'hui les vues qui vous y ont déterminé.
– Cette même tendresse, cette même affection que j'ai pour toi, ma chère fille, ne te fait plus regarder comme une enfant. Tu es à présent dans l'âge où l'on peut t'instruire à peu près de tout, et peut-être le dois-je encore plus avec toi.
"Apprends donc, ma Laurette, que la nature, chez l'homme, travaille à l'accroissement des individus jusqu'à quinze ou seize ans. Ce terme est plus ou moins éloigné suivant les sujets, mais il est assez général pour ton sexe.
Cependant, il n'est dans le complément de sa force qu'à dix-sept ou dix-huit ans. Dans les hommes, la nature met plus de temps à acquérir sa perfection. Lorsqu'on détourne ses opérations par des épanchements prématurés et multipliés d'une matière qui aurait dû servir à cet accroissement, on s'en ressent toute la vie et les accidents qui en résultent sont des plus fâcheux. Les femmes, par exemple, ou meurent de bonne heure, ou restent petites, faibles et languissantes, ou tombent dans un marasme, un amaigrissement qui dégénère en maux de poitrine dont elles sont bientôt les victimes, ou elles privent leur sang d'un véhicule propre à produire leurs règles dans l'âge ordinaire, et d'une manière avantageuse, ou elles sont enfin sujettes à des vapeurs, à des crispations de nerfs, à des vertiges, ou à des fureurs utérines, à l'affaiblissement de la vue et au dépérissement; elles terminent leurs jours dans un état quelquefois fort triste. Les jeunes gens essuient des accidents à peu près semblables; ils traînent des jours malheureux, s'ils ne meurent pas prématurément.
Cet affreux tableau, chère Eugénie, m'effraya et m'engagea de lui témoigner ma reconnaissance de son amitié et de ses soins en mettant de bonne heure obstacle au penchant que je me sentais pour le plaisir et la volupté. La vie me paraissait agréable, et, quelque goût que j'eusse pour le plaisir, je ne voulais point l'acheter, lui disais-je, aux dépens de mes jours et de ma santé.
– Je l'ai reconnu d'abord en toi, ma chère Laurette, ce penchant; je savais que, dans l'âge où tu étais, toutes les raisons du monde ne pouvaient en détourner; c'est ce qui m'a fait prendre des précautions que tu n'as pu vaincre, et que je n'ai pas dessein de lever encore. Il serait même avantageux qu'elles pussent être mises en usage pour toutes sortes de jeunes gens que des circonstances imprévues, ou des personnes imprudentes, ont malheureusement instruits beaucoup trop tôt.
La frayeur d'une santé délabrée, la crainte d'une mort prématurée, se présentaient vivement à mon imagination; cependant, ce que je lui avais vu faire à Lucette, et la manière dont il vivait avec elle, suspendaient en quelque sorte l'énergie de ses images, la force et l'effet de ses raisons: je ne pus me refuser de lui faire part de mes doutes:
– Pourquoi donc, cher papa, ne prenez-vous pas avec ma bonne les mêmes précautions qu'avec moi? Pourquoi lui procurez-vous souvent, au contraire, ce que vous me refusez entièrement?
– Mais, ma fille, fais donc attention que Lucette est dans un âge absolument formé, qu'elle n'abandonne que le superflu de son existence, que c'est le temps où elle peut nourrir dans son sein d'autres êtres et que, dès cet instant, elle a plus qu'il ne faut pour la conservation du sien, ce qui s'annonce si bien par l'exactitude de ses règles. Il ne faut pas te cacher non plus, ma chère Laurette, que, chez elle, une trop grande quantité de semence retenue, en refluant dans son sang, y porterait le feu et le ravage, ou, en stagnant dans les parties qui la séparent du reste des humeurs, pourrait se corrompre ou embarrasser la circulation; elle serait exposée, peut-être, à des accidents aussi dangereux que ceux de l'épuisement: tels sont les vapeurs, les vertiges, la démence, les accès frénétiques et autres.
N'en voit-on pas des exemples fâcheux dans certains monastères où le cagotisme règne en despote, et où rien ne soulage de malheureuses recluses qui n'ont pas l'esprit de se retourner?
"L'extravagance monacale a inventé de mêler dans leurs boissons des décoctions de nénuphar ou des infusions de nitre en vue de détourner les dispositions d'une nature trop active; mais, pris un certain temps, ces palliatifs deviennent sans effet, ou détruisent tellement l'organisation de l'estomac et la santé de ces prisonnières qu'il leur en survient des fleurs blanches, des défaillances, des oppressions et des douleurs internes pendant le peu de temps qu'il leur reste à vivre. Il y a même de ces endroits où la sottise est portée au point de traiter de même leurs pensionnaires, et souvent elles sortent de ces maisons, ou cacochymes, ou avec le genre nerveux attaqué, ou hors d'état de produire leur espèce, soit par la destruction des germes, soit par l'inertie où cet usage a plongé les forces de la nature et l'esprit vital; et c'est à quoi les parents qui chérissent leurs enfants ne font pas assez d'attention.