L'Enfer C'Est Lui - Lambert Timothy James 2 стр.


Lors d'une escale à l'aéroport international de Kenyatta à Nairobi au Kenya, alors que j'attendais d'embarquer sur mon vol pour rentrer aux États-Unis, on m'a demandé ce que je voulais être plus tard. L'homme était assis de l'autre côté de ma table. Il semblait avoir près de soixante-dix ans. Je pouvais deviner par ses traits et son accent qu'il venait du Rwanda, un pays accusé par de nombreux rapports d'organisations des Nations Unies et autres organisations non-gouvernementales de surveillance, d'être le cerveau derrière les horreurs politiques et sociales de mon pays natal. Vous pouvez comprendre ma colère après avoir été briefé sur la façon dont le Rwanda a fourni un soutien financier et militaire à des groupes de bandits sadiques, et comment, en retour, le Rwanda a directement pillé les ressources naturelles du Congo et est indirectement devenu une plaque tournante du commerce de ressources minérales.

Ce jour-là, une seule question me hantait ; combien de souffles et de vies perdus la République démocratique du Congo devrait supporter avant que le monde ne dise que c'en est trop ? Sur un ton hargneux, j'ai répondu à sa question d'une façon simple et audacieuse : « Je vais mettre fin au cauchemar de la République démocratique du Congo ». Tout en essayant de s'arrêter de rire, il m'a demandé quelles seraient mes solutions pour la RDC. Après tout, mon pays natal a traversé plus d'un demi-siècle de chaos économique et social. J'ai d'abord joyeusement formulé mes idées. Il a retiré ses lunettes et m'a demandé d'approfondir mon plan. Inutile de dire que plus je parlais, plus je semblais bête et naïf. Finalement, je n'ai pas été capable de clairement exprimer ma vision, pour la simple et bonne raison que je n'avais jamais sérieusement pensé à tout ceci en détail. Mon plan tout entier ne pouvait satisfaire à un examen en profondeur. La conversation décontractée s'est alors transformée en expérience humiliante et cela m'a rendu humble.

Ce livre émane des disciplines économiques monopolisées depuis plus d'un siècle par les rois de l'évasion et les mathématiciens. Pour toutes les mauvaises raisons que l'on connaît, les économistes ont réduit en millions de petits morceaux le Saint Graal qu'est la classique valeur du travail et ont enlevé à l’humanisme et au monde réel leurs fondements théoriques. Ensuite, ils se sont donné le mal de regrouper certaines pièces, en utilisant des hypothèses stupides comme pansements. Il y a une part de vérité dans l’accusation du Marxiste mis en quarantaine, Fred Moseley, selon laquelle le système économique du monde universitaire a été construit de façon à récompenser ceux qui restent dans le courant dominant. Cet homme vertueux est le Shoichi Yokoi de l’économie, privé de célébrité et de fortune, se cachant dans les jungles de South Hadley au Massachusetts. Il croyait fermement que ses anciens camarades reviendraient le chercher un jour, et qu’ensemble, ils lanceraient un dernier assaut contre le capitalisme. Hélas, simplement blâmer l’orthodoxie pour la non-exactitude de ses théories ne suffira pas à restaurer la vision classique d’un marché efficace ou à nous emmener vers la terre promise.

J’ai commencé ce livre sur une note personnelle avec une lettre à Mama Vincent. C’est une adolescente qui élève seule son enfant dans la rue, que ma femme et moi avons rencontrée dans le centre de Nairobi au Kenya. À un moment donné, j’ai dû tenir Vincent dans mes bras pour tenir les policiers éloignés. Ma renommée de touriste au Kenya a protégé Vincent et sa mère de tout harcèlement policier. La ville de Nairobi a fait passer une ordonnance criminalisant la pauvreté plutôt que de faire la guerre aux inégalités. Cet apartheid de l’ère moderne n’attire pas l’attention internationale, car les oppressés et les oppresseurs ont la même couleur de peau. De nombreuses autres villes adoptent la même approche démente et n’ont pas été inquiétées tant que la ligne qu’elles ont tracée ne déterre pas les conflits raciaux.

Durant mon enfance, on m’a inculqué la notion que les disparités socio-politico-économiques étaient dictées par les lois de la nature ; quelqu’un devait être pauvre pour être le serviteur d’un riche ! Durant les années 90, les riches Congolais ont cherché à se réfugier à l’Ouest pendant la guerre civile. J’ai été témoin de la façon dont, en un clin d’œil, la plupart de ces familles ont perdu le style de vie luxueux auquel elles étaient habituées. Après avoir vécu pendant près de deux décades en exil, même les plus puissants généraux et les proches de l’ancien président ont petit à petit succombé à la paralysie de la misère. Ce n’est donc pas surprenant si bon nombre de barons et de militants de l’Ancien Régime sont rentrés chez eux en rampant et s’investissent activement dans le nouveau système parasite. Mon sage ami sud-africain fait référence à une loi naturelle pour expliquer ce cycle : « Serpent un jour, serpent toujours ! »

Ce témoignage personnel sert à montrer la vérité universelle accablante selon laquelle les gens, tout comme les nations, s’intéressent plus à eux-mêmes jusqu’à ce que la chance tourne. Il en va de même pour le mouvement « Occupez Wall Street », après que les Américains aient vu leur rêve de maison avec palissade partir en fumée, ou lorsque les américains ordinaires travaillant dur se sont aperçus que leur retraite avait été complètement anéantie par quelques vagabonds avides. Un autre exemple caustique est le petit groupe constituant l’oligarchie russe qui n’a plus la cote auprès de Vladimir Poutine, et qui ne peut s’empêcher de prêcher une justice et une égalité strictes depuis son exil doré à Londres. Qu’y a-t-il à dire des pays européens jonglant avec des dettes hallucinantes plus élevées que leur PIB ? Ajoutez à ce tableau le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine, les pays BRIC qui font exploser leur croissance économique au péril de Mère Nature. Il faut aussi rajouter à ce mélange la majorité arabe qui, ne se satisfaisant plus de la petite part de la richesse nationale tandis qu’une minorité dépense le reste, a changé de position.

Ces récents volcans bouillonnants devraient attirer notre attention sur le fait que l’on devrait rechercher des mesures préventives pour briser le statu quo. Au XXIe siècle, le discours apathique des économistes, « Tant que l’on poursuivra l’évolution actuelle et que l’on ajustera la roue du vieux capitalisme un petit peu plus, tout ira bien », a perdu de sa force et de sa pertinence depuis longtemps. Il est plus que jamais impératif d’initier une révolution culturelle et de développer une réelle alternative au système socio-politico-économique brutal et primitif qui prévaut actuellement, le capitalisme, et à sa version querelleuse, l’économie islamique.

Le pot-pourri bruyant dans ma tête provient du défi auquel chaque pays doit faire face sur cette planète mourante : la disparité socio-politico-économique. C’est le résultat d’une croisade pénible pour découvrir un moyen pragmatique de rendre cet écart négligeable. Ne vous arrachez pas les cheveux tout de suite ; je n’ai pas totalement perdu l’esprit en vous recommandant de sauter sur la selle de l’un des deux chevaux condamnés. Le socialisme et le communisme ont échoué, mais maintenant le capitalisme et l’économie islamique nous déçoivent. Ce livre vous fera parcourir de nombreux labyrinthes sombres et élaborés. Les économistes devraient laisser à la religion et à la médecine le soin de révéler les mystères de l’anormal et du naturel tout en nous réconfortant, ou en abusant de nous, par la même occasion. La responsabilité de l’économie est de trouver des solutions aux excès et à la thésaurisation, ou de les limiter, avant d’entreprendre des vagabondages intellectuels. À la place, elle s’est vue réduite à l’état de glorification du faussement socio-économique.

J’ai noté le scepticisme concernant le fait que quelque chose d’autre que le capitalisme puisse fonctionner. Aujourd'hui, les gens ne se rendent pas compte que le capitalisme faisait partie d’un paradigme basé sur des normes et pratiques sociales barbares. Généralement, lorsqu’une solution sociale domine une zone pendant aussi longtemps que le capitalisme, il devient plus difficile de concevoir que d’autres modèles qui s’occupent d’autres objectifs et questions, existent ou pourraient être construits. Après tout ce que nous commençons à croire, il n’y a qu’une seule façon de faire les choses, et c’est le plus dangereux des appâts.

Où se trouve le livre magique dans lequel trouver comment briser le sort ? Comme un taureau enragé, à la grande incrédulité de mes amis et collègues, j’ai brusquement interrompu ma prometteuse carrière de prostitution intellectuelle et je me suis plongé dans ce qui semblait être du vagabondage académique. Mon objectif initial était de suivre la trace de tout le système commercial depuis la comptabilité, la finance, le management, la politique, et pour finir l’économie. Alors que j’approfondissais ce que j’avais prévu être la dernière partie de mon voyage, des « gourous » de l’économie m’ont écœuré en passant plus de temps à donner des corrélations accidentelles et à impressionner le public, qu’à expliquer d’une façon claire et concise et à résoudre les problèmes économiques mondiaux. Malheureusement, la fainéantise de ces orateurs a biaisé le point de vue du public. Ce que je peux partager de mon expérience avec chacun d’entre vous qui pensez à questionner la forme de commerce actuellement dominante et le capitalisme, c’est de ne pas vous attendre à être bien accueillis ; soyez prêts à faire face à la fureur des Maccarthystes délirants, comme j’ai l’habitude de le faire !!

J’ai laissé à la classe des paresseux cérébraux économistes et politiciens les mauvaises habitudes de tourner autour des problèmes importants. À la place, vous, le lecteur, et moi allons nager contre le courant du torrent. Les chapitres un à six sont des exemples de cas en défaveur du statu quo social, politique et économique actuel : le capitalisme. Et si je vous revoie de l’autre côté du chapitre sept, alors serrez fort ma main à travers les chapitres huit à dix sur des concepts fondamentaux purement socio-économiques qui s'inscrivent dans leur contexte. Prenez votre temps pour digérer le chapitre onze et préparez-vous à recevoir une grosse gifle. Pour l’argument de clôture, le chapitre douze suit la recommandation de James Tobin : « Les bons articles d’économie contiennent des surprises et stimulent d’autres travaux ».

Quoi d’autre ? J’ai rendu la lecture de ce livre plus facile que de tenter de brûler ses graisses. Chaque chapitre débute avec des citations qui vous donneront un indice sur ce à quoi vous pouvez vous attendre et ils sont entrecoupés d’« intermèdes » entre les parties afin d'éveiller les jeunes lecteurs ayant un temps de concentration court. Pour ajouter aussi un zeste de roman destiné aux littéraires enthousiastes. Je dois me confesser auprès de ceux qui s’attendent à des tableaux colorés et à des nombres. Je suis sincèrement désolé de vous décevoir. Pourtant, une chose est sûre, à aucun moment, je n’ai mâché mes mots.

L’idée d’écrire un livre peut se comparer à l'expérience de se retrouver nu devant un large public ; je n’ai jamais eu de problème à le faire. Mais mon combat intérieur constant durant cette expérience a consisté à synchroniser mon cœur avec mon esprit. Tout cela pour dire que j’ai eu à surmonter la tentation d’être guidé seulement soit par la passion, soit par la vision, l’intensité et la précision qui sont essentielles dans cette entreprise qu’est la création d’un concept central pertinent. Souvenez-vous que dans la vie, la passion sans vision est une perte d’énergie, et que la vision sans passion est une impasse.

Une âme magnifique chantait souvent. Swami Vivekananda l’exprime de manière si éloquente : « Prenez une idée. Faites de cette idée votre vie – pensez-y, rêvez-en, vivez cette idée. Laissez votre cerveau, vos muscles, vos nerfs, chaque partie de votre corps, se remplir de cette idée, et laissez de côté toutes les autres idées. C’est le chemin du succès. » Le monde connaîtra peut-être un jour l’ampleur des sacrifices que j’ai fait pour cultiver cette idée, dont je me soucie vraiment, d'une solution aux graves injustices mondiales qui sont à la fois socials, politiques, et économiques. Cependant, l’encre de ce livre serait inutile si je ne vous donnais pas une alternative complète au capitalisme, une solution qui pourrait réparer les ratés de soi-disant petits dieux de la politique économique. Il est temps de réintroduire l’analyse dialectique sans pour autant réveiller les vieux démons de l’économie. Par-dessus-tout, j’espère que ce livre stimulera bon nombre de personnes et les poussera à débattre sur la solution proposée et à la faire avancer. Ou bien à donner vie de façon créative à un autre chemin s’éloignant du capitalisme, afin que William Godwin repose, enfin, en paix.

CHAPITRE II

Kamikaze

« Je suis l’homme le plus sage au monde, je ne sais qu’une chose, c’est que je ne sais rien. »

Socrate

Il y a quelques années, alors que je marchais dans une rue encombrée et déprimante d’Addis Abeba en Ethiopie, la vue d’une jeune mère frêle et d’un enfant crasseux assoupi, enroulé dans un petit morceau de tissu sur son dos m’a rappelé le souvenir de ma défaite, mon « Waterloo » intellectuel à l’aéroport international Jomo Kenyatta de Nairobi. C’est à ce moment précis que je me suis écrié : eurêka ! Pourtant, ce jour-là, j’étais encore très loin des aventures tumultueuses de mon enquête dont l'objectif est de détailler clairement un remède face à la décomposition des classes sociales qui gangrène chaque société.

Après ça, j’ai investi du temps, de l’argent et de l’énergie pour analyser concrètement les problèmes des individus de par le monde. Dans ce but, Tara et moi avons voyagé autant que nous le pouvions, avons lu abondamment et sommes restés scotchés des heures à la télévision pour regarder des documentaires. L’une de mes croisades nous a conduits à travers les pays d’Afrique subsaharienne et nous avons été surpris par les nombreux défis qu'ils affrontent et qui dépassent largement leurs frontières. La principale caractéristique des pays de cette région est un mamba exotique à deux têtes : la corruption et la répression. On pourrait tenir les gouvernements de ces pays pour responsables des difficultés qu’ils rencontrent. En réalité, ils sont utilisés par quelques familles dirigeantes afin de consolider leur pouvoir et leurs richesses. Pour faire court, les services publics de cette région du monde sont dans un état catastrophique.

De nombreux doigts pointent le chaos qui règne dans le coin ; de très mauvaises pratiques de gestion sont décidées par les pays eux-mêmes, mais aussi par d’autres pays, avec je le pense, l’objectif de ralentir le développement interne et régional. Alors que je visitais d’autres villes de l’hémisphère Ouest, j’ai remarqué que la même gangrène ronge l’Afrique et des pays d’Amérique latine. On aurait pu croire que l’Illinois était une province du Nigeria lorsque l’ancien gouverneur Rod Blagojevich a été envoyé derrière les barreaux pour avoir essayé de vendre le siège de sénateur du 44ème président des États-Unis, Barack Obama. D’autres scandales rapportés dans les pays du BRIC (Acronyme désignant Brésil, Russie, Inde et la Chine) prennent des proportions énormes. Je ne suis pas un grand fan de football, mais je m’attends à ce que les entrepreneurs brésiliens tournent en ridicule la coupe du monde de football 2014, avec des stades et des ouvrages d’art hors de prix qui s’effondreront avant et pendant les festivités. Et je ne sais pas quoi dire du scandale de la ville de Hengyang au sud de la Chine qui a entraîné la démission de la quasi-totalité des dirigeants de l’assemblée populaire de la ville. La prédominance d’une mauvaise gestion des ressources et la décadence des dirigeants ont engendré un gaspillage financier sans précédent.

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