Le Grain de Sable - Блейк Пирс 4 стр.


Riley et Jenn jouèrent des coudes sans faire de commentaires. Elles furent accueillies par deux policiers qui les conduisirent sur la plage, au-delà de la barrière de rubalise. Riley sentit le sable rentrer dans ses chaussures tout en marchant.

La scène de crime apparut devant elles.

Des hommes étaient debout autour d’une fosse creusée dans le sable où se trouvait encore le corps. Deux d’entre eux s’approchèrent de Riley et Jenn. L’un était un homme trapu aux cheveux roux et en uniforme. L’autre, plus élancé et aux cheveux bruns bouclés, portait une chemise blanche.

— Je suis content que vous soyez là, dit l’homme aux cheveux roux après que Riley et Jenn se furent présentées. Je suis Parker Belt, le chef de police à Sattler. Et voilà Zane Terzis, le médecin légiste du district de Tidewater.

Belt fit signe à Riley et Jenn de s’approcher de la fosse. Elles baissèrent les yeux vers un corps à-moitié enseveli.

Riley avait l’habitude de voir des corps mutilés et décomposés. Mais celui-ci lui soutira un frisson d’horreur.

C’était un homme blond d’une trentaine d’années qui portait un jogging, sans doute pour courir tôt le matin sur la plage. Il avait les bras écartés, comme pour essayer de creuser vers la surface avec l’énergie du désespoir, figé dans cette position par la rigidité cadavérique. Ses yeux étaient fermés et sa bouche pleine de sable.

Belt se tenait à côté de Riley et de Jenn ;

Belt dit :

— Il avait son portefeuille sur lui et ce n’était pas difficile de l’identifier. Mais je n’en avais pas vraiment besoin : je l’ai reconnu dès que Terzis et son équipe ont dégagé son visage. Il s’appelle Todd Brier et c’est un pasteur luthérien à Sattler. Je n’allais pas à son église : je suis méthodiste. Mais je le connaissais. Nous étions bons amis. Nous allions parfois pêcher ensemble.

La voix de Belt était lourde de chagrin.

— Comment avez-vous trouvé le corps ? demanda Riley.

— C’est un type qui est passé avec son chien, répondit Belt. Le chien s’est arrêté, s’est mis à renifler et à gémir, puis à creuser. Une main est apparue.

— L’homme qui a trouvé le corps est toujours là ? demanda Riley.

Belt secoua la tête.

— Nous l’avons renvoyé chez lui. Il était très secoué. Mais nous lui avons dit qu’il devait rester disponible pour répondre à des questions. Je peux vous mettre en contact avec lui.

Riley releva les yeux vers l’océan qui se trouvait à une quinzaine de mètres. Dans la baie de Chesapeake, l’eau était d’un bleu très profond et agitée de vagues aux crêtes mousseuses. C’était la marée basse.

Riley demanda :

— C’est le deuxième meurtre ?

— Oui, répondit Belt d’un air grave.

— C’était déjà arrivé ?

— Vous voulez dire à Belle Terre ? demanda Belt. Non, jamais. C’est une réserve naturelle pour les oiseaux et la faune. Les gens viennent à la plage, surtout des familles. De temps en temps, on arrête un braconnier ou on règle une dispute entre des visiteurs. On chasse aussi des vagabonds. Rien de plus sérieux.

Riley s’éloigna de la fosse pour voir le corps sous un autre angle. Elle vit qu’il y avait du sang sur la tête de la victime.

— Que pensez-vous de cette blessure ? demanda-t-elle à Terzis.

— On dirait qu’il a été frappé avec un objet lourd, dit le médecin légiste. J’en saurai plus quand le corps sera à la morgue. Mais, d’après ce que je vois, ça l’a peut-être étourdi, juste assez longtemps pour qu’il ne puisse pas se défendre quand le tueur l’a enterré. Mais je doute qu’il ait vraiment perdu connaissance. Il s’est débattu, ça se voit.

Riley frémit.

Oui, cela se voyait.

Elle dit à Jenn.

— Prends des photos et envoie-les-moi.

Jenn sortit aussitôt son téléphone portable et prit des photos de la fosse et du corps. Pendant ce temps, Riley marcha lentement autour de la scène de crime pour examiner la plage dans toutes les directions. Le tueur n’avait pas laissé grand-chose. Le sable autour de la fosse avait été retourné et il y avait des traces de pas presque effacées : celles du joggeur et du tueur.

Le sable sec ne permettait pas de reconnaitre la forme de la chaussure. Mais Riley vit qu’il y avait également des traces sur le chemin de terre menant au parking.

Elle les pointa du doigt en interpellant Belt.

— Votre équipe a cherché s’il y avait des fibres ?

L’homme acquiesça.

Un sentiment était en train de remonter dans la poitrine de Riley – un sentiment qui lui venait parfois sur une scène de crime.

Ces derniers temps, ce sentiment se faisait rare. Mais il était toujours agréable de le retrouver, parce que Riley savait qu’elle pouvait s’en servir comme d’un outil.

Elle ressentait l’état d’esprit et les pensées du tueur.

Si elle laissait ce sentiment la submerger, elle comprendrait mieux ce qui s’était passé.

Riley s’éloigna du groupe. En jetant un coup d’œil à Jenn, elle vit que la jeune femme la regardait. Riley avait la réputation de se glisser dans l’esprit du tueur et Jenn le savait. Riley lui adressa un signe de tête et Jenn s’empressa de poser des questions au groupe pour attirer l’attention de tous et donner à Riley un peu d’intimité.

Riley ferma les yeux et essaya d’imaginer la scène au moment du meurtre.

Des images et des bruits lui vinrent en tête facilement.

Il faisait encore sombre et des ombres léchaient la plage. La lumière se laissait entrevoir à l’horizon. Bientôt, le soleil se lèverait.

C’était la marée haute et l’eau devait être tout près. Le ressac se faisait entendre.

Assez fort pour que le tueur ne s’entende pas creuser, pensa Riley.

A cet instant, elle n’eut aucun mal à se glisser dans un esprit étrange…

Oui, il creusait et ses muscles lui faisaient mal, à mesure qu’il pelletait du sable. Sur son front, la sueur se mêlait au sel de l’air marin.

Ce n’était pas facile de creuser. En fait, c’était un peu frustrant.

On ne s’imagine pas à quel point il y a difficile de creuser un trou dans une plage.

Le sable n’arrêtait pas de glisser, rebouchant la fosse au fur et à mesure.

Il pensa :

Ça ne sera pas très profond, mais ce n’est pas grave.

Tout en creusant, il ne cessait de lever les yeux vers la plage, à la recherche de sa proie. Oui, il apparut bientôt, en train de courir.

Le timing était parfait : le trou était juste assez profond.

Le tueur jeta sa pelle dans le sable et leva les mains.

— Venez ! cria-t-il au joggeur.

Ce n’était même pas la peine de crier : par-dessus le bruit de ressac, le joggeur n’entendrait pas ce qu’il disait, juste un hurlement incohérent.

Le joggeur s’arrêta et regarda vers lui.

Puis il marcha vers le tueur.

Le joggeur souriait et l’homme qu’il avait interpellé sourit à son tour.

Bientôt, ils purent se parler.

— Qu’est-ce qui se passe ? demanda le joggeur à voix haute.

— Venez et je vais vous montrer, hurla le tueur.

Le joggeur s’approcha sans se méfier.

— Regardez là-dedans, dit le tueur. Regardez bien.

Le joggeur se pencha et, d’un geste vif, le tueur ramassa sa pelle et lui donna un coup sur la nuque, le faisant basculer dans le trou…

Riley fut tirée de ses pensées par la voix du chef de police.

— Agent Paige ?

Riley ouvrit les yeux. Elle vit que Belt l’observait avec curiosité. Il n’avait pas été distrait longtemps par les questions de Jenn.

Il dit :

— Vous pensiez à autre chose ?

Riley entendit Jenn glousser.

— Ça lui arrive de temps en temps, dit-elle au chef de police. Pas la peine de s’inquiéter.

Riley leur fit part de ses impressions – au conditionnel, bien entendu, et sans expliquer point par point tout ce qu’elle avait vu.

Mais elle était certaine d’un détail : le joggeur était venu sur l’invitation du tueur et s’était approché sans se méfier.

C’était un détail petit mais crucial.

Riley dit au chef de police :

— Le tueur est un homme charmant. Les gens lui font confiance.

Le chef de police écarquilla les yeux.

— Comment vous le savez ? demanda-t-il.

Ce fut alors qu’un homme éclata de rire derrière Riley.

— Croyez-moi : elle sait ce qu’elle dit.

Riley se retourna vivement.

Son moral venait de remonter en flèche.

CHAPITRE SIX

Belt s’approcha du nouveau-venu.

— Monsieur, c’est fermé au public. Vous n’avez pas vu la barrière ?

— C’est bon, dit Riley. C’est l’agent spécial Bill Jeffreys. Il est avec nous.

Elle se précipita vers lui et le conduisit à l’écart pour ne pas être entendue.

— Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda-t-elle. Pourquoi tu n’as pas répondu à mes messages ?

Bill esquissa un sourire gêné.

— J’étais con. Je…

Il se tut et détourna les yeux.

Riley attendit sa réponse.

Enfin, il poursuivit :

— Quand j’ai eu tes messages, je ne savais pas si j’étais prêt. J’ai appelé Meredith pour avoir des détails, mais je n’étais pas sûr de vouloir y aller. Je ne savais même pas si j’étais prêt quand je suis monté dans ma voiture. Je ne savais pas jusqu’à ce que je voie…

Il pointa le corps du doigt et ajouta :

— Maintenant, je sais. Je suis prêt à retourner travailler. Tu peux compter sur moi.

Sa voix était ferme et il avait l’air d’y croire. Riley poussa un énorme soupir de soulagement. Elle conduisit Bill vers le groupe et le présenta au chef de police, ainsi qu’au médecin légiste.

Jenn connaissait déjà Bill et elle était contente de le voir, pour le plus grand plaisir de Riley. Elle ne voulait pas que Jenn se sente mise à l’écart.

Riley et le groupe expliquèrent à Bill le peu qu’il savait. Il les écouta avec intérêt.

Enfin, Bill dit au médecin légiste.

— Je pense que vous pouvez emmener le corps. Enfin, si l’agent Paige n’y voit pas d’inconvénient.

— Je suis d’accord, dit Riley.

Elle était heureuse de voir Bill retrouver son autorité.

Pendant que l’équipe du médecin légiste sortait le corps de la fosse, Bill examina les environs.

Il demanda à Riley :

— Vous êtes allées sur l’autre scène de crime ?

— Pas encore, répondit-elle.

— C’est ce qu’on devrait faire, dit-il.

Riley interpella Belt :

— Nous aimerions aller jeter un œil à l’autre scène de crime.

Le chef acquiesça.

— C’est dans le parc, à quelques miles, ajouta-t-il.

Ils évitèrent à nouveau les journalistes sans répondre aux questions. Riley, Bill et Jenn montèrent dans le véhicule du FBI pendant que Belt et le médecin légiste prenait une autre voiture. Le chef les conduisit sur une route sablonneuse dans une zone boisée. Ils se garèrent au bout du chemin. Riley et ses collègues suivirent les deux officiers sur la piste.

Tout en marchant, le chef pointa du doigt des empreintes sur le sol meuble.

— De simples baskets, dit Bill.

Riley acquiesça. Elle vit que les empreintes allaient dans les deux sens. Mais ils n’apprendraient rien d’autre que la pointure du tueur.

En revanche, il y avait d’autres traces intéressantes entre les pas. Deux lignes sinuaient dans la terre.

— Qu’est-ce que c’est que ces traces ? demanda Riley à Bill.

— Je pense que ce sont les pieds d’une brouette, répondit-il.

Il regarda par-dessus son épaule et ajouta.

— A mon avis, le tueur s’est garé au même endroit que nous et il a apporté ses outils.

— C’est ce que nous pensons également. Et il est reparti par là.

Bientôt, ils s’approchèrent d’une croisée des chemins. Une fosse avait été creusée au milieu du sentier. Le trou faisait la taille du chemin.

Belt montra du doigt la deuxième piste qui partait entre les arbres.

— La deuxième victime est venue en courant dans cette direction, dit-il. La fosse était bien cachée et elle ne l’a pas vue avant de tomber dedans.

Terzis ajouta :

— Elle avait la cheville cassée, sans doute à cause de la chute. Elle n’a rien pu faire quand le tueur a commencé à renverser de la terre sur elle.

Riley frémit en imaginant cette mort atroce.

Jenn dit :

— Et c’est arrivé hier.

Terzis acquiesça.

— Je suis presque sûr qu’elle est morte à la même heure que l’homme sur la plage. Vers six heures du matin.

— Avant le lever du soleil, ajouta Belt. Il devait faire sombre. En passant par là un peu plus tard, un joggeur a vu que la terre avait été retournée et nous a appelés.

Pendant que Jenn prenait des photos, Riley fit le tour des environs. Son regard tomba sur une touffe d’herbe écrasée par les allées et venues de la brouette. Elle vit l’endroit où le tueur avait entassé de la terre, à quelques mètres de la piste. Les arbres étaient très épais par ici. La joggeuse n’avait dû voir ni le tueur ni la terre.

La fosse avait été débouchée par la police qui avait entassé la terre juste à côté.

Riley se rappelait que Meredith lui avait donné le nom de la victime à Quantico, mais elle ne s’en souvenait plus.

Elle s’adressa au chef de police :

— Je suppose que vous avez identifié la victime.

— Oui, dit Belt. Elle avait des papiers sur elle, comme Todd Brier. Elle s’appelait Courtney Wallace. Elle vivait à Sattler, mais je ne la connaissais pas personnellement. Je ne peux pas vous dire grand-chose sur elle, à part qu’elle était jeune. Elle devait avoir entre vingt et vingt-cinq ans.

Riley s’agenouilla à côté du trou et regarda à l’intérieur. Elle comprit immédiatement comment le tueur avait tendu son piège. Au fond de la fosse trainait une couverture grossière et épaisse en toile de jute recouverte de débris et de feuilles mortes. Elle devait être tendue au-dessus de la fosse, invisible aux yeux de la joggeuse, surtout au petit matin.

Elle allait devoir appeler une équipe scientifique de l’UAC pour examiner les deux scènes de crime. Ils trouveraient peut-être l’origine de la toile de jute.

En attendant, Riley sentit qu’elle avait la même sensation que sur la plage. Elle glissait dans l’esprit du tueur. Ce n’était pas aussi frais et vif que la dernière fois, mais elle put l’imaginer penché à l’endroit où elle était agenouillée. Il toisait sa proie impuissante.

Qu’avait-il fait avant de commencer à l’enterrer vivante ?

Elle se rappela sa première impression – qu’il était charmant.

Au début, il avait peut-être feint la surprise de trouver la jeune femme au fond d’un trou comme celui-ci. Il lui avait fait croire qu’il allait l’aider à sortir.

Elle lui a fait confiance, pensa Riley. Ne serait-ce qu’un instant.

Puis il avait commencé à la torturer.

Il avait renversé des brouettes de terre sur elle.

Elle avait dû crier quand elle avait compris ce qui se passait.

Mais comment avait-il répondu à ses cris ?

Il avait montré tout son sadisme. Il s’était arrêté pour le plaisir de lui jeter une pelletée de terre à la figure – pas assez pour l’empêcher de crier, mais assez pour la torturer.

Riley frémit.

Elle fut soulagée de quitter l’esprit du tueur.

Elle pouvait maintenant examiner la scène de crime avec un regard neuf.

La forme de la fosse était étrange. Là où Riley se tenait, le bout de la fosse formait une sorte de flèche. C’est la même chose de l’autre côté. Deux flèches qui se faisaient face.

Le tueur s’était donné du mal pour faire ça.

Mais pourquoi ? se demanda Riley. Qu’est-ce que ça signifie ?

Ce fut alors que la voix de Bill retentit derrière elle.

— J’ai trouvé quelque chose. Vous devriez venir voir.

CHAPITRE SEPT

Riley se retourna vivement pour voir ce qui faisait crier Bill. Sa voix venait d’entre les arbres, à l’écart du chemin.

— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Belt.

— Qu’avez-vous trouvé ? renchérit Terzis.

— Venez, c’est tout, répondit Bill.

Riley se redressa et se dirigea vers lui. Elle vit que les fourrés étaient abimés par où il était passé.

— Vous venez ? répéta Bill qui commençait à s’impatienter.

Riley comprit au ton de sa voix qu’il était vraiment là pour travailler.

Suivie de Belt et Terzis, elle s’enfonça dans les fourrés jusqu’à la petite clairière où Bill se tenait debout. Il avait le regard baissé vers le sol.

Et il avait bien trouvé quelque chose.

Un autre morceau de toile de jute était posé sur le sol, maintenu en place par des poids aux quatre coins.

Назад Дальше