Holt consulta un de ses hommes.
« Avez-vous vu une étoile ? »
« Non monsieur », répondit un inspecteur mince et blond aux yeux marron.
« La scientifique ? »
L’inspecteur secoua la tête.
« Ridicule », marmonna Holt. « Une étoile dessinée ? Un enfant aurait pu avoir fait ça. Un ombre ? Les ombres sont créées par la lumière. Mais rien de spécial à propos de cela, inspectrice Black. »
« Qui possède le yacht ? », demanda Avery.
« Une impasse. » O’Malley haussa les épaules. « Le promoteur immobilier Bigshot. Il est en voyage au Brésil pour affaires. Parti depuis le mois dernier. »
« Si le bateau a été nettoyé au cours du mois dernier », dit Avery, « alors l’étoile a été mise la par le tueur, et puisqu’elle est parfaitement disposée entre le corps et son ombre, elle doit signifier quelque chose. Je ne suis pas certaine de quoi, mais quelque chose. »
O’Malley jeta un coup d’œil rapide vers Holt.
Holt soupira.
« Simms », nota-t-il à l’officier blond, « faites revenir la scientifique ici. Voyez à propos de cette étoile, et de l’ombre. Je vous appellerai quand nous aurons terminé. »
Piteusement, Holt lança un regard vers Avery, puis finalement, il secoua la tête.
« Laissez-la voir l’appartement. »
CHAPITRE TROIS
Avery marchait lentement le long du hall de l’immeuble, flanquée par Ramirez, le cœur battant d’impatience comme toujours quand elle pénétrait sur une scène de crime. À cet instant, elle aurait souhaité être n’importe où hormis là.
Elle reprit ses esprits. Elle renfila son masque et se força à observer chaque détail, même infime.
La porte de l’appartement de la victime était ouverte. Un officier posté à l’extérieur s’écarta et permit à Avery et aux autres de passer sous le ruban de la scène du crime et d’entrer.
Un couloir étroit menait à un salon. Une cuisine en était séparée. Rien ne semblait sortir de l’ordinaire nulle part ; il s’agissait juste du très bel appartement de quelqu’un. Les murs étaient peints en gris clair. Il y avait des étagères partout. Des piles de livres étaient entassées par terre. Des plantes étaient suspendues à la fenêtre. Un canapé faisait face à une télévision. Dans la seule chambre, le lit était fait et surmonté d’une couverture blanche en dentelle.
La seule perturbation manifeste dans l’appartement était le salon, où le tapis central manquait clairement. Un contour poussiéreux, ainsi qu’un espace plus sombre, avaient été marqués avec plusieurs étiquettes de police jaune.
« Qu’a trouvé la scientifique ici ? », demanda Avery.
« Rien », dit O’Malley. « Aucune empreinte. Aucun cliché des caméras. Nous sommes dans le noir pour le moment. »
« Quelque chose d’emporté dans l’appartement ? »
« Pas que l’on sache. Le bocal de monnaie est plein. Ses habits étaient soigneusement placés dans son panier à linge sale. L’argent et ses papiers étaient encore dans les poches. »
Avery prit son temps dans l’appartement.
Comme elle en avait l’habitude, elle se déplaçait par petits secteurs et observait chacun d’eux avec minutie – les murs, les sols et le parquet de bois, toutes les babioles sur les étagères. Une photographie de la victime avec deux amies se démarquait. Elle prit mentalement note d’apprendre leur nom et de contacter chacune d’elles. Les étagères de livres et les piles furent examinées. Il y avait des tas de romans à l’eau de rose. Le reste concernait majoritairement des sujets spirituels : développement personnel, religion.
Religion, pensa Avery.
La victime avait une étoile au-dessus de la tête.
L’étoile de David ?
Ayant observé le cadavre sur le bateau et l’appartement, Avery commença à former une image du tueur dans son esprit. Il aurait attaqué depuis le hall. La mort avait été rapide et il n’avait laissé aucune trace, n’avait commis aucune erreur. Les vêtements de la victime et ses effets personnels avaient été laissés derrière dans un endroit soigné, de manière à ne pas déranger l’appartement. Seul le tapis avait été déplacé, c’était poussiéreux dans cette zone et autour des bords. Quelque chose dans cela avait mené à la colère dans l’esprit du tueur. S’il était si méticuleux à tous les autres égards, s’interrogea Avery, pourquoi ne pas nettoyer la poussière des bords du tapis ? Pourquoi même prendre le tapis ? Pourquoi ne pas laisser tout en parfait état ? Elle y réfléchit : il lui avait brisé la nuque, l’avait déshabillée, rangé ses habits et laissé tout en ordre, mais ensuite il l’avait roulée dans un tapis et l’avait emportée comme un sauvage.
Elle se dirigea vers la fenêtre, baissa les yeux et regarda fixement la rue. Il y avait quelques endroits où quelqu’un aurait pu se cacher et observer l’appartement sans être remarqué. Un en particulier l’interpela : une allée étroite et sombre derrière une barrière. Étais-tu là ? se demande-t-elle. En train d’observer ? D’attendre le bon moment ?
« Eh bien ? », demanda O’Malley. « Que pensez-vous ? »
« Nous avons un tueur en série sur les bras. »
CHAPITRE QUATRE
« Le tueur est de sexe masculin, et fort », poursuit Avery. « Il a manifestement terrassé la victime et a dû la porter jusqu’au quai. Ça ressemble à une vengeance personnelle. »
« Comment savez-vous cela ? », demanda Holt.
« Pourquoi se donner tant de peine pour une victime aléatoire ? Rien ne semble avoir été volé donc ce n’est pas ce cambriolage. Il a été minutieux pour tout hormis ce tapis. Si vous passez autant de temps à planifier un meurtre, à dévêtir la victime et à mettre ses habits dans un panier à linge sale, pourquoi prendre un de ses objets ? Cela ressemble un geste prémédité. Il voulait prendre quelque chose. Peut-être pour montrer qu’il était puissant ? Qu’il le pouvait ? Je l’ignore. Et la laisser sur un bateau ? Nue et à la vue de tous dans le port ? Ce gars veut être vu. Il veut que tout le monde sache qu’il a exécuté cette mise à mort. Il se peut que vous ayez un autre tueur en série sur les bras. Quelle que soit la décision que vous allez prendre concernant qui gère cette affaire », et elle jeta un coup d’œil à O’Malley, « vous pourriez vouloir le faire rapidement. »
O’Malley se tourna vers Holt.
« Will ? »
« Vous connaissez mon sentiment à propos de cela », dit Holt avec mépris.
« Mais vous suivrez la décision ? »
« C’est une erreur. »
« Mais ? »
« Quel que soit ce que veut le maire. »
O’Malley se tourna vers Avery.
« Êtes-vous partante pour ça ? », demanda-t-il. « Soyez honnête avec moi. Vous venez juste d’en terminer avec un tueur en série très médiatisé. La presse vous a continuellement crucifiée. De nouveau, tous les yeux seront braqués sur, mais cette fois, le maire y prête une attention particulière. Il vous a spécifiquement demandé. »
Le cœur d’Avery accéléra. Faire une différence en tant qu’officier de police était ce qu’elle adorait véritablement dans son travail, mais attraper des tueurs en série et venger les morts était ce dont elle avait vraiment besoin.
« Nous avons beaucoup d’affaires en cours », dit-elle. « Et un procès. »
« Je peux donner tout à Thompson et Jones. Vous pouvez superviser leur travail. Si vous prenez ça charge en, c’est la priorité numéro un. »
Avery se tourna vers Ramirez.
« Tu en es ? »
« J’en suis. » Il hocha de la tête avec sérieux.
« Nous le ferons », dit-elle.
« Bien. » O’Malley soupira. « Vous êtes sur l’affaire. Le capitaine Holt et ses hommes s’occuperont du corps et de l’appartement. Vous aurez un accès complet aux dossiers et leur complète coopération au cours de cette enquête. Will, à qui devaient-ils s’adresser s’ils ont besoin d’informations ? »
« L’inspecteur Simms », dit-il.
« Simms est l’inspecteur en charge que vous avez vu ce matin », relaya O’Malley, « cheveux blonds, yeux foncés, coriace. Le A7 se charge de tout le bateau et l’appartement. Simms vous contactera directement pour toute piste de ce côté-là. Peut-être devriez-vous parler avec la famille pour le moment. Voyez ce que vous pouvez découvrir. Si vous avez raison, et que ceci est personnel, il est possible qu’ils soient impliqués ou aient des informations qui puissent aider. »
« Nous sommes dessus », dit Avery.
*
Un appel rapide à l’inspecteur Simms et Avery apprit que les parents de la victime vivaient juste un peu plus au nord, à l’extérieur de Boston dans la ville de Chelsea.
Annoncer la nouvelle aux familles était la deuxième chose qu’Avery détestait le plus dans son travail. Même si elle savait s’y prendre avec gens, il y avait un moment, juste après qu’ils aient appris la mort d’un être cher, où des émotions complexes prenaient le dessus. Les psychiatres l’appelaient les cinq phases du deuil, mais Avery pensait qu’il s’agissait d’une lente torture. D’abord, il y avait le déni. Les amis et proches voulaient tout savoir à propos du corps – une information qui ne leur causerait que plus de peine, et peut importait ce qu’Avery offrait, il était toujours impossible pour les êtres chers d’imaginer. En second venait de colère : envers la police, envers le monde, envers tous. Les négociations venaient ensuite. « Êtes-vous sûrs qu’ils sont morts ? Peut-être sont-ils toujours en vie. » Ces étapes pouvaient se produire toutes à la fois, où elles pouvaient prendre des années, ou les deux. Les deux dernières phases avaient habituellement lieu quand Avery était ailleurs : dépression et acceptation.
« Je dois le dire », songea Ramirez, « je n’aime pas trouver de cadavres, mais cela nous libère pour travailler sur cette affaire. Plus de procès et plus de paperasses. Ça fait du bien, non ? Nous avons l’occasion de faire ce que nous voulons et de ne pas avoir à être embourbés dans la bureaucratie. »
Il se pencha pour l’embrasser sur la joue.
Avery le repoussa.
« Pas maintenant », dit-elle.
« Pas de problème », répondit-il avec les mains levées. « Je pensais juste, tu sais…que nous étions quelque chose maintenant. »
« Écoute », dit-elle et elle dut vraiment réfléchir à ses prochains mots. « Je t’apprécie. Je t’apprécie vraiment, mais tout cela arrive trop vite. »
« Trop vite ? », se plaignit-il. « Nous ne nous sommes embrassés qu’une fois en deux mois ! »
« Ce n’est pas ce à quoi je pensais », dit-elle. « Désolée. Ce que j’essaye de dire, c’est que je ne sais pas si je suis prête pour une véritable relation. Nous sommes équipiers. Nous nous voyons chaque semaine. J’adore tous les flirts et te voir le matin. J’ignore juste si je suis prête à aller plus loin. »
« Whoa », dit-il.
« Dan— »
« Non, non. » Il leva une main. « Ça va. Vraiment. Je pense que je m’attendais à ça. »
« Je ne dis pas que je veux que cela se termine », le rassura Avery.
« Qu’est-ce que c’est cela ? », demanda-t-il. « Je veux dire, je ne le sais même pas ! Quand nous travaillons, tu es uniquement professionnelle, et quand j’essaye de te voir après le travail, c’est presque impossible. Tu étais presque plus aimante envers moi quand tu étais à l’hôpital plutôt que dans la vraie vie. »
« Ce n’est pas vrai », dit-elle, mais une part d’elle-même réalisa qu’il avait raison.
« Je t’aime bien », Avery, dit-il. « Je t’apprécie beaucoup. Si tu as besoin de temps, je suis d’accord avec ça. Je veux juste m’assurer que tu éprouves vraiment des sentiments pour moi. Parce que si ce n’est pas le cas, je ne veux pas perdre ton temps, ou le mien. »
« C’est le cas », dit-elle et elle lui lança un regard pendant une courte seconde. « Vraiment. »
« Ok », dit-il. « Super. »
Avery continue à conduire, se concentrant sur la route et sur les alentours changeants, se forçant à revenir en mode travail.
Les parents d’Henrietta Venemeer vivaient dans un immeuble d’appartements juste après le cimetière sur Central Avenue. De l’inspecteur Simms, Avery avait appris qu’ils étaient tous deux retraités et seraient selon toute probabilité trouvés chez eux. Elle n’avait pas appelé en avance. Une dure leçon qu’elle avait apprise tôt était qu’un appel pour prévenir pouvait alerter un tueur potentiel.
À l’immeuble, Avery se gara et ils marchèrent tous deux jusqu’à la porte d’entrée.
Ramirez actionna la sonnette.
Une longue pause s’ensuivit avant qu’une femme âgée ne réponde.
« Oui ? Qui est-ce ? »
« Madame Venemeer, c’est l’inspecteur Ramirez du poste de police A1. Je suis ici avec ma partenaire, l’inspectrice Black. Pouvons-nous s’il vous plaît monter et vous parler ? »
« Qui ? »
Avery se pencha.
« Police », dit-elle sèchement. « S’il vous plaît, ouvrez la porte d’entrée. »
La porte s’ouvrit en bourdonnant.
Avery sourit à Ramirez.
« Voilà comment le faire », dit-elle.
« Tu ne cesses jamais de m’impressionner, inspectrice Black. »
Les Venemeer vivaient au cinquième étage. Le temps qu’Avery et Ramirez sortent de l’ascenseur, ils purent voir une femme âgée jetant des coups d’œil depuis derrière une porte verrouillée.
Avery prit la tête.
« Bonjour, madame Venemeer », dit-elle de sa voix la plus douce est claire. « Je suis l’inspectrice Black et voici mon équipier, l’inspecteur Ramirez. » Ils montrèrent tous deux rapidement leurs insignes. « Pouvons-nous rentrer ? »
Madame Venemeer possédait une masse de cheveux raides tout comme sa fille, seulement les siens étaient blancs. Elle portait d’épaisses lunettes noires et une robe de chambre blanche.
« De quoi s’agit-il ? », s’inquiéta-t-elle.
« Je pense que ce serait plus facile si nous pouvions parler à l’intérieur », dit Avery.
« Très bien », marmonna-t-elle, et elle les laissa entrer.
L’appartement tout entier sentait la naphtaline et la vieillesse. Ramirez fit une grimace et en plaisantant agita la main vers son nez au moment où ils entrèrent. Avery le frappa au bras.
Une télévision braillait depuis le salon. Sur le canapé se trouvait un homme massif qu’Avery supposa être monsieur Venemeer. Il était vêtu seulement d’un caleçon rouge et d’un t-shirt qu’il portait probablement au lit, et il semblait ne pas avoir du tout conscience d’eux.
Curieusement, madame Venemeer s’assit sur le canapé à côté de son mari, sans aucune indication d’où Avery ou Ramirez pourraient s’asseoir.
« Que puis-je faire pour vous ? », demanda-t-elle.
Un jeu passait à la télévision. Le son était fort. De temps à autre, le mari poussait des acclamations depuis son siège, se calmait, et marmonnait pour lui-même.
« Pouvez-vous éteindre la télévision ? », demanda Ramirez.
« Oh non », dit-elle. « John doit regarder sa Roue de la Fortune. »
« C’est à propos de votre fille », ajouta Avery. « Nous devons vraiment vous parler, et nous voudrions votre totale attention. »
« Chéri », dit-elle et elle toucha le bras de son mari. « Ces deux officiers veulent parler d’Henrietta. »
Il haussa les épaules et grommela.
Ramirez éteignit la télévision.
« Eh ! », hurla John. « Qu’est-ce que vous faites ?! Rallumez ça ! »
Il paraissait ivre.
Une bouteille à moitié remplie de bourbon se trouvait à côté de lui.
Avery se leva à côté de Ramirez et les présenta à nouveau.
« Bonjour », dit-elle, « je suis l’inspectrice de Black et voici mon équipier, l’inspecteur Ramirez. Nous avons des nouvelles très dures à vous faire part. »
« Je vais vous dire ce qui est dur ! », dit brusquement John. « C’est dur d’avoir affaire à une bande de policiers quand je suis au milieu de mon programme télévisé. Rallumez cette fichue télévision ! », dit-il sèchement et il essaya de se lever de son siège, mais il ne semblait pas pouvoir se tenir debout.
« Votre fille est décédée », dit Ramirez, et il s’accroupit pour le regarder droit dans les yeux. « Est-ce que vous comprenez ? Votre fille est décédée. »
« Quoi ? », murmura madame Venemeer.
« Henrietta ? », marmonna John, et il se rassit.
« Je suis désolé pour cela », dit Avery.
« Comment ? », bredouilla la vieille femme. « Je ne…non. Pas Henrietta. »
« Dites-moi de quoi vous parlez ! », dit John, méprisant. « Vous ne pouvez pas rentrer ici et dire que notre fille est morte. Bon sang que voulez-vous dire ?! »
Ramirez prit un siège.
Déni, pensa Avery. Et colère.
« Elle a été trouvée morte ce matin », dit Ramirez, « et identifiée à cause de sa position au sein de la communauté. Nous ne sommes pas certains de la raison pour laquelle cela s’est produit. Pour l’instant, nous avons beaucoup de questions. Si vous le pouvez, s’il vous plaît supportez-nous durant ce moment et aidez à répondre à quelques-unes d’entre elles. »