Qui va à la chasse - Блейк Пирс 4 стр.


Riley réfléchit quelques instants. Quelque chose clochait. Elle n’arrivait pas à mettre le doigt dessus.

— Quelqu’un sait pourquoi ? demanda-t-elle.

— Pourquoi quoi ? fit Bill.

— Pourquoi il s’est évadé.

Bill et Meredith échangèrent un regard d’incompréhension.

— N’est-ce pas évident ? demanda Bill.

Evidemment, sa question semblait étrange, mais Bill était venu une fois avec elle à Sing Sing.

— Bill, tu l’as rencontré, dit-elle. Il t’a semblé agité ? Pas satisfait de sa condition ?

Bill fronça les sourcils.

— Non, en fait, il avait l’air…

Il hésita :

— Presque satisfait de son sort, non ? termina Riley. La prison lui convient bien. Je n’ai jamais eu l’impression que sa liberté lui manquait. Il a un côté zen. Il ne s’attache à rien. Il n’a envie de rien. La liberté n’a rien à lui offrir. Et maintenant, il est dehors. Il est recherché. Pourquoi ? Pourquoi maintenant ?

Les doigts de Meredith tambourinèrent sur la table.

— Comment s’est déroulée votre dernière visite ? demanda-t-il. Vous vous êtes séparés en bons termes ?

Riley réprima un sourire amer.

— On ne se sépare jamais en bons termes, dit-elle.

Au bout d’un court silence, elle ajouta :

— Je comprends ce que vous me dites. Vous pensez que je pourrais être sa cible.

— C’est possible ? demanda Bill.

Riley ne répondit pas. Elle se rappela, une fois encore, ce que lui avait dit Hatcher.

« Vous n’en aurez peut-être pas besoin. »

Etait-ce une menace bien déguisée ? Riley n’en savait rien.

Meredith enchaîna :

— Agent Paige, je n’ai pas besoin de vous dire que c’est une affaire difficile et de la plus haute importance. Ça va sortir dans les médias. Les évasions font toujours beaucoup de bruit. Elles provoquent parfois la panique. Peu importe ce qu’il veut, on doit l’arrêter. Je regrette d’interrompre vos congés pour un tel dossier. Vous êtes prête ? Vous pouvez le faire ?

Un étrange picotement parcourut le corps de Riley. Elle avait rarement ressenti ça en acceptant une affaire. Elle eut besoin d’un instant pour comprendre que c’était de la peur, pure et simple.

Elle n’avait pas peur pour sa sécurité. C’était autre chose. Quelque chose d’irrationnel. Peut-être était-ce le fait que Hatcher la connaissait si bien. Bien sûr, tous les prisonniers réclamaient quelque chose en échange d’une information utile, mais Hatcher n’avait jamais voulu de cigarettes ou de bouteilles de whisky. Il avait passé un marché très simple et particulièrement troublant avec Riley.

Il voulait qu’elle lui révèle des secrets.

« Quelque chose sur vous que vous voudriez cacher. »

Riley avait obéi, avec un empressement coupable. Maintenant, Hatcher savait toutes sortes de choses sur elle – qu’elle était une mauvaise mère, qu’elle détestait son père et n’était pas allée à sa sépulture, qu’il y avait parfois une séduction entre elle et Bill, et qu’elle prenait parfois du plaisir dans la violence, tout comme Hatcher lui-même.

Que lui avait-il dit la dernière fois ?

« Je vous connais. D’une certaine manière, je vous connais mieux que vous ne vous connaissez vous-même. »

Etait-elle assez intelligente pour l’arrêter ? Meredith attendait patiemment la réponse à sa question.

— Aussi prête que possible, dit-elle en essayant de prendre l’air assuré.

— Bien, dit Meredith. Par quoi devrions-nous commencer ?

Riley réfléchit.

— Bill et moi, nous allons voir ce que le FBI a sur lui.

Meredith hocha la tête et dit :

— J’ai déjà mis Sam Flores sur le coup.

*

Quelques minutes plus tard, Riley, Bill et Meredith se trouvaient dans une salle de conférence, devant un mur blanc sur lequel Sam Flores projetait ce qu’il avait déniché. Flores était un technicien de labo aux lunettes cerclées de noir.

— Je crois qu’il y a tout ce dont vous pourriez avoir besoin, dit Flores. Acte de naissance, arrestation, minutes de procès…

C’était impressionnant et rien ne laissait la moindre place à l’imagination. Il y avait plusieurs photos sanglantes des corps de ses victimes, notamment celui du policier sur le perron de sa maison.

— Qu’est-ce qu’on a sur ce policier ? demanda Bill.

Flores fit apparaître des photos d’un homme jovial en uniforme de la police.

— Lucien Wayles, quarante-six ans quand il est mort en 1986, dit Flores. Il était marié. Il avait trois enfants. Il a reçu une médaille pour son courage. Très apprécié et respecté par ses collègues. Le FBI a fait équipe avec la police pour épingler Hatcher quelques jours après sa mort. Ça m’étonne presque qu’ils ne l’aient pas battu à mort quand ils ont retrouvé Hatcher.

Les photos de Hatcher lui-même étaient frappantes. Riley le reconnaissait à peine. L’homme qu’elle connaissait était intimidant, mais il avait aussi l’image d’un rat de bibliothèque, avec ses lunettes de lecture perchées sur le nez. Le jeune afro-américain sur les photos d’identité judiciaires avait un visage dur et un regard vide et cruel. A croire qu’il ne s’agissait pas de la même personne.

Le rapport de Sam Flores était très complet, mais il décourageait Riley. Elle avait cru qu’elle connaissait Shane Hatcher mieux que quiconque. Cependant, elle ne connaissait pas ce Shane Hatcher – l’impitoyable délinquant qu’on appelait « Shane la Chaîne ».

Il faut que j’apprenne à le connaître, pensa-t-elle.

Sinon, elle ne pourrait pas l’arrêter.

Elle eut l’étrange sensation que ce rapport et toutes ces informations ne l’aidaient pas du tout – au contraire. Elle avait besoin de quelque chose de plus tangible – de vraies photographies imprimées sur du papier glacé, et dont les coins s’effritaient, de vrais documents.

Elle demanda à Flores :

— Je pourrais voir les originaux ?

Flores étouffa un rire incrédule :

— Navré, Agent Paige, ça ne risque pas. Le FBI a bazardé ses archives en 2014. Maintenant, tout est sous format digital. Ce que vous voyez, c’est tout ce que nous avons.

Riley poussa un soupir de découragement. Oui, bien sûr, elle se souvenait de cette histoire. D’autres agents avaient protesté, mais Riley n’avait pas trouvé que c’était un problème. Elle commençait à le regretter.

Le plus important, c’était d’anticiper le premier geste de Hatcher. Une idée lui vint.

— Quel policier a fini par l’arrêter ? demanda-t-elle. S’il est encore en vie, Hatcher pourrait le prendre pour cible.

— Ce n’était pas un policier, dit Flores. Et ce n’était pas un homme.

Il fit apparaître sur le mur la photo d’une femme du FBI.

— Elle s’appelle Kelsey Sprigge. Elle était agent du FBI au bureau du Syracuse. Trente-cinq ans au moment des faits. Elle en a soixante-dix maintenant. Elle est à la retraite et elle vit à Searcy, une ville près de Syracuse.

Riley était surprise d’apprendre que Sprigge était une femme.

— Elle a dû faire ses débuts en…, commença-t-elle.

Flores termina sa pensée :

— Elle a démarré en 1972, juste après le meurtre de J. Edgar. On venait enfin d’autoriser les femmes à faire partie des agents. Elle a fait le début de sa carrière dans la police.

Riley était impressionnée. Kelsey Sprigge avait traversé l’histoire.

— Qu’est-ce que vous avez sur elle ? demanda Riley à Flores.

— Eh bien, elle est veuve. Elle a trois enfants et trois petits-enfants.

— Appelez le bureau de Syracuse et dites-leur de protéger Sprigge, dit Riley. Elle est en danger.

Flores hocha la tête.

Puis Riley se tourna vers Meredith.

— Monsieur, j’ai besoin d’un avion.

— Pourquoi ? demanda-t-il d’un air étonné.

Elle prit une grande inspiration.

— Shane va peut-être essayer de tuer Sprigge, dit-elle, et j’aimerais lui parler d’abord.

CHAPITRE SIX

Quand le jet du FBI se posa sur le tarmac, dans l’aéroport de Syracuse, Riley se rappela soudain ce que son père lui avait dit pendant son rêve :

« Tu ne sers qu’aux morts. »

Quelle ironie ! Pour la première fois, on l’envoyait sur une affaire où personne n’était mort – pas encore.

Mais ça pourrait changer très vite, pensa-t-elle.

Elle s’inquiétait particulièrement pour Kelsey Sprigge. Elle voulait rencontrer la dame pour être sûre que tout allait bien. Ensuite, il faudrait s’assurer de sa sécurité. Cela impliquait d’arrêter Shane Hatcher et de le remettre en prison.

Comme l’avion roulait tranquillement vers le terminal, Riley vit qu’ils avaient atterri au milieu de l’hiver. Les déneigeuses avaient repoussé des monticules de neige sur les côtés.

Cela changeait de la Virginie – en bien. Riley commençait à réaliser qu’elle avait besoin de ce nouveau défi. Elle avait appelé Gabriela de Quantico pour lui expliquer qu’elle avait un nouveau dossier. Gabriela était heureuse pour elle et lui avait assuré qu’elle s’occuperait bien d’April.

Quand l’avion s’arrêta, Riley et Bill attrapèrent leurs affaires et descendirent sur le tarmac glacé. Une bise froide lui fouetta le visage. Heureusement, on lui avait donné un manteau à Quantico.

Deux hommes trottinèrent vers eux. Ils se présentèrent sous les noms d’agents McGill et Newton, du bureau de Syracuse.

— Nous sommes là pour vous aider de quelque manière que ce soit, dit McGill à Bill et Riley.

Riley lui posa la seule question qu’elle avait en tête :

— Vous avez des gens qui veillent sur Kelsey Sprigge ? Vous pensez qu’elle va bien ?

— La police est sur le coup. Ils sont garés juste devant chez elle, dit Newton. Oui, elle va bien.

Riley aurait aimé en être également certaine.

Bill dit :

— Dans ce cas, le plus urgent, c’est d’aller à Searcy.

McGill répondit :

— Ce n’est pas loin de Syracuse et les routes sont dégagées. On a amené un SUV que vous pouvez utiliser, mais… Vous avez l’habitude de rouler sous la neige ?

— Vous savez, Syracuse gagne le Flocon d’or tous les ans, ajouta Newton avec une étrange fierté.

— Le Flocon d’or ? répéta Riley.

— C’est le prix de l’état de New York pour le coin où il neige le plus, dit McGill. On est les champions. On a un trophée pour le prouver.

— On devrait peut-être vous conduire là-bas.

Bill étouffa un rire.

— Merci, mais on va se débrouiller. Il y a quelques années, j’ai enquêté dans le Dakota en plein hiver. J’ai pas mal conduit sous la neige.

Riley ne dit rien, mais elle avait aussi beaucoup conduit dans les montagnes de Virginie. La neige ne tombait pas aussi dru qu’ici, mais les routes n’étaient jamais bien dégagées. Elle avait sans doute roulé plus souvent sur des routes verglacées que n’importe quel agent ci-présent.

Elle préférait laisser Bill conduire. Le plus important, c’était la sécurité de Sprigge. Bill prit les clés.

— Je dois dire que ça me plait de retravailler avec toi, dit Bill en s’enfermant dans la voiture. C’est égoïste, je sais. J’aime bien travailler avec Lucy, mais ce n’est pas pareil.

Riley sourit. Elle était aussi contente de retrouver Bill.

— Quand même, j’aurais préféré que tu ne prennes pas le dossier, ajouta Bill.

— Pourquoi ? demanda Riley avec surprise.

Bill secoua la tête.

— J’ai un mauvais pressentiment, dit-il. Tu te souviens ? J’ai rencontré Hatcher, moi aussi. Il en faut beaucoup pour me faire peur mais… Eh bien, lui, il ne joue pas dans la même catégorie.

Riley ne répondit pas. Elle ne pouvait pas le contredire. Elle savait que Hatcher avait profondément troublé Bill lors de sa visite. Avec un instinct étonnant, le prisonnier avait fait de perturbantes observations sur la vie personnelle de Bill.

« N’essayez même pas d’arranger les choses avec votre femme. Ce n’est pas possible. »

Hatcher avait eu raison, et Bill était maintenant en plein divorce.

A la fin de cette même visite, il avait dit à Riley quelque chose qui la hantait :

« Arrêtez de vous voiler la face. »

Elle ne savait toujours pas ce qu’il avait voulu dire. Elle eut le pressentiment désagréable qu’elle finirait par l’apprendre.

*

Quelques instants plus tard, Bill se gara à côté d’un gros tas de neige, devant la maison de Kelsey Sprigge à Searcy. Une voiture de police était arrêtée non loin. Toutefois, les deux policiers à l’intérieur ne lui inspirèrent pas confiance. Le criminel à l’esprit vicieux et brillant qui s’était évadé de Sing Sing n’aurait eu aucun mal à se débarrasser d’eux.

Bill et Riley descendirent de voiture et montrèrent de loin leurs badges aux policiers, avant de s’engager dans l’allée. C’était une petite maison traditionnelle à deux étages, avec un toit à deux pans et un perron couvert. Elle était décorée de lumières de Noël. Riley sonna.

Une femme ouvrit avec un charmant sourire. Elle était mince et portait un jogging. Son visage était illuminé.

— Vous devez être les agents Jeffreys et Paige, dit-elle. Je suis Kelsey Sprigge. Entrez. Ne restez pas dans ce froid de canard.

Kelsey Sprigge conduisit Riley et Bill dans un salon douillet où brûlait un feu de cheminée.

— Je peux vous offrir quelque chose ? demanda-t-elle. Je sais que vous êtes de service. Je vous prépare un café.

Elle disparut dans la cuisine, et Bill et Riley s’assirent. Riley balaya du regard les décorations de Noël et les douzaines de photos encadrées sur le mur. Elles avaient été prises à différents moments de la vie de Kelsey Sprigge, avec des enfants ou des petits-enfants autour d’elle. Dans certains clichés, un homme souriait à ses côtés.

Flores avait dit qu’elle était veuve. En regardant les photos, Riley devina que le mariage avait été long et heureux. D’une manière ou d’une autre, Kelsey Sprigge avait réussi à construire tout ce qui échappait à Riley. Elle avait passé une vie heureuse auprès d’une famille aimante, tout en travaillant comme agent du FBI.

Riley aurait voulu lui demander comme elle avait réussi. Bien sûr, ce n’était pas le moment.

La femme revint dans le salon en portant un plateau avec deux tasses de café, de la crème et du sucre, et – à la surprise de Riley – un scotch pour elle-même.

Kelsey fascinait Riley. Pour une femme de soixante-dix ans, elle était pleine de vie, et plus solide que la plupart des femmes qu’elle connaissait. Riley eut l’impression d’apercevoir ce qu’elle pourrait devenir.

— Bien, bien, dit Kelsey en s’asseyant en souriant. J’aurais préféré vous accueillir avec un beau soleil.

Son hospitalité charmante et tranquille désarmait Riley. Etant donné les circonstances, elle avait cru trouver une femme aux abois.

— Madame Sprigge…, commença Bill.

— Je vous en prie, appelez-moi Kelsey, l’interrompit-elle. Et je sais pourquoi vous êtes venus. Vous pensez que Shane Hatcher est à ma poursuite et que je suis sa première cible. Vous pensez qu’il veut me tuer.

Riley et Bill échangèrent un regard.

— Et bien sûr, c’est pour ça qu’il y a une voiture de police dehors, dit Kelsey en souriant. Je leur ai proposé de venir se mettre au chaud, mais ils ont refusé. Ils ne m’ont même pas laissé faire mon jogging de l’après-midi ! Quel dommage… Moi qui adore courir dans le frais. Eh bien, je n’ai pas peur de me faire assassiner, et vous ne devriez pas vous inquiéter non plus. Je ne pense vraiment pas que Shane Hatcher fera quoi que ce soit.

Riley faillit s’exclamer : « Pourquoi ? ».

Au lieu de quoi, elle demanda prudemment :

— Kelsey, vous l’avez arrêté. Vous l’avez amené devant la justice. Il a passé sa vie en prison à cause de vous. C’est peut-être pour vous qu’il est sorti.

Kelsey ne répondit pas tout de suite. Elle regardait le pistolet de Riley dans son étui.

— Quelle arme portez-vous, ma chère ? demanda-t-elle.

— Un Glock de calibre quarante, dit Riley.

— Joli ! s’exclama Kelsey. Je peux y jeter un œil.

Riley lui tendit son arme. Kelsey sortit le chargeur et examina l’arme. Elle le manipulait avec l’œil d’un vrai connaisseur.

— Je n’ai pas connu les Glocks pendant ma carrière, dit-elle. Je les aime bien. Bonne prise en main, équilibre idéal, très léger. Et le viseur me plait.

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