De Sac et de Corde - Блейк Пирс 3 стр.


Seulement deux jours plutôt, la fille sur les photos était encore en vie. Riley frémit en y pensant. Que ferait-elle si elle perdait April de manière si brutale ? C’était une pensée glaçante, d’autant plus que ce n’était pas passé loin à plusieurs reprises.

Qui viendrait chez elle pour la réconforter ?

Et voudrait-elle vraiment qu’on la réconforte ?

Riley chassa ses idées noires quand Tiffany la présenta à ses parents, Lester et Eunice.

— Je vous en prie, ne vous levez pas, dit Riley quand ils firent mine de bouger.

Riley et April s’assirent à côté d’eux. Eunice avait les mêmes taches de son que sa fille et le même couleur de cheveux. Lester avait le teint plus mat, et le visage long et fin.

— Toutes mes condoléances, dit Riley.

Le couple la remercia. Lester parvint même à esquisser un sourire.

— On ne s’était jamais rencontrés, mais je connais un peu Ryan, dit-il. Comment va-t-il ?

Tiffany tapa sur l’épaule de son père et lui souffla :

— Ils ont divorcé, Papa.

Lester s’empourpra.

— Oh, je suis vraiment désolé, dit-il.

Riley rougit à son tour.

— Ne le soyez pas. Comme disent les jeunes, c’est compliqué.

Lester hocha la tête, un sourire triste aux lèvres.

Pendant de longues minutes, personne ne dit rien. Les gens continuaient de s’agiter autour d’eux en faisant le moins de bruit possible.

Puis Tiffany dit :

— Maman, Papa… La mère d’April est un agent du FBI.

Lester et Eunice restèrent bouche bée, ne sachant visiblement que dire. Embarrassée, Riley chercha ses mots. Elle savait qu’April avait téléphoné à Tiffany la veille pour leur dire qu’elles passeraient. Apparemment, Tiffany n’avait pas expliqué à ses parents ce que Riley faisait dans la vie.

Tiffany regarda tour à tour son père et sa mère. Puis elle dit :

— Je me suis dit qu’elle pourrait nous aider à savoir… ce qui s’est vraiment passé.

Lester poussa un hoquet et Eunice un soupir amer.

— Tiffany, on en a déjà parlé, dit-elle. On sait ce qui s’est passé. La police en est sûre. On n’a aucune raison de penser le contraire.

Lester se leva sur des jambes flageolantes.

— Je ne veux pas entendre ça, dit-il. Je ne… je ne peux pas.

Il déambula en direction du salon. Riley vit deux couples se précipiter pour le réconforter.

— Tiffany, tu devrais avoir honte, dit Eunice.

Les yeux de la jeune fille se mouillèrent de larmes.

— Mais je veux seulement connaitre la vérité, Maman. Lois ne s’est pas suicidée. Elle n’aurait jamais fait ça. J’en suis sûre.

Eunice se tourna vers Riley.

— Je suis désolée que vous soyez obligée d’assister à ça, dit-elle. Tiffany a du mal à accepter la vérité.

— C’est toi et Papa qui avez du mal à accepter la vérité, rétorqua Tiffany.

— Chut, souffla sa mère.

Eunice tendit un mouchoir à sa fille.

— Tiffany, il y a des choses que tu ne savais pas à propos de Lois, dit-elle d’une voix prudente. Elle était plus malheureuse qu’elle ne le laissait entendre. Elle adorait l’université, mais ce n’était pas facile pour elle. Il fallait qu’elle ait de très bonnes notes pour garder sa bourse, et c’était difficile pour elle de quitter la maison. Elle commençait à prendre des antidépresseurs et elle voyait un psy à Byars. Ton père et moi, on pensait qu’elle allait mieux, mais on avait tort.

Tiffany essayait de se calmer, mais elle était encore très en colère.

— Je déteste cette école, dit-elle. Je n’irai jamais là-bas.

— C’est un endroit très bien, dit Eunice. Une très bonne école. C’est très difficile, c’est tout.

— Je parie que les autres filles la trouvaient pas si bien que ça, dit Tiffany.

April écoutait son amie avec attention.

— Quelles autres filles ? demanda-t-elle.

— Deanna et Cory, répondit Tiffany. Elles sont mortes aussi.

Eunice secoua la tête tristement et dit à Riley.

— Ces deux filles se sont suicidées à Byars le semestre dernier. C’est une année funeste là-bas.

Tiffany regarda sa mère fixement.

— C’étaient pas des suicides, dit-elle. Lois n’y croyait pas. Elle disait toujours qu’il y avait quelque chose de pas normal. Elle ne savait pas ce que c’était, mais elle m’a dit que ça devait être horrible.

— Tiffany, elles se sont suicidées, insista Eunice d’un air las. Tout le monde le dit. Ces choses-là arrivent.

Tiffany se leva, en tremblant de rage et de frustration.

— Lois n’est pas morte comme ça, dit-elle.

Eunice dit :

— Quand tu seras plus âgée, tu comprendras que la vie est plus dure que tu ne l’imagines. Maintenant, rassied-toi, s’il te plait.

Tiffany s’assit en silence. Le regard d’Eunice se perdit dans le vide. Riley se sentit soudain très mal à l’aise.

— On ne voulait pas vous déranger comme ça, dit Riley. Je vous présente mes excuses. Il vaut mieux qu’on y aille.

Eunice hocha la tête en silence. Riley et April quittèrent la maison.

— On aurait dû rester, dit April d’une voix maussade une fois dehors. On aurait dû poser plus de questions.

— Non, on ne faisait que leur causer du chagrin, dit Riley. C’était une très mauvaise idée.

April partit en courant vers le garage.

— Qu’est-ce que tu fais ? s’exclama Riley.

April s’arrêta devant la barrière de rubalise installée par la police.

— April, ne t’approche pas !

April ignora les scellés et sa mère : elle tourna la poignée. La porte tourna sur ses gonds. April se glissa sous la rubalise et entra dans le garage. Riley la suivit, avec la ferme intention de la gronder. Mais sa curiosité prit le dessus et elle jeta un œil dans le garage.

Il n’y avait pas de voiture à l’intérieur, ce qui rendait le grand espace vide étrangement caverneux. Des rais de lumière se faufilaient par les fenêtres.

April lui montra du doigt un coin de la pièce.

— Tiffany m’a dit que Lois a été retrouvée là, dit-elle.

Il y avait du ruban adhésif au sol et de grosses poutres au-dessus de leurs têtes, ainsi qu’une échelle posée contre le mur.

— Viens, dit Riley. On ne devrait pas être ici.

Elle traina sa fille vers la sortie et referma la porte. En marchant vers la voiture, Riley visualisa la scène. Il était facile d’imaginer la jeune fille monter à l’échelle et se pendre toute seule là-haut.

Mais est-ce vraiment ce qui s’est passé ? se demanda-t-elle.

Elle n’avait aucune raison de penser le contraire.

Pourtant, elle commençait à avoir un petit doute.

*

Peu après, de retour à la maison, Riley appela le médecin légiste, Danica Selves. Elle s’entendait très bien avec Danica depuis des années. Quand Riley évoqua le décès de Lois Pennington, Danica eut l’air surpris :

— Pourquoi tu t’intéresses à ce dossier ? demanda-t-il ? C’est pour le FBI ?

— Non, c’est personnel.

— Personnel ?

Riley hésita avant de répondre :

— Ma fille est très proche de la sœur de Lois. Elle connaissait aussi un peu Lois. Ma fille et son amie ont toutes les deux du mal à croire à la thèse du suicide.

— Je vois, dit Danica. Eh bien, la police n’a trouvé aucun signe de lutte. Et j’ai effectué moi-même les tests et l’autopsie. D’après les résultats sanguins, elle a ingurgité une forte dose d’alprazolam avant de mourir. Je pense qu’elle voulait être sûre de ne rien sentir. Quand elle s’est pendue, elle ne se rendait peut-être même plus compte de ce qu’elle faisait. Elle s’est rendu la tâche plus facile.

— Ce serait une évidence, dit Riley.

— Pour moi, oui, répondit Danica.

Riley la remercia et raccrocha. Ce fut alors qu’April monta l’escalier avec une calculette et du papier.

— Maman, je crois que j’ai trouvé ! dit-elle avec excitation. C’est forcément un meurtre.

Elle s’assit à côté de Riley et lui montra les nombres qu’elle venait d’écrire.

— J’ai fait des recherches sur Internet, dit-elle. J’ai lu que sur cent mille étudiants, sept virgule cinq se suicidaient. Ça correspond à zéro virgule zéro zéro soixante-quinze pour cent. Il n’y a que sept cents étudiants à Byars et trois d’entre eux se seraient suicidés ces derniers mois. Ça fait plus de zéro virgule quarante-trois pour cent, c’est-à-dire cinquante-sept fois plus que la moyenne ! C’est impossible !

Le cœur de Riley se serra. April avait beaucoup réfléchi au sujet et c’était appréciable. Elle faisait même preuve d’une grande maturité.

— April, je suis sûre que ton calcul est logique, mais…

— Mais quoi ?

Riley secoua la tête.

— Ça ne prouve rien du tout.

April écarquilla les yeux.

— Comment ça ? Pourquoi ça ne prouve rien ?

— Quand on fait des statistiques, on tombe parfois sur ce qu’on appelle des aberrations. Ce sont des exceptions qui ne suivent pas la moyenne. Par exemple, ma dernière affaire… L’empoisonneuse, tu te souviens ? La plupart des tueurs en série sont des hommes. Cette fois, c’était une femme. Et la plupart des tueurs aiment voir leurs victimes mourir, mais celle-ci n’en ressentait pas le besoin. C’est la même chose. Dans certaines universités, le taux de suicide est beaucoup plus élevé que la moyenne.

April la regarda fixement.

— April, je viens de parler au médecin légiste qui a procédé à l’autopsie. Elle est certaine que la mort de Lois était un suicide. Et elle connait son boulot. C’est une experte. Nous devons faire confiance à son jugement.

Le visage d’April se tordit de colère.

— Pourquoi ce n’est pas à mon jugement que tu ferais confiance pour une fois !?

Elle sortit en trombe de la pièce et descendit les marches au pas de course.

Au moins, elle est sûre de savoir ce qui s’est passé, pensa Riley.

Riley ne pouvait pas en dire autant.

Son intuition ne lui disait encore rien.

CHAPITRE QUATRE

Ça ne s’arrêtait jamais.

Le monstre qui s’appelait Peterson retenait April prisonnière, quelque part, au-dessus de sa tête.

Riley se débattait pour trouver la sortie dans le noir. Chaque pas était difficile, mais elle savait que le temps pressait.

Son fusil en bandoulière sur l’épaule, Riley tituba et dégringola une pente boueuse. Elle atterrit dans une rivière. Soudain, ils étaient là. Peterson était debout. Il avait de l’eau jusqu’aux chevilles. A quelques pas, April était allongée dans la rivière, à moitié immergée, les mains et les pieds entravés.

Riley tendit la main vers son fusil, mais Peterson leva son pistolet et pointa le canon sur April.

— N’y pense même pas, hurla-t-il. Un geste et c’est fini.

Riley resta paralysée d’horreur. Si elle levait son fusil, Peterson tuerait April avant même qu’elle ait eu le temps de tirer.

Elle posa lentement son fusil par terre.

La terreur dans le regard de sa fille la hanterait pour toujours…

Riley s’arrêta de courir et se pencha, les mains sur les cuisses, pour reprendre son souffle.

Il était encore très tôt. Elle était sortie faire son jogging, mais l’horrible souvenir l’avait stoppée dans son élan.

L’oublierait-elle jamais ?

Arrêterait-elle un jour de se sentir coupable d’avoir mis April en danger de mort ?

Non, pensa-t-elle, et c’est normal. Je ne dois pas oublier.

Elle inspira à pleins poumons l’air glacé, jusqu’à ce qu’elle se sente mieux. Puis elle se remit en marche sur le sentier familier. De pâles rayons du soleil passaient entre les branches des arbres.

Le parc n’était pas loin de la maison. Il était facile de s’y rendre. Riley venait souvent courir dans la matinée. L’exercice l’aidait à chasser les fantômes et les démons. Aujourd’hui, cependant, son jogging avait eu l’effet inverse.

Ce qui s’était passé la veille – la visite chez les Pennington, puis dans le garage et la colère d’April – avait ravivé un torrent de mauvais souvenirs.

Et c’est à cause de moi, pensa Riley en pressant le pas pour retrouver une petite foulée.

Elle pensa alors à ce qui s’était passé ensuite, dans la rivière.

Le pistolet de Peterson s’était enrayé. Riley planta son couteau entre ses côtes, avant de tituber et tomber dans la rivière glacée. Blessé, Peterson parvenait pourtant à la maintenir sous l’eau.

Du coin de l’œil, elle vit April lever dans ses mains ligotées le fusil que Riley avait elle-même laissé tomber. La crosse s’écrasa sur la nuque de Peterson.

Le monstre se tourna vers April et lui plongea la tête sous l’eau.

Sa fille allait se noyer.

Riley saisit un caillou pointu.

Elle se jeta sur Peterson et le frappa à la tête.

Il tomba à la renverse. Elle bondit sur lui.

Encore et encore, elle jeta sa pierre sur le visage de Peterson.

L’eau de la rivière se chargea de sang.


Riley accéléra l’allure, réveillée par le souvenir.

Elle était fière de sa fille. April avait fait preuve de courage et de débrouillardise cette terrible nuit. Elle avait fait preuve des mêmes qualités en d’autres circonstances dangereuses.

Et maintenant, April était en colère contre Riley.

Et Riley ne pouvait pas s’empêcher de penser qu’elle avait de bonnes raisons.

*

Riley ne se sentait pas à sa place aux funérailles de Lois Pennington.

Elle allait rarement à l’église. Son père était un ancien Marine endurci qui ne croyait en personne d’autre que lui-même. Riley avait vécu une partie de son enfance et de son adolescence chez un oncle et une tante qui avaient bien essayé de l’emmener à l’église, mais Riley avait refusé par esprit de rébellion.

Et Riley détestait les funérailles. Elle avait vu trop souvent la mort de près dans tout ce qu’elle avait de brutal, au cours de sa carrière dans le maintien de l’ordre public. Les funérailles avaient un côté artificiel. Elles maquillaient la mort pour en faire quelque chose de paisible et de propre.

C’est trompeur, ne cessait-elle de penser. Cette fille était décédée d’une mort violente, que ce soit un suicide ou un meurtre.

Mais April avait insisté pour y aller et Riley n’avait pas voulu la laisser seule. C’était assez ironique : maintenant, c’était Riley qui se sentait seule. Elle était assise au dernier rang dans le sanctuaire surpeuplé. April était devant, assise juste derrière la famille, aussi près de Tiffany que possible. Riley était contente de savoir qu’elle était avec son amie et cela ne la dérangeait pas d’être toute seule.

Le soleil traversait les vitraux. Le cercueil était décoré de bouquets de fleurs et de couronnes. C’était un service très digne et le chœur chantait bien.

Le prêcheur parlait d’un ton monocorde de la foi et du salut, assurant à tous que Lois avait trouvé la paix. Riley ne faisait pas attention à ce qu’il disait. Elle cherchait des indices. Pourquoi Lois Pennington était-elle décédée ?

La veille, elle avait remarqué que les parents de Lois s’étaient assis sur le canapé de manière à ne pas se toucher. Elle n’avait pas su interpréter leur langage corporel. A présent, Lester Pennington tenait contre lui sa femme Eunice pour la réconforter. Ils avaient l’air de parents ordinaires pleurant la mort de leur enfant.

Rien ne faisait tiquer Riley. Et c’était cela qui la mettait mal à l’aise.

Elle se considérait comme un observateur averti de la nature humaine. Si Lois s’était réellement suicidée, sa vie de famille avait dû être perturbée. Mais rien ne le laissait penser… Ils étaient en deuil.

Le prêcheur termina son sermon, sans mentionner une seule fois la cause supposée du décès de Lois.

Des amis et des parents se succédèrent pour parler avec émotion de Lois. Ils évoquèrent de bons souvenirs, notamment des histoires drôles qui provoquèrent des rires tristes et étouffés dans l’assemblée.

Rien qui parle du suicide, pensa Riley.

Quelque chose n’allait pas.

Un proche de Lois allait-il finir par reconnaitre qu’elle ne se sentait pas bien, qu’elle se battait contre la dépression et contre des démons intérieurs, ou qu’elle avait appelé au secours ? Quelqu’un allait-il proposer de tirer les leçons de cette mort tragique en se soutenant les uns les autres ?

Mais personne ne prononça un mot à ce sujet.

Personne ne voulait en parler.

Comme s’ils avaient honte ou qu’ils étaient surpris. Ou les deux.

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