« J’imagine que si le FBI est impliqué, » dit-elle, « ça veut dire qu’il y a eu d’autres meurtres ? »
« Oui, de fait, » dit Harrison, assis à côté de Mackenzie. Elle fonça brièvement les sourcils, ayant préféré qu’il n’ait pas été aussi enclin à divulguer cette information.
« Mais, » dit Mackenzie, intervenant avant qu’Harrison ne puisse continuer à parler, « nous ne pouvons bien sûr ne faire aucune déduction solide concernant une quelconque connexion sans une enquête minutieuse. Et c’est la raison pour laquelle on nous a appelés. »
« Je veux faire tout ce que je peux pour vous aider, » dit Sara Lewis. « Mais j’ai déjà répondu aux questions de la police. »
« Oui, je comprends et je vous en suis reconnaissante, » dit Mackenzie. « Je veux juste couvrir quelques aspects qu’ils pourraient avoir ignorés. Par exemple, pouvez-vous nous dire quelle était la situation financière de votre sœur et de votre beau-frère ? »
Il était évident que Sara pensait qu’il s’agissait là d’une question bizarre mais elle fit néanmoins de son mieux pour répondre. « J’imagine que ça allait. Josh avait un bon boulot et ils ne dépensaient vraiment pas beaucoup d’argent. Julie me réprimandait même parfois quand je dépensais de manière trop futile. Je veux dire par là, ils n’étaient pas riches… pas que je sache. Mais ils s’en sortaient. »
« Leur voisine nous a dit que Julie aimait dessiner. C’était juste un hobby ou est-ce que ça lui permettait parfois de gagner un peu d’argent ? »
« C’était plutôt un hobby, » dit Julie. « Elle était assez bonne mais elle savait aussi que ses dessins n’avaient rien de spectaculaire, vous voyez ? »
« Et qu’est-ce qu’il en était d’ex petits amis ? Ou peut-être des ex petites amies que Josh ait pu avoir ? »
« Julie a quelques ex mais aucun qui ait pu le prendre mal. De plus, ils vivent tous un peu partout dans le pays. Je sais pour sûr que deux d’entre eux sont mariés. Quant à Josh, je ne pense pas qu’il y avait des ex dans les parages. Je veux dire par là… enfin, je ne sais pas. C’était juste un très beau couple. Ils allaient vraiment bien ensemble – abominablement mignons en public. Ce genre de couple. »
La visite avait été trop courte pour y mettre déjà fin mais Mackenzie n’avait plus qu’une seule piste à poursuivre et elle n’était pas vraiment sûre de la manière de l’aborder sans se répéter. Elle repensa à nouveau à ces transactions bizarres dans le chéquier des Sterling et elle était toujours incapable de les identifier.
C’est probablement rien, pensa-t-elle. Chacun a sa manière de garder ses comptes, c’est tout. Mais tout de même, ça vaut la peine d’y jeter un œil.
Tout en pensant aux abréviations qu’elle avait vues dans le chéquier des Sterling, Mackenzie continua à parler. Au moment où elle ouvrit la bouche, elle entendit le téléphone d’Harrison vibrer dans sa poche. Il le sortit rapidement et ignora l’appel. « Désolé, » dit-il.
Ignorant le dérangement, Mackenzie demanda : « Est-ce que vous savez si Julie ou Josh étaient impliqués dans une organisation quelle qu’elle soit, du style club ou fitness ? Un endroit où ils paieraient régulièrement des cotisations ? »
Sara réfléchit à la question durant un instant, puis elle secoua la tête. « Pas que je sache. Comme je vous le disais… ils ne dépensaient vraiment pas beaucoup d’argent. La seule cotisation que je sais que Julie devait payer en dehors des factures, c’était son compte Spotify et c’était seulement dix dollars. »
« Et est-ce que vous avez été contactée par qui que ce soit, par exemple un avocat, concernant leurs finances ? » demanda Mackenzie. « Je suis vraiment désolée de vous poser la question mais il se pourrait que ce soit urgent. »
« Non, pas encore, » dit-elle. « Ils étaient si jeunes. Je ne sais même pas s’ils avaient fait un testament. Merde… J’imagine qu’il faut que je m’attende à tout ça, non ? »
Mackenzie se mit debout, incapable de répondre à la question. « Encore merci pour le temps que vous nous avez consacré, Sara. Si vous vous rappelez de quoi que ce soit en rapport avec les questions que je viens de vous poser, n’hésitez pas à m’appeler. »
Sur ce, elle tendit une carte de visite à Sara qui la prit et la mit en poche, tout en les accompagnant vers la porte. Elle ne cherchait pas à être impolie mais il était évident qu’elle avait envie qu’ils s’en aillent le plus rapidement possible.
Une fois que la porte se fut refermée derrière eux, Mackenzie se retrouva sur le porche d’entrée de Sara en compagnie d’Harrison. Elle avait envisagé de lui faire une remarque concernant le fait d’avoir si rapidement informé Sara qu’il y avait eu d’autres meurtres qui pouvaient être liés à celui de sa sœur. Mais c’était une erreur commise de bonne foi, une erreur qu’elle avait commise une fois ou l’autre à ses débuts. Alors elle décida de l’ignorer.
« Je peux te demander quelque chose ? » demanda Harrison.
« Bien sûr, » dit Mackenzie.
« Pourquoi t’es-tu autant focalisée sur leurs finances ? Est-ce que ça à voir avec quelque chose que tu as remarqué chez les Sterling ? »
« Oui. C’est juste une intuition pour l’instant mais certaines des transactions étaient… »
Le téléphone d’Harrison se mit à nouveau à vibrer. Il le sortit de sa poche avec un air gêné. Il regarda l’écran, faillit ignorer l’appel mais garda le téléphone en main alors qu’ils se dirigeaient en direction de leur voiture.
« Désolé, il faut que je réponde à cet appel, » dit-il. « C’est ma sœur. Elle a déjà appelé quand on était chez Sara. Et c’est bizarre. »
Mackenzie ne lui accorda pas plus d’attention que ça alors qu’ils entraient dans la voiture. Elle écoutait même à peine ce qu’Harrison disait au téléphone lorsqu’il se mit à parler. Mais, au moment où elle recula pour rejoindre la route, elle remarqua dans le ton de sa voix que quelque chose ne tournait pas rond.
Quand il eut raccroché, une expression de choc envahit son visage. Sa lèvre inférieure se retroussa, dans une sorte de grimace ou de froncement.
« Harrison ? »
« Ma mère est morte ce matin, » dit-il.
« Oh mon dieu, » dit Mackenzie.
« Une crise cardiaque… juste comme ça. Elle… »
Mackenzie voyait bien qu’il luttait pour ne pas fondre en sanglots. Il tourna la tête de côté, en direction de la vitre passager et laissa ses larmes couler.
« Je suis vraiment désolée, Harrison, » dit-elle. « On va te ramener à la maison. Je vais tout de suite organiser ton vol. Tu as besoin de quoi que ce soit d’autre ? »
Il se contenta de secouer la tête, en évitant de la regarder tout en sanglotant un peu plus ouvertement.
Mackenzie appela d’abord Quantico. Elle ne parvint pas à avoir McGrath au téléphone, alors elle laissa un message avec sa réceptionniste, l’informant de ce qui était arrivé et du fait qu’Harrison prendrait un vol retour pour Washington le plus rapidement possible. Puis elle appela la compagnie aérienne et réserva le premier vol disponible, avec un départ dans trois heures et demie.
Au moment où le vol fut réservé et qu’elle eut raccroché, son téléphone se mit à sonner. Elle jeta un regard compatissant à Harrison et décrocha. Ça paraissait horrible de revenir à une mentalité de travail après ce qui venait d’arriver à Harrison mais elle avait un boulot à faire – et ils n’avaient toujours pas de piste sérieuse.
« Agent White, » dit-elle.
« Agent White, c’est l’officier Dagney. J’ai pensé que vous aimeriez savoir que nous avons une piste potentielle. »
« Potentielle ? » demanda-t-elle.
« Et bien, il correspond définitivement au profil. C’est un type qui a été arrêté pour plusieurs violations de domicile, deux d’entre elles avec violence et agression sexuelle. »
« Dans les mêmes quartiers que les Kurtz et les Sterling ? »
« C’est là où ça devient prometteur, » dit Dagney. « Une des violations avec agression sexuelle a eu lieu dans le même ensemble de maisons où les Kurtz vivaient. »
« Est-ce que vous avez l’adresse du type ? »
« Oui. Il travaille dans un garage de petite taille. Et nous avons reçu confirmation qu’il s’y trouve à l’instant même. Son nom, c’est Mike Nell. »
« Envoyez-moi l’adresse et je vais aller lui parler. Des nouvelles concernant les rapports financiers qu’Harrison a demandés ? » demanda Mackenzie.
« Pas encore. Mais nous avons des types qui y travaillent. Ça ne devrait pas prendre longtemps. »
Mackenzie raccrocha et fit de son mieux pour laisser à Harrison son moment de deuil. Il ne pleurait plus mais il devait visiblement faire un effort pour parvenir à faire bonne figure.
« Merci, » dit Harrison, en écrasant une larme sur sa joue.
« Pour quoi ? » demanda Mackenzie.
Il haussa les épaules. « Pour avoir appelé McGrath et l’aéroport. Désolé pour cette mauvaise nouvelle en plein milieu d’une enquête. »
« Il ne faut pas, » dit-elle. « Harrison, je suis vraiment désolée. »
Sur ce, le silence s’installa dans la voiture et qu’elle le veuille ou non, l’esprit de Mackenzie se remit en mode boulot. Il y avait un tueur en liberté et il avait apparemment une sorte d’esprit de vengeance bizarre dirigé vers les couples heureux. Et il se pourrait bien qu’il l’attende à l’instant même.
Mackenzie était impatiente de le rencontrer.
CHAPITRE SEPT
Déposer Harrison au motel fut un moment un peu amer. Elle aurait aimé pouvoir faire davantage pour lui ou, au moins, parvenir à lui offrir plus de réconfort. Mais au final, elle ne put que lui faire un signe tiède de la main au moment où il entrait dans sa chambre pour faire ses valises et appeler un taxi pour aller à l’aéroport.
Une fois qu’il eut refermé la porte, Mackenzie introduisit dans son GPS l’adresse que Dagney lui avait envoyée. Le garage Lipton se trouvait exactement à dix-sept minutes du motel, une distance qu’elle se mit tout de suite à parcourir.
Se retrouver toute seule dans la voiture lui fit bizarre mais elle se changea les idées en observant le cadre que lui offrait Miami. C’était une ville différente de toutes les autres villes balnéaires où elle n’avait jamais été. Là où de plus petites villes sur la plage avaient l’air plutôt ensablées et défraîchies, tout ce qu’elle voyait à Miami avait l’air de briller et de scintiller malgré la proximité du sable et du sel marin. De temps à autres, elle aperçut un édifice qui faisait tache, négligé et abandonné – un rappel que tout endroit avait ses imperfections.
Distraite par le panorama, elle arriva au garage plus rapidement qu’elle ne s’y attendait. Elle se gara sur un parking encombré de voitures et de camions détériorés, visiblement utilisés pour des pièces de rechange. Le garage avait l’air d’être le genre d’endroit continuellement au bord de la faillite.
Avant d’entrer, elle jeta un rapide coup d’œil à l’endroit. Elle vit un bureau délabré sans personne dedans. Le garage attenant comprenait trois voies, dont une seule était occupée par une voiture ; elle était surélevée sur une plateforme mais aucun travail n’avait l’air actuellement d’y être effectué. Dans le garage, un homme fouillait dans une boîte à outils. Un autre homme se trouvait à l’arrière, debout sur une petite échelle. Il fourrageait dans une série de vieilles boîtes en carton.
Mackenzie se dirigea vers l’homme qui se trouvait le plus près d’elle, celui qui fouillait dans la boîte à outils. Il avait l’air d’approcher la quarantaine, avait de longs cheveux gras qui lui arrivaient aux épaules et l’ombre d’une barbe au menton. Quand il leva les yeux vers elle au moment où elle s’approcha, il lui fit un large sourire éclatant.
« Salut, chérie, » dit-il avec un léger accent du Sud. « Qu’est-ce que je peux faire pour toi ? »
Mackenzie sortit son badge. « Vous pouvez commencer par arrêter de m’appeler chérie, puis me dire s’il se trouve que vous êtes Mike Nell. »
« Oui, c’est moi, » dit-il. Il fixait son badge du regard avec un peu d’appréhension. Puis il la regarda de nouveau dans les yeux, comme s’il essayait de savoir s’il s’agissait d’une sorte de blague.
« Monsieur Nell, j’aimerais… »
Il se retourna rapidement et la bouscula. Avec force. Elle trébucha en arrière et ses pieds heurtèrent un pneu qui traînait au sol. Au moment où elle perdit l’équilibre et tomba sur le dos, elle aperçut Nell qui s’enfuyait. Il quittait le garage en courant et en regardant par-dessus son épaule.
Et bien, ça a rapidement dégénéré, pensa-t-elle. C’est clair qu’il est coupable de quelque chose.
Instinctivement, elle eut envie de sortir son arme. Mais ça pouvait provoquer la panique. Alors elle se remit debout pour le poursuivre. Au moment où elle se releva, sa main tomba sur quelque chose d’autre qui traînait au sol. C’était une clé à écrou – probablement celle qui avait permis de démonter le pneu sur lequel elle avait trébuché.
Elle l’attrapa et se remit rapidement sur pieds. Elle se précipita vers l’avant du garage et vit Nell sur le trottoir, sur le point de traverser la route. Mackenzie jeta rapidement un coup d’œil autour d’elle, vit qu’il n’y avait aucune voiture à proximité et plia le bras en arrière.
De toutes ses forces, elle lança la clé à écrou qui parcourut les cinq mètres qui la séparaient de Nell, l’atteignant droit dans le dos. Il laissa échapper un cri de surprise et de douleur avant de tituber en avant et de tomber à genoux, le visage touchant presque le sol.
Elle le rejoignit en courant et lui planta un genou dans le dos avant qu’il n’ait le temps d’envisager de se remettre debout.
Elle lui plia les bras dans le dos, en appuyant fortement. Il essaya de se dégager mais il réalisa qu’essayer de s’échapper ne faisait que lui causer plus de douleur vu que ses épaules étaient tirées en arrière. Avec une rapidité qu’elle pratiquait depuis maintenant des mois, elle sortit ses menottes de sa ceinture et les referma autour des poignets de Nell.
« Ce n’était pas très intelligent, » dit Mackenzie. « Je voulais juste vous poser quelques questions… et vous venez de me donner la réponse que je cherchais. »
Nell ne dit rien mais il accepta finalement le fait qu’il ne pourrait plus lui échapper. L’autre homme qui se trouvait dans le garage les rejoignit en courant.
« C’est quoi ce bordel ? » demanda-t-il.
« Monsieur Nell vient juste d’attaquer un agent du FBI, » dit Mackenzie. « J’ai bien peur qu’il ne soit pas disponible pour terminer sa journée de travail. »
***
Depuis la pièce d’observation, Mackenzie regardait Mike Nell à travers le miroir sans tain. Il avait l’air irrité et gêné – un air renfrogné qu’il avait depuis l’instant où Mackenzie l’avait remis sur pieds, menotté devant son employeur. Il se mordait nerveusement la lèvre, signe qu’il était probablement en manque de nicotine ou d’alcool.
Mackenzie cessa de le regarder pour s’intéresser au dossier qu’elle tenait en main. Il contenait l’histoire courte mais perturbée de Mike Nell, un adolescent fugueur à l’âge de seize ans, arrêté la première fois pour menus larcins et voies de fait à l’âge de dix-huit ans. Les douze dernières années de sa vie peignaient l’image d’un raté instable – agression, vol, effraction, quelques séjours en prison.
À côté de Mackenzie, Dagney et le chef Rodriguez regardaient Nell avec une certaine forme de dédain.
« J’ai l’impression que vous avez déjà souvent eu affaire à lui dans le passé ? » demanda Mackenzie.
« Oui, effectivement, » dit Rodriguez. « Mais curieusement, la justice se contente à chaque fois de lui taper un peu sur les doigts et c’est tout. La plus longue peine qu’il ait dû purger est celle pour laquelle il vient juste d’être libéré sur parole et c’était une condamnation d’un an. S’il s’avère que cet abruti est responsable de ces meurtres, les tribunaux vont se retrouver la queue entre les jambes. »