Les Pendules à l’heure - Блейк Пирс 3 стр.


Grand-père n’en finissait pas de se plaindre dans la tête de Scratch, même s’il était mort depuis des années. Scratch était peut-être adulte, mais ça ne l’empêchait pas de penser, encore et encore, au vieillard.

— Regarde celui-là, avec une cape et un masque en plastique, disait-il. T’appelles ça un costume ?

Scratch aurait préféré qu’il se taise. Ils allaient encore se disputer.

— Il est déguisé en Dark Vador, Grand-père.

— Je m’en fiche bien ! C’est un costume de supermarché. Quand je t’emmenais faire du porte à porte pour Halloween, on fabriquait ton costume.

Scratch s’en souvenait. Une fois, pour l’habiller en momie, Grand-père l’avait enroulé dans des draps déchirés. Pour un costume de chevalier, il lui avait bricolé une armure avec du carton et du papier d’alu, puis il lui avait donné un balai en guise de lance. Grand-père était très créatif.

Pourtant, ce n’étaient pas de bons souvenirs. Grand-père passait son temps à râler en fabriquant ces costumes. Et quand Scratch rentrait… L’espace d’un instant, il se remit dans la peau de ce petit garçon. Grand-père avait toujours raison. Scratch ne savait pas pourquoi, mais ça n’avait pas d’importance. Grand-père avait raison et il avait tort. C’était comme ça.

Scratch avait été soulagé d’atteindre l’âge adulte. Maintenant, il restait sur le porche, pour distribuer des bonbons aux enfants. Il était content pour eux. Au moins, ils avaient une enfance heureuse.

Trois gamins surgirent. Un garçon était habillé en Spiderman, une fille en Catwoman. Ils devaient avoir neuf ans. Le troisième costume fit sourire Scratch. La petite fille d’environ sept était déguisée en abeille.

— Farce ou bonbon ! s’écrièrent-ils.

Scratch étouffa un rire et fouilla dans son sac de bonbons. Il les distribua aux enfants qui s’en allèrent.

— Arrête de leur filer des bonbons ! grogna Grand-père. Pourquoi tu encourages encore ces petits cons ?

Scratch défiait les ordres de son Grand-père depuis deux heures déjà. Il serait obligé de payer plus tard.

Grand-père marmonnait toujours.

— N’oublie pas : nous avons du travail à faire demain soir.

Scratch ne répondit pas. Il se contenta d’écouter la balancelle craquer. Non, il n’oublierait pas ce qu’il avait à faire. C’était un travail détestable. Mais il fallait que ça se fasse.

*

Libby Clark suivait son frère et sa cousine dans les bois, derrière chez elle. Elle n’avait pas envie de les accompagner. Elle aurait préféré être dans son lit.

Son frère, Gary, menait le groupe, armé d’une lampe électrique. Il avait l’air bizarre dans son costume de Spiderman. Sa cousine le suivait, dans son costume de Catwoman. Libby trottinait derrière eux.

— Allez, vous deux, les encourageait Gary.

Il se faufila entre deux buissons. Denise fit de même. Mais le costume de Libby était trop rembourré. Elle s’accrocha dans les branchages. Ça lui fit encore plus peur. Si son costume d’abeille était abîmé, Maman se mettrait très en colère. Libby se dégagea vivement et les rattrapa.

— Je veux rentrer, souffla-t-elle.

— Ben, vas-y, fit Gary.

Non, Libby avait trop peur de rentrer toute seule. Elle était allée beaucoup trop loin.

— On devrait peut-être rentrer, dit Denise. Libby a la trouille.

Gary s’arrêta et se retourna vers elles. Libby ne voyait pas son visage, à cause du masque.

— Qu’est-ce que t’as, Denise ? T’as la trouille, toi aussi ?

Denise éclata d’un rire nerveux.

— Non, dit-elle.

Libby comprit qu’elle mentait.

— Allez, venez, poursuivit Gary.

Le petit groupe se remit en marche. Le sol est mou et glissant. Libby avait des mauvaises herbes jusqu’aux genoux. Au moins, il ne pleuvait plus. La lune se montrait entre les nuages. Il faisait de plus en plus froid et Libby était toute mouillée. Ça la faisait frissonner. Elle avait vraiment très peur.

Enfin, les buissons s’ouvrirent sur une clairière. Il y avait du brouillard. Gary s’arrêta.

— C’est là, dit-il. Regardez. C’est tout carré, comme s’il devait y avoir une maison. Mais y a pas de maison. Y a rien. Même les arbres ne poussent pas. Y a que des mauvaises herbes. C’est parce que c’est hanté. Y a des fantômes.

Libby pensa très fort à ce que disait Papa :

« Les fantômes, ça n’existe pas. »

Mais ça n’empêchait pas ses genoux de s’entrechoquer. Elle allait se faire pipi dessus. Maman ne serait pas contente.

— Et ça, c’est quoi ? demanda Denise.

Elle montra du doigt des formes sur le sol. On aurait dit des tuyaux recouverts de feuillage.

— Je sais pas, dit Gary. Ça ressemble aux trucs de sous-marins, pour voir ce qui se passe à la surface. Peut-être que les fantômes s’en servent pour nous regarder. Va voir, Denise.

Denise poussa un rire effrayé.

— Non, toi, vas-y !

— C’est bon, j’y vais.

Gary s’avança d’un pas prudent dans la clairière et s’approcha. Il s’arrêta à quelques pas, puis il se retourna vers sa cousine et sa sœur.

— Je sais pas ce que c’est, dit-il.

Denise éclata de rire.

— Tu regardes pas d’assez près !

— Mais si !

— Mais non ! T’es trop loin.

— Mais si, je suis assez près. T’as qu’à y aller, si t’es si maligne.

Denise ne répondit pas. Elle finit par s’avancer à son tour. Elle s’approcha un tout petit peu plus près que Gary, puis fit demi-tour.

— Moi non plus, je sais pas, dit-elle.

— C’est ton tour, Libby, dit Gary.

La peur de Libby lui remontait dans la gorge.

— Non, elle est trop petite, protesta Denise.

Gary poussa Libby dans le dos. Elle se retrouva dans la clairière. Elle essaya de faire demi-tour, mais Gary l’en empêcha.

— Non, non, dit-il. Denise et moi, on est allés. T’y vas aussi.

Libby avala sa salive. Elle se retourna vers les formes étranges, au milieu de la clairière. Elle avait l’impression que ces trucs la regardaient.

Elle pensa à nouveau à ce que disait Papa.

« Les fantômes, ça n’existe pas. »

Papa ne mentirait pas sur un sujet aussi important. Alors pourquoi avait-elle peur ?

Et puis, Gary l’avait énervée. Elle était plus en colère qu’effrayée.

Je vais lui faire voir, pensa-t-elle.

Sur des jambes flageolantes, elle s’avança courageusement vers le truc métallique.

Elle s’approcha. Le plus près possible. Plus près que Gary ou Denise. Elle en était très fière, mais elle ne savait toujours pas ce que c’était que ce truc.

Elle tendit la main pour le toucher. Ses doigts écartèrent les feuilles, en espérant qu’elle ne se ferait pas dévorer la main. Puis elle effleura le métal froid.

C’est quoi ? se demanda-t-elle.

Un bruit sortait de ce tuyau.

Elle approcha son oreille. C’était un bruit très faible, mais ce n’était pas son imagination. C’était réel. On aurait dit une femme qui pleurait.

Libby s’écarta vivement. L’espace de quelques secondes, la terreur la pétrifia sur place. C’était comme quand elle était tombée d’un arbre, une fois, sur le dos, et qu’elle en avait eu le souffle coupé.

Elle devait s’en aller, mais elle restait figée comme une statue. Non, elle allait ordonner à son corps de s’en aller.

Tourne-toi et cours, pensa-t-elle.

Elle en fut incapable pendant de longues secondes.

Enfin, ses jambes se mirent à courir toutes seules. Elle se précipita dans les bois, sans s’arrêter, effrayée à l’idée que quelque chose la poursuive et l’attrape par-derrière.

Quand elle arriva enfin à l’orée de la forêt, elle reprit son souffle.

— Qu’est-ce qui se passe ? s’exclama Denise.

— Un fantôme ! hoqueta Libby. J’ai entendu un fantôme.

Elle n’attendit pas de réponse. Elle se remit à courir aussi vite que possible. Sa cousine et son frère s’élancèrent derrière elle.

— Eh, Libby, attends nous ! cria Gary.

Ah non, pas question ! Libby ne s’arrêterait qu’à la maison.

CHAPITRE QUATRE

Riley frappa à la porte d’April. Il était midi et grand temps pour sa fille de se lever. Elle n’eut pas la réponse qu’elle espérait :

— Qu’est-ce que tu veux ? grogna April.

— Tu vas dormir toute la journée ?

— C’est bon, je suis levée. Je descends dans une minute.

Riley redescendit les escaliers en soupirant. Si seulement Gabriela était là ! Mais elle avait toujours un congé le dimanche.

Riley se laissa tomber sur le canapé. April était très distante, ces derniers jours. Riley ne savait pas comment faire pour briser la glace. Elle avait presque été soulagée de voir sa fille partir faire la fête pour Halloween la nuit dernière. Riley ne s’était pas inquiétée : la fête avait eu lieu à quelques pâtés de maisons… Et puis, April n’était toujours pas rentrée à une heure du matin.

Alors que Riley se demandait si elle devait appeler la police, sa fille avait fini par revenir. Elle était montée dans sa chambre sans dire un mot. Elle n’avait pas l’air beaucoup plus prête à communiquer ce matin.

Heureusement, Riley était à la maison pour la surveiller. Elle n’avait pas encore accepté son nouveau dossier. Bill ne cessait de lui envoyer des messages. Il était parti en reconnaissance avec Lucy Vargas pour enquêter sur la disparition de Meara Keagan. Ils avaient interrogé ses employeurs et ses voisins, mais n’avaient trouvé aucune piste.

Lucy prenait en charge les recherches. Elle faisait distribuer des prospectus avec une photo de Meara. Pendant ce temps, Bill attendait avec impatience que Riley prenne sa décision.

Mais elle n’était pas obligée de décider tout de suite. Tout le FBI savait qu’elle ne serait de toute façon pas disponible demain. L’un des premiers tueurs qu’elle avait arrêtés avait réclamé une audience. Elle ne pouvait pas rater ça.

April descendit les escaliers, toute habillée. Elle se précipita dans la cuisine sans accorder un seul regard à sa mère, qui la suivit.

— On mange quoi ? demanda April en ouvrant le frigo.

— Je peux te préparer un petit déjeuner, dit Riley.

— C’est bon, je vais me débrouiller.

April sortit un morceau de fromage et referma le frigo. Elle s’en coupa un morceau et se versa une tasse de café, qu’elle allongea de sucre et de crème. Puis, elle s’assit à table.

Riley la rejoignit.

— C’était comment, la fête ?

— C’était bien.

— Tu es rentrée très tard.

— Mais non…

Riley décida de ne pas la contredire. Après tout, une heure du matin, ce n’était peut-être pas si tard aux yeux des ados.

— Crystal m’a dit que tu avais un nouveau copain ?

— Ouais, répondit April en sirotant son café.

— Comment il s’appelle ?

— Joel.

Au bout d’un court silence, Riley demanda :

— Il a quel âge ?

— Je sais pas.

Une boule d’anxiété se referma sur la gorge de Riley.

— Il a quel âge ? répéta-t-elle.

— Quinze ans, d’accord ? Comme moi.

Non, April mentait.

— J’aimerais bien le rencontrer.

April leva les yeux au ciel.

— Mais Maman, t’as grandi où ? Dans les années cinquante ou quoi ?

Riley eut l’impression de prendre un coup.

— Je ne trouve pas ça bizarre, dit-elle. Dis-lui de passer. Tu me le présenteras.

April reposa son café si brutalement qu’elle en renversa une partie sur la table.

— Mais pourquoi t’essayes tout le temps de contrôler ma vie ?

— Je n’essaye pas de contrôler ta vie, je veux juste rencontrer ton copain.

Pendant quelques minutes, April se contenta de fixer son café du regard. Puis elle se leva brusquement de table et partit en trombe.

— April !

Riley la suivit à travers la maison. April ramassa son sac à l’entrée.

— Où tu vas ? demanda Riley.

April ne répondit pas. Elle ouvrit la porte et la fit claquer derrière elle.

Riley resta bouche bée quelques secondes. April allait forcément revenir pour s’excuser.

Elle attendit une minute entière, avant d’ouvrir la porte et de jeter un coup d’œil dans la rue. Aucun signe d’April.

L’incident laissa un goût amer dans la bouche de Riley. Comment les choses en étaient-elles arrivées là ? Bien sûr, elles avaient vécu des moments difficiles, toutes les deux, mais, depuis leur déménagement, April était heureuse. Elle avait sympathisé avec la voisine, Crystal. Quand l’école avait commencé en septembre, tout allait bien.

Et, deux mois plus tard, April retombait dans ses travers d’adolescente rebelle et boudeuse. Fallait-il y voir des effets du syndrome post-traumatique ? April avait déjà fait une attaque de panique, mais elle avait consulté un bon thérapeute…

Toujours à la porte, Riley sortit son téléphone et lui envoya un texto :

Reviens tout de suite.

Puis elle attendit. April ne répondit pas. Avait-elle laissé son téléphone à la maison ? Non, impossible. April avait pris son sac. Elle n’allait nulle part sans téléphone.

April l’ignorait-elle ?

Riley eut soudain une assez bonne idée de l’endroit où April avait pu aller. Elle referma la porte derrière elle et se dirigea vers la maison des voisins, où vivaient Crystal et Blaine. Tout en fixant du regard son téléphone, elle sonna.

Quand Blaine ouvrit la porte, il lui adressa un grand sourire.

— Eh bien, dit-il, quelle belle surprise ! Qu’est-ce qui t’amène ?

Riley se dandina nerveusement.

— Je me demandais… April est là ? Avec Crystal ?

— Non, répondit-il. Crystal n’est pas là non plus, d’ailleurs. Elle est au café. Tu sais, pas loin d’ici.

Blaine fronça les sourcils.

— Qu’est-ce qu’il y a ? Un problème ?

— On s’est disputées, grommela Riley. Elle est partie comme une furie. J’espérais qu’elle serait là. Elle ignore mon texto.

— Entre, dit Blaine.

Riley le suivit dans son salon. Ils s’assirent sur le canapé.

— Je ne comprends pas ce qu’elle a, dit Riley. Je ne sais pas ce qui se passe.

Blaine lui adressa un sourire entendu.

— Je sais ce que c’est.

Son aveu surprit Riley.

— Vraiment ? demanda-t-elle. On dirait que vous vous entendez à merveille, Crystal et toi.

— La plupart du temps, oui. Depuis que c’est une ado, c’est un peu plus rock ‘n roll.

Blaine laissa passer un court silence, avant de poursuivre :

— Ne dis rien. C’est à propos de son nouveau copain.

— Visiblement, dit Riley. Elle ne veut rien me dire. Et elle refuse de me le présenter.

Blaine secoua la tête.

— Elles sont toutes les deux à cet âge-là, dit-il. C’est comme si c’était une question de vie ou de mort, d’avoir un copain. Crystal n’en a pas, ce qui me convient très bien, mais pas elle. Elle est presque désespérée.

— J’étais sans doute pareille au même âge, avoua Riley.

Blaine étouffa un rire.

— Crois-moi, quand j’avais quinze ans, je ne pensais qu’aux filles. Tu veux du café ?

— Oui, merci. Noir, s’il te plait.

Blaine disparut dans la cuisine. Riley en profita pour jeter un coup d’œil dans le salon. Tout était décoré avec goût.

Blaine ramena deux tasses. Riley but une gorgée de son café. Il était délicieux.

— Je ne savais pas ce que je faisais quand j’ai eu un enfant, dit-elle. J’étais sans doute un peu jeune.

— Tu avais quel âge ?

— Vingt-quatre.

Blaine éclata de rire.

— J’étais encore plus jeune. Je me suis marié à vingt-et-un ans. Je suis tombé amoureux d’une fille super belle, Phoebe. Super sexy. Bien sûr, je n’avais peut-être pas remarqué qu’elle était bipolaire et qu’elle buvait beaucoup.

Riley tendit l’oreille. Elle savait que Blaine avait divorcé, mais c’était tout. Visiblement, ils avaient tous les deux fait des erreurs de jeunesse. Ils s’étaient laissés berner par une attraction physique.

— Ton mariage a duré combien de temps ? demanda Riley.

— Neuf ans et c’est trop long. J’aurais dû demander le divorce bien plus tôt. Je me disais que je pourrais aider Phoebe. C’était stupide de ma part. Crystal est née quand Phoebe avait vingt-et-un an. Elle était encore étudiante en école de cuisine. On était pauvres et immatures. Ensuite, elle a accouché d’un bébé mort-né. Elle ne s’en est jamais remise. Elle est devenue alcoolique. Et violente.

Le regard de Blaine se voila. Riley comprit qu’il n’avait pas envie de tout dire.

— Quand April est née, j’étais en formation au FBI, dit-elle. Ryan voulait que j’avorte, mais pas moi. Il voulait absolument réussir sa carrière d’avocat. On a tous les deux réussi, mais on n’avait rien en commun. On n’a pas construit notre mariage.

Riley se tut sous le regard compatissant de Blaine. C’était agréable d’en parler à un autre adulte. Il était presque impossible d’être mal à l’aise en présence de Blaine. Elle avait l’impression qu’elle pouvait tout lui dire.

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