Sans Laisser de Traces - Блейк Пирс 2 стр.


Bill examina la fleur.

— Bon marché, industriel, répondit-il. Le genre qu’on achète dans les supermarchés pas chers. Nous pouvons explorer cette piste, mais nous ne trouverons rien d’intéressant.

Spelbren le dévisagea, visiblement impressionné.

En vérité, Bill doutait que les indices disposés ici mèneraient à quoi que soit. Le meurtrier semblait méticuleux. L’allure grotesque de la scène rendait Bill nerveux.

Les policiers brûlaient d’envie de s’approcher à nouveau. Ils avaient pris des photos et le corps allait bientôt être déplacé.

Bill se releva en soupirant et secoua les jambes pour chasser les fourmis. Ses quarante ans commençaient à l’émousser.

— Elle a été torturée, observa-t-il avec un soupçon de tristesse. Regardez les estafilades. Certaines commençaient à cicatriser.

Il secoua la tête d’un air grave.

— Quelqu’un s’est acharné sur elle pendant des jours avant de l’étrangler avec un ruban.

Spelbren soupira.

— Le mec doit être bien allumé, dit-il.

— Eh, vous avez bientôt fini ? cria un des policiers.

Bill jeta un coup d’œil dans leur direction et les vit traîner les pieds. Deux d’entre eux marmonnaient. Bill avait effectivement terminé, mais il n’en dit rien. Ces clowns pouvaient bien attendre…

Il embrassa la scène du regard. La région était densément boisée. Les pins et les cèdres se pressaient les uns contre les autre au milieu d’un sous-bois épais. Le ruisseau apportait une note bucolique au paysage en coulant tranquillement vers la rivière la plus proche. C’était l’été, mais les températures ne s’élevaient probablement jamais par ici et le corps n’était pas prêt de se décomposer. Pourtant, il était prévu de le déplacer et de l’expédier à Quantico le plus vite possible. Les médecins légistes voudraient l’examiner alors qu’il était encore frais. La camionnette chargé de l’emporter attendait, garée derrière la voiture de police.

Des ornières parallèles faisaient ici office de route. Le tueur avait dû emprunter ce chemin en voiture, lui aussi. Il avait descendu le corps par le sentier étroit, l’avait disposé sur le rocher avant de repartir. Il n’était sans doute pas resté longtemps. Il est vrai que la région semblait isolée, mais les rangers y faisaient de fréquentes patrouilles. Les voitures privées n’étaient pas censées emprunter cette route. Le tueur voulait que le corps soit découvert. Il était fier de son œuvre.

Comme prévu, le corps avait été découvert par des promeneurs à cheval, tôt dans la matinée. Des touristes montés sur des chevaux de location, selon le ranger. Venus de Arlington, ils dormaient dans un faux ranch en périphérie de Yarnell. Leur découverte les avait rendus un peu hystériques. On leur avait dit de ne pas quitter la ville et Bill avait l’intention de leur parler un peu plus tard.

Rien ne semblait avoir été déplacé autour du corps. Le gars s’était montré prudent. Il avait visiblement traîné quelque chose derrière lui en remontant la pente – peut-être une pelle – pour effacer ses propres empreintes. Aucun déchet laissé par accident ou intentionnellement. Quant aux traces de ses pneus, les véhicules du médecin légiste et des policiers les avaient probablement recouvertes.

Bill soupira.

Merde, pensa-t-il, où est Riley quand j’ai besoin d’elle ?

Sa partenaire de longue date et meilleure amie avait pris un congé pour se remettre du traumatisme causé par leur dernière affaire. Un vrai merdier. Elle avait besoin de vacances. En fait, elle n’était même pas sûre de revenir.

Mais il avait besoin d’elle maintenant. Elle était beaucoup plus intelligente que Bill, même si cela ne lui plaisait pas de l’admettre. Il adorait la regarder réfléchir. Il l’imagina penchée vers la scène, en train d’examiner les plus minuscules détails. Bien sûr, elle aurait chambré son collègue en lui montrant des indices qui se trouvaient juste sous son nez.

Qu’est-ce qu’elle aurait bien pu trouver ici que Bill ne voyait pas ?

Il se sentait coincé et cela ne lui plaisait pas. Malheureusement, il ne pouvait rien faire de plus.

— Okay, les gars, dit Bill en direction des policiers. Emmenez le corps.

Les policiers éclatèrent de rire et se tapèrent dans les mains, comme s’ils venaient de gagner un pari.

— Vous pensez qu’il va recommencer ? demanda Spelbren.

— J’en suis certain, dit Bill.

— Comment le savez-vous ?

Bill prit une longue inspiration.

— Parce que j’ai déjà vu son travail.

Chapitre 2

— Elle a souffert un peu plus chaque jour, dit Sam Flores en faisait apparaître une image terrifiante sur l’écran qui surmontait la table de conférence. Avant de l’achever.

Bill avait vu juste. Il ne s’en réjouissait pas.

Le Bureau avait envoyé le corps à l’Unité d’Analyse Comportementale de Quantico. La police scientifique avait pris des photos et le labo avait lancé une série de tests. Flores, un technicien de laboratoire aux lunettes cerclées de fil noir, faisait défiler les images sinistres. L’écran géant paraissait menaçant au bout de la salle de conférence plongée dans le noir.

— Est-elle morte longtemps avant la découverte du corps ? demanda Bill.

— Non, répondit-il. Peut-être la veille au soir.

Spelbren était assis à côté de Bill. Ils avaient pris le même vol pour revenir de Yarnell. L’agent spécial Brent Meredith, le chef d’équipe, se tenait au bout de la table. Sa carrure large, ses traits noirs et anguleux, son visage impassible faisaient de lui une présence intimidante. Non pas que Bill était impressionné, loin de là. Au contraire, Bill aimait à penser qu’ils avaient beaucoup en commun. Tous deux étaient des vétérans expérimentés. Ils avaient tout vu.

Flores fit défiler une série de photos en gros plan des blessures sur le corps de la victime.

— Les blessures à gauche ont été infligées rapidement, dit-il. Celles de droite sont plus récentes. Certaines lui ont été infligées quelques heures, voire quelques minutes avant la mort. Il lui a cassé le bras, c’est la dernière chose qu’il lui a fait alors qu’elle était encore en vie.

— On dirait plutôt l’œuvre d’une seule personne, observa Meredith. Vu la violence des faits, probablement un homme. Quoi d’autre ?

— Ses cheveux étaient en train de repousser. On lui a probablement rasé la tête deux jours avant sa mort, poursuivit Flores. La perruque est composée de plusieurs morceaux cousus ensemble, tous de mauvaise facture. Les lentilles de couleurs ont sans doute été commandées sur Internet. Autre chose…, dit-il en les regardant l’un après l’autre d’un air hésitant. Il l’a recouverte de Vaseline.

Bill sentit la tension dans la pièce s’épaissir.

— De Vaseline ? répéta-il.

Flores hocha la tête.

— Pourquoi ? demanda Spelbren.

Flores haussa les épaules.

— Ça, c’est votre boulot, répondit-il.

Bill pensa aux deux touristes qu’il avait interrogés la veille. Ils n’avaient été d’aucune aide, partagés entre une curiosité morbide et un profond sentiment de détresse après leur découverte. Ils étaient pressés de rentrer chez eux, à Arlington, et Bill n’avait vu aucune raison de s’y opposer. Tous les policiers du secteur les avaient interviewés et on les avait prévenus de ne rien dévoiler à la presse.

Meredith poussa un long soupir et posa les mains sur la table.

— Beau travail, Flores, dit-il.

Le technicien eut l’air reconnaissant, et peut-être même un peu surpris. Brent Meredith n’était pas du genre à faire des compliments.

— Maintenant, Jeffreys, dit Meredith en se tournant vers lui. Expliquez-nous en quoi ce crime se rapporte à votre ancienne affaire.

Bill prit une grande inspiration et se renversa sur sa chaise.

— Il y a un peu plus de six mois, commença-t-il, vers le seize décembre, le corps de Eileen Rogers a été retrouvé sur le terrain d’une ferme près de Daggett. J’ai été envoyé pour mener l’enquête, avec mon partenaire Riley Paige. Il faisait très froid et le corps était gelé. Difficile de savoir combien de temps il était resté là. Nous n’avons jamais pu déterminer l’heure de la mort. Flores, montrez-leur.

Une nouvelle série d’images apparut sur le grand écran, à côté des photos du corps. Les deux victimes se trouvaient côté à côté et Bill resta bouche bée. C’était extraordinaire. Les cadavres étaient dans le même état, leurs blessures presque identiques. Les deux femmes avaient les yeux cousus de la même horrible manière. L’une d’elles était couverte de givre, mais c’était bien la seule différence.

Bill soupira. Ces images lui rappelaient de mauvais souvenirs. Peu importaient les années d’expérience, regarder les victimes lui faisait mal.

— Le corps de Rogers a été découvert assis contre un arbre, poursuivit Bill d’une voix sombre. Pas exactement dans la même position que celui de Mosby Park. Pas de lentilles de contact, ni de Vaseline, mais les autres caractéristiques reviennent. Les cheveux de Rogers sont coupés courts, pas rasés, mais elle porte une perruque raccommodée de façon similaire. Elle a été étranglée à l’aide d’un ruban rose et une fleur artificielle était posée à ses pieds.

Bill s’interrompit. Ce qu’il s’apprêtait à dire le répugnait :

— Paige et moi n’avons pas pu résoudre l’affaire.

Spelbren se tourna vers lui.

— Quel était le problème ? demanda-t-il.

— La question serait plus : qu’est-ce qui n’était pas un problème ? rétorqua Bill, soudain sur la défensive. Nous n’avons trouvé aucune piste. Pas de témoins. La famille de la victime n’avait aucune information utile à nous communiquer. Rogers n’avait pas d’ennemi, pas d’ex-mari, pas de copain jaloux. Personne n’avait la moindre raison de s’attaquer à elle et de la tuer. L’affaire a été classée.

Bill se tut, envahi par de sombres pensées.

— Arrêtez, dit Meredith d’un ton anormalement doux. Ce n’est pas de votre faute. Vous n’auriez pas pu empêcher ce nouveau meurtre.

La compassion de Meredith toucha Bill mais ne l’empêcha pas de se sentir terriblement coupable. Pourquoi n’avait-il pas pu résoudre l’enquête plus tôt ? Et Riley ? Il s’était rarement senti aussi démuni au cours de sa carrière.

Le téléphone de Meredith se mit à vibrer et le chef d’équipe prit l’appel.

Le premier mot qui sortit de sa bouche fut :

— Merde.

Il le répéta plusieurs fois, avant de demander :

— Vous êtes sûr que c’est elle ? La famille a-t-elle reçu une demande de rançon ?

Il se leva et quitta la salle de conférence, abandonnant derrière lui les trois hommes au milieu d’un silence perplexe. Au bout de quelques minutes, il revint. Il semblait avoir pris dix ans de plus.

— Messieurs, nous sommes maintenant en situation de crise, annonça-t-il. La victime d’hier a été identifiée. Elle s’appelle Reba Frye.

Bill eut un hoquet de surprise, comme s’il venait de recevoir un coup de poing dans l’estomac. Il lut également le choc sur le visage de Spelbren. En revanche, Flores eut l’air perdu.

— Je suis censé la connaître ? demanda-t-il.

— Son nom de jeune fille, c’est Newbrough, expliqua Meredith. La fille du sénateur Mitch Newbrough, probablement le prochain gouverneur de Virginie.

Flores poussa un soupir.

— Je n’ai pas entendu dire qu’elle avait disparu, dit Spelbren.

— Cela n’a pas été officiellement signalé, dit Meredith. Son père a déjà été contacté. Et, bien sûr, il pense que les raisons sont politiques, ou personnelles, ou les deux. Il se fiche de savoir que la même chose est arrivée à une autre victime il y a six mois.

Meredith secoua la tête.

— Le sénateur pèse lourd, ajouta-t-il. La presse va s’en mêler. Il va s’en assurer, pour nous mettre le feu aux fesses.

Le cœur de Bill se serra. Il commençait à sentir que cette affaire le dépassait. Il n’aimait pas cette impression.

Un silence grave tomba sur l’assemblée.

Enfin, Bill s’éclaircit la gorge.

— Nous allons avoir besoin d’aide, dit-il.

Meredith se tourna vers lui et Bill croisa son regard dur. Soudain, le visage du chef d’équipe était empreint d’inquiétude et de désapprobation. Il avait sans doute deviné ce qui passait par la tête de Bill.

— Elle n’est pas prête, répondit-il.

Bill soupira.

— Monsieur, elle connaît l’affaire mieux que quiconque. Et je ne connais personne qui soit plus intelligent.

Bill marqua une pause, avant de dire le fond de sa pensée :

— Je ne pense pas que nous pourrons nous passer d’elle.

Meredith frappa son calepin du bout de son stylo plusieurs fois, visiblement mal à l’aise.

— C’est une erreur, dit-il. Si elle craque, ce sera de votre faute.

Il poussa un soupir.

— Appelez-la.

Chapitre 3

L’adolescente qui répondit à son coup de sonnette eut l’air de vouloir refermer la porte en claquant sur le nez de Bill. Cependant, elle tourna les talons sans un mot, en laissant le battant ouvert.

Bill entra dans le vestibule.

— Salut, April, dit-il sans réfléchir.

La fille de Riley, une adolescente dégingandée et maussade de quatorze ans, qui avait hérité des cheveux noirs et des yeux noisette de sa mère, ne répondit pas. Vêtue d’un T-shirt trop grand pour elle, les cheveux en bataille, elle se laissa tomber sur le canapé, préoccupée seulement par son téléphone et ses écouteurs.

Bill resta un instant dans le vestibule, gêné. Quand il avait appelé Riley, elle avait accepté qu’il vienne, mais de mauvaise grâce. Avait-elle changé d’avis ?

Bill balaya du regard la petite maison. Il marcha jusqu’au salon. Tout était en ordre, ce qui était habituel venant de Riley. Cependant, les stores étaient tirés et une pellicule de poussière recouvrait les meubles. Cela, en revanche, ne lui ressemblait pas du tout. Bill aperçut sur l’étagère les couvertures neuves et brillantes des thrillers qu’il lui avait offerts pendant son congé, dans l’espoir qu’elle se change les idées. Aucune reluire ne semblait abîmée.

Le sentiment d’angoisse de Bill ne fit que croître. Ce n’était pas la Riley qu’il connaissait. Meredith avait-il raison ? Avait-elle besoin de plus de vacances ? Bill avait-il le droit de la solliciter avant qu’elle ne soit prête ?

Bill se prépara psychologiquement et s’enfonça plus avant dans la maison plongée dans les ténèbres. Au détour d’un couloir, il trouva Riley, seule dans la cuisine, assise à la table en Formica en robe de chambre et pantoufles, une tasse de café posée entre les coudes. Elle leva les yeux et il vit passer une lueur de gêne dans son regard, comme si elle avait oublié qu’il devait venir. Elle lui adressa vivement un faible sourire et se leva.

Il la prit dans ses bras et elle répondit mollement à son étreinte. Les pieds glissés dans des pantoufles, elle était plus petite que lui. Elle avait minci, beaucoup, et son inquiétude ne fit que croître.

Il s’assit en face d’elle et la détailla du regard. Elle avait les cheveux propres, mais échevelés, et il semblait qu’elle portait ces pantoufles depuis des jours. Son visage était émacié, trop pâle, et surtout plus vieux, bien plus vieux que la dernière fois qu’il l’avait vue, cinq semaines plus tôt. Elle avait l’air d’avoir traversé l’enfer. C’était le cas. Bill tâcha de ne pas penser à ce que leur dernier tueur lui avait fait subir.

Elle évita son regard et tous deux restèrent assis en chiens de faïence au milieu d’un silence tendu. Bill avait été certain de trouver les mots justes, le moment venu, pour lui changer les idées et la motiver. À présent, assis devant elle, il était submergé par la tristesse, sans voix. Il aurait voulu qu’elle se redresse, qu’elle soit plus robuste, qu’elle ressemble un peu plus à ce qu’elle avait été.

Il cacha furtivement par terre l’enveloppe contenant les informations sur l’affaire, à côté de sa chaise. Il n’était même pas sûr de vouloir la lui montrer. Il commençait à penser que tout ceci était une erreur. Il était clair qu’elle avait besoin de plus de temps. En fait, pour la première fois, il n’était pas sûr que sa partenaire reviendrait un jour.

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