Sans Laisser de Traces - Блейк Пирс 5 стр.


Riley prit une grande inspiration en détaillant les environs du regard. Oui, elle avait eu raison de venir. Elle commençait à le sentir.

— Les images ? demanda-t-elle.

Elle s’assit à côté de Bill sur le rocher et tous deux feuilletèrent le dossier plein de photographies prises peu après la découverte du corps de Reba Frye. L’autre dossier contenait les rapports et les photos du crime sur lequel elle avait enquêté avec Bill six mois plus tôt – sans succès.

Ces photos ravivèrent les souvenirs du premier meurtre et ramenèrent Riley dans la ferme, près de Daggett. Elle se rappela que Rogers avait été disposée de façon similaire contre un arbre.

— Ça ressemble beaucoup à notre ancienne affaire, observa Riley. Deux femmes d’une trentaine d’année, avec des enfants en bas âge. Ça semble faire partie de son modus operandi. Il cible des mères. On va devoir consulter les groupes parentaux, voir si les deux femmes avaient un lien quelconque, ou leurs enfants.

— Je mets quelqu’un dessus, dit Bill qui prenait des notes.

Riley poursuivit son étude minutieuse des rapports et des photos, en les comparant à la scène du crime.

— Même méthode de strangulation avec un ruban rose, observa-t-elle. Une autre perruque et le même genre de rose artificielle déposée aux pieds du corps.

Riley leva deux photos côte à côte.

— Les paupières sont cousues pour rester ouvertes, dit-elle. Si je me souviens bien, les techniciens du labo ont découvert que la couture a été faite après sa mort. Même chose pour Frye ?

— Ouais, je suppose qu’il voulait qu’elles le regardent, même après leur mort.

Un frisson parcourut l’échine de Riley. Elle avait presque oublié ce sentiment. C’était le signe que quelque chose était sur le point de se dévoiler. Elle ne savait pas si cela devait la motiver ou la terrifier.

— Non, dit-elle. Ce n’est pas ça. Il n’en avait rien à faire, que les femmes le regardent.

— Alors pourquoi aurait-il fait ça ?

Riley ne répondit pas. Des idées commençaient à affluer dans son cerveau. Elle en était grisée. Mais elle n’était pas encore prête à expliquer son intuition avec des mots – pas même dans sa propre tête.

Elle posa les deux photos sur le rocher, en montrant du doigt certains détails.

— Ce n’est pas exactement la même chose, dit-elle. Le corps n’était pas aussi bien disposé à Daggett. Il a essayé de la déplacer alors qu’elle était déjà raide. Cette fois, je pense qu’il l’a déplacée jusqu’ici avant que la rigueur cadavérique ne s’installe. Sinon, il n’aurait pas pu l’arranger, donc…

Elle se retint de finir sa phrase : « l’arranger joliment ». Elle réalisa que c’était exactement le genre de mot qu’elle aurait utilisé avant sa captivité. Oui, elle se remettait dans le bain et elle sentait sa vieille obsession sinistre remonter à la surface. Bientôt, elle ne pourrait plus revenir en arrière.

Mais était-ce une bonne chose ou une mauvaise ?

— Qu’est-ce qu’ils ont, les yeux de Frye ? demanda-t-elle en pointant le doigt vers la photo. Ce bleu n’a pas l’air naturel.

— Des lentilles de contact, répondit Bill.

Le frisson qui parcourut l’échine de Riley fut, cette fois, plus intense. Le corps de Eileen Rogers ne portait pas de lentilles. C’était une différence importante.

— Et l’éclat de sa peau ? demanda-t-elle.

— De la Vaseline, dit Bill.

Une autre différence importante. Riley sentit ses idées s’emmêler et se mettre en place à une vitesse ahurissante.

— Qu’est-ce que la scientifique a trouvé à propos de la perruque ? demanda-t-elle à Bill.

— Rien pour le moment, sauf qu’elle est composée de plusieurs morceaux de perruques de mauvaise qualité.

L’excitation de Riley ne fit que croître. Pour sa victime précédente, le tueur s’était contenté d’une simple perruque complète, et non d’un assemblage. Comme la rose, elle avait été si banale et bon marché que la police scientifique n’avait pas réussi à remonter la piste. Riley sentit que les pièces du puzzle trouvaient leurs places – pas encore le puzzle en entier, mais au moins un petit bout.

— Et qu’est-ce qu’ils ont l’intention de faire sur la perruque ? demanda-t-elle.

— La même chose que la dernière fois : analyser les fibres pour essayer de retrouver le point de vente.

Surprise elle-même par la fermeté et la certitude dans sa voix, Riley dit :

— Ils perdent leur temps.

Bill lui jeta un coup d’œil, pris au dépourvu.

— Pourquoi ?

Riley ressentait à nouveau cette familière impatience, qui l’animait quand le cerveau de Bill traînait la patte derrière le sien.

— Regarde l’image qu’il essaye de nous montrer. Des lentilles de contact bleues qui donnent un aspect artificiel à ses yeux. Les paupières cousues pour rester ouvertes. Le corps tout droit et les jambes étendues de façon grotesque. De la Vaseline pour que la peau brille comme du plastique. Une perruque composée de perruques plus petites – pas des perruques de femmes, des perruques de poupées. Il veut que les victimes ressemblent à des poupées – des poupées nues sur un présentoir.

— Mon Dieu, dit Bill en prenant fiévreusement des notes. Comment avons-nous pu rater ça, la dernière fois, à Daggett ?

La réponse était évidente aux yeux de Riley qui retint un grognement d’impatience.

— Il n’était pas encore assez bon, dit-elle. Il était encore en train de se faire la main. Il apprend tout en faisant.

Bill leva les yeux de son calepin et secoua la tête d’un air admiratif.

— Putain, ce que tu m’as manqué.

Quoique très touchée par le compliment, Riley savait qu’une autre révélation, encore plus importante, était sur le point de lui venir. Elle avait appris avec l’expérience à ne pas faire trop d’efforts. Il fallait seulement qu’elle se détende et la révélation viendrait d’elle-même. Riley s’accroupit silencieusement sur le rocher et attendit. Elle décolla paresseusement les mouchetures de boue sur son pantalon.

Quelle merde, pensa-t-elle.

Soudain, ses yeux s’arrêtèrent sur la surface de pierre sous ses pieds. D’autres miettes de boue sèche, certaines entières et d’autres brisées en plusieurs fragments, gisaient au milieu de celles qu’elle venait de décoller de son pantalon.

— Bill, dit-elle d’une voix chevrotante d’excitation, ces petits morceaux de boue étaient là quand vous avez trouvé le corps ?

Bill haussa les épaules.

— Je n’en sais rien.

Les mains tremblantes et plus moites que jamais, Riley saisit une série de photos qu’elle passa en revue jusqu’à trouver une vue frontale du corps. Là, entre ses jambes écartées, autour de la rose, on apercevait des petites taches. C’étaient les miettes de boue – les miettes que Riley venait de trouver, mais personne ne les avait cru importantes. Personne n’avait pris le temps de prendre une photo en gros plan. Et personne n’avait ressenti le besoin de les balayer sur le côté au moment de nettoyer la scène du crime.

Riley ferma les yeux pour laisser son imagination prendre le relais. Elle se sentit étourdie, même grisée. C’était une sensation qu’elle ne connaissait que trop bien – l’impression de tomber dans un abysse, dans un trou noir terrible, dans l’esprit du tueur. Elle enfilait ses chaussures, sa peau, sa vie. C’était un endroit terrifiant et dangereux, mais elle s’y sentait à sa place, du moins à cet instant. Elle le laissa la submerger.

Elle mesura l’assurance du tueur quand il traîna le corps jusqu’au ruisseau : il était si certain qu’il ne serait pas découvert qu’il ne se pressait. Il aurait pu tout aussi bien chantonner ou siffler un air. Elle devina sa patience, son talent, quand il déposa le corps sur le rocher.

Elle vit l’atroce tableau à travers ses yeux. Elle sentit sa satisfaction devant le travail accompli – le même sentiment d’accomplissement qu’elle ressentait en résolvant une affaire. Il s’était accroupi sur le rocher et avait fait une pause un instant – ou aussi longtemps qu’il l’avait voulu – pour admirer son œuvre.

Ce faisait, il avait décollé des miettes de boue de son pantalon. Il avait pris son temps. Il n’avait pas attendu d’être parti. Riley l’entendait presque prononcer les mêmes mots qu’elle : « Quelle merde ».

Oui, il avait même pris le temps de nettoyer son pantalon.

Riley eut un hoquet de surprise et ses yeux s’ouvrirent brusquement. Elle manipula les miettes de boue qu’elle tenait encore dans sa main. Elles étaient poisseuses mais les bords étaient assez secs et aiguisées pour infliger de fines coupures.

— Rassemble ces miettes, ordonna-t-elle. Nous allons peut-être y trouver un peu d’ADN.

Bill écarquilla les yeux et tira immédiatement de sa poche une paire de pincettes et un sachet hermétique. Alors qu’il travaillait, le cerveau de Riley ne ralentissait pas : elle n’en avait pas encore terminé.

— On se trompe depuis le début, dit-elle. Ce n’est pas son deuxième meurtre. C’est le troisième.

Bill s’interrompit et leva vers elle un regard stupéfait, visiblement sonné par sa révélation.

— Comment le sais-tu ? demanda-t-il.

Le corps de Riley se tendit comme un arc et elle tâcha de contrôler le tremblement de ses membres.

— Il est devenu trop fort. Son apprentissage est terminé. C’est un pro maintenant. Il a trouvé son rythme. Il adore son travail. Non, c’est le troisième, au moins.

La gorge de Riley se serra et elle avala sa salive avec difficulté.

— Et il n’attendra pas longtemps avant de commettre le suivant.

Chapitre 7

Bill se retrouvait au milieu d’une mer de regards bleus et froids, artificiels. Les affaires ne lui filaient jamais de cauchemars, et ce n’était pas un cauchemar qu’il était en train de faire – mais cela y ressemblait. Là, dans le magasin de poupée, des petits yeux bleus le cernaient de tous côtés, grands ouverts, étincelants et perçants.

Les petites bouches, rouges comme des rubis, la plupart étirées pour former un sourire, étaient également perturbantes. Tout comme les cheveux artificiels rigoureusement peignés, raides et immobiles. Frappé par ces détails, Bill se demandait comment il avait bien pu rater les intentions du tueur, sa volonté de les faire ressembler à des poupées. Il avait eu besoin de Riley pour comprendre.

Heureusement qu’elle est de retour, pensa-t-il.

Pourtant, Bill ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter pour elle. Il avait été ébloui par son travail, à Mosby Park. Mais, après cela, quand il l’avait reconduite chez elle, elle lui avait parue épuisée et démoralisée. Elle avait à peine prononcé un mot au cours du trajet. Peut-être que tout cela était trop pour elle.

Malgré cela, Bill aurait voulu qu’elle l’accompagne aujourd’hui. Elle avait décidé qu’il serait plus efficace de se séparer, afin de couvrir plus de terrain. Il ne pouvait pas le lui reprocher. Elle lui avait demandé de visiter les magasins de poupées de la région, pendant qu’elle retournerait voir la scène de crime du meurtre précédent.

Bill balaya la boutique du regard avec un sentiment d’impuissance, en se demandant ce que Riley aurait bien pu découvrir ici. C’était une des boutiques les plus élégantes qu’il ait visitées ce jour-là. Située à la périphérie de Capital Beltway, le magasin attirait probablement une clientèle fortunée venue des comtés les plus riches, au nord de la Virginie.

Il se mit à déambuler. Une poupée qui représentait une petite fille attira son regard. Son sourire boudeur et sa peau pâle lui rappelèrent la dernière victime. Elle était toute habillée d’une robe rose avec un col, des manchettes et un ourlet en dentelle, mais positionnée d’une manière étrangement similaire.

Soudain, une voix retentit à la droite de Bill :

— Je pense que vous êtes dans le mauvais rayon.

Bill se retourna et tomba nez à nez une petite femme trapue qui lui adressait un sourire chaleureux. Quelque chose dans sa posture et son assurance lui laissa penser qu’elle était responsable du rayon.

— Pourquoi dites-vous cela ? demanda Bill.

La dame gloussa.

— Parce que vous n’avez pas de fille. Je sais toujours repérer les pères qui n’ont pas de fille. Ne me demandez pas comment, c’est l’instinct, je suppose.

Sa clairvoyance surprit et impressionna Bill.

Elle lui tendit la main.

— Ruth Behnke, dit-elle.

Bill serra sa main tendue.

— Bill Jeffreys. Je suppose que vous êtes la propriétaire de la boutique.

Elle gloussa à nouveau.

— Je vois que vous aussi, vous avez de l’instinct, dit-elle. Je suis ravie de vous rencontrer. Mais vous avez bien des fils, n’est-ce pas ? Trois, je pense.

Bill sourit. Sa clairvoyance était bien affûtée. Elle s’entendrait sûrement très bien avec Riley.

— Deux, répondit-il. Vous n’étiez pas loin.

Elle gloussa.

— Quel âge ? demanda-t-elle.

— Huit et dix.

Elle balaya son magasin du regard.

— Je ne sais pas si nous avons grand-chose ici qui pourrait leur convenir. Oh, en fait, j’ai quelques petits soldats un peu vintage dans l’autre rayon. Mais ce n’est plus vraiment ça qui amusent les garçons, de nos jours, si ? Maintenant, c’est les jeux vidéo. Et les plus violents, en plus.

— J’en ai bien peur.

Elle plissa les yeux comme pour le mesurer du regard.

— Vous n’êtes pas là pour acheter une poupée, n’est-ce pas ? demanda-t-elle.

Bill sourit et secoua la tête.

— Vous êtes trop forte, répondit-il.

— Vous ne seriez pas policier ? demanda-t-elle.

Bill éclata d’un rire silencieux et sortit son badge.

— Pas tout à fait, mais c’est bien vu.

— Eh bien ! s’exclama-t-elle avec un soupçon d’inquiétude. Qu’est-ce que le FBI vient faire dans ma boutique ? Est-ce que je suis sur un genre de liste ?

— D’une certaine façon, dit Bill, mais ne vous inquiétez pas. On a découvert votre boutique en cherchant tous les magasins à la ronde qui vendent des poupées de collection ou d’occasion.

En fait, Bill ne savait pas ce qu’il cherchait exactement. Riley lui avait proposé de visiter des magasins que le tueur fréquentait peut-être – ou dans lesquels il aurait pu avoir l’occasion de faire un tour. Qu’attendait-elle de lui ? Il n’en savait rien. S’attendait-elle à ce que le tueur se trouve ici ? Ou que l’un des employés l’ait rencontré ?

Mais c’était peu probable. Même si quelqu’un l’avait rencontré, il ne serait sans doute pas capable de l’identifier comme étant le meurtrier. Tous les hommes qui entraient dans ce magasin devaient être, en fait, un peu étranges.

Riley voulait sûrement que Bill rassemble plus d’informations sur la façon dont l’esprit du tueur fonctionnait, le regard qu’il portait sur le monde. Si c’était le cas, elle allait être déçue. Bill n’avait pas son talent. Il n’était pas capable d’entrer dans le cerveau d’un tueur.

Aux yeux de Bill, elle brassait du vent : il y avait des douzaines de magasins de poupées aux alentours. Il aurait mieux valu laisser la police scientifique retrouver le fabricant de perruque. Même s’ils n’avaient rien trouvé pour le moment.

— Je vous demanderais bien de quel genre d’affaire il s’agit, dit Ruth, mais je crois qu’il ne vaut mieux pas.

— Non, dit Bill. Il ne vaut mieux pas.

Non pas que l’affaire était demeurée secrète – pas après le communiqué de presse du sénateur Newbrough. La nouvelle était dans tous les journaux. Comme d’habitude, le Bureau croulait sous les faux témoignages délivrés par téléphone et des théories étranges commençaient à envahir la toile. Un vrai merdier.

Mais pourquoi le dire à cette femme ? Elle avait l’air gentil et sa boutique semblait plutôt saine et innocente. Bill ne voulait pas la perturber en lui parlant du meurtre sordide d’un tueur en série obsédé par les poupées.

Cependant, il y avait une chose qu’il voulait savoir.

— Dites-moi, dit Bill. Est-ce que vous vendez beaucoup à des adultes... Je veux dire des adultes sans enfants ?

— Oh, c’est le cas de la majorité des acheteurs, et de loin. Des collectionneurs.

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