L'Agent Zéro - Джек Марс 9 стр.


Il voyait des lumières devant lui mais, à cet angle, il ne pouvait pas en voir la source. Le SUV ralentit de nouveau avant de s’arrêter en douceur. Reid vit une clôture noire en fer forgé, chacun de ses poteaux étant surmonté d’une pointe dangereuse, s’étendant de chaque côté et disparaissant dans l’obscurité. À côté du véhicule, se trouvait un petit poste de garde vitré en brique sombre, avec une lumière fluorescente illuminant l’intérieur. Un homme en sortit. Il portait un pantalon et un caban relevé sur son cou, ainsi qu’une écharpe en laine grise autour de la gorge. Il ne fit aucun geste pour tenter de cacher le silencieux MP7 qui pendait dans un étui en bandoulière à son épaule droite. En fait, alors qu’il s’approchait de la voiture, il prit l’arme en main sans toutefois la pointer vers l’avant.

Heckler & Koch, modèle MP7A1, dit la voix dans la tête de Reid. Cran d’arrêt 7 points, un pouce. Viseur réflexe Elcan. Chargeur trente coups.

Le conducteur fit descendre sa vitre et parla quelques secondes avec l’homme. Puis, le garde fit le tour du SUV et ouvrit la porte du côté de Yuri. Il se pencha et apparût dans l’habitacle. Reid sentit une odeur de whisky et une bouffée d’air glacial qui l’accompagnait. L’homme regarda chacun d’entre eux tour à tour, ses yeux s’arrêtant sur Reid.

“Kommunikator,” dit Yuri. “Chtoby uvidet’ nachal’nika.” Du russe. Messager, pour voir le boss.

Le garde ne prononça pas un mot. Il referma la porte et retourna à son poste, appuyant sur le bouton d’une petite console. Le portail en fer noir crissa en se rabattant sur le côté, et le SUV s’engagea dans l’allée.

La gorge de Reid se serra, alors qu’il saisissait toute la gravité de la situation. Il s’était rendu au rendez-vous avec la ferme intention d’obtenir des informations sur ce qui se passait, non seulement pour lui, mais aussi par rapport aux dires du cheikh à propos d’un plan et concernant les villes étrangères. Il était monté dans la voiture avec Yuri et les deux gorilles dans l’espoir de trouver une source. Il les avait laissés l’emmener hors du pays, au beau milieu d’une dense région forestière. Et, à présent, ils se trouvaient derrière une clôture haute et pointue, dont le portail était gardé. Il n’avait aucune idée de comment sortir de là si quelque chose tournait mal.

Du calme. Tu y es déjà arrivé avant.

Non, ce n’est pas le cas ! pensa-t-il désespérément. Je suis professeur à l’université de New York. Je ne sais plus ce que je fais. Pourquoi est-ce que j’ai fait ça ? Mes filles…

Ne t’en fais pas. Tu sauras quoi faire le moment venu.

Reid prit une profonde inspiration, mais ne parvint pas à calmer ses nerfs. Il regarda par la vitre. Dans l’obscurité, il parvenait à peine à distinguer les environs. Il n’y avait pas d’arbres derrière le portail, mais plutôt des rangs de pieds de vigne à perte de vue, grimpant et ondulant en treillis à hauteur de la taille… Il se trouvait donc dans un vignoble. Qu’il s’agisse réellement d’un vignoble exploité ou d’une simple couverture était incertain, mais c’était en tout cas quelque chose de reconnaissable, qui serait visible depuis un hélicoptère ou un drone avec caméra.

Bien. Ce sera une indication utile pour la suite.

S’il y a une suite.

Le SUV roula lentement sur l’allée en gravier pendant environ un kilomètre de plus, avant que la vigne ne s’arrête. Devant lui, se trouvait un domaine somptueux, presque un château, construit en pierre grise avec des fenêtres en arc et du lierre grimpant sur la façade sud. Pendant un bref instant, Reid admira cette magnifique architecture. La bâtisse avait probablement deux-cents ans, peut-être plus. Mais ils ne s’arrêtèrent pas là. La voiture fit le tour de la grande maison pour la laisser derrière elle. Un demi-kilomètre plus loin, elle s’arrêta devant un petit terrain et le conducteur stoppa le moteur.

Ils étaient arrivés. Mais où, il n’en avait aucune idée.

Les gorilles descendirent en premier, puis Reid, suivi de Yuri. Le froid intense lui coupa le souffle. Il serra les mâchoires pour empêcher ses dents de claquer. Leurs deux grandes escortes ne semblaient pas en être incommodés le moins du monde.

À environ quarante mètres de là, se trouvait une grande structure massive à deux étages, très large, sans fenêtres, en tôle ondulée peinte en beige. Une sorte de chai, peut-être pour faire le vin. Mais il en doutait.

Yuri grogna en étirant ses membres. Puis, il regarda Reid en souriant. “Ben, je sais que nous sommes maintenant de très bons amis, mais tout de même…” Il tira de la poche de sa veste une étroite bande de tissu noir. “Je dois insister.”

Reid acquiesça légèrement. Quel choix avait-il ? Il se retourna afin que Yuri puisse attacher le tissu pour lui bander les yeux. Une forte main trapue le saisit par l’avant-bras, celle de l’un des gorilles, sans aucun doute.

“À présent,” dit Yuri. “Allons voir Otets.” La main puissante le tira vers l’avant et le guida, alors qu’ils marchaient en direction de la structure en tôle. Il sentit une autre épaule frôler la sienne de l’autre côté : il était encadré par les deux grands gorilles.

Reid respirait calmement par le nez, faisant son maximum pour rester calme. Écoute, lui dit son esprit.

J’écoute.

Non, écouter. Écouter et lâcher prise.

Quelqu’un frappa trois fois contre une porte. Le bruit sembla terne et creux comme une grosse caisse. Même s’il ne pouvait rien voir, Reid imaginait Yuri en train de taper du poing contre la lourde porte en acier.

Ca-chunk. Un verrou que l’on fait sauter. Un whoosh, une ruée d’air chaud à l’ouverture de la porte. Soudain, un mélange de bruit : du verre qui tinte, un liquide versé dedans et des cliquetis de courroie. Un équipement de viticulteur, on dirait. Bizarre, il n’avait rien entendu depuis l’extérieur. Les murs extérieurs de la structure sont insonorisés.

La main puissante le guida à l’intérieur. La porte se ferma de nouveau et le verrou fut remis en place. Sous lui, le sol semblait être du béton lisse. Ses chaussures marchèrent dans une petite flaque. L’odeur acéteuse de la fermentation était la plus forte, suivie de près par l’arôme plus doux et familier du jus de raisin. Ils font vraiment du vin ici.

Reid comptait ses pas sur le sol du chai. Ils passèrent plusieurs autres portes et, à chaque fois, il percevait de nouveaux bruits. Machines : une presse hydraulique, une perceuse pneumatique, un cliquetis de chaîne d’embouteillage. L’odeur de fermentation avait laissé la place à une odeur graisseuse d’huile moteur et de… Poudre. Ils fabriquent quelque chose ici, certainement des munitions. Il y avait quelque chose d’autre, de familier, derrière l’huile et la poudre. C’était plutôt doux, comme des amandes… Dinitrotoluène. Ils fabriquent des explosifs.

“Escalier,” dit la voix de Yuri près de son oreille, alors que le tibia de Reid heurtait la première marche. La lourde main continuait de le guider alors que quatre paires de pieds grimpaient les marches d’acier. Treize marches. Celui qui a construit cet endroit n’est pas superstitieux.

En haut, se trouvait une autre porte en acier. Une fois refermée derrière eux, les bruits des machines s’évanouirent : une autre pièce insonorisée. On entendait de la musique classique jouée au piano. Brahms. Variations sur un Thème de Paganini. La mélodie n’était pas assez puissante pour vraiment venir d’un piano. Il s’agissait sûrement d’une chaîne hifi.

“Yuri.” La nouvelle voix était un fort baryton, légèrement éraillé d’avoir crié trop souvent ou d’avoir fumé trop de cigares. À en juger par l’odeur des lieux, la bonne réponse était la dernière. Ou alors, les deux.

“Otets,” dit Yuri obséquieusement. Il se mit à parler rapidement en russe. Reid faisait de son mieux pour suivre et déchiffre l’accent de Yuri. “Je vous apporte de bonnes nouvelles de France…”

“Qui est cet homme ?” demanda le baryton. À sa façon de parler, le russe semblait être sa langue natale. Reid ne put s’empêcher de se demander quel était le lien entre les iraniens et ce Russe, ou quel était le rôle des deux gorilles du SUV, et même du serbe, Yuri. Un échange d’armes peut-être, dit la voix dans sa tête. Ou même pire.

“Voici le messager des iraniens,” répondit Yuri. “Il dispose des informations que nous recherchons…”

“Tu l’as amené ici ?” l’interrompit l’homme. Sa voix grave se mit à rugir. “Tu étais censé aller en France pour rencontrer les iraniens, pas pour ramener des mecs chez moi ! Tu pourrais tout compromettre par ta stupidité !” Il y eut un claquement vif, un revers de la main sur un visage, puis un soupir de Yuri. “Est-ce que je dois inscrire la description de ton travail sur une balle pour te la faire rentrer dans le crâne ?”

“Otets, s’il vous plait…” balbutia Yuri.

“Ne m’appelle pas comme ça !” cria l’homme de plus belle. Un pistolet que l’on charge, une arme lourde à en croire par le son. “Ne m’appelle par aucun nom en présence de cet étranger !”

“Ce n’est pas un étranger !” glapit Yuri. “C’est Agent Zéro ! Je vous ai amené Kent Steele !”

CHAPITRE SEPT

Kent Steele.

Le silence régna pendant plusieurs secondes qui parurent être des minutes. Une centaine de visions se succéda dans la tête de Reid, comme générées par une machine. La CIA. Service National des Clandestins, Département des Activités Spéciales, Groupe des Opérations Spéciales. Opérations Psychologiques.

Agent Zéro.

Si tu es exposé, tu es mort.

Nous ne parlons pas. Jamais.

Impossible.

Ses doigts tremblaient de nouveau.

C’était tout bonnement impossible. Des effaceurs, des implants ou des suppresseurs de mémoire étaient des trucs de théories conspiratoires ou de films d’Hollywood.

En tout cas, ça n’avait plus aucune importance maintenant. Ils avaient su qui il était pendant tout ce temps. Depuis le bar et pendant tout le trajet en voiture pour venir en Belgique, Yuri était au courant que Reid n’était pas qui il prétendait être. À présent, il avait les yeux bandés et il était emprisonné derrière une porte en acier avec au moins quatre hommes armés. Personne d’autre ne savait où il était et qui il était. Un lourd nœud d’effroi se forma au fond de son estomac et manqua le faire vomir.

“Non,” dit lentement la voix de baryton. “Non, tu te trompes. Stupide Yuri. Ce n’est pas l’agent de la CIA. Si c’était le cas, tu ne serais plus en vie !”

“Sauf s’il est venu ici pour te trouver !” contesta Yuri.

Il sentit des doigts sur le bandeau qui fut soudain retiré. Reid plissa les yeux à cause de l’aveuglement causé soudainement par les lampes fluorescentes suspendues. Il cligna des yeux et discerna un homme d’une cinquantaine d’années, cheveux poivre-et-sel, avec une barbe rasée de près sur les joues et des yeux vifs et inquisiteurs. Cet homme, vraisemblablement Otets, portait un costume gris anthracite avec les deux boutons supérieurs de sa chemise ouverts sur des poils gris bouclés en dessous. Ils se trouvaient dans un bureau dont les murs étaient peints en rouge sombre et décorés de peintures criardes.

“Vous,” dit l’homme dans un anglais avec un fort accent. “Qui êtes-vous ?”

Reid respirait de façon saccadée et refoula son envie de dire à cet homme qu’il ne savait tout simplement plus qui il était. Au lieu de ça, il prononça d’une voix tremblante, “Je m’appelle Ben. Je suis un messager. Je travaille avec les iraniens.”

Yuri, qui était à genoux derrière Otets, bondit sur ses pieds. “Il ment !” hurla le serbe. “Je sais qu’il ment ! Il dit que les iraniens l’envoient, mais ils ne feraient jamais confiance à un américain !” Yuri le regarda. Un mince filait de sang s’échappait du coin de sa bouche, là où Otets l’avait frappé. “Mais ce n’est pas tout. Tu vois, je t’ai parlé d’Amad.” Il secoua la tête en montrant les dents. “Il n’y a aucun Amad parmi eux.”

Reid trouvait ça bizarre que ces hommes semblent connaître les iraniens, mais qu’ils ne sachent pas avec qui ils travaillaient ou qui ils pourraient envoyer. Ils étaient sûrement liés d’une façon ou d’une autre, mais il ne savait vraiment pas quelle était cette connexion entre eux.

Otets murmura des injures en russe sous sa barbe. Puis, il dit en anglais, “Tu as dit à Yuri être le messager. Yuri me dit que tu es l’agent de la CIA. Qui dois-je croire ? Tu ne ressembles vraiment pas à la vision que je me faisais de Zéro. Pourtant, mon idiot de coursier a dit quelque chose de vrai : les iraniens méprisent les américains. Cela ne sent pas bon pour toi. Dis-moi la vérité ou je te tire dans la rotule.” Il brandit un lourd pistolet : un TIG Desert Eagle.

Reid eut le souffle coupé un instant. C’était une très grosse arme.

Capitule, lui disait son esprit.

Il ne savait pas trop comment faire. Il n’était pas sûr de ce qui se passerait s’il le faisait. La dernière fois que ses nouveaux instincts avaient pris le dessus, quatre hommes s’étaient retrouvés morts et il avait leur sang sur les mains, au sens propre comme au sens figuré. Mais il ne voyait aucune issue, en tout cas pour le Professeur Reid Lawson. Mais Kent Steele, qui que cela puisse être, pouvait trouver une solution. Il ne savait peut-être pas qui il était, mais cela n’aurait aucune importance s’il ne survivait pas assez longtemps pour le découvrir.

Reid ferma les yeux. Il acquiesça une fois, comme une approbation silencieuse à la voix qui parlait dans sa tête. Ses épaules se relâchèrent et ses doigts cessèrent de trembler.

“J’attends,” dit platement Otets.

“Vous n’auriez aucun intérêt à me tirer dessus,” dit Reid. Il fut surpris d’entendre sa propre voix aussi calme et posée. “Un seul tir de ce pistolet ne ferait pas que m’exploser le genou. Il couperait ma jambe et je me viderais de mon sang sur le sol de ce bureau en quelques secondes.”

Otets haussa les épaules. “Comment vous dites, les américains ? On ne fait pas d’omelette sans…”

“Je possède les informations dont vous avez besoin,” le coupa Reid. “L’emplacement du cheikh. Ce qu’il m’a dit. À qui je l’ai dit. Je connais votre complot et je ne suis pas le seul.”

Les coins de la bouche d’Otets se transformèrent en sourire grimaçant. “Agent Zéro.”

“Je vous l’ai dit !” dit Yuri. “Je disais vrai, n’est-ce pas ?”

“Ta gueule,” aboya Otets. Yuri se ratatina comme un chien battu. “Amène-le en bas et obtiens tout ce qu’il sait. Commence par lui couper les doigts. Je n’ai pas envie de perdre du temps.”

Un jour ordinaire, la menace de se faire couper les doigts aurait envoyé une onde de peur à travers le corps de Reid. Ses muscles se raidirent un moment, les petits poils de sa nuque se hérissèrent un peu, mais ses nouveaux instincts prirent le dessus et le forcèrent à se calmer. Attends, lui dirent-ils. Attends une occasion…

Le gorille chauve acquiesça sèchement et saisit de nouveau Reid par le bras.

“Idiot !” gueula Otets. “Attache-le d’abord ! Yuri, va chercher dans le bureau. Tu y trouveras ce qu’il faut.”

Yuri se précipita vers le bureau en chêne à trois tiroirs dans l’angle et fouilla dedans jusqu’à en sortir une longue corde épaisse. “Voilà,” dit-il en la jetant à la brute chauve.

Tous les yeux se levèrent instinctivement vers le paquet de corde qui tournoyait en l’air : les deux gorilles, Yuri et Otets.

Mais pas ceux de Reid. Il avait un coup à jouer, et il s’en empara.

Il recourba sa main gauche et leva le bras en l’air dans un angle qui lui permit de frapper la trachée du chauve du côté charnu de sa paume. Il sentit sa gorge casser sous sa main.

Une fois ce premier coup porté, il balança un coup de pied du gauche en arrière qui atteint le gorille barbu à la hanche, la même sur laquelle il s’était appuyé tout le long du trajet pour venir en Belgique.

Un halètement humide et suffocant s’échappa des lèvres du chauve, alors que ses mains se portaient à sa gorge. La brute barbue grogna au moment où son corps pivota avant de s’effondrer.

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