Aberthol avait eu raison : c’était un autre monde, un abysse de neige, l’endroit le plus désolé qu’elle ait jamais vu.
Gwendolyn s’arrêta un instant pour reprendre sa respiration. Elle fut surprise de sentir une main chaude et rassurante se poser sur son ventre.
Elle se tourna vers Alistair qui se penchait vers elle avec un regard inquiet.
– Vous êtes enceinte, dit-elle.
Ce n’est pas une question.
Gwendolyn lui renvoya son regard, choquée qu’elle ait pu deviner alors que son ventre était plat. N’ayant plus la force de garder le secret, elle hocha la tête.
Alistair lui jeta un regard entendu.
– Comment as-tu su ? demanda Gwen.
Alistair se contenta de fermer les yeux et de prendre une grande inspiration, sans retirer sa main du ventre de Gwen qui sentit une vague de douce chaleur la traverser.
– Un enfant puissant, dit Alistair. Il a peur. Mais il n’est pas malade. Il va bien. Je l’apaise.
Gwendolyn sentit des vagues de lumière et de chaleur la submerger. Bientôt, elle retrouva toutes ses forces.
Un élan de gratitude et d’amour la poussa vers Alistair. Elle se sentait de plus en plus proche d’elle.
– Je ne sais pas comment te remercier, dit Gwendolyn en se redressant, comme Alistair retirait sa main.
Celle-ci baissa humblement la tête.
– Inutile de me remercier, dit-elle. C’est ce que je fais, voilà tout.
– Vous ne m’avez pas dit que vous étiez enceinte, Madame, dit Aberthol d’une voix sévère. Si j’avais su, je ne vous aurais jamais donné l’idée de venir ici.
– Madame, je ne savais pas non plus, dit Steffen.
Gwendolyn haussa les épaules. Elle ne voulait pas attirer l’attention sur son bébé.
– Mais qui est le père ? demanda Aberthol.
Des sentiments contraires agitèrent le cœur de Gwendolyn quand elle prononça le mot :
– Thorgrin.
Elle était déchirée : inquiète pour l’héritage de son enfant, elle se sentait également coupable d’avoir chassé Thor. Elle imagina dans sa tête le visage de Andronicus et frissonna.
Aberthol hocha la tête.
– Un sang précieux, dit-il. Vous portez un guerrier à l’intérieur de vous.
– Madame, je donnerais ma vie pour protéger votre enfant, dit Steffen.
Krohn s’avança et posa la tête sur le ventre de Gwen, avant de la lécher plusieurs fois en gémissant.
Leur gentillesse bouleversa Gwen.
Soudain, Krohn prit tout le monde par surprise en se retournant pour grogner. Il fit quelques pas entre les tourbillons de neige aveuglante, les poils hérissés.
Gwen et ses compagnons échangèrent des regards stupéfaits. Gwen tenta d’apercevoir quelque chose, mais en vain. Elle n’avait jamais vu Krohn agir ainsi.
– Qu’y a-t-il, Krohn ? demanda-t-elle nerveusement.
Le léopard continua de grogner, tout en s’approchant, et Gwen porta la main à sa dague, imitée par les autres.
Ils attendirent, en alerte.
Enfin, de la neige aveuglante surgirent une douzaine de créatures terrifiantes, à la peau blanche et aux yeux jaunes. Plus larges encore que Krohn, elles arboraient chacune deux têtes munies de quatre longs crocs de loup. Elles s’approchèrent du groupe en sifflant et formèrent un demi-cercle autour de leurs proies.
– Des lorks ! s’exclama Aberthol en faisant un pas vers l’arrière.
Le chuintement caractéristique d’une lame quittant le fourreau retentit derrière Gwendolyn : Steffen venait de tirer son épée. Aberthol saisit son bâton à deux mains, tandis que Alistair restait debout, bien droite, le regard brillant.
Gwendolyn empoigna sa dague et la tint serrée, prête à donner sa vie pour sauver celle de son bébé.
Krohn ne perdit pas de temps : avec un grognement, il chargea le premier dans la mêlée et planta ses crocs dans la gorge d’un des fauves. Celui-ci le dominait par la taille mais Krohn était plus déterminé et le jeta au sol. Au milieu des grognements, ils roulèrent et roulèrent dans la neige qui se teinta de sang. Celui du lork, au grand soulagement de Gwen. Victorieux, Krohn se releva.