La Quête Des Héros - Морган Райс 4 стр.


En face de lui, à tout juste trente pas, se trouvait un Sybold. Massif, musclé, se tenant sur ses quatre pattes, presque de la taille d'un cheval, c'était l'animal le plus craint de Darkwood, peut-être même du royaume. Thor n'en avait jamais vu mais avait entendu les légendes. Il ressemblait à un lion mais était plus gros, plus large d'épaules. Sa peau était écarlate foncé et ses yeux jaune luisant. Selon la légende, sa couleur cramoisie venait du sang d'enfants innocents.

De toute sa vie, Thor avait rarement entendu dire que cet animal avait été vu, et on supposait que même ces récits étaient douteux. Peut-être était-ce parce que, en fait, personne n'avait jamais survécu à une telle rencontre. Certains pensaient que le Sybold était le Dieu des Bois, et aussi un présage. Thor ignorait en quoi consistait ce présage.

Il fit prudemment un pas en arrière.

Le Sybold, son immense mâchoire à moitié ouverte, les crocs dégoulinants de salive, le fixa de ses yeux jaunes. Dans sa gueule se trouvait la brebis manquante de Thor. Elle criait, pendue la tête en bas, la moitié du corps percée par les crocs du monstre. Elle était presque morte. Le Sybold semblait aimer la tuer en prenant son temps; il semblait se délecter de la torturer.

Thor ne pouvait supporter les cris. La brebis remuait, sans défense, et il se sentait responsable de son agonie.

Le premier réflexe de Thor fut de se retourner et de s'enfuir mais il savait déjà que ce serait en pure perte. Cette bête pouvait courir plus vite que n'importe qui. S'enfuir ne ferait que l'enhardir, et il ne pouvait pas laisser son mouton mourir comme ça.

Bien que pétrifié par la peur, il savait qu'il fallait qu'il fasse quelque chose.

Ses réflexes prirent le dessus. Il mit lentement la main dans sa pochette, en sortit un caillou et le plaça dans sa fronde. D'une main tremblante, il la fit tournoyer, fit un pas en avant et tira.

Le caillou traversa l'air et frappa sa cible. Ce tir parfait frappa la brebis à l'œil et lui traversa le cerveau.

La brebis se décontracta. Morte. Thor avait épargné sa souffrance à l'animal.

Le Sybold le regarda d'un air mauvais, furieux que Thor ait tué son jouet. Il ouvrit lentement son immense mâchoire et laissa tomber la brebis, qui atterrit sur le sol de la forêt en produisant un bruit sourd. Ensuite, le Sybold fixa Thor des yeux.

Il poussa un grognement, un son grave et mauvais qui venait de son ventre.

Alors qu'il se rapprochait de lui, Thor, dont le cœur battait la chamade, plaça un autre caillou dans sa fronde, tendit le bras en arrière et se prépara à tirer une fois de plus.

Le Sybold se mit à courir en se déplaçant plus vite que tout ce que Thor ait jamais vu dans sa vie. Thor fit un pas en avant et jeta le caillou en priant pour qu'il atteigne sa cible, sachant qu'il n'aurait pas le temps d'en envoyer un autre avant que la bête ne l'atteigne.

Le caillou frappa la bête à l’œil droit et le lui retira de l'orbite. C'était un superbe lancer, un lancer qui aurait mis un animal plus faible à genoux.

Cependant, cet animal était fort. La bête était impossible à arrêter. Elle cria contre la blessure mais ne ralentit même jamais. Même borgne, même avec le caillou logé dans le cerveau, elle continua à charger Thor sans réfléchir. Thor ne pouvait rien y faire.

Un moment plus tard, la bête était sur lui. Elle tendit son immense griffe et lui frappa l'épaule.

Thor hurla. On aurait dit que trois couteaux lui tailladaient la chair, d'où le sang chaud s'écoula aussitôt.

La bête le plaqua au sol, à quatre pattes. Elle pesait énormément, autant qu'un éléphant qui se serait tenu sur sa poitrine. Thor sentit qu'elle lui écrasait la cage thoracique.

La bête rejeta la tête en arrière, ouvrit grand la mâchoire pour montrer des crocs et commença à les baisser pour mordre Thor à la gorge.

Quand elle le fit, Thor leva le bras et lui saisit le cou; c'était comme s'il avait saisi un muscle massif. Thor tenait à peine. Ses bras commencèrent à trembler quand les crocs descendirent plus bas. Il sentit la chaude haleine de la bête lui couvrir le visage, sentit la salive lui goutter sur le cou. Un grondement venait du cœur de la poitrine de l'animal et vrillait les oreilles de Thor. Il savait qu'il allait mourir.

Thor ferma les yeux.

S'il vous plaît, mon Dieu. Donnez-moi la force. Permettez-moi de vaincre cette créature. S'il vous plaît. Je vous en supplie. Je ferai tout ce que vous voudrez. Je vous devrai beaucoup.

Soudain, quelque chose arriva. Thor sentit une énorme chaleur lui monter dans le corps, lui parcourir les veines, comme un champ de force qui le traversait à toute vitesse. Il ouvrit les yeux et vit quelque chose qui l'étonna : ses paumes émettaient une lumière jaune et, quand il poussa les mains dans la gorge de la bête, il fut surpris de constater qu'il arrivait à égaler sa force et à la tenir à distance.

Thor continua à pousser jusqu'au moment où il repoussa vraiment la bête. Sa force s'accrut et il sentit l'énergie le traverser comme un boulet de canon. Un instant plus tard, la bête s'envola en arrière. Thor l'envoya à plus de trois mètres. Elle atterrit sur le dos.

Thor se redressa sans comprendre ce qui s'était passé.

La bête se remit sur ses pattes puis, enragée, elle chargea une fois de plus mais, cette fois-ci, Thor se sentait différent. L'énergie le traversait; il se sentait plus fort qu'il ne l'avait jamais été.

Quand la bête bondit en l'air, Thor s'accroupit, la saisit par le ventre et la lança en laissant son élan l'emporter.

La bête vola au travers du bois, s'écrasa dans un arbre et s'effondra par terre.

Thor la fixa des yeux, étonné. Venait-il de lancer un Sybold ?

La bête cligna des yeux deux fois, puis regarda Thor. Elle se leva et chargea encore.

Cette fois, quand la bête bondit, Thor la saisit par la gorge. Ils tombèrent tous les deux par terre, la bête au-dessus de Thor. Cependant, Thor roula et se remit au-dessus d'elle. Thor l'agrippa, l'étouffa des deux mains pendant que la bête essayait constamment de lever la tête et de le mordre avec ses crocs. Elle le manqua de peu. Thor, sentant une nouvelle force en lui, serra les doigts plus fort et ne céda pas. Il laissa l'énergie le traverser et bientôt, étonnamment, il se sentit plus fort que la bête.

Il était en train de tuer le Sybold en l'étouffant. Finalement, la bête se décontracta.

Thor attendit une minute entière avant de la lâcher.

Il se leva lentement, essoufflé, fixant la scène du regard, les yeux grands ouverts, en tenant son bras blessé. Que venait-il de se passer ? Venait-il, lui, Thor, de tuer un Sybold ?

Il sentit que c'était un signe, surtout ce jour-ci. Il sentit que quelque chose d'essentiel s'était passé. Il venait de tuer la bête la plus célèbre et la plus crainte de son royaume. Tout seul. Sans arme. Ça avait l'air irréel. Personne ne le croirait.

Il sentit le monde tournoyer quand il se demanda quel pouvoir l'avait submergé, ce que ça signifiait, qui il était vraiment. Les seules personnes connues pour détenir de tels pouvoirs étaient les Druides. Cependant, son père et sa mère n'étaient pas Druides, donc, il ne pouvait pas en être un.

Ou alors, était-ce possible ?

Sentant la présence de quelqu'un derrière lui, Thor se retourna et vit Argon qui se tenait là et fixait l'animal du regard.

“Comment êtes-vous arrivé ici ?” demanda Thor, étonné.

Argon ne fit pas attention à lui.

“Avez-vous vu ce qui est arrivé ?” demanda Thor, encore incrédule. “Je ne sais pas comment je l'ai fait.”

“Tu le sais, en fait”, répondit Argon. “En ton for intérieur, tu le sais. Tu es différent des autres.”

“C'était comme … un jaillissement de puissance”, dit Thor. “Comme une force que j'avais sans le savoir.”

“Le champ de force”, dit Argon. “Un jour, tu le connaîtras très bien. Peut-être même apprendras-tu à le contrôler.”

Thor se saisit l'épaule; la douleur était atroce. Il baissa les yeux et vit sa main couverte de sang. Il sentit qu'il avait la tête qui tournait et s'inquiéta de ce qui lui arriverait s'il n'allait pas chercher de l'aide.

Argon fit trois pas en avant, tendit le bras, saisit la main libre de Thor et la plaça fermement sur la blessure. Il l'y maintint, se pencha en arrière et ferma les yeux.

Thor sentit une sensation de chaleur lui parcourir le bras. En quelques secondes, le sang poisseux sécha sur sa main et il sentit que sa douleur commençait à disparaître.

Il baissa les yeux et eut peine à croire à ce qui lui arrivait : il était guéri. Tout ce qui restait, c'était les trois balafres infligées par les griffes, mais elles étaient cicatrisées et semblaient dater de plusieurs jours. Il n'y avait plus de sang.

Thor regarda Argon avec stupéfaction.

“Comment avez-vous fait ça ?” demanda-t-il.

Argon sourit.

“Je n'ai rien fait. C'était toi. Je n'ai fait que canaliser ton pouvoir.”

“Mais je n'ai pas le pouvoir de guérison”, répondit Thor, déconcerté.

“Ah bon ?” répondit Argon.

“Je ne comprends pas. Tout ça n'a aucun sens”, dit Thor, de plus en plus impatient. “Expliquez-moi, s'il vous plaît.”

Argon détourna le regard.

“Il y a des choses que tu devras apprendre avec le temps.”

Thor pensa à quelque chose.

“Cela signifie-t-il que je peux rejoindre la Légion du Roi ?” demanda-t-il avec excitation. “Si je peux tuer un Sybold, alors, je peux tenir tête aux autres garçons.”

“Tu le peux sûrement”, répondit-il.

“Cependant, ils ont choisi mes frères; ils ne m'ont pas choisi, moi.”

“Tes frères n'auraient pas pu tuer cette bête.”

Thor le fixa en réfléchissant.

“Mais ils m'ont déjà rejeté. Comment puis-je les rejoindre ?”

“Depuis quand un guerrier a-t-il besoin d'une invitation ?” demanda Argon.

Ses mots firent leur chemin dans l'esprit de Thor et il sentit son corps se réchauffer.

“Vous dites que devrais juste me pointer ? Sans invitation ?”

Argon sourit.

“C'est toi qui crées ta destinée. Pas les autres.”

Thor cligna des yeux et, un moment plus tard, Argon avait disparu. Une fois de plus.

Thor tourna sur lui-même, regarda dans toutes les directions mais il n'y avait aucune trace de lui.

“Par ici !” dit une voix.

Thor se retourna et vit un immense rocher avant lui. Il sentit que la voix venait d'en haut et escalada immédiatement le grand rocher.

Il atteint le sommet et fut étonné de ne voir aucun signe d'Argon.

Cependant, de ce poste d'observation, il voyait au-dessus de la cime des arbres de Darkwood. Il vit où Darkwood se terminait, vit le second soleil se coucher dans un éclat vert foncé et, au-delà, la route qui menait à la Cour du Roi.

“A toi de suivre cette route”, dit la voix. “Si tu l'oses.”

Thor se retourna mais ne vit rien. Ce n'était qu'une voix qui résonnait. Cependant, il savait qu'Argon était là, quelque part, le poussant à agir et il sentait, en son for intérieur, qu'il avait raison.

Sans un autre moment d'hésitation, Thor descendit maladroitement du rocher et partit pour la route lointaine en traversant le bois.

Courant vers sa destinée.

CHAPITRE TROIS

Le Roi MacGil, corpulent, au torse puissant, avec une barbe qui foisonnait de poils gris, de longs cheveux de la même couleur et un front large et ridé par de nombreuses batailles, se tenait sur les remparts d'en haut de son château, sa Reine à côté de lui, et observait les festivités du jour qui commençaient. Ses terres royales s'étendaient sous lui jusqu'à perte de vue dans toute leur gloire et formaient une cité prospère murée par d'anciennes fortifications en pierre. La Cour du Roi. Des bâtiments en pierre de toutes formes et tailles, reliés par un dédale de rues tortueuses, abritaient les guerriers, les gardiens, les chevaux, l'Argent, la Légion, les gardes, la caserne, la maison des armes, l'armurerie et, parmi tous ces bâtiments, on trouvait des centaines de logis pour la multitude des sujets du Roi qui avaient choisi de résider dans l'enceinte de la cité. Entre ces rues s'étendaient des acres d'herbe, les jardins royaux, des places en pierre et des fontaines débordantes. La Cour du Roi avait été rénovée au cours des siècles, par son père et par le père de son père, et il trônait maintenant au sommet de sa gloire. C'était sans aucun doute la forteresse la plus sûre du Royaume de l'Ouest de l'Anneau.

MacGil avait la chance d'avoir les guerriers les meilleurs et les plus fidèles qu'un roi quel qu'il soit ait jamais connu, et, de toute sa vie, personne n'avait osé l'attaquer. Il était le septième MacGil à être assis sur le trône, le gérait bien depuis trente-deux ans et avait été un roi bon et sage. Au cours de son règne, le royaume avait beaucoup prospéré. Il avait doublé la taille de son armée, agrandi ses cités, apporté l'abondance à ses sujets et personne ne se plaignait. On l'appelait 'le roi généreux' et, depuis qu'il était monté sur le trône, le royaume avait connu une période d'abondance sans précédent.

Paradoxalement, c'était ce qui empêchait MacGil de dormir la nuit, car MacGil connaissait l'histoire de son royaume : quelle que soit l'époque, il n'y avait jamais eu une période de paix aussi longue. Il ne se demandait plus si il y aurait une attaque, mais quand. Et par qui.

La plus grande menace se situait bien sûr au-delà de l'Anneau et venait de l'empire de sauvages qui régnait sur les Terres Sauvages extérieures et avait subjugué tous les peuples qui habitaient en dehors de l'Anneau, au-delà du Canyon. Pour MacGil et les sept générations qui l'avaient précédé, les Terres Sauvages n'avaient jamais été une menace directe. Grâce à la géographie unique de son royaume, qui avait la forme d'un cercle parfait (d'un anneau) et était séparé du reste du monde par un profond canyon d'un kilomètre de large et protégé par un champ de force actif depuis le règne du premier MacGil, ils avaient peu de raisons d'avoir peur des Terres Sauvages. A de nombreuses reprises, les sauvages avaient essayé d'attaquer, de percer le champ de force, de traverser le canyon mais ils n'avaient jamais réussi. Tant que le Roi resterait dans l'Anneau avec ses sujets, il n'y aurait aucune menace extérieure à craindre.

Cependant, cela ne voulait pas dire qu'il n'y avait aucune menace intérieure, et c'était ce qui avait empêché MacGil de dormir ces derniers temps. En fait, c'était là le but des festivités du jour : le mariage de sa fille aînée, un mariage spécifiquement organisé pour apaiser ses ennemis, pour maintenir la paix fragile qui régnait encore entre le Royaume Oriental et le Royaume Occidental de l'Anneau.

Bien que l'Anneau couvre au moins huit cents kilomètres dans toutes les directions, il était séparé au milieu par une chaîne de montagnes. Les Highlands. De l'autre côté des Highlands se trouvait le Royaume Oriental, qui régnait sur l'autre moitié de l'Anneau, et ce royaume, gouverné depuis des siècles par leurs rivaux, les McCloud, avait toujours essayé de briser sa trêve fragile avec les MacGil. Les McCloud étaient mécontents, insatisfaits de leur destin, convaincus que leur côté du royaume avait un sol moins fertile. Ils contestaient aussi la répartition des Highlands, affirmant avec insistance que toute la chaîne de montagnes leur appartenait alors qu'au moins la moitié appartenait aux MacGil. Il y avait tout le temps des accrochages aux frontières et de constantes menaces d'invasion.

Penser à tout cela contrariait MacGil. Les McCloud auraient dû être contents; ils étaient en sécurité à l'intérieur de l'Anneau, protégés par le Canyon, ils avaient des terres de qualité et rien à craindre. Pourquoi ne pouvaient-ils pas être satisfaits de leur propre moitié de l'Anneau ? C'était seulement parce que MacGil avait rendu son armée si forte que, pour la première fois de l'histoire, les McCloud n'avaient pas osé attaquer. Cependant, MacGil, en roi sage qu'il était, sentait que quelque chose se tramait à l'horizon; il savait que cette paix ne pouvait pas durer. Par conséquent, il avait organisé le mariage de sa fille aînée avec le prince aîné des McCloud, et maintenant, le jour était venu.

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