La Quête Des Héros - Морган Райс 6 стр.


S'il avait été l’Élu, il imaginait qu'il y aurait moins de troubles dans sa cour, moins d'intrigues. Ses propres hommes lui feraient plus confiance et ses ennemis n'envisageraient même pas de l'attaquer. Une partie de lui aurait voulu que l'épée disparaisse tout simplement, et la légende avec elle. Cependant, il savait que ça n'arriverait pas. Telle était la malédiction, et la puissance, d'une légende. Cela la rendait même plus forte qu'une armée.

Alors qu'il la fixait pour la millième fois, MacGil ne put s'empêcher de se demander une fois de plus qui serait l’Élu. Qui, dans sa  lignée serait destiné à manier l’Épée ? Alors qu'il pensait à ce qu'il lui fallait faire, à sa tâche de nomination d'un héritier, il se demanda qui serait destiné à la soulever, en supposant qu'une telle personne existe.

“La lame pèse lourd”, dit une voix.

MacGil se retourna, surpris de ne pas être seul dans la petite salle.

Là, debout dans l'embrasure de la porte, se trouvait Argon. MacGil reconnut la voix avant de voir l'homme. Il lui en voulait de n'être pas venu plus tôt et, en même temps, il était content de le voir ici et maintenant.

“Tu es en retard”, dit MacGil.

“Ta perception du temps ne s'applique pas à moi”, répondit Argon.

MacGil se retourna vers l'épée.

“As-tu jamais cru que je serais capable de la soulever ?” demanda-t-il d'un air méditatif. “Le jour où je suis devenu Roi ?”

“Non”, répondit impassiblement Argon.

MacGil se retourna et le regarda fixement.

“Tu savais que je n'en serais pas capable. Tu l'as vu, n'est-ce pas ?”

“Oui.”

MacGil y réfléchit.

“Quand tu donnes une réponse directe, ça me fait peur. Ça ne te ressemble pas.”

Argon ne dit rien et MacGil finit par se rendre compte qu'il n'en dirait pas plus.

“Je nomme mon successeur aujourd'hui”, dit MacGil. “ Ça a l'air futile de nommer un héritier ce jour-là. Cela prive un roi de la joie que lui inspire le mariage de son enfant.”

“Il faut peut-être tempérer une telle joie.”

“Mais il me reste tant d'années à régner”, supplia MacGil.

“Peut-être pas autant que tu le crois”, répondit Argon.

MacGil plissa les yeux en se demandant si c'était un message.

Cependant, Argon n'ajouta rien.

“Six enfants. Lequel choisir ?” demanda MacGil.

“Pourquoi me le demander ? Tu as déjà choisi.”

MacGil le regarda. “Tu vois beaucoup de choses. Oui, j'ai choisi, mais je veux quand même savoir ce que tu en penses.”

“Je crois que tu as choisi sagement”, dit Argon. “Cependant, souviens-toi : un roi ne peut pas gouverner depuis la tombe. Peu importe qui tu t'imagines choisir : le destin a tendance à faire son propre choix.”

“Vais-je survivre, Argon ?” demanda sérieusement MacGil, posant la question qui le taraudait depuis qu'il s'était réveillé après avoir fait un horrible cauchemar la nuit précédente.

“Cette nuit, j'ai rêvé d'un corbeau”, ajouta-t-il. “Il est venu me voler ma couronne. Ensuite, un autre m'a emporté. Quand il l'a fait, j'ai vu mon royaume s'étendre sous mes pieds. Alors que je volais, il est devenu noir. Stérile. Un désert.”

Il leva vers Argon ses yeux embués de larmes.

“Était-ce un rêve ? Ou quelque chose de plus ?”

“Les rêves sont toujours quelque chose de plus, n'est-ce pas ?” demanda Argon.

MacGil se sentit frappé par le découragement.

“Où est le danger ? Dis-moi déjà ça.”

Argon se rapprocha et le regarda dans les yeux avec une telle intensité que MacGil eut l'impression de regarder dans une autre dimension.

Argon se pencha en avant et murmura :

“Toujours plus près que tu ne le crois.”

CHAPITRE QUATRE

Thor se cacha dans la paille à l'arrière d'un chariot qui l'emmenait cahin-caha le long de la route de campagne. La nuit précédente, il était allé à la route et avait attendu patiemment jusqu'à ce qu'arrive un chariot assez grand pour qu'il puisse s'y installer sans être remarqué. A ce moment, il faisait noir et le chariot avançait juste assez lentement pour qu'il puisse bondir dedans depuis l'arrière en courant assez vite. Il avait atterri dans le foin et s'y était enfoui. Heureusement, le conducteur ne l'avait pas repéré. Thor n'était pas certain que le chariot aille à la Cour du Roi, mais il allait dans la bonne direction, et un chariot de cette taille, et avec ces marquages, ne pouvait guère aller ailleurs.

Thor voyagea toute la nuit et resta éveillé des heures en pensant à sa rencontre avec le Sybold. Avec Argon. Il pensa à sa destinée. A sa maison d'avant. A sa mère. Il sentait que l'univers lui avait répondu, lui avait dit qu'il avait une destinée différente. Il resta allongé là, les mains croisées derrière la tête, et fixa le ciel nocturne qu'il apercevait à travers la toile déchirée. Il regarda l'univers, si brillant, ses étoiles rouges si distantes. Il était euphorique. Pour une fois dans sa vie, il partait en voyage. Il ne savait pas où, mais il partait. D'une façon ou d'une autre, il arriverait à la Cour du Roi.

Quand Thor ouvrit les yeux, c'était le matin, la lumière rentrait à flots par la toile déchirée et il se rendit compte qu'il s'était assoupi. Il se releva rapidement, regarda tout autour de lui et se reprocha de s'être endormi. Il aurait dû être plus vigilant : il avait de la chance de ne pas avoir été découvert.

Le chariot roulait encore mais ne secouait plus autant. Cela ne pouvait signifier qu'une chose : une meilleure route. Ils devaient être près d'une grande ville. Thor baissa les yeux et vit que la route était très lisse, sans cailloux ni fossés, et bordée de beaux coquillages blancs. Son cœur se mit à battre plus vite; ils approchaient de la Cour du Roi.

Thor regarda par l'arrière du chariot et fut bouleversé. Les rues immaculées débordaient d'activité. Des dizaines de chariots, de toutes formes et de toutes tailles et transportant toutes sortes de choses, remplissaient les routes. L'un d'eux était chargé de fourrures, un autre de tapis et un autre de poulets. Au milieu de ces chariots marchaient des centaines de marchands. Certains d'entre eux menaient du bétail alors que d'autres portaient des paniers de marchandises sur la tête. Quatre hommes portaient un paquet de soieries en équilibre sur des perches. C'était une foule de gens et ils allaient tous dans la même direction.

Thor se sentit en pleine vie. Il n'avait jamais vu tant de gens en même temps, tant de marchandises, tant de choses se passer. Il avait vécu dans un petit village toute sa vie, et maintenant, il était dans un centre urbain, englouti par la foule.

Il entendit un bruit fort, le gémissement des chaînes, le claquement d'un immense morceau de bois, si fort que le sol vibra. Quelques moments plus tard, il entendit un son différent, celui du claquement de sabots de chevaux sur le bois. Il baissa les yeux et se rendit compte qu'ils étaient en train de traverser un pont; en dessous d'eux, il y avait des douves. C'était un pont-levis.

Thor sortit la tête et vit d'immenses colonnes en pierre et le portail hérissé de pointes de fer au-dessus. Ils étaient en train d'entrer par la Porte du Roi.

C'était la porte la plus grande qu'il ait jamais vue. Il leva les yeux vers les pointes, songeant avec étonnement que si elles s'abattaient, elle le couperaient en deux. Il repéra quatre légionnaires de l'Argent du Roi qui gardaient l'entrée et son cœur se mit à battre plus vite.

Ils parcoururent un long tunnel de pierre puis, quelques moments plus tard, le ciel apparut à nouveau. Ils étaient à l'intérieur de la Cour du Roi.

Thor avait peine à y croire. Il y avait encore plus d'activité ici, si possible : on aurait dit qu'il y avait des milliers de gens qui s'affairaient dans toutes les directions. Il y avait de grandes étendues d'herbe, parfaitement coupée, et des fleurs qui poussaient partout. La route s'élargit, et tout au long, il y avait des baraques, des vendeurs et des bâtiments en pierre. Et au milieu de tout ça, les hommes du Roi. Des soldats en armure. Thor avait réussi.

Tout excité, il se mit inconsciemment debout; quand il le fit, le chariot s'arrêta brusquement et le fit retomber en arrière et atterrir sur le dos dans la paille. Avant qu'il puisse se relever, il y eut le son du bois que l'on baissait et, quand il leva les yeux, il vit un vieil homme en colère, chauve, en haillons et qui le regardait d'un air renfrogné. Le conducteur du chariot tendit le bras, saisit Thor par les chevilles de ses mains caleuses et le traîna hors du chariot.

Thor s'envola et atterrit durement sur le dos sur la route en terre en soulevant un nuage de poussière. Des rires se firent entendre autour de lui.

“La prochaine fois que tu montes dans mon chariot, mon garçon, ça sera les chaînes pour toi ! Tu as de la chance que je n'appelle pas l'Argent dès maintenant !”

Le vieil homme se retourna et cracha, puis remonta précipitamment sur son chariot et fouetta ses chevaux pour les faire repartir.

Gêné, Thor reprit lentement ses esprits et se releva. Il regarda autour de lui. Un passant ou deux gloussa et Thor les regarda d'un air renfrogné jusqu'à ce qu'ils détournent le regard. Il s'épousseta et se frotta les bras; il avait mal à sa fierté mais pas au corps.

Il retrouva le moral en regardant autour de lui, ébloui, et se rendit compte qu'il fallait qu'il soit content d'être au moins allé aussi loin. Maintenant qu'il était sorti du chariot, il pouvait regarder librement autour de lui et ce qu'il voyait était extraordinaire : la cour s'étalait jusqu'à perte de vue. En son milieu se trouvait un magnifique palais en pierre, entouré par d'écrasants murs de pierre fortifiés couronnés de parapets au sommet desquels l'armée du Roi patrouillait partout. Tout autour de lui, il y avait des pelouses vertes parfaitement entretenues, des places en pierre, des fontaines, des bosquets d'arbres. C'était une cité, et ça débordait de gens.

Partout, toutes sortes de gens allaient et venaient, des marchands, des soldats, des dignitaires, et ils étaient tous très pressés. Il fallut à Thor plusieurs minutes pour comprendre qu'il se passait quelque chose de spécial. Alors qu'il avançait tranquillement, il vit qu'on se livrait à préparations, qu'on plaçait des chaises, qu'on érigeait un autel. On aurait dit qu'on se préparait à célébrer un mariage.

Son cœur s'arrêta de battre quand il vit, au loin, un terrain de joute, avec sa longue allée de terre et la corde qui la coupait en deux. Sur un autre terrain, il vit des soldats jeter des lances sur des cibles distantes; sur un autre, des archers qui tiraient dans des cibles de paille. On aurait dit qu'il y avait des jeux et des concours partout. Il y avait aussi de la musique : des luths, des flûtes et des cymbales, des groupes de musiciens qui allaient çà et là, du vin, d'immenses tonneaux que l'on roulait, et de la nourriture, des tables qu'on préparait, des banquets qui s'étendaient jusqu'à perte de vue. C'était comme s'il était arrivé au milieu d'une grande fête.

Aussi éblouissantes que soient toutes ces choses, Thor voulait quand même trouver la Légion au plus vite. Il était déjà en retard et il fallait qu'il se fasse connaître.

Il se précipita vers la première personne qu'il vit, un homme plus âgé qui semblait, vu son tablier tâché de sang, être un boucher et qui se hâtait sur la route. Tout le monde semblait tellement pressé, ici.

“Excusez-moi, monsieur”, dit Thor en lui saisissant le bras.

L'homme baissa les yeux sur la main de Thor avec dédain.

“Qu'est-ce qu'il y a, mon garçon ?”

“Je cherche la Légion du Roi. Savez-vous où ils s'entraînent ?”

“J'ai l'air d'une carte ?” siffla l'homme avant de partir, furieux.

Thor fut déconcerté par son impolitesse.

Il se précipita vers la personne suivante qu'il vit, une femme qui pétrissait de la farine sur une table longue. Il y avait plusieurs femmes à cette table, toutes en train de travailler dur, et Thor s'imagina qu'une d'elles savait forcément.

“Excusez-moi, mesdemoiselles”, dit-il. “Sauriez-vous où s'entraîne la Légion du Roi ?”

Elles se regardèrent les unes les autres et gloussèrent. Certaines d'entre elles n'avaient que quelques années de plus que lui.

L'aînée se retourna et le regarda.

“Tu cherches au mauvais endroit”, dit-elle. “Ici, nous préparons les festivités.”

“Pourtant, on m'a dit qu'ils s'entraînaient dans la Cour du Roi”, dit Thor, perplexe.

Le femmes se remirent à rire. L'aînée se mit les mains sur les hanches et secoua la tête.

“On dirait que tu n'es jamais venu à la Cour du Roi. Ne sais-tu pas qu'elle est très grande ?”

Thor rougit quand les autres femmes rirent, puis finit par partir furieusement. Il n'aimait pas qu'on se moque de lui.

Il vit devant lui une dizaine de routes qui traversaient la Cour du Roi dans tous les sens. Il y avait au moins une dizaine d'entrées d'espacées dans les murs de pierre. Cet endroit était d'une taille et d'une étendue écrasantes. Il eut un serrement de cœur en comprenant qu'il pourrait chercher pendant des jours sans trouver ce qu'il cherchait.

Il eut une idée : un soldat saurait sûrement où les autres s'entraînaient. Il avait peur d'aller parler à un vrai soldat du Roi mais se rendit compte qu'il n'avait pas le choix.

Il se retourna et se précipita vers le mur, vers le soldat qui montait la garde à l'entrée la plus proche, en espérant qu'il ne le jetterait pas dehors. Le soldat se tenait droit en regardant droit devant lui.

“Je cherche la Légion du Roi”, dit Thor de sa voix la plus brave.

Le soldat continua à regarder droit devant lui, sans répondre.

“J'ai dit que je cherchais la Légion du Roi !” insista Thor, plus fort, résolu à ce qu'on l'écoute.

Au bout de plusieurs secondes, le soldat baissa les yeux avec mépris.

“Pouvez-vous me dire où elle est ?” insista Thor.

“Et qu'as-tu à faire avec eux ?”

“Des choses très importantes” dit Thor avec insistance et en espérant que le soldat ne le forcerait pas à en dire plus.

Le soldat se remit à regarder droit devant lui et à l'ignorer. Thor sentit son cœur se serrer et craint de ne jamais recevoir de réponse.

Cependant, après ce qui sembla durer une éternité, le soldat répondit : “Prends la porte de l'est, puis dirige-toi vers le nord aussi loin que possible. Prends la troisième porte à gauche, puis tourne vers la droite et tourne encore vers la droite. Passe sous la deuxième arche en pierre, et leur terrain d'entraînement est au-delà de la porte. Je t'avertis quand même que tu perds ton temps. Ils n'accueillent pas les visiteurs.”

C'était tout ce que Thor avait besoin de savoir. Sans perdre une seconde de plus, il se retourna et traversa le terrain en courant. Il suivit les indications en se les répétant dans la tête et en essayant de les mémoriser. Il remarqua que le soleil était plus haut dans le ciel et pria simplement pour que, quand il arriverait, il ne soit pas déjà trop tard.

*

Thor courut sur les chemins immaculés bordés de coquillages, se frayant un chemin au travers de la Cour du Roi. Il fit de son mieux pour suivre les indications, en espérant qu'il n'était pas en train de prendre une mauvaise route. A l'autre bout de la cour, il vit toutes les portes et prit la troisième à gauche. Il la passa au pas de course, puis suivit les bifurcations en tournant de chemin en chemin. Il courut dans le sens contraire de la circulation, des milliers de gens qui rentraient dans la cité en masse, de la foule qui s'épaississait à chaque minute. Il frôla des luthistes, des jongleurs, des bouffons et toutes sortes de comiques, tous vêtus de leurs plus beaux atours.

Thor ne pouvait supporter l'idée que la sélection commence sans lui et fit de son mieux pour se concentrer en prenant un chemin après l'autre et en cherchant un signe quelconque du terrain d'entraînement. Il passa sous une arche, prit une autre route puis, au loin, repéra ce qui ne pouvait qu'être sa destination : un mini-Colisée en pierre de forme parfaitement circulaire. Au milieu, des soldats gardaient l'immense porte. Thor entendit des applaudissements assourdis derrière ses murs et son cœur battit plus vite. C'était là.

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