Canaille, Prisonnière, Princesse - Морган Райс 6 стр.


“Dans ce cas, il faut absolument exiger une rançon !” cria un des rebelles. “Il doit valoir une fortune !”

“On devrait absolument le tuer”, répondit sèchement un autre. “N'oubliez pas tout ce que ses semblables nous ont fait !”

“D'accord, calmez-vous”, dit Akila. “Concentrez-vous sur le combat qui vient. La nuit va être longue.”

Thanos entendit l'autre homme pousser un léger soupir quand les hommes repartirent s'asseoir devant leurs feux.

“Ça va mal, alors ?” dit Thanos. “Tu as dit que ton camp perdait.”

Akila lui lança un regard sévère. “Je sais quand me taire. Tu devrais peut-être en faire autant.”

“De toute façon, vous vous demandez si vous allez me tuer”, fit remarquer Thanos. “J'imagine que je n'ai pas grand chose à perdre.”

Thanos attendit. Ce n'était pas le type d'homme qu'on pouvait forcer à répondre. Il avait un côté coriace, franchement rigide. Thanos se dit qu'il aurait pu l'apprécier s'ils s'étaient rencontrés sous de meilleurs auspices.

“D'accord”, dit Akila. “C'est vrai, nous sommes en train de perdre. Vous, les Impériaux, vous avez plus d'hommes que nous et vous ne vous souciez pas des dommages que vous provoquez. La cité est assiégée par terre et par mer pour que personne ne puisse s'enfuir. Nous nous battrons à partir des collines mais, comme vous pouvez vous réapprovisionner par la voie maritime, nous ne pouvons pas faire grand chose. Draco a beau être un boucher, c'est un boucher intelligent.”

Thanos hocha la tête. “Effectivement.”

“Et bien sûr, tu étais probablement présent quand il a tout planifié”, dit Akila.

Maintenant, Thanos comprenait. “C'est ça que tu espères ? Que je connaisse tous leurs plans ?” Il secoua la tête. “Je n'étais pas présent quand ils les ont faits. Je ne voulais pas être ici et je ne suis venu que parce qu'ils m'ont escorté jusqu'au navire sous bonne garde. Peut-être que si j'avais été présent, j'aurais entendu qu'ils prévoyaient de me poignarder dans le dos.”

Il repensa alors à Ceres, qu'il avait été obligé d'abandonner. Ça le faisait souffrir plus que tout le reste. Si une personne haut placée essayait de le faire assassiner, qu'allaient-ils faire à Ceres, se demanda-t-il ?

“Tu as des ennemis”, concéda Akila. Thanos le vit serrer et desserrer une main, comme si la longue bataille pour la cité avait commencé à lui donner des crampes. “Nous avons les mêmes ennemis. Cela dit, je ne suis pas sûr que tu sois mon ami pour autant.”

Thanos regarda ostensiblement le reste de la grotte et la quantité incroyablement réduite de soldats qu'il restait à cet endroit. “Pour l'instant, on dirait que tu ne peux pas faire le difficile en matière d'amis.”

“Tu es quand même un noble. Tu as quand même obtenu ton rang en écrasant les gens ordinaires”, dit Akila. Il poussa un autre soupir. “On dirait que, si je te tue, je fais ce que désirent Draco et ses chefs mais que, comme tu me l'as fait comprendre, tu ne me rapporteras rien en tant qu'otage. J'ai une victoire à remporter et je n'ai pas le temps de garder des prisonniers s'ils ne savent rien. Donc, que vais-je faire de toi, Prince Thanos ?”

Thanos eut l'impression qu'il était sérieux, qu'il voulait vraiment trouver une meilleure solution. Thanos réfléchit rapidement.

“Je pense que le meilleur choix serait que tu me laisses partir”, dit-il.

Sa réponse fit rire Akila. “Bien tenté. Si c'est là ta meilleure suggestion, ne bouge pas. J'essaierai de te faire souffrir le moins possible.”

Thanos vit sa main se diriger vers une de ses épées.

“Je suis sérieux”, dit Thanos. “Je ne peux pas t'aider à gagner la bataille pour cette île si je suis ici.”

Il vit qu'Akila, incrédule, était certain que c'était forcément un piège. Thanos poursuivit rapidement son explication, sachant qu'il lui faudrait convaincre cet homme qu'il voulait aider la rébellion s'il voulait survivre aux minutes qui venaient.

“Tu as dit toi-même que la flotte de l'Empire qui soutenait l'assaut était un des gros problèmes”, dit Thanos. “Je sais qu'ils ont laissé du ravitaillement sur les navires parce qu'ils étaient extrêmement impatients de passer à l'attaque. Donc, on prend les navires.”

Akila se leva. “Vous avez entendu ça, les gars ? Ce prince a un plan pour dérober ses navires à l'Empire.”

Thanos vit les rebelles commencer à se rassembler.

“A quoi bon ?” demanda Akila. “Si on prend leurs navires, que fait-on après ?”

Thanos expliqua de son mieux. “Au minimum, ça donnera la possibilité à certains habitants de la cité de s'échapper, ainsi qu'à d'autres de tes soldats. Cela privera également l'Empire de son ravitaillement et il ne pourra pas continuer à se battre bien longtemps. Et puis il y a les balistes.”

“C'est quoi ?” demanda un des rebelles. Il ne ressemblait pas à un soldat de carrière. Pour Thanos, très peu y ressemblaient, dans cette grotte.

“Des arbalètes”, expliqua Thanos. “Des armes conçues pour endommager d'autres navires, mais si on les retournait contre les soldats qui sont près de la côte …”

Au moins, Akila avait l'air de prendre les possibilités en considération. “Ça pourrait être intéressant”, admit-il. “Et nous pourrions mettre le feu à tous les navires que nous ne pourrions pas utiliser. Dans le pire des cas, Draco retirerait ses hommes pour essayer de récupérer ses navires. Cependant, en premier lieu, comment allons-nous nous accaparer ces navires, Prince Thanos ? Je sais que, là d'où tu viens, si un prince demande une chose, il l'obtient, mais ça m'étonnerait que ça s'applique à la flotte de Draco.”

Thanos se força à sourire pour afficher une confiance qu'il n'avait pas. “C'est presque exactement ce que nous allons faire.”

Une fois de plus, Thanos eut l'impression qu'Akila analysait la situation plus vite que ne le pouvaient ses hommes. Le chef rebelle sourit.

“Tu es fou”, dit Akila. Thanos n'aurait su dire si c'était une insulte ou un compliment.

“Il y a assez de morts sur les plages”, expliqua Thanos pour que les autres comprennent. “Nous allons prendre leurs armures et nous diriger vers les navires. Si j'y suis, nous passerons pour une compagnie de soldats qui rentre de la bataille pour venir chercher du ravitaillement.”

“Qu'en pensez-vous, les gars ?” demanda Akila.

Dans la lumière du feu qui vacillait à l'intérieur de la grotte, Thanos ne pouvait pas distinguer les hommes qui parlaient. Leurs questions semblaient plutôt émerger de l'obscurité et il ne voyait pas qui était d'accord avec lui, qui doutait de lui et qui voulait qu'il meure. Cela dit, ce n'était pas pire que la politique telle qu'il la connaissait au château. De plusieurs façons, c'était mieux car, ici, au moins, personne ne lui souriait tout en complotant pour l'assassiner.

“Et les gardes sur les navires ?” demanda un des rebelles.

“Il y en aura peu”, dit Thanos. “Et ils savent qui je suis.”

“Et tous ceux qui vont mourir dans la cité pendant que nous faisons ça ?” cria un autre.

“Ils sont déjà en train de mourir”, insista Thanos. “Au moins, comme ça, vous aurez les moyens de vous défendre. Si vous faites ça bien, nous aurons les moyens de sauver des centaines de gens, sinon des milliers.”

Le silence se fit et la dernière question en émergea comme une flèche.

“Comment pourrions-nous lui faire confiance, Akila ? Ce n'est pas seulement l'un d'eux, c'est un noble. Un prince.”

Thanos tourna le dos dans la direction d'où venait la voix et montra son dos pour que tout le monde le voie. “Ils m'ont poignardé dans le dos. Ils m'ont laissé mourir. J'ai autant de raisons de les haïr que tous les hommes présents ici.”

A ce moment, Thanos ne pensait pas qu'au Typhon. Il pensait à tout ce que sa famille avait fait au peuple de Delos et à tout ce qu'elle avait fait à Ceres. S'ils ne l'avaient pas obligé à aller à la Place de la Fontaine, il ne s'y serait jamais trouvé quand le frère de Ceres avait péri.

“On peut rester ici”, dit Thanos, “ou on peut agir. Oui, ça sera dangereux. S'ils comprennent qui nous sommes, nous mourrons probablement. J'accepte de prendre le risque. Et vous ?” Quand personne ne répondit, Thanos leva la voix. “Et vous ?”

Les hommes lui répondirent par une acclamation. Akila se rapprocha de lui et lui donna une claque sur l'épaule.

“D'accord, Prince, on dirait qu'on va suivre ton plan. Si tu réussis, tu auras un ami pour la vie.” Il se mit à serrer l'épaule à Thanos jusqu'à ce que ce dernier sente la douleur lui traverser le dos. “Cela dit, si tu nous trahis, si tu fais tuer mes hommes, je jure que tu n'échapperas jamais à ma vengeance.”

CHAPITRE HUIT

Il y avait des parties de Delos où, normalement, Berin n'allait jamais. C'étaient des parties de la ville qui empestaient la sueur et le désespoir, où les gens faisaient tout leur possible pour survivre. Il repoussa d'un geste de la main ce que des gens lui proposaient dans le noir, regarda durement les citoyens de ce lieu pour qu'ils restent à distance.

S'ils avaient su qu'il portait de l'or, Berin savait qu'il se serait fait trancher la gorge et que le contenu de la bourse qu'il portait sous la tunique aurait été réparti entre plusieurs voleurs et dépensé dans les tavernes et les cercles de jeu locaux avant la fin de la journée. C'était ce type d'endroit qu'il recherchait maintenant parce que c'était le seul où trouver des soldats en permission. En tant que forgeron, Berin connaissait les hommes de guerre et savait où ils se rendaient.

Il avait de l'or parce qu'il avait rendu visite à un marchand en lui emmenant deux poignards qu'il avait forgés pour les montrer à des employeurs potentiels. C'étaient de belles armes, dignes d'être portées à la ceinture de tous les nobles. Décorées d'un filigrane en or, elles avaient des scènes de chasse gravées sur la lame. C'étaient les derniers objets de valeur qui lui restaient au monde. Il avait fait la queue devant le bureau du marchand avec une dizaine d'autres personnes et n'avait pas obtenu la moitié de leur valeur réelle.

Pour Berin, cela n'avait pas d'importance. Tout ce qui comptait, c'était retrouver ses enfants et, pour ça, il fallait de l'or, de l'or qu'il pourrait utiliser pour acheter de la bière aux personnes adéquates, de l'or qu'il pourrait mettre dans les bonnes mains.

Il passait d'une taverne de Delos à l'autre et cela prenait du temps. Il ne pouvait pas se contenter d'aller poser les questions qu'il voulait poser. Il fallait qu'il soit prudent. Heureusement, il avait quelques amis dans la cité et quelques autres dans l'armée de l'Empire. Ses épées avaient sauvé la vie à de nombreux hommes au cours des années.

Il trouva l'homme qu'il cherchait à moitié ivre au milieu de l'après-midi. Assis dans une taverne, il puait tellement fort qu'il faisait le vide tout autour de lui. Berin se dit que c'était seulement l'uniforme de l'armée de l'Empire qui empêchait les propriétaires de le jeter dans la rue face contre terre. De plus, Jacare était tellement gros qu'il aurait fallu la moitié des clients de l'auberge pour le soulever.

Berin vit le gros homme lever les yeux quand il approcha. “Berin ? Mon vieil ami ! Viens boire un coup avec moi ! Il faudra que tu payes, cela dit. Ces temps-ci, je suis un peu …”

“Gros ? Ivre ?” devina Berin. Il savait que Jacare ne lui en voudrait pas d'être franc. Ce soldat semblait faire tout son possible pour être le pire exemple de l'Armée Impériale. Il semblait même y trouver une sorte de fierté perverse.

“… dans le besoin”, termina Jacare.

“Je peux peut-être t'aider”, dit Berin. Il commanda à boire mais n'y toucha pas. Il fallait qu'il garde la tête claire pour retrouver Ceres et Sartes. Au lieu de boire, il attendit que Jacare descende ses bières avec un bruit qui rappela à Berin celui d'un âne qui buvait dans un abreuvoir.

“Alors, qu'est-ce qui me vaut l'honneur de la présence d'un homme comme toi ?” demanda Jacare au bout d'un moment.

“Je recherche des informations”, dit Berin. “Le type d'informations qu'un homme dans ta situation a peut-être entendues.”

“Ah, d'accord. Des informations. Ça donne soif, les informations. Et ça peut coûter cher.”

“Je recherche mon fils et ma fille”, expliqua Berin qui savait que, auprès de quelqu'un d'autre, cet aveu aurait pu lui gagner quelque sympathie mais que, auprès d'un homme de ce style, l'effet serait limité.

“Ton fils ? Nesos, pas vrai ?”

Berin se pencha au travers de la table et saisit Jacare au-dessus du poignet pour l'empêcher d'entamer une autre boisson. Il ne lui restait pas grand chose de la force qu'il avait acquise en maniant des marteaux de forge, mais il en restait quand même assez pour faire grimacer Jacare. Bien, se dit Berin.

“Sartes”, dit Berin. “Mon aîné est mort. Sartes a été enrôlé par l'armée. Je sais que tu entends parler de certaines choses. Je veux savoir où il est et je veux savoir où est Ceres, ma fille.”

Jacare se mit à l'aise et Berin le laissa faire. De toute façon, il n'était pas sûr qu'il aurait pu retenir Jacare bien plus longtemps.

“C'est une sorte de chose que j'ai peut-être entendue”, admit le soldat, “mais ce genre de chose n'est pas facile. J'ai des frais.”

Berin sortit la petite bourse d'or. Il en déversa le contenu sur la table, juste assez loin de Jacare pour qu'il ne puisse pas s'en saisir facilement.

“Est-ce que ça suffira à couvrir tes ‘frais’ ?” demanda Berin en jetant un coup d'œil à la coupe de Jacare. Il vit l'autre homme compter l'or, probablement en se demandant s'il pourrait en gagner d'autre.

“Ta fille, c'est facile”, dit Jacare. “Elle est au château avec les nobles. Ils ont annoncé qu'elle allait épouser le Prince Thanos.”

Berin osa pousser un soupir de soulagement, même s'il ne savait pas vraiment que penser. Thanos était un des rares membres de la famille royale à avoir conservé un minimum de décence, mais de là à l'épouser ?

“Pour ton fils, c'est plus dur. Voyons. J'ai entendu dire que quelques recruteurs de la Vingt-Troisième écumaient la ville dans ton quartier, mais je ne suis pas sûr que ce soit eux. Si c'est eux, ils campent un peu vers le sud en essayant de former les appelés au combat contre les rebelles.”

A cette idée, Berin sentit la bile lui remonter dans la bouche. Il savait comment l'armée traiterait Sartes et ce que la notion d' “entraînement” impliquerait. Il fallait qu'il le sorte de là. Cela dit, Ceres était la plus proche et, en vérité, il ressentait le besoin de voir sa fille au moins une fois avant de partir à la recherche de Sartes. Il se leva.

“Tu finis pas ta boisson ?” demanda Jacare.

Berin ne répondit pas. Il allait au château.

***

Pour Berin, entrer au château était plus facile que pour presque n'importe qui d'autre. Même s'il n'y était pas allé depuis longtemps, c'était quand même lui qui était venu discuter des besoins en armes des seigneurs de guerre ou emmener des armes spéciales destinées aux nobles. Il était assez simple de faire semblant d'être de retour aux affaires, de passer droit devant les gardes des portes extérieures et d'entrer dans l'espace où se préparaient les combattants.

L'étape suivante était de se rendre là où se trouvait sa fille, où que ce soit. Il y avait un portail fermé entre l'espace cintré où les guerriers s'entraînaient et le reste du château. Berin dut attendre qu'on lui ouvre de l'autre côté. Il poussa le domestique qui lui ouvrit pour faire semblant d’avoir quelque chose d'important à faire ailleurs dans le bâtiment.

Il avait bien quelque chose d'important à y faire mais pas la sorte de chose que comprendraient la plupart des gens.

“Hé, toi ! Où tu crois aller ?”

Berin se figea sur place en entendant la dureté du ton. Avant même de se retourner, il savait qu'il y avait forcément un garde à cet endroit et qu'il n'avait pas d'excuse susceptible de le satisfaire. A présent, le mieux qu'il puisse espérer était qu'on l'expulse du château avant qu'il ait pu entrapercevoir sa fille. Dans le pire des cas, il finirait dans le cachot du château ou peut-être qu'on l’emmènerait se faire exécuter là où personne ne le saurait jamais.

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