Esclave, Guerrière, Reine - Морган Райс 5 стр.


Elle regarda au loin et vit le ciel brusquement éclairé par la foudre. Trois secondes plus tard, le tonnerre grogna dans les cieux.

Ne s'était-elle pas rendue compte à quel point ils étaient pauvres ? Elle avait toujours supposé que leur famille s'en tirerait mais ces nouvelles changeaient tout. Maintenant, elle n'aurait plus Papa à qui se raccrocher et il n'y aurait personne pour servir de bouclier entre elle et Maman.

Elle resta où elle était, immuable, pendant que ses larmes tombaient l'une après autre sur la terre désolée. Fallait-elle qu'elle renonce à ses rêves et qu'elle suive les conseils de son père ?

Il sortit quelque chose de derrière son dos, et Ceres écarquilla les yeux quand elle vit une épée dans sa main. Il se rapprocha et elle regarda l'arme en détail.

C'était une épée impressionnante. Sur le pommeau en or pur, un serpent était gravé. La lame était à double tranchant et semblait être en acier de qualité supérieure. Bien que la confection fût étrangère à Ceres, elle comprit immédiatement que c'était une arme de qualité exceptionnelle. Sur la lame elle-même, il y avait une inscription.

Quand le cœur rencontre l'épée, la victoire est proche

Le souffle coupé, ébahie, elle regarda fixement l'épée.

“C'est toi qui l'as forgée ?” demanda-t-elle, les yeux rivés sur l'épée.

Il hocha la tête.

“A la façon des gens du nord”, répondit-il. “J'ai travaillé trois ans dessus. En fait, rien que cette lame suffirait à nourrir notre famille toute une année.”

Elle le regarda.

“Dans ce cas, pourquoi ne pas la vendre ?”

Il secoua fermement la tête.

“Elle n'a pas été fabriquée pour ça.”

Il se rapprocha et, à sa grande surprise, il la lui tendit.

“Elle a été fabriquée pour toi.”

Ceres leva une main à la bouche et poussa un gémissement.

“Moi ?” demanda-t-elle, abasourdie.

Son père lui fit un grand sourire.

“Avais-tu vraiment pensé que j'avais oublié ton dix-huitième anniversaire ?” répondit-il.

Elle sentit les larmes lui envahir les yeux. Elle n'avait jamais été aussi émue.

Mais alors, elle pensa à ce qu'il avait dit avant, quand il lui avait dit qu'il ne voulait pas qu'elle devienne guerrière, et elle se sentit perplexe.

“Pourtant”, répondit-elle, “tu as dit que je ne devais pas m'entraîner.”

“Je ne veux pas que tu meures”, expliqua-t-il, “mais je vois ce qui te passionne et c'est une chose que je ne peux contrôler.”

Il lui passa la main sous le menton et lui souleva la tête jusqu'à ce que leurs regards se rencontrent.

“Je suis fier que tu aies cet idéal.”

Il lui tendit l'épée et, quand elle sentit le métal froid contre sa paume, elle ne fit qu'un avec son arme. Le poids était parfait pour elle et on aurait dit que le pommeau avait été façonné pour sa main.

Tout l'espoir qui avait péri auparavant se réveilla alors dans sa poitrine.

“Ne le dis pas à ta mère”, avertit-il. “Cache-la à un endroit où elle ne pourra pas la trouver, ou elle la vendra.”

Ceres hocha la tête.

“Combien de temps pars-tu ?”

“J'essaierai de revenir vous voir avant les premières neiges.”

“Mais c'est dans plusieurs mois !” dit-elle en reculant d'un pas.

“C'est ce que je dois faire pour —”

“Non. Vends l'épée et reste !”

Il lui plaça une main sur la joue.

“Vendre cette épée pourrait nous aider pour cette saison, et peut-être pour la suivante, mais ensuite ?” Il secoua la tête. “Non. Il nous faut une solution à long terme.”

A long terme ? Soudain, elle se rendit compte que le nouveau travail de son père n'allait pas seulement durer quelques mois mais peut-être des années.

Son désespoir s'accrut.

Comme si son père l'avait senti, il s'avança et la serra contre lui.

Elle sentit qu'elle commençait à pleurer dans ses bras.

“Tu me manqueras, Ceres”, dit-il par-dessus son épaule. “Tu es différente de tous les autres. Tous les jours, je regarderai les cieux et je saurai que tu es sous les mêmes étoiles. En feras-tu autant pour moi ?”

D'abord, elle eut envie de lui crier après, de lui dire : comment oses-tu me laisser ici toute seule ?

Cependant, elle sentait dans son cœur qu'il ne pouvait pas rester et elle ne voulait pas lui rendre les choses plus difficiles qu'elles ne l'étaient déjà.

Une larme lui coula sur le visage. Elle renifla et hocha la tête.

“Je me tiendrai sous notre arbre chaque nuit”, dit-elle.

Il l'embrassa sur le front et la prit tendrement dans ses bras. Ses blessures au dos lui faisaient aussi mal que des couteaux mais elle serra les dents et resta silencieuse.

“Je t'aime, Ceres.”

Elle voulait lui répondre mais ne pouvait rien dire car ses mots restaient coincés dans sa gorge.

Il alla chercher son cheval à l'étable et Ceres l'aida à le charger avec de la nourriture, des outils et des provisions. Il la prit une dernière fois dans ses bras et elle crut que la tristesse allait lui fendre la poitrine. Pourtant, une fois de plus, elle fut incapable de prononcer le moindre mot.

Il monta sur son cheval et hocha la tête avant de faire signe à l'animal de bouger.

Ceres lui fit des signes de la main alors qu'il s'éloignait. Elle le regarda avec une attention inébranlable jusqu'à ce qu'il disparaisse derrière la colline lointaine. Le seul véritable amour qu'elle ait jamais connu venait de cet homme et, maintenant, il était parti.

La pluie se mit à descendre des cieux et elle lui gratta le visage.

“Papa !” cria-t-elle aussi fort que possible. “Papa, je t'aime !”

Elle tomba à genoux et s'enfouit les mains dans le visage en sanglotant.

Elle savait que la vie ne serait plus jamais la même.

CHAPITRE TROIS

Bien qu'elle ait mal aux pieds et que ses poumons la brûlent, Ceres grimpa à la colline escarpée aussi vite que possible sans renverser une goutte d'eau des deux seaux qu'elle portait, un de chaque côté. Normalement, elle aurait fait une pause mais sa mère avait menacé de la priver de petit-déjeuner si elle n'était pas revenue à l'aube, et être privée de petit-déjeuner signifiait qu'elle n'aurait plus rien à manger jusqu'au dîner. De toute façon, la douleur la gênait pas, car elle lui permettait au moins de ne plus penser ni à son père ni à la misérable nouvelle vie qu'elle menait depuis qu'il était parti.

A présent, le soleil franchissait tout juste les monts Alva à l'horizon et peignait en rose doré les nuages éparpillés au-dessus. Une douce brise soupirait dans les hautes herbes jaunes qui poussaient de chaque côté de la route. Ceres inspira le frais air matinal par le nez et se força à aller plus vite. Pour sa mère, ce ne serait pas une excuse acceptable de dire que leur source habituelle s'était tarie ou qu'il y avait une longue file d'attente à l'autre source qui se trouvait huit cent mètres plus loin. Effectivement, elle ne s'arrêta que quand elle atteignit le sommet de la colline et, quand elle y fut, elle s'arrêta sur place, abasourdie par ce qu'elle voyait devant elle.

Là-bas, au loin, se trouvait sa maison et, devant, il y avait un chariot en bronze. Sa mère se tenait devant le chariot et discutait avec un homme qui était si obèse que Ceres pensait qu'elle n'avait jamais vu d'homme qui fasse ne serait-ce que la moitié de sa taille. Il portait une tunique en lin bordeaux et un chapeau de soie rouge, et sa longue barbe était touffue et grise. Elle plissa les yeux en essayant de comprendre. Était-ce un marchand ?

Sa mère portait sa plus belle robe, une robe longue de lin vert qu'elle avait achetée des années auparavant avec l'argent qui était supposé servir à acheter de nouvelles chaussures à Ceres. Tout cela était absurde.

Avec hésitation, Ceres commença à descendre la colline. Elle gardait les yeux rivés sur eux et, quand elle vit le vieil homme tendre à sa mère un lourd sac de cuir et le visage émacié de sa mère s'illuminer, sa curiosité ne fit que s'accroître. Est-ce que la chance était venue frapper à leur porte ? Est-ce que Papa pourrait rentrer à la maison ? Ces pensées la calmèrent un peu, même si elle s'interdisait de ressentir aucune excitation que ce soit jusqu'à ce qu'elle ait appris tous les détails.

Quand Ceres s'approcha de leur maison, sa mère se tourna, lui sourit chaleureusement et Ceres sentit immédiatement l'inquiétude lui nouer l'estomac. La dernière fois que sa mère lui avait souri comme ça, avec les dents luisantes et les yeux brillants, Ceres avait eu droit à une flagellation.

“Ma chère fille”, dit sa mère sur un ton excessivement doux en ouvrant les bras vers elle avec un sourire qui figea le sang à Ceres.

“C'est donc elle ?” dit le vieil homme avec un sourire avide, écarquillant ses yeux noirs et perçants en regardant Ceres.

Maintenant qu'elle était proche, Ceres voyait toutes les rides sur la peau de l'homme obèse. Son nez large et aplati semblait lui envahir tout le visage et, quand il retira son chapeau, sa tête chauve et suante rougeoya dans la lumière du soleil.

Sa mère s'avança vers Ceres d'un pas désinvolte, lui prit les seaux et les posa sur l'herbe roussie. Ce geste suffit à confirmer à Ceres qu'il se passait quelque chose de vraiment grave. Une sensation de panique commença à lui monter dans la poitrine.

“Je vous présente ma fierté et ma joie, ma fille unique, Ceres”, dit sa mère en faisant semblant d'écraser une larme inexistante. “Ceres, je te présente Lord Blaku. Fais preuve de respect envers ton nouveau maître, je te prie.”

Une peur subite traversa la poitrine à Ceres. Elle inspira brusquement. Elle regarda sa mère qui, tournant le dos à Lord Blaku, lui adressa un sourire qui était le plus maléfique qu'elle ait jamais vu.

Maître ?” demanda Ceres.

“Pour sauver notre famille de la faillite et de l'embarras public, Lord Blaku a eu la bonté de nous proposer, à ton père et à moi, une offre généreuse : un sac d'or pour toi.”

“Quoi ?” dit Ceres d'une voix haletante en ayant l'impression de s'enfoncer dans la terre.

“Allez, sois la bonne fille que je sais que tu es et fais preuve de respect”, dit sa mère en avertissant Ceres du regard.

“Pas question”, dit Ceres en reculant d'un pas et en gonflant la poitrine. Elle se trouva idiote de n'avoir pas immédiatement compris que cet homme était un esclavagiste et qu'il voulait acheter sa vie.

“Jamais Papa ne me vendrait”, ajouta-t-elle en serrant les dents, sentant monter son horreur et son indignation.

Sa mère prit un air renfrogné et la saisit par le bras en lui enfonçant les ongles dans la peau.

“Si tu te tiens bien, ce homme te prendra peut-être comme épouse et, pour toi, c'est une très grande chance”, marmonna-t-elle.

Lord Blaku léchait ses lèvres minces et sèches pendant que ses yeux bouffis toisaient le corps de Ceres avec gourmandise. Comment sa mère pouvait-elle lui faire ça ? Elle savait que sa mère ne l'aimait pas autant que ses frères, mais de là à lui faire ça ?

“Marita”, dit-il d'une voix nasale. “Tu m'as dit que ta fille était belle mais tu as oublié de me dire que c'était une créature absolument superbe. Oserai-je le dire ? Je n'ai encore jamais vu de femme aux lèvres aussi ravissantes que les siennes, aux yeux aussi ardents et au corps aussi ferme et exquis.”

La mère de Ceres se plaça une main sur le cœur en soupirant et Ceres eut l'impression qu'elle allait vomir ici et maintenant. Elle serra les poings et arracha son bras à l'étreinte de sa mère.

“Peut-être aurais-je dû demander plus, si elle te plaît tant”, dit la mère de Ceres, baissant les yeux, désespérée. “Après tout, c'est notre fille unique adorée.”

“Je veux bien être généreux pour une telle beauté. Cinq autres pièces d'or suffiront-elles ?” demanda-t-il.

“Comme c'est généreux de votre part”, répondit la mère de Ceres.

Lord Blaku se dirigea tranquillement vers son chariot pour y prendre plus d'or.

“Papa n'acceptera jamais ça”, dit Ceres avec mépris.

La mère de Ceres avança d'un pas vers sa fille, menaçante.

“Oh, mais c'était l'idée de ton père”, dit sa mère d'un ton sec, les sourcils levés jusqu'au milieu du front. A présent, Ceres savait qu'elle mentait car, quand elle levait les sourcils comme ça, elle mentait toujours.

“Tu t'imagines vraiment que ton père t'aime plus qu'il ne m'aime ?” demanda sa mère.

Ceres cligna des yeux en se demandant ce que ça venait faire dans la conversation.

“Je ne pourrais jamais aimer une personne qui se croit supérieure à moi”, ajouta-t-elle.

“Tu ne m'as jamais aimée ?” demanda Ceres, dont la colère se transformait en désespoir.

L'or en main, Lord Blaku revint vers la mère de Ceres en se dandinant et le lui tendit.

“Ta fille vaut chacune de ces pièces”, dit-il. “Elle sera bonne épouse et m'offrira de nombreux fils.”

Ceres se mordit l'intérieur des lèvres et secoua la tête à plusieurs reprises.

“Lord Blaku viendra te chercher dans la matinée. Allez, rentre et fais tes bagages”, dit la mère de Ceres.

“Jamais !” cria Ceres.

“C'est ton problème depuis toujours, ma fille. Tu ne penses jamais qu'à toi. Cet or”, dit sa mère en faisant tinter la bourse devant le visage de Ceres, “fera vivre tes frères. Il assurera la cohésion de notre famille, nous permettra de rester dans maison et de la réparer. Tu n'as même pas pensé à ça ?”

L'espace d'un instant, Ceres se dit qu'elle était peut-être égoïste mais, ensuite, elle se rendit compte que sa mère cherchait encore à la manipuler, à se servir de l'amour de Ceres pour ses frères pour l'abuser.

“Ne vous inquiétez pas”, dit la mère de Ceres en se tournant vers Lord Blaku. “Ceres obéira. Si vous êtes ferme avec elle, elle deviendra douce comme un agneau.”

Jamais. Jamais elle ne serait l'épouse de cet homme ni la propriété de quiconque, et jamais elle ne permettrait à sa mère ou à qui que ce soit d'autre d'échanger sa vie contre cinquante-cinq pièces d'or.

“Jamais je n'irai avec cet esclavagiste”, dit Ceres d'un ton sec en le regardant avec dégoût.

“Fille ingrate !” hurla la mère de Ceres. “Si tu n'obéis pas, je te battrai si violemment que tu ne remarcheras plus jamais. Maintenant, rentre !”

L'idée de se faire battre par sa mère réveilla des souvenirs affreux et viscéraux et la ramena au moment terrible où, quand elle avait cinq ans, sa mère l'avait battue jusqu'à ce qu'elle perde connaissance. Les blessures de cette raclée avaient guéri, ainsi que beaucoup d'autres, mais les blessures au cœur de Ceres n'avaient jamais arrêté de saigner et, maintenant qu'elle savait sans le moindre doute que sa mère ne l'aimait pas et ne l'avait jamais aimée, elle sentait son cœur se fendre pour de bon.

Avant qu'elle puisse réagir, la mère de Ceres s'avança et la gifla si violemment au visage que son oreille se mit à siffler.

Tout d'abord, Ceres fut abasourdie par cette attaque soudaine et fut sur le point de céder mais, à ce moment-là, quelque chose se brisa en elle. Elle n'allait pas se permettre de battre en retraite comme elle l'avait toujours fait.

Ceres rendit sa gifle à sa mère. Elle la frappa si fort sur la joue que sa mère tomba par terre, le souffle coupé, horrifiée.

Toute rouge, sa mère se releva, saisit Ceres par l'épaule et les cheveux et lui envoya un coup de genou à l'estomac. Quand Ceres se courba en avant, ployée par la douleur, sa mère lui envoya un coup de genou au visage et la fit tomber par terre.

L'esclavagiste était resté regarder le spectacle, les yeux écarquillés. Visiblement ravi par cette bagarre, il gloussait.

Ceres toussait et haletait encore à cause de l'assaut. Elle se releva en trébuchant puis, avec un hurlement, elle se jeta vers sa mère et la précipita par terre.

Il faut en finir était l'unique pensée dont Ceres était capable. Toutes ces années sans amour, de traitement dédaigneux, nourrissaient sa rage. De ses points fermés, Ceres frappa le visage de sa mère à de nombreuses reprises. Des larmes de furie lui coulaient sur les joues et des sanglots incontrôlables s'échappaient de ses lèvres.

Finalement, sa mère ne bougea plus.

Les épaules de Ceres tremblaient à chaque cri et elle avait l'estomac noué. Aveuglée par les larmes, elle leva les yeux vers l'esclavagiste et le regarda avec une haine encore plus intense.

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