La Marche Des Rois - Морган Райс 3 стр.


Il regarda fixement Thor, bouche bée.

“Je ne sais comment te remercier”, dit Merek. “Je ne sais pas comment tu as fait ça, quoi que ce soit, ou qui que tu sois, ou quoi que tu sois, mais tu m'as sauvé la vie. A charge de revanche ! Et je prends ça au sérieux.”

“Tu ne me dois rien”, dit Thor.

“Faux”, dit Merek, qui tendit le bras et saisit l'avant-bras à Thor. “Tu es mon frère, maintenant. Et je te revaudrai ça. D'une façon ou une autre. Un de ces jours.”

Sur ces mots, Merek se retourna, se précipita par la porte ouverte de la cellule et courut dans le couloir, indifférent aux cris des autres prisonniers.

Thor vit le garde inconscient, la porte ouverte de la cellule et sut qu'il fallait qu'il réagisse, lui aussi. Les prisonniers criaient de plus en plus fort.

Thor sortit, regarda à gauche et à droite et décida de courir dans la direction opposée à celle de Merek. Après tout, comme ça, ils ne pourraient pas les attraper tous les deux à la fois.

CHAPITRE TROIS

Thor courut toute la nuit, traversa les rues chaotiques de la Cour du Roi, étonné par le chaos qui régnait autour de lui. Les rues étaient bondées, de grands groupes de gens se hâtaient dans tous les sens, agités. Beaucoup d'entre eux portaient des torches qui éclairaient la nuit en jetant des ombres crues sur les visages, pendant que les cloches du château sonnaient sans cesse. C'était une sonnerie grave, une par minute, et Thor savait ce que cela signifiait : la mort. Le tocsin. Et il n'y avait qu'une personne dans tout le royaume pour qui on pouvait sonner les cloches cette nuit : le roi.

Le cœur de Thor battait la chamade alors qu'il se demandait ce qui se passait. Le poignard de son rêve lui réapparut brusquement devant les yeux. Est-ce que son rêve s'était réalisé ?

Les gens savaient forcément. Il tendit le bras et attrapa un passant, un garçon qui courait dans l'autre direction.

“Où vas-tu ?” demanda Thor d'un ton autoritaire. “C'est quoi, tout ce désordre ?”

“T'es pas au courant ?” répliqua le garçon, affolé. “Notre roi se meurt ! Poignardé ! La foule s'amasse devant la Porte du Roi en essayant d'obtenir des nouvelles. Si c'est vrai, c'est terrible pour nous tous. T'imagines ? Une terre sans roi ?”

Sur ces mots, le garçon repoussa la main de Thor, se retourna et repartit dans la nuit en courant.

Thor resta là, le cœur battant la chamade, refusant de reconnaître la réalité de ce qui l'entourait. Ses rêves et ses prémonitions n'étaient pas que des fantaisies. Il avait vu l'avenir. Deux fois. Et ça l'effrayait. Ses pouvoirs étaient plus étendus qu'il ne l'avait soupçonné et semblaient s'accroître tous les jours. A quoi cela allait-il mener ?

Thor resta là en essayant de comprendre où il fallait qu'il aille ensuite. Il s'était échappé mais, maintenant, il ne savait pas où aller. Dans quelques moments, les gardes royaux, et probablement toute la Cour du Roi, seraient sûrement en train de le rechercher. Le fait que Thor se soit échappé lui donnerait l'air encore plus coupable. Cela dit, le fait que MacGil ait été poignardé pendant que Thor était en prison ne l'innocenterait-il pas ? Ou cela donnerait-il l'impression que Thor était membre d'une conspiration ?

Thor ne pouvait se permettre de prendre aucun risque. Il était clair qu'aucun sujet du royaume n'était d'humeur à écouter des propos rationnels. On aurait dit que tous les gens autour de lui voulaient du sang. Et il serait probablement le bouc émissaire. Il fallait qu'il trouve un abri, un endroit où attendre que les choses se tassent avant qu'il puisse blanchir son nom. L'endroit le plus sûr où aller, ce serait loin d'ici. Il fallait qu'il s'enfuie, qu'il se réfugie dans son village, ou même plus loin, aussi loin d'ici que possible.

Cependant, Thor ne voulait pas faire ce qu'il y avait de plus sûr; cela ne lui ressemblait pas. Il voulait rester ici pour blanchir son nom et conserver sa place dans la Légion. Il n'était pas un lâche et ne s'enfuyait jamais. Surtout, il voulait voir MacGil avant qu'il meure, en supposant qu'il était encore en vie. Il fallait qu'il le voie. Il se sentait gravement coupable de ne pas avoir réussi à arrêter l'assassinat. Pourquoi le destin l'avait-il forcé à assister à la mort du roi s'il ne pouvait rien y faire ? Et pourquoi l'avait-il vu se faire empoisonner alors qu'il avait en fait été poignardé ?

Alors que Thor restait là, indécis, l'idée lui vint : Reece. Reece était la seule personne qui serait sûre de ne pas le livrer aux autorités; peut-être même lui donnerait-il le refuge. Il sentait que Reece le croirait. Il savait que l'amour de Thor pour son père était sincère et, s'il y avait une personne susceptible d'avoir une chance de blanchir le nom de Thor, ce serait Reece. Il fallait qu'il le trouve.

Thor se mit à courir dans les ruelles, à aller çà et là contre le courant de la foule, à s'éloigner de la Porte du Roi pour aller vers le château. Il savait où se trouvaient les appartements de Reece : dans l'aile est, près du mur extérieur de la cité, et il espérait seulement que Reece serait chez lui. S'il y était, peut-être pourrait-il attirer son attention et lui demander de l'aider à s'introduire dans le château. Avec un serrement au cœur, Thor se dit que s'il s'attardait ici, dans les rues, il serait bientôt reconnu. Et quand cette meute le reconnaîtrait, elle le taillerait en pièces.

A force de parcourir rue après rue, glissant dans la boue de la nuit d'été, il finit par atteindre le mur de pierre des remparts extérieurs. Il les longea de près en courant, juste sous les yeux des soldats vigilants qui se tenaient tous les quelques mètres.

Quand il se rapprocha de la fenêtre de Reece, il baissa le bras et ramassa un caillou lisse. Heureusement, le gardien avait oublié de lui enlever sa bonne vieille fronde. Il la détacha de sa taille, mit la pierre à place et tira.

Thor visa parfaitement et envoya la pierre par dessus le mur du château. La pierre entra sans problème par la fenêtre ouverte de la chambre de Reece. Thor l'entendit claquer contre le mur intérieur, puis attendit, se baissant vivement le long du mur pour ne pas se faire repérer par les gardes du Roi qui avaient tressailli en entendant le bruit.

Rien n'arriva pendant plusieurs moments, et Thor se découragea, se demanda si Reece n'était finalement pas dans sa chambre. S'il n'y était pas, Thor serait obligé de fuir cet endroit; il n'avait aucun autre moyen de trouver un refuge. Il retint sa respiration, le cœur battant la chamade pendant qu'il attendait et surveillait l'ouverture de la fenêtre de Reece.

Au bout de ce qui sembla être une éternité, Thor était sur le point de s'en aller quand il vit une silhouette pencher la tête par la fenêtre, poser les deux mains sur le rebord de la fenêtre et regarder aux alentours avec une expression perplexe.

Thor se leva, s'éloigna du mur de plusieurs pas et agita un bras bien haut.

Reece regarda vers le bas et le remarqua. Le visage de Reece s'éclaira quand il le reconnut, visible même d'ici dans la lumière émise par les torches, et Thor eut le soulagement de voir la joie se dessiner sur son visage. Cela lui disait tout ce qu'il avait besoin de savoir : Reece ne le dénoncerait pas.

Reece lui fit signe d'attendre. Thor repartit précipitamment vers le mur et s'accroupit bas juste au moment où un garde se retournait dans sa direction.

Thor attendit un temps indéterminé, prêt à fuir les gardes à n'importe quel moment, jusqu'à ce que Reece finisse par apparaître. Il sortit précipitamment par une porte du mur extérieur, respirant avec difficulté, et regarda à gauche et à droite jusqu'à ce qu'il repère Thor.

Reece se précipita vers lui et le prit dans ses bras. Thor débordait de joie. Il entendit un glapissement, regarda vers le bas et vit, à son grand plaisir, Krohn, qui était engoncé dans la chemise de Reece. Krohn bondit presque hors de la chemise de Reece quand ce dernier baissa la main et le tendit à Thor.

Krohn, le léopard blanc que Thor avait sauvé il fut un temps et qui n'avait pas arrêté de grandir depuis, bondit dans les bras de Thor et Thor le serra contre lui pendant qu'il gémissait, glapissait et lui léchait le visage.

Reece sourit.

“Quand ils t'ont emmené, il a essayé de te suivre et je l'ai pris pour m'assurer qu'il soit en sécurité.”

Thor serra l'avant-bras de Reece pour montrer son appréciation. Ensuite, comme Krohn ne cessait de le lécher, il rit.

“Toi aussi, mon garçon, tu m'as manqué !” dit Thor en riant et en l'embrassant à son tour. “Maintenant, calme-toi ou les gardes vont nous entendre.”

Krohn se calma, comme s'il comprenait.

“Comment t'es-tu échappé ?” demanda Reece, surpris.

Thor haussa les épaules. Il ne savait pas vraiment quoi dire. Il avait encore du mal à parler de ses pouvoirs, qu'il ne comprenait pas. Il ne voulait pas que les autres le considèrent comme une sorte de bête curieuse.

“J'imagine que j'ai eu de la chance”, répondit-il. “J'ai vu une occasion et je l'ai saisie.”

“Je suis étonné que la foule ne t'ait pas taillé en pièces”, dit Reece.

“Il fait sombre”, dit Thor. “Je ne crois pas qu'on m'ait reconnu. Du moins, pas encore.”

“Sais-tu que chaque soldat du royaume te recherche ? Sais-tu que mon père a été poignardé ?”

Thor hocha gravement la tête. “Est-ce qu'il va bien ?”

Reece s'assombrit.

“Non”, répondit-il sombrement. “Il est mourant.”

Thor se sentit anéanti, comme si cela avait été son propre père.

“Tu sais que je n'avais rien à y voir, n'est-ce pas ?” demanda Thor, plein d'espoir. Il n'avait que faire de ce que pensaient les autres mais il avait besoin que son meilleur ami, le fils cadet de MacGil, sache qu'il était innocent.

“Bien sûr”, dit Reece. “Sinon, je ne serais pas ici.”

Thor sentit une vague de soulagement le submerger et serra l'épaule de Reece avec reconnaissance.

“Cela dit, le reste du royaume ne te fera pas autant confiance que moi”, ajouta Reece. “L'endroit le plus sûr pour toi, c'est loin d' ici. Je vais te donner mon cheval le plus rapide, un paquet de victuailles et t'envoyer loin d'ici. Il faut que tu te caches jusqu'à ce que tout ça se tasse, jusqu'à ce qu'ils trouvent le vrai meurtrier. Pour l'instant, personne n'a les idées claires.”

Thor secoua la tête.

“Je ne peux pas partir”, dit-il. “Cela me donnerait l'air coupable. Il faut que les autres sachent que je n'ai pas fait ça. Je ne peux pas fuir mes ennuis. Je dois blanchir mon nom.”

Reece secoua la tête.

“Si tu restes ici, ils te trouveront. Tu seras emprisonné une fois de plus, puis exécuté, si la foule ne te tue pas en premier.”

“C'est un risque que je dois prendre”, dit Thor.

Reece le regarda longtemps et fixement, et sa préoccupation se changea en admiration. Finalement, il hocha lentement la tête.

“Tu es fier. Et stupide. Très stupide. C'est pour ça que je t'apprécie.”

Reece sourit. Thor lui sourit en retour.

“Il faut que je voie ton père”, dit Thor. “Il faut que j'aie une chance de lui expliquer, face à face, que ce n'était pas moi, que je n'avais rien à y voir. S'il décide de me condamner, alors, qu'il le fasse, mais il faut que j'aie une chance. Je veux qu'il sache. C'est tout ce que je te demande.”

Reece regarda Thor avec sérieux pour comprendre son ami. Finalement, après ce qui sembla être une éternité, il hocha la tête.

“Je peux t'emmener à lui. Je connais un chemin détourné. Il mène à sa chambre. C'est risqué et, quand tu seras à l'intérieur, tu devras te débrouiller seul. Il n'y a pas de sortie. A ce moment-là, je ne pourrai pas t'aider. Cela pourrait signer ton arrêt de mort. Es-tu sûr que tu veux prendre ce risque ?”

Thor répondit d'un hochement de tête avec une extrême gravité.

“Bon, très bien”, dit Reece, et soudain, il baissa le bras et jeta un manteau à Thor.

Thor l'attrapa et le regarda, surpris; il se rendit compte que Reece avait dû prévoir ça dès le début.

Reece sourit quand Thor leva les yeux.

“Je savais que tu serais assez idiot pour vouloir rester. Je n'en attendais pas moins de mon meilleur ami.”

CHAPITRE QUATRE

Gareth arpentait sa chambre, revivant les événements de la nuit, submergé d'angoisse. Il n'arrivait pas à croire ce qui s'était passé au festin, comment tout avait pu se passer si mal. Il ne comprenait pas comment ce stupide garçon, ce marginal de Thor, avait d'une façon ou d'une autre découvert son intrigue visant à empoisonner le roi, et, pire encore, avait même réussi à intercepter la coupe. Gareth se remémora le moment où il avait vu Thor bondir, renverser la coupe, où il avait entendu la coupe frapper la pierre, regardé le vin se répandre par terre et vu tous ses rêves et ses aspirations partir à vau-l’eau en même temps.

A ce moment, Gareth avait tout perdu. Tout ce pour quoi il avait vécu avait été détruit. Et quand ce chien avait lapé le vin et était tombé raide mort, il avait su qu'il était perdu. Il avait vu toute sa vie lui repasser devant les yeux en accéléré, s'était vu découvert, condamné à passer le restant de ses jours au cachot pour avoir essayé de tuer son père. Ou, pire encore, exécuté. C'était stupide. Il n'aurait jamais dû mettre le plan à exécution, il n'aurait jamais dû rendre visite à cette sorcière.

Au moins, Gareth avait agi promptement. Il avait pris un risque, bondi et avait été le premier à rejeter la faute sur Thor. En y repensant, il était fier de lui-même, de la vitesse à laquelle il avait réagi. Cela avait été un moment d'inspiration et, à sa grande surprise, cela avait semblé marcher. Ils avaient emporté Thor et, par la suite, le festin s'était presque apaisé. Bien sûr, rien n'était plus pareil après ça mais, du moins, les gens avaient semblé penser que le garçon était assurément le coupable.

Gareth priait seulement pour que cet état d'esprit perdure. Il n'y avait pas eu de tentative d'assassinat sur un MacGil depuis des décennies, et Gareth craignait qu'il n'y ait une enquête, qu'ils finissent par s'intéresser à cet acte de plus près. En y repensant, cela avait été stupide d'essayer d'empoisonner le roi. Son père était invincible. Gareth aurait dû le savoir. Il était allé trop loin, et maintenant, il ne pouvait s'empêcher d'avoir l'impression que ce n'était qu'une affaire de temps avant qu'on en vienne à le soupçonner, lui. Il serait obligé de faire tout son possible pour prouver la culpabilité de Thor et pour le faire exécuter avant qu'il ne soit trop tard.

Au moins, Gareth s'était quelque peu racheté : après l'échec de cette tentative, il avait annulé l'assassinat. Maintenant, Gareth se sentait soulagé. Après avoir assisté à l'échec de l'intrigue, il s'était rendu compte qu'il y avait une partie de lui-même, au plus profond de lui-même, qui ne voulait pas tuer son père après tout, ne voulait pas avoir son sang sur les mains. Il ne serait pas roi. Il était bien possible qu'il ne devienne jamais roi. Cependant, après les événements de ce soir, l'idée lui plaisait bien. Au moins, il serait libre. Il ne revivrait jamais tout ça, les secrets, la dissimulation, la peur permanente d'être découvert, car il ne pourrait jamais en supporter le stress. C'était trop pour lui.

La nuit s'avançait et, à force de faire les cent pas, finalement, lentement, il commença à se calmer. Juste au moment où il commençait à se remettre et se préparait à aller se coucher, il y eut un fracas soudain. Il se retourna et vit sa porte s'ouvrir brusquement. Firth rentra brusquement, les yeux écarquillés, affolé, et se précipita dans la pièce comme si on le poursuivait.

“Il est mort !” cria Firth. “Il est mort ! Je l'ai tué. Il est mort !”

Firth était hystérique, il hurlait et Gareth ne savait pas de quoi il parlait. Était-il ivre ?

Firth courait partout dans la pièce, hurlait, pleurait, levait les mains, et c'est à ce moment que Gareth remarqua que ses paumes étaient couvertes de sang et sa tunique jaune tâchée de rouge.

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