Chevalier, Héritier, Prince - Морган Райс 5 стр.


“Ça ira”, dit Thanos.

Quand il s'avança à l'intérieur, le roi l'attendait. Le Roi Claudius s'appuyait sur une épée dont la garde formait les tentacules d'un kraken qui se contorsionnait. Elle lui arrivait presque au niveau de la poitrine et Thanos était sûr que sa lame était tranchante comme un rasoir. Thanos entendit la porte se refermer derrière lui avec un clic.

“Lucious m'a dit ce que tu as fait”, dit le roi.

“Je suis sûr qu'il est venu vous voir à toute vitesse”, répondit Thanos. “Vous a-t-il aussi dit ce qu'il faisait à ce moment-là ?”

“Il faisait ce qu'on lui avait ordonné de faire”, répondit sèchement le roi, “afin de mater la rébellion. Et toi, tu es parti l'attaquer. Tu as tué ses hommes. Il dit que tu l'avais vaincu par la ruse et que tu l'aurais tué lui aussi si Stephania n'était pas intervenue.”

“En quoi le massacre des villageois aide-t-il la rébellion ?” répliqua Thanos.

“Tu t'intéresses plus aux paysans qu'à tes propres actions”, dit le Roi Claudius. Il souleva l'épée qu'il tenait comme pour la soupeser. “Attaquer le fils du roi, c'est de la trahison.”

“Je suis le fils du roi”, lui rappela Thanos. “Vous n'avez pas fait exécuter Lucious quand il a essayé de me faire assassiner.”

“C'est uniquement grâce à cela que tu es encore en vie”, répondit le Roi Claudius. “Tu es mon fils mais Lucious l'est aussi. Tu n'as pas le droit de le menacer.”

Alors, la colère monta en Thanos. “Apparemment, je n'ai aucun droit. On ne reconnaît même pas qui je suis.”

Dans un coin de la pièce, il y avait des statues qui représentaient les ancêtres célèbres de la lignée royale. Ils n'étaient pas mis en valeur. En fait, ils étaient presque cachés, comme si le roi ne voulait pas qu'on lui rappelle leur existence. Cependant, Thanos les montra du doigt.

“Lucious peut regarder ces statues et affirmer que sa légitimité remonte à l'époque de la création de l'Empire”, dit-il. “Il peut revendiquer les droits de tous ceux qui ont conquis le trône quand les Anciens ont quitté Delos. Et moi, j'ai quoi ? De vagues rumeurs sur mon origine ? Des images à moitié oubliées de parents qui pourraient être des illusions ?”

Le Roi Claudius se rendit fièrement à son grand fauteuil. Il s'assit et tint son épée tout contre ses genoux.

“Tu as une place honorable à la cour”, dit-il.

“Une place honorable à la cour ?” répondit Thanos. “J'ai une place de prince de rechange dont personne ne veut. Même si Lucious a essayé de me faire assassiner sur Haylon, c'est quand même vous et personne d'autre qui m'y avez envoyé.”

“Il faut mater la rébellion où qu'elle se trouve”, répliqua le roi. Thanos le vit glisser le pouce le long du tranchant de l'épée qu'il tenait. “Il fallait que tu l’apprennes.”

“Oh, j'ai appris”, dit Thanos en traversant la pièce pour aller se placer devant son père. “J'ai appris que vous préféreriez vous débarrasser de moi que me reconnaître. Je suis votre fils aîné. Selon les lois du royaume, je devrais être votre héritier. Le fils aîné est l'héritier depuis les premiers jours de Delos.”

“Le fils aîné qui survit”, dit tranquillement le roi. “Penses-tu que tu aurais survécu si ça s'était su ?”

“Ne prétendez pas que vous me protégiez”, répondit Thanos. “C'est vous-même que vous protégiez.”

“C'est mieux que perdre son temps à se battre pour des gens qui le méritent même pas”, dit le roi. “Sais-tu quelle impression ça donne quand tu protèges des paysans qui devraient connaître leur rang ?”

“Il faudrait que quelqu'un s'occupe d'eux !” cria Thanos. Il ne pouvait plus s'empêcher d'élever la voix, puisque cela semblait être le seul moyen de se faire comprendre par son père. Peut-être que, s'il pouvait lui faire comprendre, alors, l'Empire pourrait finalement évoluer dans un sens positif. “ Il faudrait que leurs souverains ne soient pas des ennemis dont le but est de les tuer mais des gens dignes de respect. Il faudrait que leur vie signifie quelque chose pour nous, alors que nous nous en débarrassons tout en nous adonnant à des soirées luxueuses !”

Quand Thanos se tut, le roi resta silencieux très longtemps. Thanos vit la furie qui luisait dans ses yeux. Aucun problème. Elle était presque l'égale de la colère que ressentait Thanos.

“A genoux !” dit finalement le Roi Claudius.

Thanos n'hésita qu'une seconde mais, visiblement, c'était bien assez.

“A genoux !!” hurla le roi. “Ou veux-tu que je demande qu'on t'y oblige ? Je suis quand même le roi, ici !”

Thanos s'agenouilla sur le sol dur en pierre devant le fauteuil du roi. Il vit le roi lever l'épée qu'il tenait avec difficulté, comme s'il ne l'avait pas fait depuis longtemps.

Thanos pensa à l'épée qu'il portait au flanc. Il savait sans le moindre doute que, si la situation dégénérait en bataille entre lui et le roi, il gagnerait. Il était plus jeune, plus fort et s'était entraîné avec les meilleurs maîtres du Stade. Cependant, cela reviendrait à tuer son père. Pire encore, ce serait vraiment de la trahison.

“J'ai appris beaucoup de choses dans ma vie”, dit le roi pendant que l'épée restait sur l'épaule de Thanos, prête. “Quand j'avais ton âge, j'étais comme toi. J'étais jeune, j'étais fort. Je me battais, et je me battais bien. J'ai tué des hommes à la guerre et dans des duels au Stade. J'ai essayé de me battre pour tout ce que je pensais être juste.”

“Que vous est-il arrivé ?” demanda Thanos.

Le roi retroussa une lèvre, méprisant. “J'ai mûri. J'ai appris que, si tu laisses faire le peuple, il ne vient pas t'élever comme un seul homme. Il essaie plutôt de t'anéantir. J'ai essayé de faire preuve de compassion et, en vérité, la compassion n'est que de la stupidité. Si un homme s'élève contre toi, alors, tu le détruis parce que, si tu ne le fais pas, c'est lui qui te détruit.”

“Ou on en fait son ami,” dit Thanos, “et il nous aide à améliorer les choses.”

“Ami ?” demanda le Roi Claudius en levant un peu plus son épée. “Les hommes de pouvoir n'ont pas d'amis. Ils ont des alliés, des domestiques et une suite, mais ne t'imagine pas un seul moment qu'ils ne se dresseront pas contre toi. Un homme sensé les force à rester à leur place ou les voit se dresser contre lui.”

“Le peuple mérite mieux que ça”, insista Thanos.

“Tu penses que l'on obtient ce qu'on mérite ?” hurla le Roi Claudius. “On obtient ce qu'on prend ! Tu parles comme si tu croyais que le peuple est notre égal. Il ne l'est pas. Dès notre naissance, on nous élève pour les gouverner. Nous sommes plus éduqués, plus forts, meilleurs dans tous les domaines. Si, toi, tu veux installer les porchers dans les châteaux, à côté de chez toi, moi, je veux leur montrer qu'ils doivent rester dans leur porcherie. Lucious le comprend, lui.”

“Lucious ne comprend que la cruauté”, dit Thanos.

“Et c'est par la cruauté qu'il faut gouverner !”

Alors, Thanos vit le roi abattre l'épée. Il aurait peut-être pu l'éviter. Il aurait peut-être même pu tenter de se saisir de sa propre épée. Au lieu de ça, il resta agenouillé là et regarda l'épée s'abattre vers sa gorge, observa la trajectoire de l'acier dans la lumière du soleil.

La lame s'arrêta juste avant de lui couper la gorge, mais de peu. Thanos sentit le tranchant de la lame lui piquer la chair mais il ne réagit pas, même s'il en avait fortement envie.

“Tu n'as pas tressailli”, dit le Roi Claudius. “Tu as tout juste cligné des yeux. Lucious aurait tressailli. Il aurait probablement prié pour qu'on lui épargne la vie. C'est là son point faible. Cela dit, Lucious a la force de faire le nécessaire pour perpétuer notre pouvoir. C'est pour ça qu'il est mon héritier. Tant que tu ne parviendras pas à arracher cette faiblesse de ton cœur, je ne te reconnaîtrai pas. Je ne dirai pas que tu es mon enfant. Et si tu attaques mon fils reconnu une fois de plus, je te décapiterai. Tu comprends ?”

Thanos se releva. Il en avait assez de s'agenouiller devant cet homme. “Je comprends, Père. Je vous comprends parfaitement.”

Il se retourna et marcha vers les portes sans attendre la permission de le faire. Qu'est-ce que son père pouvait faire ? Le rappeler serait un signe de faiblesse. Thanos sortit. Stephania l'attendait. On aurait dit qu'elle avait fait semblant d'être calme pour ne pas paraître faible devant les gardes du corps, mais, dès que Thanos sortit, elle se précipita vers lui.

“Tu vas bien ?” demanda Stephania en levant une main vers sa joue. Quand elle la baissa, Thanos vit qu'elle était tachée de sang. “Thanos, tu saignes !”

“Ce n'est qu'une égratignure”, lui assura Thanos. “J'ai probablement récolté pire lors du combat avec Lucious.”

“Que s'est-il passé là-dedans ?” demanda-t-elle.

Thanos se força à sourire mais le résultat fut plus crispé qu'il ne l'aurait voulu. “Sa majesté a choisi de me rappeler que, bien que je sois prince, je vaux moins que Lucious à ses yeux.”

Stephania lui posa les mains sur les épaules. “Je te l'ai déjà dit, Thanos. Il ne fallait pas faire ça. Tu ne peux pas prendre de tels risques. Il faut que tu me promettes de me faire confiance et de ne plus jamais refaire une telle bêtise. Promets-le moi.”

Il hocha la tête.

“Pour toi, mon amour, je le promets.”

Il le disait sérieusement. Aller affronter Lucious comme ça, à visage découvert, ce n'était pas la bonne stratégie parce que ça ne pouvait pas donner de résultat suffisant. Le problème, ce n'était pas Lucious, c'était l'Empire tout entier. Il avait brièvement cru qu'il pourrait peut-être persuader le roi de faire évoluer la situation mais, en vérité, son père ne voulait pas que la situation évolue.

Non. A présent, la seule chose à faire était de trouver des moyens d'aider la rébellion. Pas seulement les rebelles de Haylon mais tous les rebelles. Seul, Thanos ne pourrait pas accomplir grand chose mais, ensemble, ils arriveraient peut-être à renverser l'Empire.

CHAPITRE SIX

Sur l'Île Au-Delà du Brouillard, partout où Ceres regardait, elle voyait des choses qui la forçaient à s'arrêter et à contempler leur étrange beauté. Des faucons aux plumes aux couleurs de l'arc-en-ciel décrivaient des cercles en chassant leurs proies qui couraient à terre, mais, à leur tour, ils se faisaient chasser par un serpent ailé qui finit par s'installer sur une flèche de marbre blanc.

Elle marchait sur l'herbe émeraude de l'île et avait l'impression de savoir exactement où il fallait qu'elle aille. Dans sa vision, elle s'était vue là-bas, au sommet de la colline qui s'élevait au loin, où des tours aux couleurs de l'arc-en-ciel dépassaient comme les piquants d'un grand et mystérieux animal.

Des fleurs poussaient sur la montée qui conduisait à la colline et Ceres se baissa pour les toucher. Cependant, quand elle les effleura des doigts, elle constata que leurs pétales étaient en pierre fine comme du papier. Quelqu'un les avait-il sculptées aussi finement ou étaient-elles, d'une façon ou d'une autre, en roche vivante ? Le seul fait de pouvoir imaginer cette possibilité lui montrait que cet endroit était vraiment très étrange.

Ceres continua de marcher et vers l'endroit où elle savait, où elle espérait, que sa mère serait en train de l'attendre.

Elle atteignit les pentes inférieures de la colline et commença l'ascension. Autour d'elle, l'île était pleine de vie. Des abeilles bourdonnaient dans l'herbe basse. Une créature ressemblant à un cerf mais avec des dents de cristal à la place des bois regarda longtemps Ceres avant de s'enfuir d'un bond.

Pourtant, malgré les bâtiments qui parsemaient le paysage autour d'elle, elle ne voyait personne sur cette île. Les bâtiments les plus proches de Ceres lui semblaient vides et immaculés, comme une pièce que l'on n'avait quittée que quelques instants auparavant. Ceres continua de monter vers le sommet de la colline, vers l'endroit où les tours formaient un cercle autour d'une large zone herbeuse et lui offraient une vue sur tout le reste de l'île si elle regardait entre elles.

Pourtant, elle ne regarda pas dans cette direction. Au lieu de ça, Ceres se mit à regarder au centre du cercle, où une silhouette solitaire se tenait, vêtue d'une robe blanc pur. Contrairement à sa vision, la silhouette n'était ni trouble ni floue. Elle était là, aussi nette et réelle que Ceres elle-même. Ceres s'avança presque assez près pour la toucher. Ce ne pouvait être qu'une seule personne.

“Mère ?”

“Ceres.”

La silhouette en robe se lança en avant au même moment que Ceres et, quand elles se rencontrèrent, elles se serrèrent l'une contre l'autre avec une violence qui semblait exprimer toutes les choses que Ceres ne savait pas comment dire : l'impatience avec laquelle elle avait attendu ce moment, à quel point elle l'aimait, à quel point elle était étonnée de rencontrer en chair et en os la femme qu'elle n'avait rencontrée que dans une vision.

“Je savais que tu viendrais”, dit la femme, sa mère, en reculant, “mais, même en le sachant, c'est tellement différent de te voir en chair et en os.”

Alors, elle retroussa la capuche de sa robe et il sembla presque impossible que cette femme puisse être sa mère. Sa sœur, peut-être, parce qu'elle avait les mêmes cheveux et les mêmes traits. Pour Ceres, c'était presque comme si elle se regardait dans un miroir. Cette femme avait l'air trop jeune pour être sa mère.

“Je ne comprends pas”, dit Ceres. “Tu es bien ma mère ?”

“Je le suis.” Elle tendit les bras et serra Ceres contre elle une fois de plus. “Je sais que ça doit avoir l'air étrange, mais c'est vrai. Mon espèce peut vivre longtemps. Je m'appelle Lycine.”

Un nom. Ceres avait finalement un nom pour sa mère. D'une façon ou d'une autre, cela comptait plus que tout le reste. Ça suffisait à donner sens à son voyage. Elle aurait voulu rester là à contempler sa mère pour toujours. Cela dit, elle avait quand même des questions à lui poser. Elle en avait tellement qu'elles sortirent à toute vitesse.

“Quel est cet endroit ?” demanda-t-elle. “Pourquoi es-tu toute seule ici ? Attends, que veux-tu dire par ‘mon espèce’ ?”

Lycine sourit et s'assit dans l'herbe. Ceres la rejoignit et, quand elle s'assit, elle se rendit compte que ce n'était pas que de l'herbe. Sous l'herbe, elle vit des fragments de pierre qui formaient une mosaïque depuis longtemps recouverte par la prairie qui les entourait.

“Il est difficile de répondre à toutes tes questions”, dit Lycine, “surtout si on tient compte du fait que j'ai moi aussi des quantités de questions à te poser sur toi, sur ta vie. Sur tout, Ceres. Cela dit, je vais essayer. Et si on le faisait à l'ancienne ? Une question chacune à tour de rôle ?”

Ceres ne savait pas quoi répondre à cela, mais il semblait que sa mère n'en ait pas encore fini.

“Est-ce qu'on raconte encore les histoires des Anciens dans ton monde ?”

“Oui”, dit Ceres. Elle avait toujours accordé plus d'attention aux histoires des seigneurs de guerre et de leurs exploits au Stade, mais elle en connaissait quelques-unes qui portaient sur les Anciens : ceux qui étaient arrivés avant l'humanité, qui ressemblaient parfois aux hommes et semblaient parfois être bien plus, qui avaient bâti tant de choses puis les avaient perdues. “Attends, veux-tu dire que tu fais —”

“Partie des Anciens, oui”, répondit Lycine. “C'était un de nos lieux d'habitation, avant que … bon, il y a des choses dont il vaut mieux ne pas encore parler. De plus, tu me dois une réponse. Donc, dis-moi comment a été ta vie. Je ne pouvais pas être à tes côtés, mais j'ai passé beaucoup de temps à essayer d'imaginer comment tu vivais.”

Ceres fit de son mieux, même si elle ne savait pas où commencer. Elle dit à Lycine qu'elle avait grandi à la forge de son père, lui parla de ses frères. Elle lui parla de la rébellion et du Stade. Les noms de Rexus et de Thanos sortirent étouffés et fracturés mais elle arriva quand même à lui parler d'eux.

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