Souverain, Rivale, Exilée - Морган Райс 3 стр.


Ceres souleva l'épée qu'elle avait retirée d'Akila. Elle était tellement grande que Ceres avait peine à la soulever mais, si leurs poursuivants venaient les chercher, ils ne tarderaient pas à constater qu'elle savait très bien s'en servir. Peut-être aurait-elle même l'occasion de la rendre un jour à son propriétaire, en la plantant dans le cœur de la Première Pierre.

Cela dit, pour l'instant, ils ne pouvaient pas se permettre de se battre. Cela montrerait qu'ils étaient étrangers et tous les bateaux qui les entouraient s'abattraient sur eux. Ceres préféra attendre, sentant la tension pendant qu'ils passaient discrètement le long des diverses barges de débarquement, le long des épaves des navires brûlés et le long des bateaux où il se produisait pire encore. Ceres vit des bateaux où l'on marquait les gens comme du bétail, en vit un où deux hommes étaient en train de se battre jusqu'à la mort pendant que des marins les encourageaient avec moult cris, en vit un où —

“Ceres, regarde”, dit Thanos en montrant du doigt un navire qui se trouvait près d'eux.

Ceres regarda et ce ne fut qu'un exemple de plus de l'horreur qui les entourait. Une femme d'étrange apparence, le visage couvert de ce qui semblait être de la cendre, avait été attachée à la proue d'un navire comme une figure de proue. Deux soldats équipés de fouets se relayaient pour la frapper, l'écorcher vive lentement.

“Nous ne pouvons rien y faire”, dit le père de Ceres. “Nous ne pouvons pas tous les affronter.”

Ceres comprenait son point de vue mais, malgré cela, elle n'aimait pas l'idée de rester inactive pendant que quelqu'un se faisait torturer.

“Mais c'est Jeva”, répondit Thanos. Il vit que Ceres ne comprenait pas de qui il parlait. “Elle m'a emmenée chez le Peuple des Os, qui a attaqué la flotte de Felldust pour que je puisse m'introduire dans la ville. Ce qui lui arrive, c'est ma faute.”

En entendant ces paroles, Ceres sentit son cœur se serrer dans sa poitrine, parce que Thanos n'était revenu à Delos que pour elle.

“Certes”, dit son père, “mais si on essaie de l'aider, on se mettra tous en danger.”

Ceres entendait ce qu'il disait mais elle voulait quand même aller aider la femme mystérieuse. Quant à Thanos, il semblait avoir une étape d'avance sur elle.

“Il faut qu'on l'aide”, dit Thanos. “Je suis désolé.”

Le père de Ceres tendit le bras pour saisir Thanos mais ce dernier était trop rapide. Il plongea dans l'eau et nagea vers le navire, apparemment sans tenir compte de la menace des prédateurs qui, quels qu'ils soient, se trouvaient sous l'eau. Ceres prit un moment pour réfléchir au danger que représentait cette traversée à la nage … puis elle se jeta dans l'eau après lui.

Il était dur de nager en tenant fermement la grande épée qu'elle avait volée mais, à ce moment-là, il fallait qu'elle garde toutes les armes qu'elle pouvait se procurer. Elle traversa le froid des vagues en espérant que les requins étaient déjà rassasiés grâce à la bataille et qu'elle n'allait pas se faire tuer par toutes les saletés que tant de navires jetaient par-dessus bord. Ses mains se refermèrent sur les cordes de la galère amarrée et elle commença à grimper.

C'était dur. Le flanc du navire était glissant et il aurait été difficile de grimper aux cordes même si Ceres n'avait pas été épuisée par les jours de tourments que Stephania lui avait infligés. D'une façon ou d'une autre, elle réussit à se hisser sur le pont, lançant la grande épée devant elle comme un plongeur aurait pu jeter un filet de palourdes.

Elle se releva à temps pour voir un marin se précipiter vers elle.

Ceres ramassa son épée volée des deux mains, frappa puis la retira. Elle lui fit décrire un arc, décapitant le marin, puis chercha la menace suivante. Comme Thanos se battait déjà contre un des marins qui avait attaqué la femme du Peuple des Os, Ceres courut à son aide. Elle donna un coup tranchant au dos du marin et Thanos jeta l'homme mourant sur le marin qui vint les attaquer juste après.

“Libère-la”, dit Ceres. “Je les retiens.”

Elle fit décrire des arcs à son épée, tenant les marins à distance pendant que Thanos s'efforçait de libérer Jeva. De près, elle avait l'air encore plus étrange que de loin. Sa peau sombre et douce était décorée de tourbillons qui recouvraient son crâne rasé comme des panaches de fumée. Des fragments d'os décoraient ses vêtements en soie autrement satinés tandis que ses yeux affrontaient son épreuve en lui lançant des éclairs de défi.

Ceres n'eut pas le temps de regarder Thanos la libérer de ses liens parce qu'elle devait repousser les marins sans se laisser distraire. L'un lui envoya un coup de sa hache, la balançant par-dessus son épaule. Ceres entra dans l'espace créé par son balancement, envoya un coup en lui passant devant puis fit décrire un cercle à l'épée pour repousser les autres. Elle transperça la jambe à un homme puis donna un coup de pied vers le haut qui l'atteignit sous la mâchoire.

“Je l'ai”, dit Thanos et, quand Ceres jeta un coup d’œil en arrière, il avait effectivement libéré la femme du Peuple des Os … qui passa habilement près de Ceres pour arracher un couteau à un homme mort.

Elle s'introduisit dans la foule de marins comme une tornade, tranchant et tuant. Ceres jeta un regard à Thanos puis alla rejoindre la femme qu'ils étaient censés sauver en essayant de ne pas se laisser distancier par elle. Elle vit Thanos parer un coup d'épée puis rendre le coup, mais elle eut elle-même un coup à détourner à ce moment.

Ils combattirent ensemble, tous les trois, changeant de place comme les participants d'une sorte de danse formelle où l'on semblait ne jamais manquer de partenaires. La différence, c'était que ces partenaires-là étaient armés et que la moindre erreur signifiait la mort.

Les ennemis se battaient intensément et Ceres les défiait d'un cri quand ils l'attaquaient. Elle trancha et bougea et trancha à nouveau, voyant Thanos se battre avec la force sans concession d'un noble tandis que la femme du Peuple des Os qui combattait à côté de lui envoyait plus de coups qu'on ne pouvait en voir, brutale et agressive.

Alors, les seigneurs de guerre arrivèrent et Ceres comprit qu'il était temps de partir.

“On plonge !” hurla-t-elle, courant vers le bastingage.

Elle plongea et, quand elle heurta à nouveau la surface de l'eau, elle en ressentit le froid. Elle nagea en se dirigeant vers le bateau puis se hissa par-dessus le flanc. Son père la tira à bord puis elle aida les autres un par un.

“Qu'est-ce que tu t'imaginais ?” demanda son père quand ils atteignirent le pont.

“Je m'imaginais que je ne pouvais pas rester inactif”, répondit Thanos.

Ceres aurait voulu contester la décision de Thanos mais savait qu'elle faisait partie de son identité, de ce qu'elle aimait en lui.

“Stupide”, disait la femme du Peuple des Os en souriant. “Merveilleusement stupide. Merci.”

Ceres se tourna et regarda les bateaux qui étaient les plus proches d'eux. Ils étaient tous en armes, maintenant; une grande proportion des marins qui se trouvaient à bord se dépêchaient d'aller chercher des armes. Une flèche frappa l'eau près d'eux, puis une autre.

“Ramez !” hurla-t-elle aux seigneurs de guerre, mais où pouvaient-ils les emmener ? Elle voyait déjà les autres navires venir les intercepter. Bientôt, il n'y aurait plus nulle part où s'échapper. C'était la sorte de situation où, autrefois, elle aurait pu utiliser ses pouvoirs, mais, maintenant, elle ne les avait pas.

Je t'en prie, Mère, supplia-t-elle en son for intérieur, vous m'avez déjà aidée. Aidez-moi maintenant.

Elle sentit la présence de sa mère quelque part à la périphérie de son être, éphémère et apaisante. Elle sentit l'attention de sa mère, qui regardait sa fille jusqu'au plus profond d'elle-même en essayant de déterminer ce qui lui était arrivé.

“Qu'est-ce qu'ils t'ont fait ?” murmura la voix de sa mère. “C'est l’œuvre du sorcier.”

“Je vous en prie”, dit Ceres. “Je n'ai pas besoin de récupérer mes pouvoirs de façon permanente mais j'ai besoin d'aide maintenant.”

Dans l'accalmie qui suivit, une flèche se ficha dans le pont, entre les pieds de Ceres, beaucoup trop près.

“Je ne peux pas défaire ce qui a été fait”, dit sa mère, “mais je peux te prêter un autre don, seulement cette fois-ci. Cependant, ce ne sera qu'une fois. Je ne crois pas que ton corps pourrait en supporter plus.”

Ceres n'en avait que faire, du moment que cela leur permettait de s’échapper. Des bateaux se rapprochaient déjà d'eux. Ils avaient besoin de cette aide.

“Touche l'eau, Ceres, et pardonne-moi, parce que ça va faire mal.”

Ceres ne protesta pas mais plaça une main sur les vagues, sentant l'humidité lui envelopper la peau. Elle se prépara …

… et dut quand même se retenir de hurler quand quelque chose la traversa, chatoya en traversant l'eau puis en s'élevant en l'air. On aurait dit que quelqu'un avait recouvert le monde d'un voile de gaze.

A travers le voile, Ceres vit des archers et des guerriers la regarder, choqués. Elle les entendait pousser des cris de surprise, mais les sons avaient l'air étouffés.

“Ils se plaignent de ne pas nous voir”, dit Jeva. “Ils disent que c'est de la magie noire.” Elle contempla Ceres avec quelque chose qui ressemblait à une terreur mêlée d'admiration. “On dirait que tu es tout ce que Thanos a dit que tu serais.”

Ceres n'en était pas sûre. Rien que tenir le charme la faisait plus souffrir qu'elle n'arrivait à le croire. Elle n'était pas sûre de pouvoir le tenir bien plus longtemps.

“Ramez”, dit-elle. “Ramez avant que ça ne faiblisse !”

CHAPITRE TROIS

Dans le temple au toit élevé du château, Irrien regardait, impassible, les prêtres préparer Stephania pour le sacrifice. Il restait immobile, indifférent, pendant que les prêtres s'affairaient, attachaient Stephania sur l'autel, serrant bien ses liens pendant qu'elle hurlait et se débattait.

En général, Irrien avait peu de temps à consacrer à ce genre de choses. Les prêtres étaient un troupeau d'imbéciles obsédés par le sang qui semblaient croire qu'on pouvait repousser la mort en l'apaisant par des sacrifices. Comme si un homme, quel qu'il soit, pouvait repousser la mort autrement que par la force de son bras. Il ne servait à rien de supplier les dieux et, comme l'éphémère reine de Delos le constatait, il n'était pas plus utile de le supplier, lui.

“Je vous en supplie, Irrien, je ferai tout ce que vous voudrez ! Voulez-vous que je m'agenouille devant vous ? Je vous en supplie !”

Irrien restait immobile comme une statue, ignorant Stephania comme il ignorait la douleur qui émanait de sa blessure pendant que, autour de lui, les nobles et les guerriers regardaient la scène. Au moins, il y avait un certain intérêt à ce qu'ils puissent regarder ça, de la même façon qu'il y avait un certain intérêt à faire plaisir aux prêtres. Leur faveur était juste une autre source de pouvoir qu'il fallait prendre et Irrien n'était pas idiot au point de ne pas le savoir.

“Vous ne me désirez pas ?” supplia Stephania. “Je croyais que vous me vouliez comme jouet.”

Irrien n'était pas non plus idiot au point d'ignorer l'existence des charmes de Stephania. C'était en partie le problème. Quand elle lui avait posé la main sur le bras, il avait senti quelque chose qui avait dépassé les élans de désir qu'il ressentait habituellement avec les belles esclaves. Il ne le permettrait pas. Il ne pouvait pas le permettre. Personne ne devait avoir de pouvoir sur lui, même un pouvoir de la sorte de celui qui émanait de lui-même.

Il regarda la foule. Il y avait plus qu'assez de belles femmes dans cette foule, notamment les ex-servantes de Stephania, agenouillées et enchaînées. Certaines d'entre elles pleuraient en voyant à ce qu'il arrivait à leur ex-reine. Il ne tarderait pas à se distraire avec elles. Pour l'instant, il fallait qu'il se débarrasse de la menace que représentait Stephania par sa capacité à lui faire ressentir quelque chose.

Le patriarche avança, les fils d'or et d'argent qu'il avait dans la barbe bougeant en même temps que lui.

“Tout est prêt, mon seigneur”, dit-il. “Nous allons arracher le bébé au ventre de sa mère puis le sacrifier sur l'autel comme le veut la coutume.”

“Et vos dieux vont trouver ça agréable ?” demanda Irrien. Si le prêtre remarqua la légère touche de dérision dans les paroles d'Irrien, il n'osa pas le montrer.

“Très agréable, Première Pierre. Vraiment très agréable.”

Irrien hocha la tête.

“Dans ce cas, ce sera fait comme vous le proposez. Mais c'est moi qui tuerai l'enfant.”

“Vous, Première Pierre ?” demanda le prêtre d'un air étonné. “Mais pourquoi ?”

Parce que c'était sa victoire, pas celle du prêtre. Parce que c'était Irrien qui avait traversé la ville l'arme à la main pendant que ces prêtres étaient probablement restés en sécurité sur les navires qui les transportaient. Parce que c'était lui qui avait été blessé pour en arriver là. Parce qu'Irrien prenait les morts qui lui appartenaient au lieu de les laisser à des inférieurs. Cela dit, il n'expliqua rien de tout cela. Il ne devait aucune explication à ce genre de personne.

“Parce que je choisis de le faire”, dit-il. “Avez-vous une objection ?”

“Non, Première Pierre, aucune objection.”

Irrien aima entendre la peur dans la voix du prêtre, pas pour le simple plaisir de lui avoir fait peur mais parce qu'elle rappelait son pouvoir aux autres. Tout cela le lui rappelait. Cela lui servait autant à affirmer sa victoire qu'à témoigner de la gratitude aux dieux qui regardaient la scène, quels qu'ils soient. C'était en même temps une façon de s'accaparer ce lieu et de se débarrasser d'un enfant qui aurait pu essayer de réclamer son trône quand il aurait eu l'âge de le faire.

Parce que cette scène rappelait son pouvoir aux autres, il se dressa et regarda la foule pendant que les prêtres commençaient leur boucherie. Les spectateurs se tenaient, certains debout et d'autres agenouillés, en formant des rangées bien droites, les guerriers, les esclaves, les marchands et ceux qui affirmaient avoir une ascendance noble. Il regarda leur peur, leurs larmes, leur dégoût.

Derrière lui, les prêtres psalmodiaient, parlaient dans des langues anciennes que les dieux étaient censés leur avoir apprises eux-mêmes. Irrien jeta un coup d’œil en arrière et vit le patriarche tenir une lame au-dessus du ventre exposé de Stephania, prêt à trancher les chairs pendant qu'elle se débattait pour s'enfuir.

Irrien se concentra à nouveau sur les spectateurs. C'était eux qui comptaient, pas Stephania. Il regarda leur horreur quand les supplications de Stephania se transformèrent en hurlements derrière lui. Il regarda leurs réactions, vit qui était sidéré, qui avait peur, qui le regardait avec une haine muette et qui semblait se réjouir du spectacle. Il vit une des servantes attachées à côté s'évanouir à la vue de ce qui se passait derrière lui et il décida de la faire punir. Une autre servante pleurait si fort qu'une troisième était obligée de la tenir dans ses bras.

Irrien avait découvert que regarder ceux qui le servaient le renseignait plus sur eux que ne le pouvait une quelconque déclaration de loyauté. Sans mot dire, il repéra les esclaves qu'il fallait encore dompter complètement et les nobles qui le regardaient avec une jalousie excessive. L'homme avisé ne baissait jamais la garde, même quand il avait gagné.

Les cris de Stephania se firent plus aigus un moment, atteignant un crescendo qui semblait être parfaitement en phase avec les psalmodies des prêtres. Alors, ces cris s'affaiblirent pour se transformer en gémissements. Irrien se dit qu'elle n'avait guère de chances d'y survivre. A ce moment-là, il n'en avait que faire. Elle remplissait sa fonction en montrant au monde qu'il régnait en ce lieu. Inutile d'en faire plus : cela aurait été inutile, sinon inélégant.

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