Un Ciel Ensorcelé - Морган Райс 6 стр.


Mais alors qu’il le fixait, il réfléchit à toute la douleur, tous les dégâts, son père avait infligé à tous ceux qui l’entouraient. Il soupesa le prix de le laisser partir. Le prix de la compassion. C’était un prix bien trop élevé pas seulement pour Thorgrin, mais aussi pour tous ceux qu’il aimait et à qui il était attaché. Thor jeta un regard derrière lui et vit les dizaines de milliers de soldats de l’Empire, qui avait envahi sa terre, se tenant là, prêts à attaquer les siens. Et cet homme était leur meneur. Thor le devait à sa terre natale. À Gwendolyn. Et plus que tout, à lui-même. Cet homme pouvait être son père par le sang, mais c’était tout. Il n’était pas son père d’une aucune autre manière qu’il soit. Et le sang seul ne faisait pas un père.

Thor leva éleva son épée, et, dans un grand cri, il l’abattit.

Thor ferma les yeux, et les ouvrit pour voir l’épée, enfoncée dans le sol, juste à côté de la tête d’Andronicus. Thor la laissa là et recula.

Son père avait eu raison : il n’avait pas pu le faire. Malgré tout, il ne pouvait pas s’avilir à tuer un homme sans défense.

Thor tourna le dos à son père, faisant face à son propre peuple, à Gwendolyn. De toute évidence il avait remporté le combat ; il avait fait passer le message. Maintenant, Andronicus, s’il avait un peu d’honneur, n’aurait pas d’autre choix que de retourner chez lui.

« Thorgrin ! » hurla Gwendolyn.

Thor se retourna et vit, médusé, la hache d’Andronicus tournoyant vers lui, directement vers sa tête. Thor l’évita à la dernière seconde, et la hache passa.

Andronicus était rapide, cependant, et dans le même mouvement il rabattit brusquement avec son gantelet et frappa Thor à revers, le touchant à la mâchoire, le faisant tomber sur ses mains et ses genoux.

Thor sentit un terrible craquement dans ses côtes quand la botte d’Andronicus le frappa à l’estomac, l’envoyant rouler, le souffle coupé.

Thor se tenait à quatre pattes, respirant avec difficulté, du sang gouttant de sa bouche, ses côtes terriblement douloureuses, essayant de trouver la force de se relever. Du coin de l’œil il vit Andronicus s’approcher, avec un grand sourire, et lever sa hache des deux mains. Il avait l’intention, Thor pouvait le constater, de trancher la tête de Thor. Thor pouvait voir de ses yeux injectés de sang qu’Andronicus n’aurait pas de pitié, comme Thor en avait eu.

« C’est ce que j’aurais dû faire il y a trente ans », dit Andronicus.

Il poussa un grand cri, tandis qu’il abattait sa hache sur la nuque à découvert de Thor.

Thor, cependant, n’en avait pas fini avec le combat ; il parvint à rassembler ses dernières forces, et malgré toute sa douleur, il se dépêcha de se remettre sur pieds et fonça sur son père, le plaquant au niveau des côtes, le propulsant en arrière, au sol, sur le dos.

Thor était au-dessus de lui, se battant au corps à corps, prêt à l’affronter à mains nues. C’était devenu un combat de lutte. Andronicus tendit un bras et prit Thor à la gorge, et Thor fut surpris par sa force ; il se sentit perdre le souffle rapidement alors qu’il s’étouffait.

Thor tâtonna à sa taille, désespéré, cherchant sa dague. La dague royale, celle que le Roi MacGil lui avait donné, avant qu’il ne meure. Thor perdait de l’air rapidement, et il savait que s’il ne mettait pas la main dessus sans tarder, il mourrait.

Thor la trouva dans son dernier souffle. Il la leva haut, et la plongea des deux mains dans la poitrine d’Andronicus.

Andronicus se tut, luttant pour respirer, les yeux protubérants dans un regard foudroyant, il s’assit et continua à étrangler son fils.

Thor, à bout de souffle, voyait des étoiles, et perdait connaissance.

Enfin, lentement, l’emprise d’Andronicus se relâcha, tandis que ses bras retombaient sur le côté. Ses yeux roulèrent, et il arrêta de bouger.

Il resta là, immobile. Mort.

Thor prit une grande respiration tandis qu’il retirait la main inerte de son père de sa gorge, avec des haut-le-cœur et en toussant, se dégageant du cadavre de son père.

Son corps tout entier tremblait. Il venait à peine de tuer son père. Il n’avait pas pensé cela possible.

Thor laça un regard alentour et vit tous les guerriers, les deux armées, le fixant, choqués. Thor sentit une prodigieuse chaleur se propager à travers son corps, comme si un profond changement s’était tout juste produit en lui, comme s’il avait fait disparaître une part néfaste de lui-même. Il se sentit changé, plus léger.

Thor entendit un grand bruit dans le ciel, comme du tonnerre, il leva les yeux et vit un petit nuage noir apparaître au-dessus du corps d’Andronicus, et une cheminée de petites ombres noires, comme des démons, tourbillonner vers le sol. Elles tournoyèrent autour de son père, l’entourant, mugissant, puis soulevèrent son corps haut dans les airs, de plus en plus haut, jusqu’à ce qu’il disparaisse dans le nuage. Thor contempla la scène, pétrifié, et se demanda dans quel enfer l’âme de son père serait entrainée.

Thor leva le regard, et vit l’armée de l’Empire lui faisant face, des dizaines et des dizaines de milliers d’hommes, avec dans leur regard une brûlante envie de se venger. Le Grand Andronicus était mort. Toutefois, ses hommes demeuraient. Thor et les hommes de l’Anneau étaient encore en sous-nombre, à un contre cent. Ils avaient remporté la bataille, mais ils étaient sur le point de perdre la guerre.

Erec et Kendrick et Srog et Bronson marchèrent aux côtés de Thor, épées dégainées, alors qu’ils faisaient front à l’Empire tous ensemble. Des cors résonnèrent de bas en haut des rangs de l’Empire, et Thor se prépara à monter à l’assaut une dernière fois. Il savait qu’ils ne pouvaient pas gagner. Mais au moins ils trépasseraient tous ensemble, en un dernier grand combat glorieux.

CHAPITRE SEPT

Reece marchait aux côtés de Selese, Illepra, Elden, Indra, O’Connor, Conven, Krog et Serna, eux neuf se dirigeant vers l’ouest, comme ils l’avaient fait pendant des heures, depuis qu’ils avaient émergé du Canyon. Quelque part, Reece le savait, ses gens étaient à l’horizon et, morts ou vifs, il était déterminé à les trouver.

Reece avait été choqué, alors qu’ils parcouraient un paysage de destruction, des champs sans fin de corps, jonchés de charognards, carbonisés par le souffle des dragons. Des milliers de corps de soldats de l’Empire s’alignaient jusqu’à l’horizon, certains encore fumants. La fumée de leurs corps remplissait l’air, l’insupportable puanteur de la chair brûlée imprégnant la terre désolée. Quiconque n’avait pas été tué par le souffle des dragons l’avait été dans la bataille conventionnelle contre l’Empire, MacGil et McClouds gisant morts, eux aussi, des villes entières réduites à néant, des piles de décombres partout. Reece secoua la tête : cette terre, qui avait été autrefois si abondante, était maintenant ravagée par la guerre.

Depuis qu’ils étaient sortis du Canyon, Reece et les autres s’étaient résolus à retourner chez eux, à regagner le côté des MacGil de l’Anneau. Ne pouvant trouver de chevaux, ils avaient marché tout au long de la traversée du côté des McCloud, franchissant les Highlands, redescendant l’autre versant, et maintenant, enfin, ils progressaient à travers le territoire des MacGil, ne rencontrant que ruine et dévastation. De ce qu’ils pouvaient voir du pays, les dragons avaient aidé à détruire les troupes de l’Empire, et pour cela Reece leur était reconnaissant. Mais il ne savait toujours pas dans quel état il retrouverait son peuple. Est-ce que tout le monde était mort dans l’Anneau ? Jusqu’à présent, cela en avait l’air. Reece languissait de découvrir si tout le monde allait bien.

À chaque fois qu’ils atteignaient un champ de bataille recouvert de morts et de blessés, ceux qui n’avaient pas été touchés par le feu des dragons, Illepra et Selese allèrent de corps en corps, les retournant, les vérifiant. Non seulement elles étaient poussées à faire cela par leur profession, mais Illepra avait aussi un autre objectif en tête : trouver le frère de Reece. Godfrey. C’était un but que partageait Reece.

« Il n’est pas là », annonça Illepra une fois encore, quand finalement elle se redressa, après avoir retourné le dernier corps du terrain, la déception gravée sur son visage.

Reece pouvait voir à quel point Illepra se souciait de son frère, et il fut touché. Reece, lui aussi, espérait qu’il allait bien et comptait parmi les vivants – mais d’après la vue de ces milliers de corps, il avait la sensation désagréable qu’il ne l’était pas.

Ils poursuivirent leur route, passant un autre pré vallonné, une autre succession de collines, et, ce faisant, ils aperçurent un autre champ de bataille à l’horizon, des milliers de corps étendus. Ils allèrent dans cette direction.

Pendant qu’ils marchaient, Illepra se mit à pleurer doucement. Selese posa une main sur son poignet.

« Il est vivant », la rassura-t-elle. « Ne t’inquiète pas. »

Reece accéléra le pas et plaça une main rassurante sur son épaule, ressentant de la compassion pour elle.

« S’il y a une chose que je sais à propos de mon frère », dit Reece, « c’est qu’il est un survivant. Il trouve un moyen d’échapper à tout. Même à la mort. Je te le promets. Godfrey est le plus probablement déjà dans une taverne quelque part, en train de se saouler. »

Illepra rit à travers ses larmes, et les essuya.

« Je l’espère », dit-elle. « Pour la première fois, je l’espère vraiment. »

Ils continuèrent leur marche maussade, en silence à travers ce champ de ruine, chacun perdu dans ses pensées. Des images du Canyon traversèrent l’esprit de Reece ; il ne pouvait les faire disparaître. Il repensa à quel point leur situation avait été désespérée, et fut empli de gratitude envers Selese ; si elle n’était pas apparue au moment où elle l’avait fait, ils seraient toujours là-bas, sûrement tous morts.

Reece tendit le bras et prit la main de Selese, et sourit alors qu’eux deux se tenaient la main en marchant. Reece était touché par son amour et sa dévotion pour lui, par son empressement à traverser le pays entier pour le sauver. Il ressentit une irrésistible montée d’amour pour elle, et il était impatient d’avoir un moment seul avec elle pour qu’il puisse l’exprimer. Il avait déjà décidé qu’il voulait être avec elle pour toujours. Il éprouvait pour elle une loyauté différente de celle ressentie pour n’importe qui d’autre, et dès qu’ils auraient un instant, il fit le serment qu’il ferait sa demande. Il lui donnerait l’Anneau de sa mère, celui que sa mère lui avait remis pour le donner à l’amour de sa vie, quand il l’aurait trouvée.

« Je n’arrive pas à croire que tu aies traversé l’Anneau rien que pour moi », lui dit Reece.

Elle sourit.

« Ce n’était pas si loin », dit-elle.

« Pas loin ? », demanda-t-il. « Tu as mis ta vie en danger en sillonnant un pays ravagé par la guerre. Je te suis redevable. Au-delà de ce que je pourrais exprimer. »

« Tu ne me dois rien. Je suis simplement heureuse que tu sois en vie. »

« Nous te sommes tous redevables. », intervint Elden. « Tu nous as tous sauvés. Nous serions tous coincés là-bas, dans les entrailles du Canyon, pour toujours. »

« En parlant de dettes, j’en ai une à discuter avec toi », dit Krog à Reece, s’approchant à côté de lui en boitant. Depuis qu’Illepra lui avait posé une attelle en haut du Canyon, il avait au moins pu marcher sans aide, même si c’était avec raideur.

« Tu m’as sauvé là en bas, et plus d’une fois », continua Krog. « C’était assez stupide de ta part, si tu veux mon avis. Mais tu l’as fait quand même. Ne pense pas que je t’en doive une, cependant. »

Reece secoua la tête, pris au dépourvu par l’air bourru de Krog, et sa tentative maladroite pour le remercier.

« Je ne sais pas si tu essaies de m’insulter, ou si tu essaies de me remercier », dit Reece.

« J’ai mes propres manières », dit Krog. « Je vais surveiller tes arrières à partir de maintenant. Pas parce que je t’aime bien, mais parce que ce que j’ai l’impression d’être appelé à faire. »

Reece hocha de la tête, déconcerté comme toujours par Krog.

« Ne t’inquiète pas », dit Reece. « Je ne t’apprécie pas non plus. »

Ils continuèrent tous de marcher, tous détendus, heureux d’être en vie, d’être au-dessus du sol, d’être de retour de ce côté-là de l’Anneau – tous sauf Conven, qui marchait calmement, à distance des autres, renfermé sur lui-même, comme il l’avait été depuis la mort de son jumeau en l’Empire. Rien, même d’avoir échappé à la mort, ne semblait pouvoir le sortir de sa torpeur.

Reece se rappela et se souvint comme, par là-bas, Conven s’était jeté imprudemment mis en danger, encore et encore, se tuant presque pour sauver les autres. Reece ne pouvait s’empêcher de se demander si cela ne venait pas plus d’un désir  suicidaire plutôt que d’aider les autres. Il s’inquiétait pour lui. Reece n’aimait pas le voir si aliéné, si perdu dans sa déprime.

Reece s’approcha de lui.

« Tu t’es brillamment battu là-bas », lui dit Reece.

Conven haussa simplement les épaules et regarda le sol.

Reece se creusa la cervelle pour trouver quelque chose à dire, tandis qu’ils marchaient en silence.

« Es-tu heureux d’être de retour chez toi ? » demanda Reece. « D’être libre ? »

Conven se tourna et le fixa d’un regard vide.

« Je ne suis pas chez moi. Et je ne suis pas libre. Mon frère est mort. Et je n’ai aucun droit de vivre sans lui. »

Reece sentit un frisson le parcourir à ces mots. De toute évidence, Conven était encore bouleversé par le chagrin ; il le portait comme un gage d’honneur. Il était plus comme un mort-vivant, les yeux vides. Reece se souvenait d’eux comme étant autrefois remplis de joie. Il pouvait voir que son deuil était profond, et il avait le triste sentiment que cela pourrait ne jamais le quitter. Il se demanda ce qu’il adviendrait de Conven. Pour la première fois, rien de bien ne lui vint à l’esprit.

Ils marchèrent et marchèrent, et les heures passèrent, et ils atteignirent un autre champ de bataille, coude à coude avec des cadavres. Illepra, Selese et les autres se déployèrent, allant de corps en corps, les retournant, cherchant un quelconque signe de Godfrey.

« Je vois beaucoup plus de MacGils sur ce terrain », dit Illepra avec espoir, « et pas de trace des dragons. Peut-être Godfrey est-il ici. »

Reece leva le regard, vit les milliers de corps et se demanda, même s’il était ici, s’ils ne pourraient jamais le trouver.

Reece s’écarta et progressa parmi corps, comme le faisaient les autres, retournant chacun d’entre eux. Il vit tous les visages de ses gens, face à face, certains qu’il reconnaissait et d’autres non, des individus qu’il avait connus et combattu avec, des gens qui s’étaient battus pour son père. Reece fut fasciné par la dévastation qui s’était abattue sur sa terre natale, comme la peste, et il espérait sincèrement que tout était finalement passé. Il avait eu son compte de batailles et de guerres et de cadavres pour le reste de sa vie. Il était prêt à s’installer dans une vie de paix, à guérir, à reconstruire.

« ICI ! » cria Indra, sa voix remplie d’excitation. Elle se tenait au-dessus d’un corps et le fixait.

Illepra se tourna et arriva en courant, et les autres se rassemblèrent autour. Elle s’agenouilla à côté du corps, et des larmes inondèrent son visage. Reece s’agenouilla à côté d’elle et eut le souffle coupé de voir son frère.

Godfrey.

Son gros ventre dépassant, pas rasé, ses yeux fermés, trop pale, ses mains bleuies par le froid, il avait l’air mort.

Illepra se pencha et le secoua, encore et encore ; il ne réagit pas.

« Godfrey ! S’il te plaît ! Réveille-toi ! C’est moi ! Illepra ! GODFREY ! »

Elle le secoua à nouveau, mais il ne se redressa pas. Finalement, frénétiquement, elle se retourna vers les autres, balayant du regard leurs ceintures.

« Ton outre de vin ! » demanda-t-elle à O’Connor.

Ce dernier farfouilla à sa taille, et la retira rapidement et la donna à Illepra.

Elle la prit, la tint au-dessus du visage de Godfrey et fit gicler quelques gouttes sur ses lèvres. Elle leva sa tête, ouvrit sa bouche, et en fit couler un peu sur sa langue.

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