Une Joute de Chevaliers - Морган Райс 2 стр.


Gwen se remémora sa conversation avec lui, pendant qu’ils arpentaient les sommets de la Crête et observaient le départ de Kendrick, se rappelait des secrets qu’il lui avait révélés. Son déclin. Celui de la Crête. Il y en avait plus, aussi, plus de secrets qu’il était sur le point de révéler – mais ils avaient été interrompus. Ses conseillers l’avaient emmené pour une affaire urgente, et en partant il lui avait promis de lui en dévoiler plus – et de lui demander une faveur. Qu’elle était-elle ? s’interrogeait-elle. Que pouvait-il vouloir d’elle.

Le Roi lui avait demandé de le rencontrer dans sa salle du trône quand le soleil se lèverait, et Gwen se hâtait maintenant de s’habiller, sachant qu’elle était déjà en retard. Ses rêves l’avaient laissée sonnée.

Tandis qu’elle se précipitait à travers la pièce, Gwendolyn ressentit la douleur de la faim, le jeûne de la Grande Désolation se faisant encore sentir ; elle jeta un œil vers la tablée de mets délicats disposés pour elle – pains, fruits, fromages, puddings – et elle en prit rapidement un peu, mangeant en chemin. Elle en attrapa plus que ce dont elle avait besoin, et en marchant, elle se baissa et donna la moitié de ce qu’elle avait à Krohn, qui gémissait à côté d’elle, le prenant de ses mains, impatient de se rattraper. Elle était si reconnaissante pour cette nourriture, ce refuge, ces appartements fastueux – elle avait l’impression, en quelque sorte, d’être de retour à la Cour du Roi, dans le château où elle avait été élevée.

Des gardes claquèrent des talons alors que Gwen sortait de sa chambre, ouvrant les lourdes portes de chêne. Elle les dépassa à grands pas, le long des couloirs de pierre du château faiblement éclairés, des torches de la nuit brûlant encore.

Gwen atteignit la fin du couloir et grimpa une volée de marches de pierre en spirale, Krohn sur ses talons, jusqu’à ce qu’elle atteigne l’étage supérieur, où elle savait que la salle du trône du Roi se trouvait, se familiarisant déjà avec le château. Elle se hâta le long d’un autre hall, et était sur le point de passer à travers une ouverture cintrée dans la pierre quand elle détecta un mouvement du coin de l’œil. Elle tressaillit, surprise de voir une personne debout dans l’ombre.

« Gwendolyn ? » dit-il, la voix douce, trop maîtrisée, émergeant des ténèbres en arborant un petit sourire suffisant sur son visage.

Gwendolyn cligna des yeux, décontenancée, et il lui fallut un moment pour se souvenir de qui il était. On lui avait présenté tant de personnes ces derniers jours, que tout était devenu embrouillé.

Mais c’était un visage qu’elle ne pouvait pas oublier. C’était, réalisa-t-elle, le fils du Roi, l’autre jumeau, celui avec les cheveux, qui s’était élevé contre elle.

« Vous êtes le fils du Roi », dit-elle, se rappelant à haute voix. « Le troisième le plus âgé. »

Il esquissa un grand sourire, un sourire rusé qu’elle n’aima pas, tout en faisant un autre pas en avant.

« Le deuxième le plus âgé, en fait », corrigea-t-il. « Nous sommes des jumeaux, mais je suis venu en premier. »

Gwen l’examina de la tête aux pieds tandis qu’il s’approchait d’un pas, et remarqua qu’il était impeccablement habillé et rasé, ses cheveux coiffés, sentait le parfum et l’huile, vêtu des habits les plus fins qu’elle ait jamais vus. Il arborait un air suffisant, et il empestait l’arrogance et la suffisance.

« Je préfère qu’on ne me considère pas comme le jumeau », poursuivit-il. « Je suis ma propre voie. Mardig est mon nom. C’est seulement mon lot dans la vie que d’être né avec un jumeau, un que je ne pouvais pas contrôler. Le lot, pourrait-on dire, des couronnés. »

Gwen n’aimait pas être en sa présence, elle n’avait pas encore digéré son traitement la veille, et elle sentait Krohn tendu à ses côtés, les poils sur sa nuque se hérissant tandis qu’il se frottait contre sa jambe. Elle était impatiente de savoir ce qu’il voulait.

« Vous attardez vous toujours dans la pénombre de ces couloirs ? » demanda-t-elle.

Mardig esquissa un sourire narquois tout en s’approchant, un peu trop près pour elle.

« C’est mon château, après tout », répondit-il, territorial. « Je suis connu pour y errer. »

« Votre château ? » demanda-t-elle. « Et pas celui de votre père ? »

Son expression s’assombrit.

« Chaque chose en son temps », répondit-il de manière énigmatique, et il fit un pas de plus en avant.

Gwendolyn se retrouva à faire involontairement un pas en arrière, n’aimant pas la sensation de sa présence, tandis que Krohn commençait à grogner.

Mardig baissa les yeux sur lui avec mépris.

« Vous savez que les animaux ne dorment pas dans notre château ? » répliqua-t-il.

Gwen fronça les sourcils, ennuyée.

« Votre père n’avait pas d’inquiétude. »

« Mon père n’applique pas les règles », répondit-il. « Moi oui. Et la garde du Roi est sous mon commandement. »

Elle fronça les sourcils, frustrée.

« Est-ce ce pour quoi vous m’avez arrêtée ici ? » demanda-t-elle, contrariée. « Pour faire appliquer le contrôle des animaux ? »

Il fronça les sourcils, réalisant, peut-être, qu’il avait trouvé son égal. Il la dévisagea, les yeux rivés sur les siens, comme s’il la cernait.

« Il n’y a aucune femme dans la Crête qui n’ait pas envie de moi », dit-il. « Et pourtant je ne vois pas de passion dans tes yeux. »

Gwen resta bouche bée devant lui, horrifiée, tandis qu’elle prenait enfin conscience de quoi il retournait.

« De la passion ? » répéta-t-elle, mortifiée. « Et pourquoi en éprouverais-je ? Je suis mariée, et l’amour de ma vie sera bientôt de retour à mes côtés. »

Mardig rit tout haut.

« Est-ce ainsi ? » demanda-t-il. « D’après ce que j’ai entendu, il est mort depuis longtemps. Ou si perdu et éloigné de toi, qu’il ne reviendra jamais. »

Gwendolyn se renfrogna, sa colère augmentant.

« Et même s’il devait ne jamais rentrer », dit-elle, « je n’irais jamais avec un autre. Et certainement pas vous. »

Son expression s’assombrit.

Elle se détourna pour partir, mais il tendit la main et agrippa son bras. Krohn grogna.

« Je ne demande pas pour ce que je veux ici », dit-il. « Je le prends. Tu es dans un royaume étranger, à la merci d’un hôte étranger. Il serait plus sage pour toi d’obliger tes geôliers. Après tout, sans notre hospitalité, tu serais jetée dans le désert. Et il y a un grand nombre de circonstances malheureuses qui peuvent accidentellement arriver à un invité – même avec les hôtes les mieux intentionnés. »

Elle se rembrunit, ayant vu bien des menaces réelles dans sa vie pour être effrayée par ses avertissements insignifiants.

« Geôliers ? » dit-elle. « Est-ce ainsi que vous nous appelez ? Je suis une femme libre, au cas où vous n’auriez pas remarqué. Je peux quitter cet endroit immédiatement si je le veux. »

Il rit, un son désagréable.

« Et où irais-tu ? À nouveau dans la Désolation ? »

Il sourit et secoua la tête.

« Tu es peut-être en principe libre de partir », ajouta-t-il. « Mais laisse-moi te demander : quand le monde est hostile, quel endroit cela te laisse-t-il ? »

Krohn gronda méchamment, et Gwen pouvait le sentir prêt à bondir. Elle repoussa la main de Mardig de son bras avec indignation, se pencha et posa une main sur la tête de Krohn, pour le retenir. Ensuite, en jetant un regard furieux à Mardig, elle eut une idée soudaine.

« Dites-moi quelque chose, Mardig », dit-elle, la voix dure et froide. « Pourquoi n’êtes-vous pas là dehors, à combattre avec vos frères dans le désert ? Pourquoi êtes-vous le seul à rester derrière ? Est-ce la peur qui vous pousse ? »

Il sourit, mais sous son sourire elle pouvait sentir la couardise.

« La chevalerie est pour les idiots », répondit-il. « Des idiots commodes, qui ouvrent la voie pour que le reste d’entre nous obtienne tout ce que nous voulons. Faites miroiter le terme de "chevalerie", et ils peuvent être utilisés comme des marionnettes. Moi-même, je ne peux pas être manipulé si aisément. »

Elle le dévisagea, dégoûtée.

« Mon époux et notre Argent riraient d’un homme tel que vous », dit-elle. « Vous ne tiendriez pas deux minutes dans l’Anneau. »

Les yeux de Gwen allèrent de lui au passage qu’il bloquait.

« Vous avez deux choix », dit-elle. « Vous pouvez vous ôter de mon chemin, ou Krohn ici pourra obtenir le petit-déjeuner qu’il désire vivement. Je pense que vous êtes à peu près de la bonne taille. »

Il jeta un coup d’œil à Krohn, et elle vit ses lèvres trembler. Il fit un pas de côté.

Mais elle ne partit pas simplement. À la place, elle monta au créneau, près de lui, avec un sourire sarcastique, voulant bien se faire comprendre.

« Vous êtes peut-être aux commandes de votre petit château », ricana-t-elle sombrement, « mais n’oubliez pas que vous parlez à une Reine. Une Reine libre. Je ne répondrais jamais à vous, ne répondrais jamais à n’importe qui d’autre tant que je vivrais. J’en ai terminé avec ça. Et cela me rend très dangereuse – bien plus dangereuse que vous. »

Le Prince la dévisagea en retour, et à sa surprise, il sourit.

« Je vous apprécie, Reine Gwendolyn », répondit-il. « Bien plus que je ne le pensais. »

Gwendolyn, le cœur battant, le regarda pivoter et s’éloigner, se glissant à nouveau dans l’ombre, disparaissant le long du couloir. Tandis que ses pas résonnaient et s’estompaient, elle s’interrogea : quels dangers rôdaient dans cette cour ?

CHAPITRE TROIS

Kendrick chargeait à travers le paysage aride et désertique, Brandt et Atme à ses côtés, sa demi-douzaine de soldats de l’Argent près d’eux, tout ce qu’il restait de sa fraternité de l’Anneau, chevauchant ensemble comme au bon vieux temps. Pendant qu’ils avançaient, s’aventurant de plus profondément dans la Grande Désolation, Kendrick se sentit accablé par la nostalgie et la tristesse ; cela lui faisait repenser à son heure de gloire dans l’Anneau, entouré par l’Argent, par ses frères d’armes, chevauchant au combat, aux côtés de milliers d’hommes. Il avait chevauché avec la fine fleur des chevaliers que le royaume avait à offrir, chacun était un meilleur guerrier que l’autre, et partout où il était allé, des trompettes avaient sonné et des villageois s’étaient précipités pour l’accueillir. Lui et ses hommes étaient devenus les bienvenus partout, et ils étaient toujours restés éveillés tard dans la nuit, racontant des histoires de batailles, de courage, d’escarmouches avec des monstres qui émergeaient du canyon – ou pire, d’au-delà des étendues sauvages.

Kendrick cligna des yeux, de la poussière dedans, reprenant soudain ses esprits. Il était dans une période différente maintenant, un lieu différent. Il jeta un coup d’œil, vit les huit hommes de l’Argent, et s’attendit à en voir des milliers d’autres avec eux. Mais la réalité fit lentement son effet, et il se rendit compte que les huit d’entre eux étaient tout ce qu’il restait, et il prit conscience de combien les choses avaient changé. Ces jours glorieux seraient-ils un jour restaurés ?

L’idée de Kendrick quant à ce qui faisait un guerrier avait changé au fil des ans, et ces jours-ci, il se retrouva à penser que ce qui faisait le guerrier n’était pas seulement ses capacités et l’honneur – mais la persévérance. La capacité à poursuivre. La vie avait une manière de vous bombarder de tant d’obstacles, de calamités, de tragédies, de pertes – et plus que tout, de tant de changements ; il avait perdu plus d’amis qu’il ne pouvait en compter, et le Roi pour lequel il avait vécu n’était même plus en vie. Sa propre patrie avait disparue. Et pourtant il continuait, même s’il ignorait pourquoi. Il le cherchait, il le savait. Et c’était cette capacité à persévérer, peut-être plus que tout, qui faisait le guerrier, qui faisait qu’un homme résistait à l’épreuve du temps quand tant d’autres disparaissaient. C’était ce qui séparait les véritables guerriers de ceux qui étaient éphémères.

« MUR DE SABLE DEVANT ! » cria une voix.

C’était une voix étrangère, une à laquelle Kendrick était encore en train de s’habituer, et il jeta un regard pour voir Koldo, l’aîné du Roi, dont la peau noire se démarquait du reste du groupe, menant le groupe de soldats de la Crête. Durant le bref moment où Kendrick l’avait connu, il en était déjà arrivé à le respecter, voyant la manière dont il dirigeait ses hommes, et la manière dont ils levaient les yeux sur lui. Il était un chevalier aux côtés duquel Kendrick était fier de chevaucher.

Koldo désignait l’horizon du doigt, Kendrick regarda au loin et vit ce vers quoi il pointait – en fait, il l’entendit avant de le voir. C’était un sifflement perçant, comme une tempête, et Kendrick se rappela du temps passé dans la Désolation, d’avoir été trainé à travers, à moitié inconscient. Il se rappelait les sables violents, tourbillonnant comme une tornade qui ne s’éloignait jamais, formant un mur solide et s’élevant vers le ciel. Cela avait paru imperméable, comme un véritable mur, et cela aidait à dissimuler la Crête du reste de l’Empire.

Alors que le sifflement se faisait plus fort, Kendrick redoutait d’y pénétrer à nouveau.

« ÉCHARPES ! » ordonna une voix.

Kendrick vit Ludvig, l’aîné des jumeaux du Roi, étirer une longue étoffe à mailles et l’enrouler autour de son visage. Un à un les autres soldats suivirent son exemple et firent de même.

Là arriva en chevauchant à côté de Kendrick le soldat qui s’était présenté comme étant Naten, un homme que Kendrick avait instantanément pris en grippe. Il était rebelle au à l’autorité attribuée à Kendrick, et irrespectueux.

Naten sourit d’un air suffisant à Kendrick tout en se rapprochant.

« Vous pensez diriger cette mission », dit-il, « juste parce que le Roi vous l’a assignée ? Mais vous n’en savez même pas assez pour protéger vos hommes du Mur de Sable. »

Kendrick lança un regard furieux à l’homme, voyant dans ses yeux qu’il éprouvait une haine gratuite envers lui. Au premier abord Kendrick avait pensé que peut-être il avait seulement été menacé par lui, un étranger – mais maintenant il pouvait voir que c’était juste un homme qui adorait détester.

« Donne-lui les écharpes ! » cria Koldo à Naten, impatient.

Après que quelques instants supplémentaires eurent passé, et que le mur se soit rapproché encore plus, Naten se pencha enfin et jeta le sac d’écharpes à Kendrick, le frappant durement au torse tandis qu’il chevauchait.

« Distribuez-les à vos hommes », dit-il, « ou finissez découpés par le mur. C’est votre choix – je ne m’en soucie pas vraiment. »

Naten s’éloigna, retournant à ses hommes, et Kendrick distribua rapidement les écharpes à ses hommes, chevauchant à côté de chacun d’eux, et il les leur tendit. Ensuite, Kendrick enroula sa propre écharpe autour de sa tête et de son visage, comme les autres de la Crête le faisaient, encore et encore, jusqu’à ce qu’il se sente en sécurité mais puisse encore respirer. Il pouvait à peine y voir à travers, le monde était obscurci, flou dans la lumière.

Kendrick se tint prêt tandis qu’ils se rapprochaient et que le bruit des sables tourbillonnants devenait assourdissant. Déjà, à cinquante mètres, l’air était empli du son du sable rebondissant sur les armures. Un instant après, il le sentit.

Kendrick plongea dans le Mur de Sable, et ce fut comme pénétrer dans un océan de sable bouillonnant. Le bruit était si fort qu’il pouvait à peine entendre le battement de son propre cœur dans ses oreilles, tandis que le sable englobait chaque centimètre de son corps, luttant pour rentrer, pour le déchiqueter. Les sables tourbillonnants étaient si puissants, il ne pouvait pas même voir Brandt ou Atme, à quelques mètres de lui.

« CONTINUEZ À AVANCER ! » cria Kendrick à ses hommes, se demandant même si l’un d’eux pouvait l’entendre, se rassurant autant lui qu’eux. Les chevaux hennissaient comme des fous, ralentissaient, agissaient étrangement, et Kendrick baissa les yeux pour voir le sable aller dans leurs yeux. Il talonna plus fort, priant pour que son cheval ne s’arrête pas sur place.

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