Le Réveil des Dragons - Морган Райс 6 стр.


“Et qu’avons-nous là?” demanda l’un d’entre eux, en s’approchant de Merk et lui tournant autour.

“On dirait un moine,” dit un autre en se moquant. “Mais ses bottes ne sont pas celles d’un moine.”

“Peut-être est-ce un moine qui se prend pour un soldat,” dit un autre en riant.

Ils se mirent tous à rire et l’un d’entre eux, un lourdaud d’une quarantaine d’années avec une dent de devant en moins s’approcha de Merk avec sa mauvaise haleine et lui donna une tape dans l’épaule. L’ancien Merk aurait tué n’importe quel homme qui se serait approché à cette distance.

Mais le nouveau Merk était bien déterminé à devenir un homme meilleur et à être au-dessus de toute violence, même si ces hommes le provoquaient. Il ferma les yeux, respira profondément et se força à rester calme.

Ne recours pas à la violence, se répéta-t-il à lui-même

“Qu’est-ce que ce moine est en train de faire?” demanda l’un d’eux. “Il est en train de prier?”

Ils se mirent tous à rire de nouveau.

“Ton dieu ne te sera d’aucune aide maintenant!” s’exclama un autre.

Merk ouvrit les yeux et regarda le crétin droit dans les yeux.

“Je n’ai pas envie de vous faire de mal,” dit-il calmement.

Les rires reprirent de plus belle, encore plus forts et Merk réalisa que rester calme et ne pas réagir avec violence était la chose la plus difficile qu’il ait jamais faite.

“Heureusement pour nous!” répondit l’un d’entre eux.

Ils continuèrent de rire jusqu’à ce que leur chef s’approche et se retrouve face à face avec Merk.

“Mais peut-être,” dit-il d’une voix sérieuse, si près de son visage que Merk pouvait sentir sa mauvaise haleine, “que nous, nous avons envie de te faire du mal.”

Un homme s’approcha de Merk par derrière et lui passa un bras énorme autour cou tout en commençant à serrer. Merk se mit à haleter en se sentant étouffé ainsi, la poigne de l’homme était suffisamment forte pour lui faire mal sans toutefois empêcher l’air de passer complètement. Son premier réflexe fut d’attraper l’homme et de le tuer. Il aurait facilement pu le faire, il connaissait parfaitement le point de pression sur l’avant-bras qui lui aurait fait lâcher prise. Mais il se força à ne pas bouger.

Laisse passer se dit-il à lui-même. La route de l’humilité doit commencer quelque part.

Merk fit face à leur chef.

“Prenez ce que vous voulez,” réussit à dire Merk en étouffant. “Servez-vous et poursuivez votre chemin.”

“Et si nous décidons de nous servir et de rester ici?” répondit le chef.

“Personne ne te demande ce que nous pouvons ou ne pouvons pas faire garçon,” ajouta un autre.

L’un d’eux s’avança et fouilla la veste de Merk, parcourant de ses mains avides les quelques effets personnels qui lui restaient au monde. Merk se força à rester calme tandis que les mains farfouillaient tout ce qu’il possédait. Finalement, ils sortirent son poignard à poignée d’argent, son arme préférée et bien que cela lui coûte, Merk ne réagit pas.

Laisse courir, se dit-il à lui-même.

“Qu’est-ce que c’est?” demanda l’un d’entre eux. “Un poignard?”

Il dévisagea Merk.

“Qu’est-ce qu’un drôle de moine comme toi fait avec un poignard?” questionna-t-il.

“Que fais-tu garçon, tu sculptes des arbres?” demanda un autre.

Ils se mirent tous à rire et Merk serra les dents et se demandant ce qu’ils allaient lui prendre d’autre.

L’homme qui avait trouvé le poignard s’arrêta et regarda le poignet de Merk et releva sa manche. Merk se crispa en réalisant qu’ils l’avaient trouvé.

“Qu’est-ce que c’est?” demanda le voleur en lui attrapant le poignet et le mettant à hauteur de ses yeux pour l’examiner.

“On dirait un renard,” dit l’un d’eux.

“Pourquoi un moine aurait-il un tatouage représentant un renard?” demanda un autre.

Un autre homme s’avança à son tour, maigre et grand, les cheveux roux et lui saisit le poignet pour l’examiner à son tour. Il le laissa retomber et observa Merk de façon prudente.

“Ce n’est pas un renard espèce d’idiot,” dit-il à son compagnon. “C’est un loup. C’est la marque d’un homme du Roi, un mercenaire.”

Merk devint rouge de colère à l’idée qu’ils observaient son tatouage, il ne voulait pas être reconnu.

Les voleurs gardèrent le silence tout en l’observant et pour la première fois Merk décela une lueur d’hésitation sur leurs visages.

“C’est l’ordre des assassins,” dit un autre en le dévisageant. “Comment as-tu obtenu cette marque garçon?”

“Il se l’est probablement faite lui-même,” répondit un autre. “Cela rend les routes plus sûres.”

Le chef fit signe à son homme de relâcher sa poigne sur la gorge de Merk. Soulagé, ce dernier prit une profonde inspiration. Mais le chef se précipita aussitôt sur Merk et lui mit un couteau sous la gorge. Merk se demanda s’il allait mourir ce jour-ci à cet endroit. Il se demanda si cela était sa punition pour tous les meurtres qu’il avait perpétrés. Il se demanda s’il était prêt à mourir.

“Réponds-lui,” gronda leur chef. “Tu t’es fait ça toi-même garçon? La rumeur dit qu’il faut avoir tué cent hommes pour obtenir cette marque.”

Merk respira et au cours du long silence qui suivit, il débattit sur quelle réponse donner. Finalement il soupira.

“Un millier,” répondit-il.

Le chef sourcilla, confus.

“Quoi?” demanda-t-il.

“Un millier d’hommes,” expliqua Merk. “C’est ce qu’il faut faire pour obtenir ce tatouage. Et c’est le Roi Tarnis lui-même qui me l’a fait.”

Stupéfaits, ils l’observèrent tous tandis qu’un silence pesant s’installait sur le bois, tellement calme que Merk pouvait entendre les bruits des insectes. Il se demanda ce qui allait suivre.

L’un d’entre eux se mit à rire de façon hystérique et tous les autres l’imitèrent. Ils gloussèrent et s’esclaffèrent tandis que Merk resta là à se dire qu’à l’évidence, c’était la chose la plus drôle qu’ils aient entendue.

“Elle est pas mal mon garçon,” dit l’un d’eux. “Tu es aussi bon menteur que moine.”

Le chef pressa son poignard sur sa gorge au point que du sang se mit à couler.

“J’ai dit, réponds-moi,” répéta le chef. “Une vraie réponse. Tu veux mourir sur le champ ou quoi garçon?”

Merk subit la douleur et retourna la question dans sa tête. Il y réfléchit vraiment. Voulait-il mourir? C’était une bonne question et plus profonde que le voleur ne pouvait le penser. En y réfléchissant vraiment, il réalisa qu’une partie de lui-même voulait mourir. Il était fatigué de la vie, il était à bout.

Mais tout en méditant sur la question, Merk en vint à la conclusion qu’il n’était pas prêt à mourir. Pas maintenant. Pas aujourd’hui alors qu’il avait décidé de prendre un nouveau départ. Pas alors qu’il commençait tout juste à apprécier la vie. Il voulait changer. Il voulait une chance de servir la Tour. De devenir un Guetteur.

“Non, pas vraiment,” répondit Merk.

Il regarda finalement l’homme droit dans les yeux, une résolution naissant en lui.

“Et à cause de cela,” continua-t-il, “Je vais te donner une chance de me libérer ou sinon je vous tue tous.”

Ils le regardèrent tous stupéfaits avant que leur chef ne fronce les sourcils et ne passe à l’action.

Merk sentit la lame s’enfoncer dans sa gorge et quelque chose se déclencha en lui. Son côté professionnel, celui qu’il avait passé sa vie entière à entraîner, la partie de son être qui était à bout. Cela impliquait de briser son serment mais il n’en souciait plus à ce stade.

L’ancien Merk refit brusquement surface, c’était comme s’il n’avait jamais disparu. En un clin d’œil, il repassa en mode assassin.

Merk se concentra et ne perdit pas un seul des mouvements de ses adversaires, chaque mouvement musculaire, chaque point de pression, chaque endroit vulnérable. Le désir de tuer le submergea et comme un vieil ami, Merk le laissa prendre le contrôle de son être.

Dans un mouvement aussi rapide que l’éclair, Merk attrapa le poignet du chef, enfonça son doigt sur le point de pression et remonta jusqu’à ce qu’il casse. Il attrapa le poignard au vol et trancha la gorge de l’homme d’une oreille à l’autre d’un mouvement précis.

Le chef le regarda avec une expression d’étonnement avant de s’écrouler au sol, mort.

Merk se retourna pour faire face aux autres qui le regardaient bouche-bée.

C’était maintenant au tour de Merk de sourire en les regardant chacun leur tour, savourant le moment à venir.

“Garçons,” dit-il, “parfois il peut arriver de s’en prendre à la mauvaise personne.”

CHAPITRE CINQ

Kyra se trouvait au milieu du pont envahi par la foule. Elle sentait que tous les regards se portaient sur elle dans l’attente de sa décision sur le sort du sanglier. Ses joues étaient rouges, elle n’aimait pas être le centre d’attention. Elle était reconnaissante envers son père de lui faire confiance à ce point, elle en était très fière.

En même temps, le poids de cette responsabilité pesait sur ses épaules. Elle savait que quelle que soit sa décision, cela impacterait fortement le destin de son peuple. Bien qu’elle méprisât grandement les pandésiens, elle ne voulait pas prendre la responsabilité de déclencher une guerre que son peuple n’était pas en mesure de gagner. Mais elle ne voulait pas non plus faire machine arrière ni encourager les Hommes du Seigneur ou déshonorer son peuple et leur donner l’impression d’être faibles, surtout après qu’Anvin et les autres aient courageusement osé s’interposer.

Elle réalisa que son père était sage: en lui remettant le choix de décider, la décision apparaissait comme étant la leur et non celle des Hommes du Seigneur. Ce simple acte permettait de sauver l’honneur de son peuple. Elle réalisa qu’il lui avait confié cette tâche pour une autre raison: il devait savoir que seul un avis extérieur permettrait de sauver la face aux deux parties et il l’avait choisie parce qu’elle était toute désignée et qu’elle ne prendrait pas de décision impulsive, elle saurait être la voix de la modération. Plus elle méditait cela, plus elle réalisait pourquoi son choix s’était porté sur elle: éviter la guerre – autrement il aurait pu s’en remettre à Anvin – et non en provoquer une.

Elle prit sa décision.

“La bête est maudite,” dit-elle de façon condescendante. “Elle a failli tuer mes frères. Elle vient du Bois des Épines et a été abattue le soir de la Lune d’Hiver, un jour où il est interdit de chasser. C’était une erreur de la ramener ici à nos portes, elle aurait dû rester pourrir dans la nature, d’où elle vient.”

Elle regarda les Hommes du Seigneur avec ironie.

“Amenez-la à votre Seigneur Gouverneur,” dit-elle en souriant. “Vous nous ferez une grande faveur.”

Les Hommes du Seigneur la regardèrent puis leurs regards se portèrent sur la bête. Leur expression se transforma. On aurait dit qu’ils venaient de se faire embarquer dans un mauvais plan et que soudainement ils n’en voulaient plus.

Kyra saisit le regard approbateur et reconnaissant d’Anvin et des autres, mais surtout, celui de son père. Elle avait réussi, elle avait sauvé la face de son peuple et venait de leur éviter la guerre. Et par la même occasion, elle avait lancé une pique à Pandésia.

Ses frères laissèrent tomber le sanglier à terre qui atterrit dans la neige avec un bruit sourd. Ils reculèrent humblement, leurs épaules leur faisant visiblement mal.

Tous les regards se tournèrent vers les Hommes du Seigneur qui ne savaient pas comment réagir. Les mots de Kyra avaient eu une certaine portée et ils regardaient à présent la bête comme si quelque chose de mauvais essayait de s’extirper des entrailles de la terre. Á l’évidence ils n’en voulaient plus. Maintenant que la bête était la leur, ils n’en voulaient plus.

Après un long silence tendu, leur commandant fit finalement signe à ses hommes de ramasser la bête, fit demi-tour en fronçant les sourcils et s’éloigna visiblement contrarié, comme s’il savait qu’il venait de se frotter à un ennemi plus intelligent que lui.

La foule de dispersa et la tension retomba. Le soulagement était palpable. La plupart des hommes de son père s’approchèrent d’elle et posèrent leur main sur son épaule en guise d’approbation.

“Bien joué,” dit Anvin en la regardant avec approbation. “Tu feras une bonne suzeraine un jour.”

Les villageois reprirent leurs activités, les allers-retours reprirent de plus belle et la tension disparut. Kyra se retourna pour chercher son père des yeux. Leurs regards se croisèrent, il se tenait à quelques mètres. Il avait toujours beaucoup de retenue devant ses hommes et cette fois-ci les choses n’étaient pas différentes. Son expression était indifférente mais il lui fit un petit signe de tête, un signe d’approbation.

Kyra regarda autour d’elle et vit Anvin et Vidar se saisir de leurs lances. Son cœur s’accéléra.

“Je peux me joindre à vous?” demanda-t-elle à Anvin sachant qu’ils se dirigeaient vers le terrain d’entraînement tout comme le reste des hommes de son père.

Anvin regarda nerveusement son père sachant qu’il allait désapprouver.

“Il neige de plus en plus,” répondit finalement Anvin en hésitant. “Et la nuit tombe également.”

“Cela ne vous arrête pourtant pas,” riposta Kyra.

Cela le fit sourire.

“Non, c’est vrai,” reconnu-t-il.

Anvin regarda de nouveau son père mais ce dernier secoua la tête avant de tourner les talons et de rentrer dans le fort.

Anvin soupira.

“Ils préparent une grande fête,” dit-il. “Il vaudrait mieux que tu y ailles.”

Kyra sentait dans l’air l’odeur des viandes délicates en train de rôtir et vit ses frères entrer dans le fort de même que des dizaines de villageois qui se hâtaient de finir les préparatifs du festival.

Mais Kyra leur tourna le dos et regarda avec envie en direction des champs et du terrain d’entraînement.

“Un repas peut attendre,” dit-elle. “Pas l’entraînement. Laisse-moi venir.”

Vidar sourit et secoua la tête.

“Es-tu bien sûre d’être une fille et non pas un guerrier?” demanda Vidar.

“Je ne peux pas être les deux?” répliqua-t-elle.

Anvin poussa un long soupir et finit par secouer la tête.

“Ton père va me faire la peau,” dit-il.

Puis il approuva d’un signe de tête.

“Tu ne sais pas ce que veut dire non,” dit-il pour conclure, “et tu es plus de courageuse que la moitié de mes hommes. Je suppose ton courage sera le bienvenu.”

*

Kyra courrait après Anvin, Vidar et quelques hommes de son père au milieu du paysage enneigé. Comme d’habitude, Léo la suivait. La neige tombait de plus en plus fort mais cela lui était égal. Elle ressentait une immense sensation de liberté, d’euphorie comme toujours dès qu’elle passait la Porte du Combattant, une ouverture basse et archée qui coupait le mur d’enceinte du terrain d’entraînement. Elle prit une profonde respiration lorsque le ciel se découvrit au-dessus de sa tête alors qu’elle courrait à découvert dans cet endroit qu’elle adorait, au milieu des collines verdoyantes qui étaient à présent recouvertes de neige. Elle avait l’impression que chaque chose était à sa place lorsqu’elle découvrit les hommes en train de s’entraîner, sillonnant la zone à cheval, jetant leurs lances, visant des cibles éloignées, tout cela pour améliorer leurs compétences. Pour elle, c’était cela la vraie vie.

Ce terrain d’entraînement était réservé aux hommes de son père, ni les femmes ni les garçons de moins de dix-huit ans n’étaient autorisés à y pénétrer, de même que les personnes qui n’y avaient pas été invitées. Chaque jour, Brandon et Braxton attendaient avec impatience qu’on leur propose mais Kyra se doutait bien que ce ne serait jamais le cas. La Porte du Combattant était réservée aux guerriers honorables ayant une grande expérience de la guerre et non pas aux petits vantards comme ses frères.

Kyra courrait dans les champs, se sentant ici heureuse et vivante comme nulle part ailleurs sur terre. L’énergie ici était intense, des dizaines de guerriers parmi les meilleurs de son père, venus de toutes les régions d’Escalon et vêtus d’armures légèrement différentes les unes des autres, étaient à l’entraînement. Ces hommes venaient du sud, de Thébus et Leptis; des Midlands, principalement de la capitale Andros; mais également des montagnes de Kos; certains venaient de l’ouest, de Ur, il y avait des hommes de la rivière de Thusis et leurs voisins d’Esephus. Il y avait des hommes originaires du Lac de Ire et d’autres venant d’aussi loin que les cascades d’Everfall. Tous arboraient des couleurs, des armures et des armes différentes, tous ces hommes d’Escalon représentaient chacun leur forteresse. C’était un tableau de puissance éblouissant.

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