Le Poids de l’Honneur - Морган Райс 2 стр.


“NATION DE MARDA, EN AVANT !” cria-t-il.

Un grand cri s'éleva derrière lui quand les centaines de trolls coincés dans le tunnel levèrent leur hallebarde et chargèrent avec lui. Il ouvrit la marche, escalada le tunnel au pas de charge en glissant et en dérapant sur la terre et sur le roc et se fraya un chemin vers l'ouverture, vers la conquête. La vue d'Escalon le faisait trembler d'excitation. En dessous de lui, le sol tremblait, secoué par les cris du géant du dessus. Il était clair que la bête était heureuse d'être libre, elle aussi. Vesuvius imagina les dommages que le géant allait provoquer là-haut. Libre, il saccagerait  et terroriserait la campagne. Vesuvius sourit encore plus. Le géant pourrait s'amuser puis, quand Vesuvius s'en lasserait, il le tuerait. Entre temps, il constituait un atout précieux en matière de saccage et de terreur.

Vesuvius leva le regard et cligna des yeux, confus, quand il vit le ciel s'assombrir soudain au-dessus de lui et sentit une grande vague de chaleur se diriger vers lui. Perplexe, il vit descendre un mur de flammes qui couvrit soudain la campagne. Il n'arrivait pas à comprendre ce qui se passait. Une horrible vague de chaleur s'abattit sur lui, lui ébouillanta le visage, puis il entendit le rugissement du géant suivi par un énorme hurlement d'agonie. Le géant piétina. Visiblement, quelque chose lui faisait mal et, terrifié, Vesuvius le vit faire demi-tour pour une raison inexplicable. Le visage à moitié brûlé, le géant revint précipitamment dans le tunnel, sous terre, directement vers Vesuvius.

Le regard figé, Vesuvius ne pouvait comprendre le cauchemar qui se déroulait en face de lui. Pourquoi donc le géant avait-il fait demi-tour ? Quelle était la source de cette chaleur ? Qu'est-ce qui lui avait brûlé le visage ?

Ensuite, Vesuvius entendit un battement d'ailes, un cri encore plus horrible que celui du géant et il comprit. Il se sentit frisonner quand il se rendit compte que, là-haut, une chose encore plus terrifiante qu'un géant passait dans le ciel. C'était une chose que Vesuvius n'avait jamais cru qu'il rencontrerait de toute sa vie : un dragon.

Vesuvius resta sur place, figé par la peur pour la première fois de sa vie, toute son armée de trolls figée derrière lui, tous piégés. L'impensable s'était produit : effrayé, le géant fuyait une chose encore plus grande que lui-même. Brûlé, souffrant, paniqué, le géant balançait ses immenses poings en descendant, donnait des coups avec ses violentes griffes et Vesuvius vit avec terreur ses trolls se faire écraser tout autour de lui. Tout ce qui se trouvait sur le chemin de sa colère se faisait écraser par ses pieds, couper en deux par ses griffes, écraser par ses poings.

Puis, avant qu'il n'ait pu se sortir de son chemin, Vesuvius sentit ses propres côtes craquer quand le géant le cueillit et le jeta en l'air.

Il se sentit voler, tourner sur lui-même, le monde tournoyait et la chose suivante dont il se rendit compte fut la rencontre entre sa tête et le roc, et l'horrible douleur qui se propagea partout dans son corps quand il heurta un mur de pierre. Quand il commença à tomber vers le sol, à perdre conscience, la dernière chose qu'il vit fut le géant qui détruisait tout, mettait à mal tous ses plans, tout ce pour quoi il avait œuvré, et il se rendit compte qu'il allait mourir ici, loin en dessous de la terre mais seulement à quelques mètres du rêve qu'il avait frôlé.

CHAPITRE TROIS

Duncan sentit l'air le fouetter quand, au coucher de soleil, il descendit à la corde les pics majestueux de Kos en se retenant pour ne pas tomber, car il glissait plus vite qu'il avait cru possible. Tout autour de lui, les hommes glissaient, eux aussi, Anvin et Arthfael, Seavig, Kavos, Bramthos et des milliers d'autres, les hommes de Duncan, ceux de Seavig et ceux de Kavos qui ne formaient plus qu'une seule armée et dévalaient tous la glace en rangées. C'était une armée bien disciplinée dont les soldats se sautaient les uns par-dessus les autres, car ils voulaient tous désespérément atteindre la vallée avant d'être détectés. Quand les pieds de Duncan touchèrent la glace, il donna immédiatement une poussée vers le bas et ce ne fut que grâce aux gants épais que Kavos lui avait donnés qu'il n'eut pas les mains déchirées en lambeaux.

Duncan s'étonna de voir à quelle vitesse son armée dévalait la falaise, quasiment en chute libre. Quand il avait été au sommet de Kos, il n'avait pas eu la moindre idée de la façon dont Kavos comptait s'y prendre pour faire descendre une armée d'une telle taille si rapidement et sans perdre d'hommes; il ne s'était pas rendu compte qu'ils avaient une gamme de cordes et de piolets tellement complexe qu'elle leur permettrait de descendre avec énormément de souplesse. Ces hommes étaient faits pour la glace et, pour eux, cette descente à la vitesse de l'éclair était une promenade de santé. Il comprit finalement ce qu'on voulait dire quand on disait que les hommes de Kos n'étaient pas piégés sur leur sommet mais que c'était plutôt les Pandésiens qui étaient piégés en dessous.

Soudain, Kavos s'arrêta brusquement, atterrit des deux pieds sur un vaste et large plateau qui dépassait de la montagne et Duncan s'arrêta à côté de lui, imité par tous les hommes, qui firent une pause temporaire à mi-hauteur du versant de la montagne. Kavos marcha vers le bord. Duncan le rejoignit, se pencha et vit les cordes pendre loin en dessous; loin au-dessous, au travers du brouillard et des derniers rayons du soleil, à la base de la montagne, Duncan voyait les bâtiments en pierre d'une garnison pandésienne qui grouillait de soldats par milliers.

Duncan jeta un coup d’œil à Kavos et Kavos le lui rendit, l'air ravi. C'était une joie que Duncan reconnaissait, une joie qu'il avait vue de nombreuses fois dans sa vie : l'extase d'un vrai guerrier sur le point de livrer bataille. C'était ce pour quoi vivaient les hommes comme Kavos. Duncan était bien forcé d'admettre qu'il ressentait lui-même ce picotement dans les veines et cette contraction des boyaux. La vue de ces Pandésiens lui donnait autant envie de se battre qu'à n'importe qui d'autre.

“Tu aurais pu descendre n'importe où”, dit Duncan en examinant le paysage d'en dessous. “C'est vide presque partout. On aurait pu éviter la confrontation et se diriger vers la capitale. Pourtant, tu as choisi l'endroit où il y a le plus de Pandésiens.”

Kavos fit un grand sourire.

“En effet”, répondit-il. “Les hommes de Kavos n'essaient pas d'éviter la confrontation. Au contraire, nous la recherchons.” Il sourit encore plus. “De plus”, ajouta-t-il, “si on se bat dès maintenant, ça nous servira d'échauffement pour notre marche vers la capitale et je veux que ces Pandésiens y réfléchissent à deux fois la prochaine fois qu'ils décideront d'encercler notre montagne.”

Kavos se tourna et fit un signe de tête à son commandant, Bramthos, qui rassembla leurs hommes et rejoignit Kavos. Ils se précipitèrent tous vers un énorme bloc de glace perché au bord de la falaise. Comme un seul homme, ils le poussèrent tous de l’épaule.

Comprenant ce qu'ils faisaient, Duncan fit un signe de tête à Anvin et Arthfael, qui rassemblèrent leurs hommes aux aussi. Seavig et ses hommes les rejoignirent et, comme un seul homme, ils poussèrent tous.

Duncan planta les pieds dans la glace et poussa, s'efforça de faire bouger la masse du bloc de glace, glissa, poussa de toutes ses forces. Les soldats gémirent tous et, lentement, l'énorme bloc commença à rouler.

“Cadeau de bienvenue ?” demanda Duncan en souriant et en grognant à côté de Kavos.

Kavos lui rendit son sourire.

“Juste un petit quelque chose pour annoncer notre arrivée.”

Un moment plus tard, Duncan sentit le bloc céder brusquement, entendit craquer la glace, se pencha et regarda avec un respect mêlé d'admiration le bloc rouler par-dessus le bord du plateau. Il se recula rapidement avec les autres et regarda le bloc descendre à toute vitesse, rouler, rebondir sur la paroi de glace, prendre de la vitesse. Le bloc massif, qui faisait au moins neuf mètres de diamètre, tomba directement vers le bas en se précipitant vers la forteresse pandésienne d'en-dessous comme un ange de la mort. Duncan se prépara à l'explosion qui allait suivre. Tous les soldats d'en-dessous étaient des cibles inconscientes qui allaient subir leur propre destruction.

Le bloc frappa le centre de la garnison en pierre en produisant un fracas plus puissant que tout ce que Duncan avait entendu dans toute sa vie. C'était comme si une comète avait frappé Escalon. Le grondement résonna si fort que Duncan fut obligé de se couvrir les oreilles. Le sol trembla sous ses pieds et le fit trébucher. Un énorme nuage de pierre et glace s'éleva à des dizaines de mètres de hauteur et l'air, même de là où se tenait Duncan, se remplit des cris et des hurlements terrifiés des hommes. Une moitié de la garnison en pierre fut détruite par l'impact et le bloc continua à rouler en écrasant des hommes, en aplatissant des bâtiments et en semant destruction et chaos dans son sillage.

“HOMMES DE KOS !” cria Kavos. “Qui a osé approcher de notre montagne ?”

Avec un grand cri, ses milliers de guerriers se lancèrent soudain en avant et sautèrent du bord de la falaise. Il suivirent tous Kavos en saisissant une corde et en descendant si vite en rappel  qu'ils dévalaient quasiment la montagne en chute libre. Duncan les suivit, accompagné par ses hommes qui, eux aussi, bondirent tous en saisissant les cordes et en descendant si vite qu'il avait peine à respirer; il était certain qu'il allait se rompre le cou en touchant le sol.

Quelques secondes plus tard, il atterrit rudement au pied de la montagne, des centaines de mètres au-dessous, au milieu d'un immense nuage de glace et de poussière alors que le grondement produit par l'effondrement du bloc résonnait encore. Tous les hommes se tournèrent vers la garnison, poussèrent tous un grand cri de guerre en tirant l'épée et chargèrent, se précipitant tête baissée dans le chaos du camp pandésien.

Les soldats pandésiens, encore sous le choc de l'explosion, se retournèrent, choqués, et virent l'armée charger; il était clair qu'ils ne s'attendaient pas à une telle attaque. Médusés, pris à l'improviste, privés de plusieurs de leurs commandants qui étaient morts écrasés par le bloc, ils avaient l'air trop désorientés pour pouvoir penser clairement. Quand Duncan, Kavos et leurs hommes se ruèrent sur eux, certains se mirent à se retourner et à fuir. D'autres tentèrent de saisir une épée mais Duncan et ses hommes s'abattirent sur eux comme une nuée de sauterelles et les poignardèrent avant qu'ils aient même pu tirer l'épée.

Duncan et les hommes traversèrent rapidement le camp sans jamais hésiter. Ils savaient que le temps pressait et, en suivant le sillage de la destruction provoquée par le bloc, ils tuèrent de tous côtés les soldats qui se remettaient. Duncan tailladait de tous côtés. Il poignarda un soldat à la poitrine, en frappa un autre au visage avec le pommeau de son épée, donna un coup de pied à un soldat qui le chargeait, puis se baissa rapidement et donna un coup d'épaule à un autre homme qui balançait une hache vers sa tête. Sans s'arrêter, Duncan abattit tous les ennemis qui se trouvaient sur sa route, respirant avec difficulté, sachant qu'ils étaient encore en infériorité numérique et qu'il fallait qu'il en tue le plus  possible aussi rapidement que possible.

A côté de lui, Anvin, Arthfael et ses hommes le rejoignirent. Se protégeant l'un l'autre, ils se ruèrent tous en avant, tailladèrent leurs ennemis et défendirent leurs amis de tous côtés pendant que le vacarme de la guerre remplissait la garnison. Pris dans une bataille totale, Duncan savait qu'il aurait été plus sage d'économiser l'énergie de ses hommes, d'éviter cette confrontation et de marcher sur Andros. Cependant, il savait aussi que, pour des raisons d'honneur, il fallait que les hommes de Kos mènent cette bataille et il comprenait ce qu'ils ressentaient; ce n'étaient pas toujours les mesures les plus sages qui touchaient le cœur des hommes.

Ils traversèrent le camp rapidement et avec discipline. Les Pandésiens étaient dans une telle confusion que c'était à peine s'ils pouvaient se défendre de façon organisée. A chaque fois qu'un commandant se manifestait ou qu'une compagnie se formait, Duncan et ses hommes les taillaient en pièces.

Duncan et ses hommes se ruèrent dans la garnison comme un ouragan et, finalement, à peine une heure plus tard, au bout du fort, Duncan se retourna de tous les côtés, maculé de sang, et se rendit compte qu'il ne restait personne à tuer. Il resta où il était, respirant avec difficulté. Un crépuscule brumeux tomba sur les montagnes, qui étaient toutes étrangement silencieuses.

Le fort était à eux.

Quand les hommes s'en rendirent compte, ils poussèrent un cri de joie spontané et Duncan resta sur place. Alors que Anvin, Arthfael, Seavig, Kavos et Bramthos venaient à côté de lui, Duncan essuya le sang de son épée et de son armure puis contempla ce qui l'entourait. Sur le bras de Kavos, il remarqua une blessure d'où coulait du sang.

“Tu es blessé”, signala-t-il à Kavos, qui ne semblait pas le remarquer.

Kavos regarda la blessure, haussa les épaules puis sourit.

“Simple égratignure”, répondit-il.

Duncan examina le champ de bataille, où gisaient tant de morts. La plupart d'entre eux étaient des Pandésiens et il y avait peu de ses propres hommes. Il leva alors les yeux et vit les pics gelés de Kos qui les surplombaient puis disparaissaient dans les nuages, et il ressentit un respect mêlé d'admiration quand il comprit toute la hauteur qu'ils avaient escaladée et la vitesse à laquelle ils étaient descendus. Cela avait été une attaque éclair, comme si la mort s'était abattue du ciel, et cela avait fonctionné. La garnison pandésienne, qui avait eu l'air si indomptable seulement quelques heures auparavant, était maintenant à eux, réduite à une ruine dont ne subsistait plus aucun mur et dont tous les hommes gisaient dans des mares de sang, morts sous le ciel crépusculaire. C'était surréaliste. Le guerriers de Kos n'épargnaient personne, n'accordaient aucune pitié et avaient constitué une force irrésistible. Duncan avait un nouveau respect pour eux. Ce seraient des alliés essentiels dans le cadre de la libération d'Escalon.

Kavos examinait les cadavres, respirant avec difficulté lui aussi.

“Voilà ce que j'appelle un plan de sortie”, dit-il.

Duncan le vit sourire en examinant les cadavres ennemis et en regardant leurs hommes dépouiller les morts de leurs armes.

Duncan fit oui de la tête.

“Et c'était une belle sortie”, répondit-il.

Duncan se tourna et regarda vers l'ouest, au-delà du fort, où il aperçut du mouvement dans le soleil couchant. Il plissa les yeux et ce qu'il vit lui donna chaud au cœur, même s'il s'y était attendu d'une façon ou d'une autre. Là-bas, à l'horizon, son destrier se tenait fièrement devant le troupeau, suivi par des centaines de destriers. Comme d'habitude, il avait senti où Duncan se trouverait et il était là, en train de l'attendre avec loyauté. Duncan eut chaud au cœur, car il savait que son vieil ami emmènerait son armée jusqu'à la capitale.

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