« Amy ? Du lycée ? », demanda Roy en levant un sourcil.
Emily acquiesça. « Nous sommes toujours amies », l’informa-t-elle. « Elle est une des demoiselles d'honneur. Elle aide beaucoup pour les préparatifs du mariage. »
Emily fila du bar et répondit à l’appel.
« Em, nous sommes tellement désolées », dit Amy. « L'appel a pris une éternité et maintenant nous sommes toutes les deux trop épuisées pour conduire. Nous allons devoir nous arrêter ici pour la nuit. Ne nous déteste pas. »
« Non », lui dit Emily, secrètement soulagée que ses amies n'interrompent pas la réunion avec son père.
« Nous partirons à la première heure demain matin », ajouta Amy.
« Honnêtement, Amy, ça va », dit Emily. Il s’est passé quelque chose ici de toute façon. »
« Quel truc ? Pour le mariage ? Daniel ? Sheila ? » Elle semblait inquiète.
« Rien de tel », expliqua Emily. Puis elle prit une profonde inspiration. « Amy, mon père est là. »
Il y eut un long silence. « Quoi ? Comment ? Tu vas bien ? »
Emily ne savait pas comment répondre à cela, et elle ne voulait vraiment s’y engager maintenant. Elle ne l'avait pas encore complètement intégré. Elle avait besoin de temps pour démêler ses émotions et donner un sens à tout cela.
« Je vais bien. Parlons-en quand vous arriverez ici. »
Amy ne semblait pas convaincue. « D'accord. Mais si tu as besoin de quelqu'un à qui parler, appelle-moi tout de suite. À demain. »
Emily raccrocha et retourna au bar, aux rires joyeux de Roy et Daniel. Les vieux amis de nouveau réunis.
« Eh bien », dit Roy, en vidant le reste d’alcool dans son verre. « Je pense qu'il est probablement temps pour moi de me faire tout petit. On dirait que vous avez à vous occuper de clients. »
Emily se sentit paniquée à l'idée que Roy s'en aille. « J'ai du personnel, ils s’occupent de tout. Il n’y a pas d’inconvénients à ce que nous passions du temps ensemble. Tu n’es pas obligé de partir. »
Roy remarqua son air paniqué. « Je voulais juste dire qu'il serait peut-être temps de se retirer. De dormir. »
« Tu veux dire que tu restes ? », dit Emily, surprise. « Ici ? »
« Si tu as de la place ? », dit humblement Roy. « Je ne voulais pas être présomptueux. »
« Bien sûr que tu peux rester ! », s’écria Emily. « Combien de temps prévois-tu d'être ici ? »
« Jusqu'au mariage, si ça ne pose pas de problème. Je pourrais vous aider un peu avec les préparatifs si nécessaire. »
Emily était abasourdie. Non seulement son père était là, mais il prévoyait d'être présent plus d'une semaine ! C'était vraiment un rêve devenu réalité.
« Ce serait merveilleux », dit-elle.
Ils allèrent à l’étage et installèrent Roy dans la pièce à côté de son bureau. Emily savait qu'il voudrait y aller à un moment ou un autre, probablement seul.
« Est-ce que cette chambre conviendra ? », demanda-t-elle.
« Oh oui. Elle est adorable », répondit Roy. « Et juste à côté de mon escalier secret. »
Emily fronça les sourcils. « Ton quoi ? »
« Ne me dis pas que vous ne l'avez jamais trouvé », dit Roy. Il y avait une étincelle de malice dans ses yeux, qui révélait qu’il avait autrefois frôlé la folie, le cercle vicieux qui avait transformé son attrait espiègle pour les cartes du trésor en discrétion et coffres forts verrouillés par des combinaisons cachées.
« Tu veux dire l'escalier du belvédère ? », demanda Emily. « Je l'ai trouvé. Mais il est au troisième étage. »
Roy applaudit alors bruyamment, comme soudainement ravi. « Vous ne l’avez jamais trouvé ! L'escalier des serviteurs. »
Emily secoua la tête. « Mais j'ai vu les plans de toute la maison. Le bar clandestin était le dernier endroit caché dessus. »
« Quelque chose n'est pas caché si c’est sur des plans ! », s’exclama Roy.
« Montrez-nous », dit Daniel. Il semblait excité, comme il l'avait été lorsque le bar avait été découvert.
Roy les conduisit dans son bureau. « Vous ne vous êtes pas demandé pourquoi il y avait un manteau de cheminée contre ce mur ? » Il le tapota, et il laissa échapper un bruit creux. « Tous les autres manteaux de cheminée se trouvent sur des murs extérieurs. Celui-ci est interne. »
« Cela ne m'a même pas traversé l’esprit », dit Emily.
« Eh bien, c'est derrière », Roy. « Si ça ne te dérange pas de me donner un coup de main, Daniel. »
Daniel obéit volontiers. Ils retirèrent ce qu’Emily vit maintenant comme étant un faux mur, couvert de papier peint pour être identique par rapport au reste de la pièce. Et le voilà. Un escalier. Quelconque, rien de particulièrement beau à regarder, mais c'était son existence même qui les excitait.
« Je n’arrive pas à y croire », dit Emily en entrant. « C’est la raison pour laquelle tu as choisi cette pièce comme bureau ? »
« Bien sûr », répondit Roy. « Les escaliers étaient un raccourci pour que les serviteurs aillent dans les chambres à coucher sans être vus par les personnes dans la maison. Il va juste d’ici au sous-sol, où les serviteurs dormaient à l’époque. »
« Et c'est la seule façon d’y entrer », dit Emily, qui se rendait à présent compte de la raison pour laquelle elle ne l'avait pas trouvé. Le sous-sol contenait encore des pièces inexplorées pour elle, et le bureau de son père était la pièce qu’elle avait le moins dérangée.
Roy acquiesça. « Surprise. »
Emily rit et secoua la tête. « Tant de secrets. »
Ils sortirent du bureau et Roy entra dans sa chambre. Emily allait fermer la porte derrière lui, mais il tendit la main vers elle et lui donna un baiser de bonne nuit.
Emily s'arrêta, hébétée. Son père ne l'avait pas embrassée depuis tant d'années, bien avant même qu'il ne sorte de sa vie.
« Bonne nuit, papa », dit-elle hâtivement.
Elle ferma la porte et se précipita dans sa chambre. Une fois à l'intérieur, Daniel la prit immédiatement dans ses bras pour un câlin bien nécessaire.
« Comment est-ce que tu t’en sors ? », demanda-t-il doucement, la berçant doucement dans ses bras.
« Je n’arrive pas à croire qu'il soit vraiment ici », balbutia-t-elle. « Je n’arrête pas de penser que c'est un rêve. »
« De quoi avez-vous parlé ? »
« De tout. Je veux dire, je sais que je suis encore en train de digérer tout ça, mais c'était cathartique. J’ai l’impression que nous pouvons mettre toute la douleur derrière nous maintenant et recommencer à zéro. »
« Donc ce sont des larmes de joie qui mouillent mon épaule ? », plaisanta Daniel.
Emily recula et se mit à rire face à la tache sombre sur le t-shirt de Daniel. « Oups, désolée, dit-elle. Elle n'avait même pas réalisé qu'elle avait pleuré.
Daniel l'embrassa légèrement. « Tu n’as à t’excuser de rien. Je comprends que ça va être difficile. Si tu as besoin de pleurer ou rire ou crier ou n'importe quoi, je suis là. D'accord ? »
Emily hocha de la tête, si reconnaissante d'avoir un si bel être humain dans sa vie. Et maintenant, avec son père ici, elle avait l’impression que tout était vraiment en place. Enfin, après tant d'années à vivre une vie inassouvie, elle avait le sentiment qu’elle allait enfin vivre la vie qu'elle méritait.
Son mariage n’était que dans une semaine. Et maintenant, pour la première fois, avec tous ceux qu’elle aimait autour d’elle, elle se sentait véritablement prête pour.
Il était maintenant temps de se marier.
CHAPITRE DEUX
Le lendemain matin, Emily réveilla plus tôt que d'habitude, l’impression d’être comme sur un petit nuage. Elle descendit en sautillant pour préparer le petit-déjeuner, préparer un festin d'œufs, de pain grillé, de bacon et de pancakes, en fredonnant gaîment pour elle-même. Daniel descendit avec Chantelle un peu après. Emily regarda l’heure, car le temps passait, et s'inquiéta que son père n'eût pas encore fait son apparition.
« Pourquoi ne as-tu pas toquer à sa porte ? », suggéra Daniel, ayant manifestement saisi la raison de ses regards furtifs.
« Je ne veux pas le déranger », répondit Emily.
« Je vais le faire », dit Chantelle en bondissant du bar de la cuisine.
Emily secoua la tête. « Non, toi tu manges. Je vais y aller. »
Elle ne savait pas trop ce qui l'inquiétait tant dans le fait de déranger son père. Peut-être était-ce ce léger doute au fond de son esprit, qu'il ne serait pas là quand elle frapperait, que tout cela se révélerait être un rêve après tout.
Elle s'approcha prudemment de sa chambre, puis s’éclaircit la gorge en se sentant stupide. Elle toqua bruyamment.
« Papa, j'ai préparé le petit déjeuner. Tu es prêt à descendre ? »
Quand il n'y eut pas de réponse, Emily ressentit une première vague de panique. Mais elle se calma elle-même. Roy pouvait bien être sous la douche, incapable de l'entendre.
Elle testa la poignée de sa porte et découvrit qu’elle était déverrouillée. Elle l'ouvrit et jeta un coup d’œil dans sa chambre. Son lit était vide, mais il n'y avait aucun bruit venant de la porte ouverte de la salle de bain, absolument aucun signe de Roy.
Emily abandonna immédiatement l’idée d’essayer de contenir sa peur. Tout à coup, les questions défilèrent. L’avait-elle poussée trop loin la nuit précédente ? L'avait-elle mis trop mal à l’aise pour rester ?
Elle se précipita hors de la pièce et dans le couloir, puis dévala l'escalier vers la cuisine. Ce ne fut que la vue du regard perplexe de Chantelle au comptoir qui l'empêcha de crier pour appeler Daniel. Au lieu de cela, elle s'arrêta net et réussit à se calmer.
« Daniel, tu pourrais me donner un coup de main rapidement ? », dit Emily, essayant d'empêcher son visage de se décomposer.
Daniel leva les yeux et fronça les sourcils. Évidemment, il pouvait voir directement à travers son sourire affiché. « Pour quoi ? »
« Humm… » Emily piétinait. « Soulever des choses lourdes. »
« Soulever quoi ? », insista Daniel.
Emily laissa échapper le premier mot qui lui vint à l'esprit. « Rouleaux de papier toilette. »
Chantelle rit. « Des rouleaux de papier toilette lourds ? »
« Daniel », dit brusquement Emily. « S'il te plaît. Aidez-moi juste un instant. »
Daniel soupira et se leva de table. Emily l’attrapa par le bras et l'entraîna dans le couloir.
« C'est papa », murmura-t-elle. « Il n'est pas dans sa chambre. »
Par le changement d'expression de Daniel, Emily sut qu’il avait finalement saisi la raison pour laquelle elle se comportait si étrangement.
« Il ne serait pas parti », la rassura Daniel en lui frottant les bras. « Il est probablement en train d’explorer le terrain. »
« Tu ne le sais pas », répondit Emily. Elle cédait à présent complètement à la panique et commençait à fondre en larmes.
« Je vais vérifier dans le jardin », dit Daniel. « Tu regardes dans la maison. »
Emily hocha de la tête, heureuse reçu des instructions. Son propre esprit s’était figé dans la peur.
Daniel se précipita dehors et Emily prit les escaliers, se précipitant deux marches à la fois. Elle vérifia chacune des chambres ouvertes mais en vain. Depuis les fenêtres du palier, elle pouvait voir Daniel dans la cour, courant çà et là. Il n'avait donc pas eu de chance non plus.
Alors Emily eut une illumination. Elle courut jusqu’au bout du couloir et ouvrit la porte du bureau de Roy.
La pièce était sombre, les rideaux tirés, mais la lampe du bureau était allumée, créant un reflet sur la surface du bois. Voûtée derrière se dessinait la silhouette caractéristique de Roy Mitchell, penché sur quelque chose, en train de bricoler.
Emily laissa échapper un énorme soupir et appuya son épaule contre le cadre de la porte, la laissant soutenir son poids tandis que la tension quittait son corps.
« Oh, bonjour », dit innocemment Roy, en levant les yeux au bruit de son soupir. « Je réparais juste ça. » Il leva une pendule à coucou, dont la lunette arrière était ouverte. Il la referma délicatement et le coucou sortit à l’avant. En souriant, il le remit en place. « Comme neuf. »
La panique d'Emily s’évanouit et laissa place tout aussi rapidement au bonheur. Regarder son père bricoler était étrange dans sa familiarité. C'était comme s'il avait toujours été là. Cette vue la remplissait de joie.
« Tu es prêt pour le petit-déjeuner ? », demanda Emily.
Roy hocha de la tête et se leva. Pendant qu’ils descendaient ensemble, Emily frappa à la fenêtre du palier d’où elle pouvait apercevoir Daniel courir à travers le jardin. Il leva les yeux avec le bruit et Emily lui adressa un pouce vers le haut. Elle le regarda vaciller, soulagé.
Ils se rendirent dans la cuisine, où Chantelle mangeait encore son petit-déjeuner, inattentive aux événements.
« On dirait que tu organisé un festin », dit Roy en riant alors qu'il glissait sur un siège à côté de Chantelle.
« Comment as-tu dormi Papa Roy ? », demanda Chantelle. Elle s'était endormie la veille pendant le nettoyage de sa chambre et ne le revoyait que maintenant.
Roy se versa un verre de jus de fruit. « Magnifiquement bien, merci ma chère. Le lit était tout aussi confortable que celui dans lequel je dormais quand c'était ma maison. »
En entendant ses paroles, Emily s'inquiéta soudain. La maison était toujours la sienne. Elle l’avait reprise en partant du principe qu'il était porté disparu et présumé mort, mais maintenant que ce n'était plus le cas, il avait légalement le droit de la lui reprendre.
Daniel entra pour se joindre au petit-déjeuner familial.
« Promenade matinale ? », lui demanda Roy alors qu'il prenait place.
Daniel attira sciemment le regard d’Emily. « Rien de tel que de l'air frais à la première heure », dit-il avec un soupçon de sarcasme dont Emily savait qu’il était pour son bénéfice.
« Papa Roy me racontait simplement comment c’était quand c'était sa maison », l’informa Chantelle.
« Eh bien, elle l’est toujours en réalité », expliqua Emily. Elle leva les yeux vers son père, inquiète. « Tu veux la récupérer ? »
Roy se mit alors à rire. « Bon sang non ! Je suis ravi que tu l’aies, mon ange. Ce n'est pas comme si je prévoyais de revenir à Sunset Harbour. »
Emily aurait dû se sentir heureuse d'entendre son père confirmer qu’il ne prévoyait pas de lui reprendre la maison, mais elle était triste qu’il confirme que sa présence n’était que temporaire. Elle n'était pas sûre de ce qu'elle avait pensé, ni même d’avoir réfléchi aussi loin dans le temps, mais cela paraissait tellement dur de savoir qu'il la quitterait encore une fois.
Elle donna un coup de fourchette morose dans son pamplemousse et prit une bouchée pleine d’amertume.
« Combien de temps tu resteras avec nous ? », demanda Chantelle avec son innocence d'enfant.
« Juste jusqu’après le mariage », expliqua Roy avec une voix douce qu'il semblait réserver seulement à Chantelle, celle dont Emily se souvint qu’il l’employait avec elle quand elle avait cet âge-là. « C'est la raison pour laquelle je suis ici. Pour aider à préparer. » Il leva les yeux vers Emily. « Est-ce qu'il y a quoi que ce soit pour lequel tu aimerais que je t’aide ? »
Emily essayait toujours de se faire à l’idée que l'apparition de Roy dans sa vie allait être brève et éphémère, qu’à peine rentré il repartirait de nouveau. La dernière chose à laquelle elle pouvait penser maintenant était ce qu'il fallait organiser ! Et de toute façon, il était un peu en retard. Il ne restait qu’un peu plus d'une semaine avant le mariage, donc à peu près la plupart des choses avaient déjà été faites.
« Tu pourrais garder un œil sur Chantelle quand je serais dépassée par les évènements », dit Emily. « Si ça ne te dérange pas ? »
Chantelle sourit. « Nous pouvons réparer la serre de Trevor ! »
Roy avait l'air intéressé. « La serre de Trevor? »
« Trevor Mann, le voisin », commença Emily. Puis elle se tut. Son chagrin vis-à-vis du décès de Trevor était encore à vif. Elle ne savait pas trop comment expliquer la situation. « Nous sommes récemment devenus amis et, eh bien, il est décédé. Il m'a laissé sa maison dans son testament. »
Roy leva les sourcils. Emily pouvait voir d’après l'expression sur son visage que sa propre relation avec Trevor avait été mauvaise.
« Trevor Mann t’a laissé sa maison ? », demanda Roy, surpris.
Emily acquiesça. « Je sais. C'était une amitié improbable. J'étais là pour lui à la fin. »
« Comment est-il mort ? », demanda doucement Roy.