Tu Es À Moi - Dollat Jean-Luc 2 стр.


Avec une véritable satisfaction, je croisai l’invité d’Aleksejau moment où il gravissait les marches de l’escalier.

Il portait des lunettes de soleil qui cachaient en partie sonvisage, mais il avait quelque chose de familier.

Je m’attardai encore un peu, attendant qu’il parvînt au sommetdes marches pour passer à côté de lui.

Il me jeta un coup d’œil qui ne m’échappa pas, mais ilpoursuivit son chemin, comme si de rien n’était.

J’aurais voulu m’approcher et lui parler, mais je savais qu’unetelle attitude aurait suscité des soupçons ; or je ne pouvais pasrater cette occasion unique de connaître la personne avec laquelleAleksej faisait la contrebande de diamants ou par l’entremise delaquelle il les échangeait contre autre chose.

Huit mois que j’attendais cet instant.

J’en étais arrivée à coucher avec ce russe pour pénétrer dansson domicile, là où je savais qu’avaient lieu les rencontres lesplus intéressantes et profitables.

Et maintenant l’occasion se présentait devant moi !

L’homme me frôla et je feignis l’indifférence mais, alors quej’allais emprunter l’escalier, je respirai l’odeur de son after-shave.

C’était un parfum particulier et très cher.

Je ne connaissais qu’un seul homme qui en mettait.

Un homme avec lequel j’avais eu une relation pendant près d’uneannée, relation basée sur de brèves rencontres épisodiques axéessur le sexe, ainsi que quelques bavardages au cours desquels nouséchangions sur le travail et nos rêves de gloire.

Près d’une année s’était écoulée depuis notre dernière rencontremais, en un instant, l’image de mon ex- me revint à l’esprit.

Des cheveux blonds, les yeux bleus, une mâchoire carrée, le nezaquilin, taille et poids moyens…

J’étouffai un sursaut : “Ryan !”

Du coup je me retournai, bouleversée.

Lui aussi s’était retourné et il avait ôté ses lunettes.

Ses cheveux étaient plus longs et il portait la barbe, maisc’était vraiment lui.

Comment était-ce possible ?

Je repensai à cette année-là avec lui et aux problèmes quej’avais eus…

Je me rappelais toutes les fois où je lui avais confié mesdoutes sur le fait que quelqu’un de mon entourage me roulait.

“Comment as-tu pu me faire ça ?”, je compris à l’instant :c’était lui qui m’avait mis des bâtons dans les roues depuis lecommencement.

Ce fut à cet instant précis que je compris à quel point ilm’avait manipulée et comment il s’était efforcé de compromettre mesplans.

Instinctivement, je cherchai mon pistolet caché dans le fond dela poche de ma jupe, mais je me rendis compte trop tard de l’avoirlaissé dans ma chambre lorsqu’Aleksej m’avait fait appeler.

Ryan en fit autant et je vis soudain le canon de son arme pointévers moi.

“Kendra, ne le prends pas pour toi, mais un seul de nous deuxsortira vivant d’ici.”

“Il n’est pas nécessaire qu’il en finisse ainsi”, tentai-je dele convaincre, descendant lentement les marches sans lui tourner ledos.

Il était clair qu’il allait me trahir auprès d’Aleksej ; àpartir de cet instant-là il n’y aurait plus d’issue pour moi. Ilfallait que je quitte la villa à toute allure !

De plus, suite à l’affront que j’avais subi, la colère m’incitaà saisir mon téléphone portable pour appeler immédiatement mescontacts à l’extérieur afin de leur dire de se méfier de Ryan.

“Que diable se passe-t-il ici ?”, gronda la voix d’Aleksej,détournant l’attention de Ryan.

J’avais suffisamment d’expérience pour comprendre que j’étaisgrillée, donc je fis l’unique chose qui fût encore possible : jepris le téléphone et commençai à écrire un message pour expliquerce qui se passait.

“Lâche ce portable !”, hurla Ryan hors de lui dès qu’il s’enrendit compte, me bloquant peu avant que j’envoie le message.

Je vis Aleksej arrêter Ryan d’un geste et se diriger versmoi.

Son regard ressemblait à une fine plaque grise de verglas, prêteà se briser et éclater en mille fragments, lesquels toucheraientquiconque était à proximité.

Près de huit mois dans son entourage m’avaient appris qu’iln’aurait pas hésité à me faire payer chèrement chaque secondepassée auprès de lui et que j’avais exploitée à des finspersonnelles.

Le pardon était une chose qu’il ne m’aurait jamais accordée.

Je n’avais aucun doute à ce sujet.

Il ferait tout pour me détruire. Mais seulement après uneconfession complète pour qu’il découvre jusqu’à quel degré j’étaisparvenue en agissant de cette manière pendant tout ce temps.

“Donne-moi ton portable”, souffla-t-il d’une voix basse à un pasde moi, tendant sa main.

Je donnai un rapide coup d’œil à l’écran, regrettant les anciensportables où il suffisait d’appuyer sur une touche facile àidentifier du bout des doigts, au lieu d’être tout visuel.

Il ne me restait plus qu’à faire “Envoi” avec le pouce.

J’allais le faire, lorsque la main d’Aleksej parvint rapidementjusqu’à moi.

Je n’eus que le temps de déplacer le bras pour l’éviter mais,simultanément, un coup de feu retentit dans la villa.

Je ne me rendis pas compte du projectile qui venait dans madirection, lorsqu’une violente douleur au niveau la poitrine mecoupa la respiration et, me poussant en arrière, me fitbasculer.

Les talons de mes chaussures perdirent leur point d’appuihabituel et, avant que je puisse agripper le bras d’Aleksej, jebasculai dans le vide.

Je perçus à peine le contact des doigts d’Aleksej avant decommencer à plonger vers ma propre fin.

La dernière chose dont je me souvins était son nom que jeprononçai faiblement, comme un appel à l’aide désespéré et puis…la douleur.

La douleur seule me fit sentir encore vivante, malgré la ballelogée à quelques centimètres de mon sternum et les chocs répétéssur les marches de l’escalier au bas duquel je roulai.

Et puis le noir absolu.

2

ALEKSEJ

Quarante-huit heures s’étaient écoulées depuis cet épisode defolie qui avait eu lieu chez moi.

Des heures passées à pester contre moi-même pour ne pas m’êtrerendu compte de la duplicité de Danielle Stenton, alias KendraPalmer.

Comment avais-je pu être aussi naïf ?

Comment avais-je pu ne pas m’apercevoir de sa véritable nature?

J’avais bien eu quelques soupçons !

Était-il possible que la beauté de cette femme m’ait ébloui aupoint d’en perdre la tête jusqu’à devenir stupide et aveugle ?

Moi qui m’étais toujours flatté d’avoir un sixième sensinfaillible pour repérer les escrocs et les menteurs.

Mon Dieu, je ne pouvais pas y croire : j’avais eu une tellepersonne à mes côtés pendant huit longs mois sans m’enapercevoir.

En vérité, je m’étais laissé prendre par cette envie furieuse decoucher avec elle et de faire plier son caractère rebelle etarrogant !

J’avais été tellement aveuglé par mon désir et ses manièresfuyantes et provocantes à la fois de rester auprès de moi, que j’enavais perdu la raison.

Je me doutais bien que cette proximité pouvait devenirdangereuse, mais Kendra était toujours si excitante que je nepouvais que la garder à mes côtés.

Je me répétais sans cesse que je n’avais été qu’un idiot car,dès le début, j’avais perçu quelque chose de retors en elle.

Dès notre première rencontre, alors qu’elle s’était jetée devantles roues de ma voiture tandis que le chauffeur sortait lentementdu parking, j’avais compris que cet accident était arrangé.

J’étais descendu du véhicule avec la furieuse envie de fairepayer sa plaisanterie à la victime, prêt à la menacer si elle avaitcommencé à parler de porter plainte.

Quand subitement je l’avais vue.

Elle. Par terre. Le genou endolori, heurté par la voiture, et lebras éraflé pour se protéger le visage en tombant surl’asphalte.

Malgré la situation, j’avais été fasciné par son corps à couperle souffle, enveloppé dans une robe noire et très courte qui nelaissait pas de place à l’imagination.

Mon chauffeur l’avait aidée à se relever pendant qu’ellel’insultait pour l’avoir renversée.

Puis, m’approchant d’elle, je lui avais demandé si elle allaitbien.

En moins d’un instant je m’étais retrouvé prisonnier de ses yeuxgris magnifiques, chargés de menaces comme un ciel couvertannonçant l’orage.

Son visage délicat et ses longs cheveux châtains qui couvraiententièrement son dos découvert avaient attisé mon désir de latoucher, qu’elle fût mienne.

Pour ces raisons, je lui avais proposé de la conduire àl’hôpital ; mais elle s’était aussitôt raidie et effrayée,affirmant qu’elle allait parfaitement bien, même si elle avait dumal à marcher. Je saisis la balle au bond et l’invitai dans l’hôteloù je séjournais.

Elle avait accepté, mais ce que je croyais être le prélude d’unenuit de folies au lit, s’était révélé exactement l’opposé.

Elle avait fait quelques difficultés à me donner son nom,Danielle Stenton, et lorsque je m’étais aventuré un peu, ellem’avait arrêté immédiatement, disant qu’elle n’avait pas accepté deme suivre pour se faire conduire au lit mais simplement pour avoirdes soins, mettre de la glace sur son genou endolori et bénéficierd’un lit chaud où passer la nuit, seule.

Je n’étais pas parvenu à obtenir d’elle la raison pour laquelleune femme aussi avenante pouvait avoir besoin d’un endroit oùpasser la nuit, mais j’avais compris tout de suite que cet accidentn’était qu’un prétexte pour me soutirer de l’argent.

Le lendemain, le fait qu’elle me demandât un prêt ne m’avait passurpris.

J’avais naturellement refusé, mais elle m’avait surpris enproposant de travailler pour moi.

Ce n’était pas une demande de sa part et, de mon côté, je nepouvais pas refuser.

Une faiblesse que j’allais payer très cher étant donné queKendra avait découvert beaucoup de choses sur mon compte. En plus,l’avoir conduite chez moi était l’apogée de cette histoiredélirante car c’était là où je conservais mes biens et mes affairesles plus importantes.

En cet instant précis je compris que, jouant sur les sentiments,Kendra était parvenue à obtenir ce dont elle avait besoin : entrerdans la villa et profiter de la liberté que je lui accordais pourme trahir et employer tout ce qu’elle pouvait amasser contremoi.

Et tout ça pour tirer un coup !

Quel idiot !

J’étais encore en train de ressasser mes erreurs, lorsque Kendraouvrit les yeux.

Après que les médecins m’eussent annoncé son réveil imminent, jem’étais précipité dans la clinique privée pour la confronter et luifaire payer les mensonges et les tromperies qu’elle m’avait faitssubir.

Au point où j’en étais, j’avais pris un revolver avec moi parceque, après la discussion animée avec Ryan concernant la véritableidentité de cette femme, je ne lui faisais plus confiance et jen’allais pas hésiter à me venger.

Je m’assis calmement sur le rebord du lit, à côté d’elle,attendant qu’elle fût totalement éveillée, les médicaments qu’onlui donnait ayant la faculté de l’étourdir.

Malgré l’hématome violet sur la pommette droite et la pâleurmortelle de son visage, elle était toujours très belle, d’unebeauté qui dorénavant m’indifférait, me répugnait même.

J’attendis que ses yeux se posent sur moi.

Son regard argenté paraissait noyé dans le vide à cause desantidouleurs, mais ses yeux s’écarquillèrent en se posant surmoi.

Je lui souris avec satisfaction et m’approchai lentement de sonvisage, savourant cette étincelle de peur et de surprise que jelisais dans ses yeux.

“Eh bien, petite menteuse, es-tu prête à payer les conséquencesde tes mensonges ?”, chuchotai-je à voix basse.

Je la vis entrouvrir se lèvres charnues et parfaitementdécoupées, mais aucun son n’en sortit.

“Je considère que ton silence équivaut à une approbation”,décidai-je, en saisissant le pistolet au fond de ma poche.

“Qui es-tu ?”, me demanda-t-elle faiblement, alors que jem’apprêtais à saisir l’arme.

J’éclatai de rire, un rire guttural et froid, presque unemenace.

J’aurais voulu la prendre par le cou et la jeter au bas du lit,tant j’étais furieux.

“Sérieusement, tu veux encore jouer avec moi ? En es-tu si sûre?”, lançai-je, décidé à ne pas me faire rouler de nouveau.

“Je… Je ne sais pas… Je”, balbutia-t-elle mal à l’aise,regardant autour d’elle d’un air éperdu.

“Fais attention à ce que tu dis Kendra, je ne te donnerai pasune seconde chance. Me suis-je bien fait comprendre ?”, dis-je enl’arrêtant, mais ma menace sembla déclencher la réactioninverse.

“Qui est Kendra ? ", demanda-t-elle, commençant à trembler et às’agiter.

Elle semblait terrorisée.

“Où suis-je ?”, balbutia-t-elle, essayant de se relever pours’asseoir ; mais elle ne fit qu’aggraver la douleur, ce qui la fitgémir. “J’ai mal !”, dit-elle dans un souffle, se portant la main àla poitrine, à l’endroit où la balle l’avait frappée. Dans unmurmure elle demanda : “Que m’est-il arrivé ?”, engourdie etsouffrante, fixant son bras bandé et touchant les bleus sur sonvisage et ceux de ses jambes qu’elle dégagea des couvertures.

Cela ne dura qu’un instant. Subitement, tout ce calme apparentdisparut, laissant la place à la peur de Kendra qui se débattitcomme un animal en cage.

Tremblante et ébranlée, elle arracha la perfusion et essaya dese lever.

“Inutile de s’enfuir. ” La saisissant par les bras, je laplaquai sur le lit au moment où elle tentait de se relever.

Il fut assez difficile de parvenir à l’immobiliser, tant elle sedémenait, de manière frénétique et désordonnée, à cause de ladouleur.

Essayant de se mettre debout, malgré tout, en s’appuyant sur lesjambes, je vis qu’elle titubait.

Elle était pâle comme un linge et je dus la saisir à la taillepour qu’elle ne tombe pas mal au sol.

Kendra se laissa tomber sur moi.

“La tête me tourne”, murmura-t-elle en passant ses bras autourde mon cou.

Je la soulevai et elle se serra fort contre moi, comme si ellecraignait de choir dans le vide.

Je la reconduisis au lit et, lentement, ses mains se détachèrentde mon cou, me glissant sur les épaules et le long de mes bras.

Si elle n’avait pas été aussi bouleversée et tremblante,j’aurais pu croire qu’elle me provoquait afin de me séduire.

Son touche léger et délicat avait quelque chose d’intime et detendre, mais je ne me laissai pas émoustiller.

J’allais me retirer lorsque sa main droite s’empara de lamienne.

Son tremblement cessa instantanément.

Je la fixai.

De son côté elle m’examinait. Son expression était perturbéemais ses yeux me regardaient fixement comme si elle espérait ytrouver une réponse.

“Et maintenant, te souviens-tu de moi ?”, demandai-je.

De nouveau confronté à son silence, je me détachai d’elle mais,à peine ma main abandonna la sienne, Kendra, effrayée, sursauta etse souleva brusquement pour la reprendre.

Un geste qui lui engendra une nouvelle douleur à lapoitrine.

La douleur la fit hurler et cela l’empêcha de se pencherdavantage pour m’atteindre.

***

KENDRA

J’avais la tête qui palpitait sourdement et je ne comprenaisrien.

Mon cerveau était vide de tout souvenir et ombre de raison, iln’était plus que douleur et confusion.

Cet homme devant moi m’effrayait mais, en même temps, il merassurait un peu. Était-ce dû au fait qu’il semblait me connaître ?Mais son regard et son attitude, sévères et implacables,résonnaient comme une sirène d’alarme pour moi.

Une partie de moi-même voulait s’enfuir tandis que l’autre mesuppliait de rester et de lui demander de l’aide.

Je ne savais pas quoi faire et, quand une nouvelle vague de peuret de douleur me submergea, ce ne fut qu’entre ses bras que jeperçus quelque chose de vaguement familier.

Peut-être était-ce le parfum de sa peau ? Une essence de bois,fraîche et chargée d’arômes. Intense et virile. Elle me rappelaitconfusément quelque chose… mais quoi ?

Назад Дальше