« Houston, on a un problème, » finit-il par dire.
*
Le SUV noir fonçait à toute vitesse à travers les rues de la ville, en direction de l’autoroute.
Luke essayait de joindre la Présidente mais son appel avait été mis en attente. Derrière lui, il pouvait entendre les conversations d’Ed et de Swann qui parlaient tous deux au téléphone.
« Je vais avoir besoin d’une équipe d’analystes pour passer le tout au peigne fin, » dit Swann. « C’est ça, dès que j’aurai pu tout télécharger. Non, c’est sur des CD-ROM. Je ne peux pas le faire pour l’instant. Je suis en voiture. Oui. Il y a une base en périphérie de la ville, la base aéronavale d’Atlanta, et on ne va pas tarder à y arriver. J’imagine que quelqu’un pourra me prêter un système avec un lecteur CD. Pourquoi penses-tu qu’il l’a mis sur CD ? Pour que personne ne puisse le pirater, bien sûr ! Les CD se trouvaient dans un bureau fermé à clé, dans un vieil entrepôt dont personne n’avait entendu parler. »
Ed parlait plus fort que Swann. « J’ai besoin que vous me passiez le camp FEMA qui se trouve dans la forêt Chattahoochee, » dit-il. Il resta un moment silencieux, à écouter ce qu’on lui répondait.
« Je vous assure qu’il existe. Essayez avec Campement de la Liberté ou le Camp de Nulle part. J’y étais ce matin. Là-bas, se trouve un type du nom de Pete Winn. Je ne connais pas son titre exact. Directeur de camp, peut-être. Ou professeur de natation, je ne sais pas. Oui, je sais que ce camp n’est référencié nulle part. Mais j’ai tout de même besoin de parler à ce Winn. Il a un prisonnier. Il saura duquel je veux parler. Nous avons confirmé les informations reçues de ce prisonnier. Oui, je vous le répète. Ce détenu est maintenant un prisonnier de très grande valeur. Nous sommes en route pour le camp. Le détenu doit être préparé pour un autre interrogatoire. Il doit être surveillé vingt-quatre heures sur vingt-quatre par des caméras et je veux en gardien en permanence devant sa porte. Il est très probable qu’il essaye de s’enfuir ou de se suicider. »
Ed s’interrompit à nouveau. « Faites ce qu’il faut mais trouvez-moi ce camp ! Demandez une autorisation spéciale à votre supérieur ! Puisque je vous dis que je m’y trouvais ce matin. »
Luke était toujours en attente de parler à la Présidente. Il était un peu surpris par lui-même. Ils étaient partis du camp FEMA sans se demander comment ils allaient pouvoir les recontacter par la suite. Luke avait tout simplement supposé qu’ils pourraient leur parler à travers les canaux standards de communication. Il se rendait compte qu’il était un peu rouillé après ces deux mois sans rien faire. Est-ce qu’il aurait fait la même supposition s’il avait continué à travailler sans interruption ? Probablement pas.
Un instant plus tard, il entendit un clic sur la ligne. Quelqu’un avait prit l’appel et il entendit le bruit étouffé de conversations.
« Kat Lopez, » dit une voix à l’autre bout du fil.
« Salut, Kat. C’est Luke Stone. Il faut que je parle à Susan. »
« Salut, Luke. Susan est en réunion mais je peux prendre un message pour elle. »
« Je préférerais lui parler directement, si ça ne vous dérange pas. »
« Luke, je suis sa chef de cabinet. Je suis autorisée à prendre des messages pour elle. Vous pouvez me faire confiance. Je prendrai bien note et je ne manquerai pas de l’informer. »
« Mais nous n’avons pas beaucoup de temps devant nous, Kat. »
La voix de Kat répondit d’un ton ferme. « Alors si vous arrêtiez de vous demander si vous allez ou pas me laisser un message, on pourrait gagner du temps. »
Luke soupira. C’était comme ça que ça se passait. Ils faisaient appel à vous, ils vous envoyaient en mission et tout devait être fait le plus vite possible. Puis quand vous vouliez leur communiquer les renseignements que vous aviez trouvés, ils étaient en réunion. Laissez un message et on vous rappellera.
« OK, Kat, vous avez un stylo ? »
« Très marrant, » dit-elle. Bien sûr… elle était plutôt du genre à pianoter sur une tablette. Luke n’était jamais vraiment parvenu à s’adapter à ces nouvelles technologies. Il était encore du genre à préférer prendre des notes sur des bouts de papier.
« Nous avons interrogé Li Quiangguo ce matin. Sur base des informations qu’il nous a fournies, nous avons découvert une série de listes contenant des dizaines d’infrastructures qui constituent des cibles potentielles d’attaques terroristes. Notre IT pense qu’il s’agira probablement de cyberattaques, comme celle qui a ouvert les écluses du barrage de Black Rock. Chaque infrastructure cible a sa propre documentation, qui décrit la technologie qui y est utilisée, les spécificités du réseau y compris les limites de données, la taille de la dorsale, la rapidité de traitement, ainsi que l’âge de la technologie utilisée et ses points faibles. »
« De quel genre d’infrastructures s’agit-il ? » demanda-t-elle.
« Des aéroports, des centrales électriques, des réseaux entiers de distribution d’électricité, des plateformes pétrolières, des raffineries, des barrages, des ponts, des systèmes de métro et de trains. Il y a un peu de tout. »
« On a une indication de dates en particulier ? »
« Oui. Le dernier document de la liste était appelé Heure zéro. Nous l’avons ouvert. Il y est indiqué la date du 18 août, dans deux jours. »
Un silence s’installa sur la ligne.
Luke continua à parler. « On retourne interroger Li. Il nous faudra environ quatre-vingt-dix minutes pour arriver jusque-là. Les listes de cibles se trouvent sur des CD. Mon spécialiste IT, Swann, va rester ici, à Atlanta, pour superviser le téléchargement des données afin qu’elles puissent être envoyées le plus rapidement possible aux analystes du FBI, de la NSA et de la CIA. Ce serait une bonne idée de faire appel à la sûreté de l’état, pour qu’ils soient prêts dès que les résultats des analyses seront disponibles. Et nous avons besoin que vous nous aidiez à obtenir tous les analystes nécessaires. On aura probablement besoin d’une centaine de personnes dès cet après-midi, ce qui veut dire qu’il faudra la coopération de plusieurs agences. »
« Il vaudrait mieux que vous parliez directement à Susan, » dit Kat.
« Oui, c’est exactement ce que je vous ai demandé depuis le début. Ça nous aurait évité de perdre du temps. »
« Je comprends. »
Le silence se fit à nouveau sur la ligne.
Ed regardait en direction de Luke. Il avait les yeux écarquillés. Ses traits étaient affligés. On aurait dit qu’il venait juste d’apprendre une nouvelle désagréable.
Derrière la tête d’Ed, Luke voyait défiler les bâtiments et les panneaux d’affichage. Ils se trouvaient maintenant sur un pont d’autoroute.
« J’ai le pilote de l’hélicoptère en ligne. C’est ce que j’ai pu faire de mieux. »
« OK, qu’est-ce qu’il dit ? »
« Il nous attend sur l’héliport d’Atlanta. Et il est en contact avec le campement FEMA. »
« OK, Ed, vas-y, accouche. Qu’est-ce qu’il t’a dit d’autre ? »
Ed haussa les épaules et plissa les yeux.
« Li Quiangguo est mort. »
CHAPITRE HUIT
12h30
Salle de crise, Observatoire Naval des États-Unis – Washington DC
« Est-ce que je devrais même être là ? » demanda Michael Parowski.
Susan hocha la tête. « Oui, je veux que tu sois là. »
Ils se trouvaient au rez-de-chaussée de la Nouvelle Maison Blanche et ils marchaient précipitamment en direction de la salle de crise. Kat Lopez se trouvait juste derrière eux, suivie par deux agents des services secrets.
« Qu’est-ce que tu vas leur dire ? »
Susan haussa les épaules. « Ce n’est pas nécessaire de leur dire quoi que ce soit, ni d’annoncer ta présence. Il arrive parfois que Kurt Kimball demande à certaines personnes de sortir quand les sujets traités atteignent un certain niveau, mais sinon, personne ne sera surpris par la présence d’un député. »
« Quand est-ce qu’on fera l’annonce officielle ? »
Susan jeta un coup d’œil derrière elle. « Kat ? »
« On a prévu ça pour ce mercredi, à neuf heures du matin. Nous sommes occupés à organiser une conférence de presse. S’il fait beau, elle se fera dans le jardin. Sinon, ce sera dans la salle des communications. Est-ce que ça vous laisse assez de temps, député ? »
« Deux jours ? Vous seriez surprise de savoir tout ce que je peux faire en deux jours. »
Ils passèrent les doubles portes qui ouvraient sur la salle de crise. Deux autres agents des services secrets se trouvaient de chaque côté de l’entrée. Kurt Kimball, le conseiller en sûreté nationale de Susan, était déjà là, debout devant un grand écran plat qui était accroché au mur. Il parlait à un jeune technicien IT et tenait une télécommande en main.
La salle commençait à se remplir. Plusieurs membres du personnel de Kurt se trouvaient déjà dans la pièce, dont ses deux meilleurs analystes, qu’il avait amenés avec lui de l’entreprise RAND quand il était arrivé.
Trish Markle, la nouvelle Secrétaire d’état, était assise en face de Kurt et parlait à deux jeunes membres de son personnel. Ça faisait déjà six semaines que Trish était à ce poste. Elle était sous-secrétaire au département d’état quand l’attaque avait eu lieu à Mount Weather et Susan l’avait tout simplement promue au grade supérieur. Trish avait quarante-sept ans. Elle avait passé de nombreuses années en tant que bureaucrate – peut-être un peu de trop. Jusqu’à présent, elle ne faisait pas un boulot extraordinaire en tant que Secrétaire d’état.
« Kurt, » dit Susan, par-dessus le brouhaha environnant.
Il regarda en direction de Susan et s’approcha d’elle. Il serra la main du député Parowski. « Mike, ça fait plaisir de te revoir. J’ai entendu dire qu’on allait bientôt annoncer une grande nouvelle. »
Parowski regarda en direction de Susan. « Intéressant. Je viens à peine de l’apprendre moi-même. »
Kimball sourit. « Les nouvelles vont vite par ici. »
« Kurt, » dit Susan, « si vous êtes prêt, j’aimerais qu’on commence. J’ai l’impression qu’on a déjà une longueur de retard. Et il me manque pas mal d’informations. »
« Je suis prêt. Mais les gens vont continuer à entrer pendant qu’on parle. Et les résultats d’analyses sont encore très préliminaires. Mark Swann vient seulement de terminer de télécharger le dernier fichier il y a une vingtaine de minutes. »
« Ce n’est pas grave. Je n’ai pas besoin de tous les détails. Je veux juste que vous nous informiez sur la menace en général. »
Susan s’assit en bout de table. Kat Lopez resta debout derrière elle et Mike Parowski s’assit à sa gauche. Pendant une fraction de seconde, Susan se rappela ce qu’elle avait souvent ressenti dans cette pièce. Après les attaques du 6 juin et au cours de la crise de l’Ébola, elle s’était souvent sentie complètement dépassée. Elle avait eu l’impression de vivre en plein surréalisme.
Elle s’était retrouvée à la tête de ce pays sans s’y attendre. Il y avait beaucoup plus d’hommes qui l’entouraient à cette époque-là, et beaucoup étaient des militaires. Ça la rendait paranoïaque. Le Président venait juste d’être assassiné, en partie par des militaires. Quand tous ces hommes la regardaient, elle avait l’impression de voir des requins prêts à se jeter sur leur proie.
Mais aujourd’hui, les choses étaient différentes. C’était elle qui menait le jeu. Les gens qui l’entouraient étaient des gens qu’elle avait personnellement choisis ou d’anciens collaborateurs qui avaient été autorisés à rester, après que Kurt Kimball l’ait personnellement approuvé. Elle aimait son équipe.
« OK, » dit Kurt. Il leva les mains en l’air pour demander le silence. « OK, tout le monde, écoutez-moi. Il y a beaucoup de thèmes à aborder et de nouvelles informations nous arrivent continuellement, alors on va s’y mettre tout de suite. Toute personne qui n’a rien à faire ici sait où se trouve la porte. »
Il regarda Susan. « Madame la Présidente, merci d’être venue. »