Directive Principale - Джек Марс 7 стр.


De leur côté, Newsam et Swann étaient allés au Red Lobster et paraissaient avoir bu quelques verres tout en mangeant leurs fruits de mer.

— Êtes-vous prêts à travailler, les gars ? dit Luke.

Ed haussa les épaules.

— Depuis ma naissance.

— Rock and roll, répéta Swann.

Le jet Lear à six sièges fendait le ciel vers le nord-est. Le jet était bleu foncé et n’avait aucune marque de quelque sorte que ce soit. Ils étaient partis d’un petit aéroport privé situé à l’ouest de la ville vingt minutes auparavant. Cet avion aurait pu être celui d’un PDG en voyage d’affaires ou d’un groupe de gosses riches partis s’amuser en Europe.

Derrière eux et à leur gauche, le soleil du début de soirée se couchait. Devant eux et à leur droite, la nuit arrivait rapidement.

À des moments comme celui-là, Luke avait toujours l’impression de plonger dans quelque chose qui le dépassait. Les missions ne l’inquiétaient pas. Il était nerveux, mais il n’avait pas vraiment peur. Il avait vu tant de scènes de combat que très peu de choses le privaient de son assurance. Ce qu’il ne comprenait pas, c’était le contexte.

Pourquoi ? Pourquoi faisaient-ils ça ? Pourquoi les acteurs principaux faisaient-ils ce qu’ils faisaient ? Pourquoi y avait-il des terroristes et des groupes de terroristes ? Pourquoi la Russie, l’Amérique et de nombreux autres pays s’affrontaient-ils toujours en coulisse, tiraient-ils les ficelles et agissaient-ils comme des éminences grises ?

Quand il avait été plus jeune, ces questions ne l’avaient jamais préoccupé. La compréhension de la géopolitique ne faisait pas partie de son travail. Il y avait des hommes bons ici et des hommes mauvais là-bas.

Il avait eu l’habitude de citer inexactement ces vers d’un poème célèbre : « La charge de la brigade légère ». Au lieu de « Ce n’est pas à eux de discuter ni de chercher à comprendre », il avait dit « Ce n’est pas à nous de discuter ni de chercher à comprendre ». Pendant des années, il avait utilisé ces vers comme une sorte de devise.

Cependant, maintenant, il voulait en savoir plus. Il ne lui suffisait plus de tuer et de mourir pour des raisons que l’on n’expliquait jamais. Peut-être le suicide de Martinez lui avait-il finalement imposé la nécessité du doute.

Pour le moment, la source de la plus grande partie de ce qu’il savait était une femme qui avait presque dix ans de moins que lui. Il se retourna vers Trudy Wellington, leur agent scientifique et de renseignement, qui était assise une rangée derrière eux.

Elle était en tenue décontractée : un jean, un tee-shirt bleu et des chaussettes roses. Le tee-shirt avait deux mots courts imprimés sur le devant en petites lettres blanches : Soyez Gentil. Quand ils étaient montés dans l’avion, elle avait enlevé ses tennis. Elle était blottie sur son siège avec un porte-bloc, un dossier épais et un tas de papiers. Elle les lisait attentivement et y marquait des choses avec un stylo. Depuis le décollage, elle avait à peine parlé.

Elle sentit que Luke la regardait et leva le regard. Elle avait de grands yeux derrière ses lunettes rouges rondes. Elle était belle.

Trudy … que se passait-il donc dans sa tête ?

— Oui ? dit-elle.

Luke sourit.

— Je me suis dit que vous pourriez nous expliquer ce que nous faisons tous ici. Au briefing, on ne nous a presque rien dit parce que la majorité de ces informations sont ultra-secrètes. Quand Don a accepté la mission, il a dit que vous sauriez ce qui se passait quand nous serions dans l’avion.

À présent, Ed et Swann les regardaient.

— Or, officiellement, nous sommes dans l’avion, dit Swann.

Luke jeta un nouveau coup d’œil par son hublot. Le soleil était loin derrière eux, maintenant, et le jour sombrait dans le néant. Dans quelques heures, quand ils seraient plus loin vers l’est, le ciel commencerait à s’éclaircir. Luke regarda sa montre. Il était presque vingt-et-une heures.

— Alors, Trudy ? Vous êtes prête à nous divulguer votre savoir ?

Trudy fit une sorte bizarre de salut militaire avec sa main droite. C’était affreux. Luke évita de se tourner vers Ed de crainte de rire.

— Prête, capitaine.

Elle se leva et s’installa sur le siège de devant pour qu’ils soient réunis tous les quatre.

— Je vais supposer qu’aucun de vous n’a de connaissances préalables sur cette mission, les gens impliqués, l’état actuel de nos relations avec la Russie ou la tâche qu’on nous a attribuée, dit-elle. Cela pourra rendre cette conversation un peu plus longue que nécessaire, ou pas. Le but est de s’assurer que nous soyons tous sur la même longueur d’onde. Ça vous va ?

Luke hocha la tête.

— C’est bien.

— Ça me va, dit Ed.

— Le vol sera long, dit Swann.

Trudy hocha la tête.

— Dans ce cas, commençons.

Elle s’interrompit, inspira profondément et regarda la page qu’elle avait devant elle. Alors, elle se lança dans son histoire.

* * *

— Plus tôt dans la journée selon notre fuseau horaire et hier selon le leur, les Russes ont capturé le sous-marin de recherche américain Nereus dans les eaux internationales de la Mer Noire. La confrontation a eu lieu à environ deux-cent quarante-trois kilomètres au sud-est de la station balnéaire criméenne de Yalta. Oui, c’est l’endroit où la fameuse réunion a eu lieu entre FDR, Winston Churchill et Joseph Staline pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Ed Newsam sourit.

— On se retrouve plongés en pleine histoire.

— FDR ? dit Swann. Le gars qui s’est fait assassiner à, euh … Denver ?

Trudy sourit. Elle sembla presque rougir. Luke secoua la tête et faillit éclater de rire. Quel public pour une leçon d’histoire !

— Le Nereus était une cible facile. Un destroyer russe a repéré son emplacement dès le moment où il a été largué par son navire-mère. Le destroyer et deux navires plus petits des gardes-côte russes ont convergé sur le Nereus. Quand ils l’ont encerclé, ils ont largué trois bathyscaphes, qui ont encerclé le Nereus de près et l’ont escorté jusqu’à la surface. Ils ont aussi placé l’équipage en détention provisoire.

— Quand vous dites « l’équipage », de qui parlez-vous ? dit Luke.

Trudy chercha dans ses fichiers et plaça un autre papier au-dessus.

— Ils sont trois. Le pilote du submersible a quarante-quatre ans . Il s’appelle Peter Bolger, son adresse officielle est Falmouth, dans le Massachusetts. Il est diplômé de la Maine Maritime Academy, promotion de 1983. Il a passé quatre ans chez les garde-côtes, a bénéficié d’une libération honorable en 1987. Il a le grade de lieutenant. Il a passé presque dix ans à piloter des navires pour l’Institut océanographique de Woods Hole, à Cape Cod, en coopération avec de nombreuses universités et de nombreux aquariums. Il a été embauché par Poseidon Research International en novembre 1996. À première vue, c’est un civil qui a passé la plus grande partie de sa vie adulte sur l’eau, surtout à mener des recherches. La présence de quelqu’un comme Bolger est probablement censée donner à PRI une apparence réelle.

— Quand il faudra les libérer, il sera probablement le maillon faible, dit Luke.

Trudy hocha la tête.

— Selon le dossier, il mesure un mètre soixante-dix-neuf et pèse de cent-quatre à cent-huit kilos.

— Comment peut-il rentrer dans le submersible ? dit Swann.

Ed haussa les épaules.

— C’est peut-être seulement du muscle.

Alors, Trudy secoua la tête.

— Non.

Elle présenta une photo de Peter Bolger. Il n’était pas d’une obésité morbide, mais il n’était pas non plus du type à courir le cent mètres.

— Poursuivez, dit Luke.

Trudy plaça la feuille suivante au-dessus.

— Eric Davis, vingt-six ans, diplômé de l’Université de Hawaï. Il a un poste de chercheur attaché à l’université de Wood’s Hole. Comment trouvent-ils tout ça ? En fait, il a vingt-huit ans, il est agent des SEAL et son vrai nom est Thomas Franks. Il a fait le corps d’entraînement des officiers de réserve de la marine à l’Université du Michigan, a eu son diplôme avec félicitations. Juste après, il est entré dans la Marine et a immédiatement postulé pour accéder à la formation Basic Underwater Demolition/SEAL. Il a eu une période de service en Afghanistan et une en Irak et il a aussi participé à des missions ultra-secrètes pour le Commandement Conjoint des Opérations Spéciales. Ici, sa mission était de protéger les deux autres hommes et de saborder le Nereus en cas d’accident ou d’un autre contretemps. Visiblement, il n’a rien fait de tout ça.

— Visiblement, dit Swann.

— C’est notre maillon le plus fort, dit Luke. Si nous parvenons à retrouver ces hommes et s’ils sont en vie, il sera bon de lui confier une ou plusieurs armes. Le danger le plus grand avec Franks, ce serait qu’il essaie prématurément d’organiser une sorte de tentative d’évasion tout seul ou de se procurer une arme et d’ouvrir le feu. OK, suivant.

Trudy leva le dernier morceau de papier.

— Reed Smith, trente-six ans, commandant de mission, dit-elle. Un fantôme. Un électron libre total. Sa véritable identité et son âge réel sont ultra-secrets. Je n’ai rien du tout sur lui. Je sais seulement qu’il est employé comme associé de recherches par PRI depuis les six derniers mois. Personne ne sait d’où il vient ni ce qu’il a fait. C’est l’homme qui inquiète le plus la CIA et le Pentagone. Apparemment, il y a beaucoup de secrets à l’intérieur de sa petite tête.

Swann regarda Luke.

— Les Black Ops. Je suis étonné que lui et Franks n’aient pas encore renversé le gouvernement russe.

Luke sourit.

— J’adore votre sens de l’humour, Swann. C’est pour ça que je ne vous tue pas.

Il regarda Trudy.

— J’aimerais un peu de contexte, si vous en avez. Où ont-ils capturé le Nereus ? L’État russe sera-t-il prêt et dans quelle mesure quand … si nous allons là-bas ?

Trudy hocha la tête.

— J’ai quelques infos. Le Nereus a été placé dans la cale d’un vieux cargo et amené au Port d’Adler, juste au sud de Sotchi, station balnéaire de la Mer Noire, et juste au nord de la frontière entre la Russie et la Géorgie. Ils essaient de cacher le Nereus et de faire comme s’ils ne l’avaient pas. Ils font comme si le cargo s’était arrêté au port pour une raison entièrement normale. De plus, ou du moins d’après ce que nous savions quand nous avons quitté Washington, il n’y a aucune preuve qu’ils ont déplacé l’équipage du Nereus ailleurs. Sur ces quais-là, il s’est passé très peu de choses.

— Ils savent que nous les observons, dit Swann.

— Cela semble être le cas, dit Trudy.

— Et le reste ? dit Luke. Dans quelle mesure les Russes sont-ils prêts ?

Trudy avança les lèvres.

— Je peux vous donner ma propre théorie.

— Dites-moi, dit Luke.

— C’est un peu complexe.

Luke fit un signe de la main.

— Je devrais y arriver.

Trudy hocha la tête.

— Vladimir Poutine est confronté à des débâcles de plusieurs sortes. Le désastre du Koursk. Le massacre de l’école de Beslan. Qui sait quand ça s’arrêtera ? Cependant, entre temps, il progresse sur de nombreux fronts. Il a renforcé son emprise sur le gouvernement. Bien que l’économie russe soit encore dans un état lamentable de notre point de vue, elle est plus prospère qu’elle ne l’a été dans les quinze dernières années, surtout grâce aux prix mondiaux élevés du pétrole et du gaz naturel. Les évaluations de menace du Pentagone suggèrent que l’armée est mieux financée, un peu mieux entraînée et que les soldats sont mieux payés qu’ils ne l’ont été depuis longtemps. Ils modernisent certains systèmes d’armement, surtout les systèmes de missiles balistiques.

— La Russie a un chemin long et ardu à parcourir pour retrouver la place qu’elle occupait avant dans le monde. Personne ne sait si elle y parviendra. Cependant, d’un autre côté, il n’y a aucun doute que, depuis que Poutine est arrivé au pouvoir, la Russie a bien pris ce chemin alors que, avant, elle était au fond du trou.

— Qu’est-ce que cela signifie pour nous ? dit Luke.

— Cela signifie que les Russes ont capturé ce submersible pour nous avertir, dit Trudy. La Mer Noire leur a incontestablement appartenu pendant des générations. À l’exception de la côte turque, c’était le terrain de jeu des Russes. Pendant des années, c’est à peine si nous y avons navigué. Ils nous disent qu’ils sont de retour et qu’ils ne nous permettront plus d’y introduire des navires d’espionnage quand nous le voulons.

— Oui, mais est-ce réellement vrai ? dit Luke. Sont-ils de retour ? Si nous allons là-bas pour essayer de sauver ces hommes, allons-nous marcher sur un terrain miné ?

Trudy secoua la tête et fit un demi-sourire.

— Non. Ils ne sont pas de retour. Pas encore. Le moral est encore bas. Le commandement et le contrôle sont encore de piètre qualité. La corruption est endémique. Des quantités d’infrastructures et d’équipements sont dégradés ou hors-service. Avec un plan assez habile et une attaque rapide, je pense que vous les prendrez par surprise. Je ne le dis pas à la légère, mais je crois que nous pourrons sortir ces hommes de là-bas.

Luke la regarda fixement. Il se souvint du plan qu’elle avait concocté pour éliminer le renégat Edwin Lee Parr, ex-contractuel militaire américain, et sa milice hétéroclite en Irak. Il se souvint aussi qu’elle avait présenté une évaluation optimiste de leurs chances d’y arriver. À cette époque, Luke avait fait peu de cas d’elle, de son plan et de son évaluation.

Ensuite, les événements s’étaient tous déroulés d’une manière très proche de ce qu’elle avait anticipé. Il fallait encore que Luke et Ed aillent effectuer la mission sur place, mais c’était une évidence.

— Eh bien, j’espère que vous avez raison, dit-il.

* * *

Luke s’était endormi et son sommeil était agité. Ses rêves étaient étranges, effrayants et ils changeaient rapidement. Il sautait en parachute la nuit. Pendant qu’il tombait, son parachute refusait de s’ouvrir. Sous lui, il y avait la grande étendue d’un fleuve sombre. Des dizaines d’alligators le regardaient tomber du ciel. Ils convergeaient sur lui. Cependant, sa jambe était attachée à un élastique. Il rebondissait lentement et longuement juste au-dessus de l’eau, les bras pendants, pendant que les alligators bondissaient et tentaient de le mordre.

Le rêve suivant se passait le jour. Un hélicoptère Black Hawk avait été abattu dans le ciel. Son rotor de queue avait disparu et l’hélicoptère, hors de contrôle, partait en vrille et perdait vite de l’altitude. Luke courait dans un pré, un vieux stade de foot déserté, vers l’hélicoptère. S’il pouvait l’atteindre avant qu’il ne s’écrase, il pourrait l’attraper et sauver les hommes qui étaient à bord. Cependant, l’herbe poussait tout autour de lui, montait, se contorsionnait, lui tirait sur les jambes, le ralentissait. Il avait les bras tendus, essayait de toucher … Il était trop tard. Il était trop tard.

Mon Dieu, l’hélicoptère descendait sur le flanc. Il … arrivait …

Il se réveilla en se cabrant brusquement au milieu d’une turbulence en plein ciel. L’avion trembla puis franchit l’air instable comme sur un grand huit. Luke jeta un coup d’œil autour de lui. Les lumières étaient éteintes. Pendant un moment, il ne sut pas s’il était endormi ou réveillé. Alors, il remarqua que les autres membres de son équipe étaient allongés, inconscients, à divers endroits de la cabine assombrie.

Il regarda par son hublot. Il ne vit qu’une lumière qui clignotait sur l’aile. Loin au-dessous, l’océan était vaste, infini et noir. Le soleil était loin derrière eux, maintenant, et le jour était terminé depuis longtemps.

Ils volaient depuis des heures et ils n’étaient pas encore arrivés.

Dans plusieurs heures, quand ils seraient plus loin à l’est, le ciel commencerait à s’éclaircir. Luke consulta sa montre. À Washington DC, il était juste après minuit, ce qui signifiait que, à Sotchi, il était déjà un peu après huit heures du matin. Déjà le matin.

Quand il regarda sa montre, il comprit que des événements se profilaient à l’horizon. Les Russes pouvaient déplacer leurs prisonniers quand ils le voulaient. Ils les avaient peut-être déjà déplacés pendant la nuit.

C’était frustrant d’être piégé dans cet avion à regarder l’heure avancer.

Luke n’avait pas dormi longtemps, mais il savait qu’il n’allait pas se rendormir. Beaucoup de soucis le hantaient. Les fantômes du passé. Becca et Gunner. L’avenir incertain d’un bébé né dans un monde terrible. Cette mission dangereuse.

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