Le Visage de la Peur - Блейк Пирс 2 стр.


– Tu es trop gentil avec moi, lui dit Zoe. Toujours. Je ne comprends pas. »

C’était vrai : elle ne le comprenait pas. Elle avait complètement gâché leur premier rendez-vous, et lors du second, elle l’avait traîné à l’hôpital pour essayer de retrouver les dossiers d’un tueur potentiel. Puis il l’avait attendue dans le froid, parce que, sans réfléchir, elle n’avait pas pris la peine de lui dire qu’elle pouvait rentrer chez elle par ses propres moyens. Peu d’hommes auraient voulu postuler pour un troisième rendez-vous – et c’était leur cinquième.

« Tu n’as pas à le comprendre, » dit John, en lissant sa cravate pour la onzième fois de la soirée, dans un geste qui lui devenait familier. « Tu dois juste accepter mon avis que tu le mérites. Je ne suis pas trop gentil. Je suis juste assez gentil. En fait, je pourrais être plus gentil.

– Tu ne pourrais pas être plus gentil. Ce serait contraire aux lois de la physique et de la nature.

– Eh bien, qui en a besoin, de toute façon ? » John afficha à nouveau son sourire éclatant et se pencha en arrière pendant que le serveur ramassait leurs assiettes vides.

« Alors, sur quoi travailles-tu en ce moment ? » demanda-t-elle, pensant qu’elle devrait essayer de s’intéresser davantage à sa vie. Il était toujours si attentif à poser des questions sur la sienne. Est-ce qu’elle gâchait tout ? Elle faisait tout foirer, n’est-ce pas ?

« Comme je te disais, c’est la ligne de démarcation des propriétés ancestrales, » dit John, en lui faisant un petit froncement de sourcils. « Tu es sûre que ça va ? »

Zoe le regarda, croisant ses yeux avec des pupilles à peine dilatées dans la faible lumière du restaurant, entendant les quatre temps de la douce musique de piano en arrière-plan et la façon dont chaque note montait, descendait, montait, montait d’une demi-note et redescendait. Si seulement elle pouvait éteindre les chiffres, ou au moins baisser leur volume. Elle devait se concentrer sur John et sur ce qu’il lui disait, mais rien dans son cerveau ne s’arrêtait. Elle avait juste besoin que ça s’arrête. Tout s’envolait, et elle n’était plus sûre de pouvoir reprendre le contrôle.

« Je suppose que je suis un peu fatiguée, » dit-elle. Niveau excuses, il semblait que cela pouvait être à moitié acceptable. Si seulement il pouvait exister une excuse pour justifier du fait qu’elle ne lui accordait pas la courtoisie de son attention.

Il ne savait pas qu’elle était capable de voir les chiffres partout, dans tout, et elle n’était pas prête à le lui dire. Pas pour les mille quatre cent cinquante-trois dollars et dix-neuf cents de plats et de boissons qu’elle avait vus passer devant leur table, aux mains du personnel de salle, depuis qu’ils s’étaient assis il y a une heure et treize minutes.

« J’ai passé une merveilleuse soirée, » dit-elle. Le pire, c’était qu’elle était sincère. Quand John passait tout leur temps à être accommodant et à la faire se sentir bien, pourquoi ne pouvait-elle pas au moins l’écouter ?

« Eh bien, j’ai passé un moment horrible. On le refait la semaine prochaine ? » dit-il, en essuyant son sourire avec une serviette. Même s’il s’illumina, ses yeux pétillants d’une espièglerie qui répondaient aux courbes irrégulières de sa bouche, il lui fallut encore un moment pour prendre conscience qu’il plaisantait. Les mots la déstabilisèrent, à la pensée qu’elle aurait pu tout gâcher.

« J’aimerais bien, » dit Zoe, en hochant la tête, tout en gardant ses émotions pour elle. « Alors la semaine prochaine. »

Elle se leva, sachant désormais qu’il lui interdirait de payer les quatre-vingt-dix-huit dollars et trente-deux cents qui s’étaient accumulés sur l’addition, plus le pourboire.

Bien que cela lui ait traversé l’esprit, elle ne dit pas tout haut qu’il lui faudrait de la chance pour honorer leur rendez-vous. En tant qu’agent actif, on ne savait jamais quand la prochaine affaire serait traitée, ni où il faudrait aller.

À la même heure la semaine prochaine, qui sait où elle pourrait se trouver ?

Même à cet instant précis, leur prochain tueur faisait probablement son travail, en leur laissant un puzzle – et il y avait toujours une chance pour que le prochain soit celui qu’elle ne pourrait pas résoudre. Zoe lutta contre cette sensation de malaise dans ses tripes, se convaincant en quelque sorte qu’elle savait : la semaine prochaine à la même heure, elle serait plongée dans une affaire qui ferait passer toutes les autres pour un jeu d’enfant.

CHAPITRE TROIS

Zoe ajusta sa position sur le siège, se mettant un peu plus à l’aise dans le vieux et confortable fauteuil. Elle commençait à s’habituer à s’asseoir ici, aussi étrange que cela puisse sonner à ses propres oreilles qu’elle s’accoutumait à la thérapie.

Parler à quelqu’un de ses problèmes personnels semaine après semaine avait auparavant semblé infernal à Zoe, mais avoir le soutien de la Dr. Lauren Monk n’avait pas donné de si mauvais résultats jusqu’à présent. Après tout, c’était la Dr. Monk qui l’avait encouragée à sortir de nouveau avec John, et cela avait été une bonne décision, du moins jusqu’à maintenant.

En tout cas, la concernant. Elle commençait à se demander si John pouvait en dire autant.

« Alors, raconte-moi ce rendez-vous. Que s’est-il passé ? » s’enquit la Dr. Monk, en ajustant son carnet sur son genou.

Zoe soupira. « Je n’arrivais pas à me concentrer, dit-elle. Les chiffres prenaient le dessus. Je ne pensais qu’à ça. Je suis passé à côté de phrases entières de sa conversation. Je voulais lui donner toute mon attention, mais je ne pouvais pas les mettre en sourdine. »

La Dr. Monk acquiesça, concentrée, posant sa main sur son menton. Depuis la séance durant laquelle Zoe avait révélé sa synesthésie – sa capacité de voir les chiffres partout et en tout, comme le fait que le stylo de la Dr. Monk était plus lourd que la moyenne en raison du léger angle de chute de quinze degrés lorsqu’il reposait sur le bord de ses doigts, en comparaison avec celui d’un BIC – elle trouvait la thérapie encore plus utile. C’était libérateur à bien des égards, de pouvoir vraiment admettre ce qui se passait et la façon dont elle luttait.

Il y avait peu de gens dans le monde qui connaissaient la synesthésie de Zoe. Il y avait la Dr. Monk et la Dr. Francesca Applewhite, qui avait été la mentor de Zoe depuis ses années universitaires. Il y avait ensuite sa partenaire au F.B.I., l’Agent Spécial Shelley Rose.

Et c’était tout. Elle n’avait même pas besoin de tous les doigts de sa main pour les compter. C’étaient les seules personnes en qui elle avait eu assez confiance pour en parler depuis son premier diagnostic – celui d’un médecin qu’elle n’avait pas revu depuis. Délibérément. Pendant longtemps, elle avait pensé qu’il y avait peut-être un moyen d’échapper ou d’occulter cette capacité que sa mère qualifiait de sorcellerie diabolique.

Mais tant que cela l’aidait à résoudre des crimes, Zoe ne pouvait pas dire qu’elle souhaitait que cela disparaisse. Plus maintenant. Il serait juste utile que son aptitude s’atténue lorsqu’elle essayait d’établir une relation amoureuse, ce qui ne nécessitait pas d’estimer les mesures spécifiques de liquide dans chaque verre ou la distance entre les yeux de John.

« Ce qui pourrait être bénéfique, c’est que nous trouvions ensemble des moyens qui pourraient t’aider à baisser le volume sonore de ton cerveau, pour ainsi dire, dit la Dr. Monk. « Est-ce une chose que tu aimerais explorer ? »

Zoe hocha la tête, prise de court par la boule qui lui avait envahi la gorge à l’idée de pouvoir faire cela. « Oui, » réussit-elle à dire. « Ce serait génial.

– Très bien. » La Dr. Monk réfléchit un instant, en tapotant distraitement le stylo contre sa clavicule. Zoe avait remarqué cette habitude, toujours un nombre pair de tapotements.

« Pourquoi faites-vous cela ? » lâcha-t-elle, embarrassée l’instant d’après par la question qu’elle avait posée.

La Dr. Monk la regardait surprise. « Tu veux dire, taper ma clavicule ?

– Désolée. Cela ne me regarde pas. Vous n’avez pas à me le dire. »

La Dr. Monk sourit. « Cela ne me dérange pas. En fait, c’est quelque chose que j’ai pris quand j’étais étudiante. C’est un exercice de relaxation. »

Zoe fronça les sourcils. « Vous n’êtes pas calme ?

– Si. C’est devenu une habitude maintenant, même quand je réfléchis. Cela me permet de me plonger dans un état plus zen. J’avais des crises de panique quand j’étais plus jeune. As-tu déjà été prise d’une crise de panique, Zoe ? »

Zoe y réfléchit, essayant de déterminer en quoi cela consistait. « Je ne pense pas.

– Que ce soit une crise de panique totale ou quelque chose de moins grave, ce dont nous avons besoin, c’est que tu aies recours à quelque chose qui puisse te calmer, diminuer les chiffres. Nous voulons que ton esprit cesse de s’emballer, ce qui te permettra de te concentrer sur une seule chose à la fois. »

Zoe acquiesça, suivant avec ses doigts les fissures du bras de son fauteuil en cuir. « Ce serait bien.

– Commençons par un exercice de méditation. Ce que tu devrais commencer à faire, selon moi, c’est d’entreprendre une pratique de méditation tous les soirs, peut-être juste avant d’aller au lit. Cela t’aidera à améliorer ta capacité à contrôler ton esprit au fil du temps. Ce n’est pas une solution immédiate, mais si tu t’y tiens, tu verras des résultats. Jusque-là, tu me suis ? »

Zoe hocha la tête silencieusement.

« Bien. Maintenant, écoute mes instructions. Je veux que tu fasses un essai maintenant, et tu pourras ensuite t’exercer par toi-même ce soir. Commence par fermer les yeux et compte tes respirations. Essaie d’oublier tout le reste. »

Zoe ferma les yeux avec obéissance et entreprit de respirer profondément. Un, se dit-elle. Deux.

« Bien. Lorsque tu arrives à dix, recommence à partir de « un ». Ne te laisse pas compter au-delà. Tu souhaites seulement continuer à compter ces respirations, jusqu’à ce que tu commences à te détendre. »

Zoe essaya, en tentant de chasser d’autres pensées de son esprit. C’était difficile. Son cerveau voulait lui dire que sa jambe droite la démangeait, qu’elle pouvait percevoir l’odeur du café de la Dr. Monk, ou lui rappeler combien il était étrange d’être assise les yeux fermés dans le bureau de quelqu’un. Il voulait ensuite lui dire qu’elle pratiquait mal l’exercice et qu’elle se laissait distraire.

De toute façon, respirait-elle au bon rythme ? À quelle vitesse était-on censé respirer ? Le faisait-elle correctement ? Et si elle avait mal respiré pendant tout ce temps ? Pendant toute sa vie ? Comment aurait-elle pu le savoir ?

Malgré ses doutes, elle continua en silence, et commença finalement à sentir détendue.

« Très bien, » dit la Dr. Monk, sa voix étant désormais plus calme et plus grave. « Maintenant, je veux que tu imagines un ciel. Tu es assise et tu regardes ce ciel. D’un bleu magnifique, juste un petit nuage flottant au-dessus, rien d’autre à l’horizon. Il s’étend par-dessus une mer bleue, calme. Le vois-tu ? »

Zoe n’était pas douée pour imaginer des choses, mais elle se souvint d’une photo qu’elle avait récemment vue dans une publicité pour une agence de voyages. Une famille qui jouait joyeusement dans le sable, un paradis d’un bleu impossible derrière eux. Elle se posa là, en se concentrant sur cela. Elle fit un petit signe de tête pour annoncer à la Dr. Monk qu’elle était prête à continuer.

« Bien. Sens la chaleur du soleil sur ton visage et tes épaules. C’est une belle journée. Juste une légère brise, exactement le genre de temps que tu souhaiterais. Tu es assise dans un petit bateau gonflable, juste au large de la côte. Sens-le se balancer doucement dans le mouvement de la mer. C’est tellement paisible et calme. Le soleil n’est-il pas merveilleux ? »

En temps normal, Zoe se serait moquée d’une telle chose, mais elle fit ce qu’on lui disait, et elle put presque jurer qu’elle le ressentait. Un vrai soleil, qui tapait sur son front. Pas trop oppressant : le genre de soleil qui laisse à penser que l’on bronze, pas que l’on attrape un cancer de la peau.

Cancer de la peau. N’aurait pas dû penser au cancer de la peau. Concentre-toi, Zoe. Se balancer dans le courant.

« Regarde sur le côté. Tu verras une île derrière toi. La plage d’où tu viens, et derrière elle, le reste de ce paradis. Que vois-tu ? »

Zoe savait exactement ce qu’elle voyait quand elle y regarda : une autre image d’une publicité de voyage. Un endroit où elle aurait voulu aller. Sauf qu’il avait été présenté comme étant une destination de lune de miel, et elle était célibataire à l’époque, et que cela n’avait eu comme effet que de la faire se sentir encore plus seule.

« Du sable doré, » dit-elle, le son de sa propre voix étrangement détaché et inconnu. « Puis des sous-bois luxuriants. Derrière, des arbres tropicaux s’élèvent vers le ciel, de trois mètres et plus. Le soleil se couche selon un angle aigu, les ombres ne font que quinze centimètres de long. Je ne peux pas voir au-delà. Il y a un arbre penché à un angle de quarante-cinq degrés au-dessus de l’eau, avec un hamac de deux mètres attaché en dessous. Il est vide.

– Essaie de te concentrer davantage sur le paysage plutôt que les chiffres. Maintenant, écoute. Peux-tu entendre les vagues qui déferlent doucement sur le sable ? Entends-tu les cris des oiseaux ? »

Zoe inspira profondément, laissant cette nouvelle strate de sensations la submerger. « Oui, dit-elle. Des perroquets. Je pense. Les vagues s’enchaînent à intervalles de trois secondes. Le chant des oiseaux, toutes les cinq secondes.

– Ressens le soleil chaud sur ton visage. Tu peux fermer les yeux, arrêter de compter. Tu es en sécurité ici. »

Zoe respirait, contemplant toujours l’île dans son esprit. Ses yeux s’égaraient encore vers le hamac. Pour qui était-ce ? Pour elle-même, ou quelqu’un la rejoindrait-il un jour ? John ? Voulait-elle qu’il soit là, sur son île personnelle ? Il était taillé pour un homme. Elle ne mesurait elle-même qu’un mètre soixante-sept. Le hamac était suspendu à soixante centimètres au-dessus de l’eau.

« C’est très bien, Zoe. Maintenant, je veux que tu te concentres à nouveau sur ta respiration. Compte à rebours à partir de dix, comme avant, mais à l’envers. Pendant ce temps, je veux que tu reviennes lentement de ton île. Laisse-la s’évanouir, et laisse-toi te réveiller, petit à petit. Doucement, maintenant. C’est ça. »

Zoe ouvrit les yeux, un peu gênée de constater à quel point elle se sentait plus sereine – et désormais consciente de l’étrange sensation d’être partie sur une petite île dans sa tête pendant que sa thérapeute la regardait assise, le dos droit, dans un fauteuil.

« Tu t’es bien débrouillée. La Dr. Monk sourit. Comment te sens-tu maintenant ? »

Zoe hocha la tête. « Plus calme. » Mais elle avait des doutes. Les chiffres avaient été présents. Ils l’avaient suivie, même dans cet espace. Et si elle ne pouvait jamais s’en débarrasser ?

« C’est un excellent début. Plus tu feras l’exercice, plus tu trouveras cela paisible. Et c’est une bonne chose, parce que cela peut être un endroit calme où tu peux retourner quand tu te sens stressée ou débordée. » La Dr. Monk prit quelques notes dans son carnet, son stylo faisant des traits rapides et des lignes d’araignée que Zoe ne put décoder.

« Et si j’ai besoin de bloquer rapidement les chiffres ? Par exemple, dans une situation d’urgence ? demanda Zoe. Ou si je ne peux pas confier à l’autre personne pourquoi j’ai besoin de me calmer ? »

La Dr. Monk acquiesça. « Essaie tout simplement de compter les respirations, comme tu as fait pour entrer en méditation. Nous devrons tester cela dans un contexte réel, mais je crois que compter une chose – ta respiration – peut te permettre d’arrêter de voir les chiffres par ailleurs. C’est une tactique de distraction qui consiste à distraire le côté chiffres de ton cerveau pendant que tu te concentres sur autre chose. »

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