Le Souvenir Zéro - Джек Марс 2 стр.


Le sourire resta sur le visage de Harris, mais il n’était en aucun cas rassurant.

Elle força ses lèvres à esquisser un sourire gracieux. “Bien sûr, Monsieur. La discrétion est l’une de mes qualités premières.”

Il tendit la main et tapota la sienne. “Je vous crois.”

J’en sais trop.

“Et je suis sûr que vous garderez le silence.”

Il essaie de m’apaiser. Il n’y a aucune chance qu’ils ne me laissent vivre.

“En fait, je suis sûr que j’aurai de nouveau besoin de vos services dans un futur proche.”

Il n’y avait rien que Harris puisse dire pour contrecarrer ses instincts. Le président aurait pu la demander en mariage là, maintenant, que la sensation de chair de poule sur sa nuque qui lui indiquait un danger imminent ne se serait pas dissipée.

Harris se leva et boutonna la veste de son costume. “Venez, je vous raccompagne.” Il sortit en premier de la pièce, et Karina le suivit. Ses genoux étaient flageolants. Elle se trouvait dans l’un des endroits les plus sécurisés de la planète, entourée d’agents entraînés des Services Secrets. Alors qu’ils atteignaient le couloir, elle vit la demi-douzaine d’agents postés là, debout adossés aux murs avec les mains jointes devant eux, pendant qu’ils attendaient le président.

Ou peut-être que c’était elle qu’ils attendaient.

Reste calme.

“Joe.” Harris se dirigea vers l’agent qui l’avait conduite ici depuis la salle d’attente. “Voulez-vous bien vous occuper de raccompagner Mademoiselle Pavlo en toute sécurité à son hôtel ? Prenez notre meilleure voiture.”

“Oui, Monsieur,” dit l’agent en hochant légèrement la tête. Une drôle d’acquiescement, selon elle : un acquiescement de compréhension mutuelle entre eux.

“Merci,” dit-elle aussi gracieusement que possible, “mais je peux prendre un taxi. Mon hôtel n’est pas loin.”

“N’importe quoi,” répondit Harris sur un ton de plaisanterie. “À quoi sert de travailler pour le président si vous ne pouvez pas profiter de quelques avantages ?” Il émit un petit rire. “Merci encore. Ce fut un plaisir de vous rencontrer. À bientôt.”

Ils se serrèrent la main. Son sourire s’attardait, mais ses yeux le trahissaient.

Karina n’avait pas vraiment le choix. Elle suivit l’agent des Services Secrets, le type qui s’appelait Joe (si tel était son vrai prénom), à travers le sous-sol de la Maison Blanche. Tous les muscles de son corps étaient tendus, nerveux, prêts à tout moment à se battre ou à se mettre à courir. Mais, à sa grande surprise, l’agent l’escorta directement vers des marches qu’ils montèrent, puis le long d’un couloir, avant de lui faire finalement passer une porte menant à l’extérieur. Il la guida sans un mot jusqu’à un petit parking sur lequel se trouvait une flotte de véhicules privés, puis il lui ouvrit la porte passager d’un SUV noir.

Ne monte pas.

Elle monta quand même. Si elle se battait maintenant ou essayait de s’enfuir, elle ne parviendrait jamais jusqu’au portail.

Deux minutes plus tard, ils avaient quitté l’enceinte de la Maison Blanche et roulaient sur Pennsylvania Avenue. Il m’emmène quelque part pour le faire. Ils veulent se débarrasser de moi ailleurs. Quelque part où personne ne me retrouvera jamais.

“Vous pouvez me laisser devant le Hilton,” dit-elle d’un ton désinvolte.

L’agent des Services Secrets esquissa un sourire timide. “Nous sommes le gouvernement des USA, Mademoiselle Pavlo. Nous savons où vous séjournez.”

Elle émit un petit rire, tentant de cacher la pointe de nervosité dans sa voix. “Je n’en doute pas. Mais j’ai rendez-vous avec un ami pour dîner au Hilton.”

“Quand bien même,” répondit l’agent, “le président m’a donné l’ordre de vous raccompagner jusqu’à votre hôtel, donc c’est ce que je dois faire pour des raisons de sécurité.” Il poussa alors un soupir, comme s’il compatissait à son sort, alors qu’elle était à peu près sûre qu’il allait la tuer. “Je suis sûr que vous comprenez.”

“Oh,” dit-elle soudain. “Mes affaires ? Mon téléphone et ma pochette ?”

“Je les ai.” Joe tapota la poche à la poitrine de sa veste.

Au bout d’un long moment de silence, Karina reprit la parole, “Puis-je les récupérer… ?”

“Bien sûr,” dit-il sur un ton enjoué. “Dès que nous serons arrivés.”

“J’aimerais beaucoup les avoir maintenant,” insista-t-elle.

L’agent sourit à nouveau, tout en gardant les yeux sur la route. “Nous y serons dans quelques minutes,” dit-il sur un ton placide, comme si elle était une petite fille excitée. Karina doutait vraiment que ses affaires se trouvent dans sa veste.

Elle s’enfonça dans son siège ou, du moins, donna l’impression de le faire et d’avoir l’air détendue, tandis que le SUV s’arrêtait à un feu rouge. L’agent des Services Secrets attrapa une paire de lunettes noires sur la console centrale, puis les installa sur son nez.

Le feu passa au vert.

La voiture devant eux se mit à avancer.

L’agent abandonna la pédale de freins pour celle d’accélération.

D’un geste vif, Karina Pavlo détacha sa ceinture de sécurité d’une main, tout en ouvrant sa portière de l’autre. Elle sauta hors du SUV en marche, ses talons heurtant l’asphalte. L’un d’entre eux se cassa lors de cette manœuvre. Elle partit en avant et tomba au sol sur les coudes, roula, puis se mit debout en chancelant. Elle retira ses chaussures à talons et se mit à courir en collants dans la rue.

“C’est quoi ce bordel ?!” L’agent des Services Secrets enfonça la pédale de freins et arrêta le véhicule en plein milieu de la rue. Il ne prit pas la peine de lui crier de revenir, mais il n’allait certainement pas la laisser partir ainsi, preuve qu’elle avait eu raison sur toute la ligne.

Des automobilistes se mirent à crier et à klaxonner, tandis que l’agent sautait de son véhicule. Mais elle était déjà presque rendue au croisement suivant, quasiment pieds nus car ses collants s’étaient filés, ignorant les aspérités occasionnelles de la route qui s’enfonçaient dans la plante de ses pieds.

Elle tourna brusquement à l’angle et se précipita dans la première voie qu’elle vit, pas vraiment une allée, mais plutôt une ruelle piétonne entre deux rangées de boutiques. Ensuite, elle prit à gauche, courant aussi vite que possible et regardant par-dessus son épaule de temps à autre, ne voyant pas l’agent à ses trousses.

En déboulant sur la rue suivante, elle repéra un taxi jaune.

Le conducteur faillit recracher son café dans la tasse en polystyrène à ses lèvres quand elle fit irruption sur sa banquette arrière en hurlant, “Démarrez ! Je vous en supplie, démarrez !”

“Bon sang, Mademoiselle !” cria-t-il. “Vous m’avez filé une de ces frousses…”

“Quelqu’un me poursuit, démarrez, s’il vous plaît,” implora-t-elle.

Il fronça les sourcils. “Qui est-ce qui vous poursuit ?” Le conducteur irrité se mit à regarder tout autour de lui. “Je ne vois personne…”

Putain, démarrez, s’il vous plaît !” lui hurla-t-elle.

“Ok, ok !” Le taxi démarra en s’engagea au beau milieu du trafic, déclenchant une nouvelle salve de klaxons qui allait sans aucun doute aiguiller l’agent sur la direction à prendre.

Comme prévu, en se retournant sur son siège pour regarder par la lunette arrière, elle vit l’agent arriver de l’angle de la rue en sprintant. Il ralentit sa course, ses yeux croisant les siens. L’une de ses mains s’enfonça brièvement sous sa veste, mais il semblait hésiter à sortir une arme en plein jour, et finit plutôt par porter sa main à l’oreille afin de contacter quelqu’un par radio.

“Tournez à gauche ici.” Karina guida le taxi pour qu’il tourne, conduise tout droit en passant quelques rues de plus, puis prenne à droite. Ensuite, elle sauta à nouveau en marche, tandis qu’il lui criait après pour son paiement. Elle courut jusqu’à bout de la rue, puis fit de même par trois fois, sautant dans des taxis, puis en dehors, jusqu’à ce qu’elle ait parcouru la moitié de DC de manière tellement sinueuse qu’elle était sûre que Joe, l’agent des Services Secrets, ne pourrait jamais la retrouver.

Elle reprit son souffle et lissa ses cheveux, arrêtant de courir pour se mettre à marcher à pas rapides, tête basse, essayant de ne pas avoir l’air éreinté. Le scénario le plus probable était que l’agent avait relevé le numéro de la plaque d’immatriculation du taxi, et le malheureux chauffeur (bien qu’un peu long à la détente) allait être arrêté, fouillé et interrogé pour s’assurer qu’il ne faisait pas partie d’un quelconque plan d’évasion prévu à l’avance.

Karina entra dans une librairie, espérant que personne ne remarquerait qu’elle ne portait pas de chaussures. La boutique était calme et les étagères hautes. Elle se rendit rapidement vers l’arrière pour aller aux toilettes, s’aspergea le visage avec de l’eau, et lutta pour se retenir de fondre en sanglots.

Son visage était toujours livide à cause du choc. Comment tout avait tourné mal si vite ?

Bozhe moy,” dit-elle dans un lourd soupir. Mon dieu. Alors que l’adrénaline se dissipait, la pleine gravité de sa situation lui apparût. Elle avait entendu des choses qui n’étaient pas censées quitter le sous-sol de la Maison Blanche. Elle n’avait pas de pièce d’identité. Pas de téléphone. Pas d’argent. Bon sang, elle n’avait même pas de chaussures. Elle ne pouvait pas retourner à son hôtel. Même se montrer dans n’importe quel lieu public équipé d’une caméra pourrait s’avérer risqué.

Ils n’allaient pas cesser de la poursuivre à cause de ce qu’elle savait.

Mais elle avait ses boucles d’oreilles. Karina toucha son lobe gauche d’un air absent, caressant la perle lisse qui s’y trouvait. Elle avait les mots qui avaient été prononcés lors de la réunion, et pas seulement dans sa mémoire. Elle avait la preuve de la dangereuse connaissance que le président américain, un présumé démocrate libéral qui avait gagné l’admiration du pays, était un pantin manipulé par les russes.

Là, dans les toilettes pour dames d’une librairie du centre-ville, Karina se regarda dans le miroir et se murmura avec désespoir, “Je vais avoir besoin d’aide.”

CHAPITRE UN

Zéro était assis sur le bord de son grand lit, tordant nerveusement les mains sur ses genoux. Il avait déjà vécu ça, il l’avait vu dans son esprit un millier de fois. Pourtant, il en était toujours là.

Ses deux filles adolescentes étaient assises sur le lit adjacent, séparé du sien par une étroite allée. Ils se trouvaient dans une chambre du Plaza, un hôtel chic juste en dehors de DC. Ils avaient décidé de venir ici au lieu de retourner chez eux à la suite de la tentative d’assassinat sur le Président Pierson.

“Il faut que je vous dise quelque chose.”

Maya avait presque dix-sept ans. Elle avait les cheveux bruns et les traits de son père, l’esprit vif et sarcastique de sa mère. Elle le regardait passivement, avec une once d’appréhension face à une telle annonce de sa part.

“Ce n’est pas facile à dire, mais vous méritez de connaître la vérité.”

Sara avait quatorze ans, le visage encore rond de la jeunesse, vacillant à un âge conflictuel entre l’enfant et la femme naissante. Elle avait hérité des cheveux blonds de Kate et de son visage expressif. Elle ressemblait de plus en plus à sa mère même si, en ce moment-même, elle avait surtout l’air nerveux.

“C’est au sujet de votre mère.”

Elles avaient traversé tant de choses toutes les deux, ayant été kidnappées, témoins de meurtres et menacées par des armes pointées sur elles. Elles étaient restées si fortes pendant tout ce temps. Elles méritaient de savoir.

Et c’est alors qu’il le leur avait dit.

Il s’était joué la scène tant de fois dans sa tête. Pourtant, les mots restaient difficiles à extraire de sa bouche. Ils étaient sortis lentement, comme des branches suivant le courant d’une rivière. Il avait cru qu’une fois qu’il se serait lancé, le reste viendrait plus facilement, mais ça n’avait pas du tout été le cas.

Là, à l’hôtel Plaza, pendant qu’Alan était sorti chercher une pizza et alors qu’un sitcom passait à la TV avec le son muet à un mètre d’eux, Zéro avait dit à ses filles que leur mère, Kate Lawson, n’était pas morte d’un AVC ischémique comme on le leur avait dit.

Elle avait été empoisonnée.

La CIA en avait donné l’ordre.

À cause de lui, l’Agent Zéro, et de ses actes.

Et la personne qui avait exécuté l’ordre…

“Il ne savait pas,” avait expliqué Zéro à ses filles. Il regardait le couvre-lit, la moquette, tout sauf leurs visages. “Il ne savait pas qui s’était. On lui avait menti. Il ne l’avait su que très tardivement, qu’après.” Il avait tourné autour du pot, cherchant des excuses pour l’homme qui avait tué sa femme, la mère de ses enfants. L’homme que Zéro avait condamné à la fuite plutôt qu’à une mort immédiate.

“Qui ?” La voix de Maya était sortie en un souffle rauque et dur plutôt que comme un mot normal.

L’Agent John Watson. Un homme qui avait sauvé la vie de ses filles plus d’une fois. Un homme qu’elles avaient appris à connaître, à apprécier et en qui elles avaient confiance.

Ensuite, le silence avait été écrasant, comme une main invisible serrant son cœur. La climatisation de la chambre d’hôtel s’était soudain déclenchée, bruyante comme le moteur d’un avion dans la pièce autrement silencieuse.

“Depuis combien de temps est-ce que tu sais ?” le ton de Maya avait été direct, presque autoritaire.

Sois honnête. C’était la position qu’il voulait adopter avec ses filles : l’honnêteté. Peu importe à quel point ça faisait mal. Cet aveu était la dernière barricade entre eux. Il savait qu’il était temps de la faire tomber.

Il savait déjà que ce serait celle qui allait les briser.

“Je sais depuis un petit moment que ce n’était pas un accident,” leur avait-il dit. “Il fallait que je sache qui c’était, et c’est le cas à présent.”

Il avait osé lever les yeux et regarder leurs visages. Sara pleurait en silence, des larmes coulant le long de ses joues, sans faire un seul bruit. Maya regardait ses mains, dénuée de toute expression.

Il avait tendu la main vers elle. C’était la seule chose qui lui avait parue sensée sur le moment. Un contact, lui prendre la main.

Il se rappelait exactement comment ça c’était réellement passé. Alors que ses doigts s’étaient refermés sur les siens, elle s’était violemment dégagée. Elle avait reculé et sauté hors du lit.  Sara avait sursauté de surprise, pendant que Maya lui disait qu’elle le détestait et le traitait de tous les noms d’oiseaux possibles. Il était resté assis là, à encaisser, parce que c’était ce qu’il méritait.

Mais pas cette fois. Alors que ses doigts se refermaient sur les siens, la main de Maya se désintégra dans un nuage de brume.

“Non…”

Il s’avança vers elle, cherchant à atteindre une épaule ou un bras, mais elle disparût à son contact comme la colonne de cendres d’une cigarette sous le vent. Il se tourna rapidement pour atteindre Sara, mais elle se contenta de secouer tristement la tête, alors qu’elle s’évaporait elle aussi sous ses yeux.

Ensuite, il se retrouva seul.

*

“Sara !”

Zéro se réveilla d’un coup et se mit immédiatement à gémir. Un horrible mal de tête s’était emparé de son front. C’était un rêve… un cauchemar. Un qu’il avait déjà fait des milliers de fois.

Mais ça c’était passé ainsi, à peu de choses près.

Zéro avait été le héros du moment. Il avait déjoué la tentative d’assassinat sur le président, arrêté la guerre avant même qu’elle ne commence et dévoilé la conspiration. Et ensuite, ses filles et lui étaient allées au Plaza. Aucun d’entre eux ne voulait retourner dans leur maison à Alexandria, en Virginie. Trop de choses s’étaient passées là-bas. Trop de morts.

C’était là qu’il le leur avait dit. Elles méritaient de connaître la vérité.

Et c’est alors qu’elles étaient parties.

C’était… il y a combien de temps déjà ? Presque dix-huit mois si ces souvenirs étaient bons. Un an et demi plus tôt. Pourtant, le rêve continuait à hanter la plupart de ses nuits. Parfois, les filles s’évaporaient sous ses yeux. Parfois, elles lui criaient dessus et lui hurlaient des insultes bien pires que ce qui s’était réellement passé. D’autres fois encore, elles partaient en silence et, quand il courait dans le couloir pour les retenir, elles avaient déjà disparu.

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