Condamné à fuir - Блейк Пирс 2 стр.


Les clés de la voiture… ce devait être ça, n’est-ce pas ? Le pick-up de Jason était sur le parking du motel ; ils l’avaient vu en arrivant.

Adèle acquiesça pour elle-même, puis, au lieu de se diriger vers l’espace entre les bâtiments qui menait à la rue, elle se tourna et sprinta dans la direction opposée. Le parking du motel était situé derrière les bâtiments, entouré d’une grande clôture en bois, et bordé aux quatre coins par des bennes rouges avec des couvercles noirs.

Une intuition. Mais parfois, un agent devait seulement compter sur son intuition.

Adèle distinguait des sirènes au loin, mais le bruit était encore faible. Elle était seule. Elle jeta un coup d’œil par-dessus son épaule en direction des escaliers, remarquant que son partenaire descendait lentement, l’air toujours absent tandis qu’il secouait la tête. Il titubait un peu, du sang coulait toujours de son nez.

Résignée, Adèle soupira tout en continuant à courir vers le parking. Elle enjamba une autre petite haie, reconnaissante à tous les joggings matinaux de sa vie. Elle se hâta de longer le bureau d’accueil, puis passa à côté d’une clôture métallique et d’une benne à ordures rouge placée à l’arrière des bureaux. La puanteur des ordures vieilles de deux semaines empestait l’air ambiant et semblait imprégner ses vêtements. Elle ignora l’odeur fétide et grogna lorsqu’elle accrocha son tailleur sur la clôture ; une déchirure discrète, un élancement de douleur. Mais elle força le passage, sans prêter attention au fait que ses vêtements se soient déchirés.

Adèle se faufila entre la clôture métallique et la benne malodorante avant de s’arrêter un peu plus loin et de fixer l’imposant pick-up noir aux rétroviseurs protubérants. Le véhicule était garé entre deux places derrière un mini van.

La portière avant du pick-up était ouverte.

Jason était déjà en train de grimper sur le siège conducteur. Il jeta un regard dans sa direction, laissa échapper un juron avant de claquer la portière et batailler avec ses clefs pour mettre le contact. Elle entendit un cliquetis sourd, et une série de malédictions en espagnol.

Elle le visa avec son arme et la pointa vers la fenêtre.

– Arrêtez ou je tire ! hurla-t-elle.

Mais M. Hernandez l’ignora. Il continua à batailler avec les clés. Finalement, le moteur rugit. Jason regarda par la fenêtre, les yeux écarquillés de panique. Le tatouage tordu des deux serpents semblait se mouvoir sur sa peau, et ses veines avaient sailli sur ses tempes.

Il murmura quelque chose qu’elle ne put pas entendre à travers la vitre, puis il passa la première vitesse. Il accéléra brutalement. Il y eut un crissement de pneus, et le pick-up s’élança vers l’avant, frôlant la collision avec le bâtiment renfermant les bureaux. Jason jura de manière inaudible et réajusta sa vitesse avant de jeter un coup d’œil par-dessus son épaule et de se préparer à faire marche arrière.

Contrairement au motel, le pick-up de Jason était dans un état impeccable. Les vitres étaient propres, et le pick-up lui-même n’avait pas une seule rayure ou l’ombre d’une bosse. Certains des témoins oculaires qui avaient vu Hernandez filer ses victimes supposées chez elles avaient affirmé que tout avait commencé lorsque M. Carter avait failli rentrer dans le pick-up de Jason en faisant une marche arrière.

Adèle continuait à braquer son arme et elle s’arma de courage, en position, les épaules et pieds écartés.

– Stop, FBI ! hurla-t-elle.

– Agent Sharp ! s’exclama une voix par-dessus son épaule.

Pendant un bref instant, elle tressaillit et regarda en arrière.

Masse avançait d’un pas incertain dans le bâtiment le plus proche de Jason – il avait clairement fait le tour en courant par la rue. Mais maintenant, cela signifiait qu’il était plus proche du pick-up qu’elle. Masse repéra Jason ; les yeux du jeune agent s’écarquillèrent, et il leva son arme.

– Attendez ! s’écria Adèle.

Mais Masse tira trois balles. Deux frappèrent le capot du pick-up ; la troisième brisa les deux vitres, transperçant chacune d’elles de part en part. Aucune n’atteignit Jason Hernandez.

Mais, à travers les vitres maintenant brisées, Adèle observa longuement l’expression de Jason.

Il n’était plus en train de tripoter le volant ou l’allumage. Il regardait à travers la vitre brisée, les yeux écarquillés comme s’il venait de voir un fantôme, pâlissant maintenant à vue d’œil. Il fixa les morceaux de verre brisé, puis son regard retraça le capot de sa voiture en direction des deux impacts de balles fumants à l’avant de son véhicule adoré.

– Puta ! feula-t-il.

Hernandez se précipita sur le siège et ouvrit la portière passager avant de sortir en titubant. Il était maintenant du côté opposé du véhicule par rapport à Adèle, plus proche de Masse.

Adèle tenta de maintenir sa position, mais elle grogna de frustration ; elle l’avait perdu de vue. Elle se déplaça rapidement, toujours avec précaution, en essayant de garder les deux personnes dans son champ de vision alors qu’elle arpentait le parking à la hâte.

Jason se dirigeait vers l’agent Masse, ignorant l’arme braquée sur lui et le fait qu’Adèle faisait le tour par derrière. Alors qu’elle se repositionnait, Adèle eut un aperçu de son expression : les yeux de Jason étaient dilatés, ses veines palpitaient dans son cou et sur son front.

– Cabrón ! cria-t-il, les yeux mobiles entre le pick-up et l’agent du FBI qui lui avait tiré dessus.

Il semblait totalement indifférent, ou peut-être inconscient de la présence de l’arme qui se trouvait dans les mains encore tremblantes de Masse.

Le cri qu’Adèle avait lancé plus tôt sembla maintenant atteindre Masse – attendez ! Son doigt était tellement crispé sur la gâchette qu’il était devenu blanc, mais il semblait figé sur place. Il attendait, hésitant, sans cesser de regarder Adèle et la silhouette d’Hernandez qui approchait à tour de rôle. Il hésita une seconde de trop.

– Non ! s’égosilla Adèle, mais trop tard.

Jason s’élançait en avant, sortant de la ligne de mire de Masse, et tacla le jeune agent à la taille, les envoyant tous les deux s’effondrer sur le trottoir.

Adèle se précipita, cherchant une ouverture, son arme levée. Le béton froid du parking et la barrière de sécurité offraient une surface dure contre laquelle les omoplates de Masse s’écrasèrent une fois, puis une seconde tandis qu’il tentait de se relever. Mais Jason grogna, s’attaquant aux yeux de l’agent.

– Lâchez-le ! ordonna Adèle.

Puis elle tira.

Masse laissa échapper un cri de terreur. Hernandez, cependant, grogna de douleur, tournoyant comme une toupie et s’écrasant sur le sol à côté de l’agent qu’il avait mis à terre.

– D’abord le bras, aboya Adèle, l’arme pointée sur Hernandez. Continuez à opposer résistance et la balle suivante vous atteindra en pleine poitrine, compris ?

Les jurons et les pleurs se calmèrent soudain et Jason se mit à rouler d’avant en arrière, ses dents claquant de douleur, et il appuya la tête contre le trottoir. Des ruissellements rouges lui tachèrent les doigts. De temps en temps, il détournait le regard de son bras blessé et se tournait vers son pick-up fumant, secouant la tête avec une angoisse renouvelée.

Adèle soupira, puis saisit sa radio de terrain.

– Nous allons avoir besoin d’une ambulance, déclara-t-elle.

Elle observa son partenaire qui se relevait, tremblant de tous ses membres, et la silhouette de Hernandez tordue de douleur. Elle soupira à nouveau.

– Même de deux.

Puis, après avoir levé les yeux au ciel, elle s’approcha de Jason, en sortant ses menottes.

CHAPITRE DEUX

Adèle laissa échapper un profond soupir d’exaspération en écoutant le grincement discret des charnières tandis que la porte de son appartement se refermait derrière elle. Après quatre heures d’interrogatoires et de paperasse ridicule, Adèle était soulagée d’être de retour chez elle.

Elle appuya sur un interrupteur et détailla l’espace exigu tout en faisant rouler ses épaules.  Elle grimaça soudain en ressentant un élancement soudain de douleur. Adèle jeta un coup d’œil sur le côté et, pour la première fois, elle remarqua une tache rouge sur le T-shirt blanc qu’elle portait sous sa veste de tailleur.

Elle fronça les sourcils. Grimaçant à nouveau, Adèle scruta son petit appartement en se dirigeant vers l’évier de la cuisine, sortant avec résignation sa chemise de sa ceinture.

Un nouvel appartement. Le bail se renouvelait tous les deux mois. Il aurait été trop onéreux de continuer à vivre dans l’ancien appartement. Après le départ d’Angus, Adèle ne recevait tout simplement pas un salaire suffisant pour pouvoir se permettre un loyer au sud de Market, où Angus et ses camarades du monde de la programmation s’étaient rassemblés. Maintenant qu’elle avait déménagé à Brisbane, elle s’était rendu compte que le changement lui était indifférent. Ce n’était pas bruyant – elle pouvait remercier ses voisins – même s’il ne s’agissait guère plus que d’un studio avec cuisine, télévision et une chambre avec salle de bain attenante. Le tout, même la télévision, sentait un peu la moisissure.

De toute façon, elle ne passait pas beaucoup de temps chez elle.

Adèle fit une nouvelle moue en déboutonnant sa chemise et en examinant la longue égratignure sur sa peau. Ses traits se durcirent lorsqu’elle se souvint. Un cadeau de la clôture métallique, sans doute.

– Maudits novices, murmura-t-elle dans sa barbe.

L’agent Masse était jeune. Il n’avait que quelques mois d’entraînement à son actif. Adèle doutait qu’elle ait été bien meilleure que lui à ses débuts, mais tout de même… cela avait été une débâcle. John lui manquait. La dernière fois qu’ils s’étaient vus, cependant… les choses étaient devenues gênantes. Elle se rappelait parfaitement la baignade nocturne dans la piscine privée de Robert. La façon dont John s’était penché vers elle, la façon dont elle avait reculé, presque par réflexe.

Adèle se renfrogna à cause du souvenir et regretta de ne pas pouvoir l’effacer immédiatement. Au lieu de cela, elle saisit une serviette en papier sur le comptoir et fit couler de l’eau chaude. Elle ouvrit le placard au-dessus du réfrigérateur et en sortit une bouteille d’alcool dénaturé. Elle humecta la serviette et appuya la lingette désinfectante de fortune sur ses côtes, en grimaçant encore une fois.

Elle se dirigea vers la seule chaise de la cuisine, s’appuya contre la demi-table entre le réfrigérateur et la cuisinière, et s’assit face au mur, tamponnant la serviette en papier qui dégageait une forte odeur contre ses éraflures. Enfin, elle laissa échapper un long soupir en se penchant en arrière.

Elle regarda vaguement en direction de la porte. Deux verrous et une serrure à chaîne équipaient le cadre métallique, vestiges de précédents locataires.

La chaise grinça lorsqu’elle ajusta sa position et appuya un coude contre la table, fixant la surface du bois lisse. Elle se déplaça à nouveau, ne serait-ce que pour entendre le craquement. L’appartement était tellement silencieux. Quand elle vivait avec Angus, la télévision était toujours allumée, ou on entendait le murmure d’un podcast venant de la chambre pendant qu’il codait. Pendant les deux semaines qu’elle avait passées avec Robert en France, elle s’était souvent retrouvée dans la même pièce que son ancien mentor, appréciant sa compagnie au coin du feu tandis qu’il lisait un livre ou écoutait des concertos à la radio.

Mais maintenant, dans ce petit appartement étouffant de San Francisco… tout était à nouveau si calme.

Adèle gigota encore, concentrée sur le grincement et les protestations de la chaise bas de gamme. Une phrase de son enfance, l’une des préférées de son père, lui traversa l’esprit. « Les choses simples satisfont les gens simples. » Comme pour manifester son désaccord, Adèle s’agita sur la chaise, écoutant une dernière fois le grincement du bois qui lui procurait un étrange réconfort, avant de serrer les dents, tout en appuyant la serviette imbibée d’alcool contre sa blessure, puis elle se releva et se dirigea en direction du couloir.

– Maudit Renée, bredouilla-t-elle.

Jason Hernandez n’aurait jamais filé si John avait été là. La France lui manquait. Après son entretien avec Interpol, elle avait passé du temps avec Robert. Un moment agréable qui lui avait fait du bien. Cela lui avait donné l’occasion d’enquêter sur le meurtrier de sa mère.

Adèle poussa la porte de la salle de bain au bout du couloir et fit face au miroir. C’était une salle de bain exiguë. La cabine de douche suffisait, car Adèle n’avait pas pris de bain depuis près de six ans. Les douches étaient bien plus efficaces. Le sergent – son père – n’avait probablement jamais pris de bain, de toute sa vie.

Elle soupira à nouveau en se déshabillant et entra dans la cabine de douche, ouvrant l’eau chaude, mais le jet était encore tiède. Un autre défaut du nouvel appartement. La pression de l’eau n’était pas non plus très bonne, mais elle devait s’en accommoder.

Alors qu’Adèle restait sous la bruine tiède, elle ferma les yeux, laissant son esprit vagabonder, au-delà des événements de la journée, des deux derniers mois aux États-Unis.

Les mots résonnèrent dans son esprit.

« …Honnêtement, c’est drôle que vous ayez quitté Paris, vous vous en rendez compte ? Surtout vu où vous travailliez. »

Elle soupira alors que l’eau trempait ses cheveux et commençait à couler le long de son nez et de ses joues par pulsations lentes et inégales, correspondant aux jets capricieux du pommeau de douche. Pourtant, elle garda les yeux fermés, tout en tournant et retournant ces mots dans sa tête. Ils faisaient écho – parfois même lorsqu’elle dormait – dans son esprit.

C’est ce que le tueur lui avait dit.

En France. Un homme qui lacérait ses victimes et les regardait saigner, impuissantes et abandonnées de tous. Elle et John avaient attrapé ce tueur en série, mais pas avant qu’il n’ait manqué tuer son père. Il avait aussi failli tuer Adèle.

Le salaud vouait un culte au meurtrier de sa mère. Un autre assassin, parmi une kyrielle d’autres.

Adèle se plaça directement sous l’eau tout en serrant les poings, jusqu’à ce que ses articulations appuyées contre le plastique blanc froid et lisse qui imitait la porcelaine pâlissent.

John avait tué le tueur en série avant qu’il ne tue Adèle, ce qui l’avait laissée avec encore davantage de questions. Elle regrettait en partie qu’il n’ait pas survécu.

Pourquoi était-ce drôle qu’elle ait quitté Paris ? Cette phrase la hantait maintenant. Elle continuait à la répéter dans son esprit. Honnêtement, c’est drôle que vous ayez quitté Paris… Surtout vu où vous travailliez. Presque comme s’il la taquinait. Il voulait certainement parler de l’assassin de sa mère.

Paris. Elle en était presque certaine maintenant. L’assassin de sa mère avait vécu à Paris. Peut-être y vivait-il encore. Il aurait quoi, cinquante ans ? Adèle secoua la tête, envoyant des gouttelettes d’eau tout autour d’elle dans la douche et sur le sol glissant.

Elle serra les dents tandis que le liquide plus tiède continuait à jaillir en jets irréguliers du plafond.

Dans un élan de frustration, elle tourna le bouton au maximum, mais l’eau ne se réchauffa pas. Adèle battit des paupières, ses yeux piquaient à cause de l’eau et du savon qui lui coulaient le long des joues. Elle toisa avec colère le pommeau de douche, la flèche pointant vers le point culminant signalé d’une entaille rouge.

– Très bien, murmura-t-elle.

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