Маленький принц / Le Petit Prince. Уровень 1 - Антуан де Сент-Экзюпери 2 стр.


«C’est une question de discipline, me disait plus tard le petit prince. Quand on a terminé sa toilette du matin, il faut faire soigneusement la toilette de la planète. Il faut s’astreindre régulièrement à arracher les baobabs dès qu’on les distingue d’avec les rosiers[47] auxquels ils ressemblent beaucoup quand ils sont très jeunes. C’est un travail très ennuyeux, mais très facile».

Et un jour il me conseilla de m’appliquer à réussir un beau dessin, pour bien faire entrer ça dans la tête des enfants de chez moi[48]. «S’ils voyagent un jour, me disait-il, ça pourra leur servir[49]. Il est quelquefois sans inconvénient de remettre à plus tard son travail. Mais, s’il s’agit des baobabs, c’est toujours une catastrophe. J’ai connu une planète, habitée par un paresseux. Il avait négligé trois arbustes…»

Et, sur les indications du petit prince, j’ai dessiné cette planète-là. Je n’aime guère[50] prendre le ton d’un moraliste. Mais le danger des baobabs est si peu connu, et les risques courus par celui qui s’égarerait dans un astéroïde sont si considérables, que, pour une fois, je fais exception à ma réserve. Je dis: «Enfants! Faites attention aux baobabs!» C’est pour avertir mes amis du danger qu’ils frôlaient depuis longtemps, comme moi-même, sans le connaître, que j’ai tant travaillé ce dessin-là. La leçon que je donnais en valait la peine.

Vous vous demanderez peut-être: Pourquoi n’y a-t- il pas dans ce livre, d’autres dessins aussi grandioses que le dessin des baobabs? La réponse est bien simple: J’ai essayé mais je n’ai pas pu réussir. Quand j’ai dessiné les baobabs j’ai été animé par le sentiment de l’urgence[51].

VI

Ah! petit prince, j’ai compris, peu à peu, ainsi, ta petite vie mélancolique. Tu n’avais eu longtemps pour distraction que la douceur des couchers de soleil. J’ai appris ce détail nouveau, le quatrième jour au matin, quand tu m’as dit:

«J’aime bien les couchers de soleil. Allons voir un coucher de soleil…

– Mais il faut attendre…

– Attendre quoi?

– Attendre que le soleil se couche».

Tu as eu l’air très surpris d’abord, et puis tu as ri de toi-même. Et tu m’as dit:

«Je me crois toujours chez moi!»

En effet. Quand il est midi aux États-Unis, le soleil, tout le monde le sait, se couche sur la France. Il suffirait de pouvoir aller en France en une minute pour assister au coucher du soleil. Malheureusement la France est bien trop éloignée. Mais, sur ta si petite planète, il te suffisait de tirer ta chaise de quelques pas. Et tu regardais le crépuscule chaque fois que tu le désirais…

«Un jour, j’ai vu le soleil se coucher quarante-quatre fois!»

Et un peu plus tard tu ajoutais:

«Tu sais… quand on est tellement triste on aime les couchers de soleil…

– Le jour des quarante-quatre fois tu étais donc tellement triste?»

Mais le petit prince ne répondit pas.

VII

Le cinquième jour, toujours grâce au mouton, ce secret de la vie du petit prince me fut révélé. Il me demanda avec brusquerie, sans préambule, comme le fruit d’un problème longtemps médité en silence:

«Un mouton, s’il mange les arbustes, il mange aussi les fleurs?

– Un mouton mange tout ce qu’il rencontre.

– Même les fleurs qui ont des épines?

– Oui. Même les fleurs qui ont des épines.

– Alors les épines, à quoi servent-elles?»

Je ne le savais pas. J’étais alors très occupé[52] à essayer de dévisser un boulon trop serré de mon moteur. J’étais très soucieux car ma panne commençait de m’apparaître comme très grave, et l’eau à boire qui s’épuisait me faisait craindre le pire.

«Les épines, à quoi servent-elles?»

Le petit prince ne renonçait jamais à une question, une fois qu’il l’avait posée. J’étais irrité par mon boulon et je répondis n’importe quoi:

«Les épines, ça ne sert à rien, c’est de la pure méchanceté de la part des fleurs!

– Oh!»

Mais après un silence il me lança, avec une sorte de rancune:

«Je ne te crois pas! Les fleurs sont faibles. Elles sont naïves. Elles se rassurent comme elles peuvent. Elles se croient terribles avec leurs épines…»

Je ne répondis rien. À cet instant-là je me disais: «Si ce boulon résiste encore, je le ferai sauter d’un coup de marteau[53]». Le petit prince dérangea de nouveau mes réflexions:

«Et tu crois, toi, que les fleurs…

– Mais non! Mais non! Je ne crois rien! J’ai répondu n’importe quoi. Je m’occupe, moi, de choses sérieuses!»

Il me regarda stupéfait.

«De choses sérieuses!»

Il me voyait, mon marteau à la main, et les doigts noirs de cambouis, penché sur un objet qui lui semblait très laid.

«Tu parles comme les grandes personnes!»

Ça me fit un peu honte. Mais, impitoyable, il ajouta:

«Tu confonds tout… tu mélanges tout!»

Il était vraiment très irrité. Il secouait au vent des cheveux tout dorés:

«Je connais une planète où il y a un monsieur cramoisi. Il n’a jamais respiré une fleur. Il n’a jamais regardé une étoile. Il n’a jamais aimé personne. Il n’a jamais rien fait d’autre que des additions. Et toute la journée il répète comme toi: «Je suis un homme sérieux! Je suis un homme sérieux!» et ça le fait gonfler d’orgueil. Mais ce n’est pas un homme, c’est un champignon!

– Un quoi?

– Un champignon!»

Le petit prince était maintenant tout pâle de colère.

«Il y a des millions d’années que les fleurs fabriquent des épines. Il y a des millions d’années que les moutons mangent quand même les fleurs. Et ce n’est pas sérieux de chercher à comprendre pourquoi elles se donnent tant de mal pour se fabriquer des épines qui ne servent jamais à rien? Ce n’est pas important la guerre des moutons et des fleurs? Ce n’est pas sérieux et plus important que les additions d’un gros monsieur rouge? Et si je connais, moi, une fleur unique au monde, qui n’existe nulle part, sauf dans ma planète, et qu’un petit mouton peut anéantir d’un seul coup, comme ça, un matin, sans se rendre compte de ce qu’il fait, ce n’est pas important ça!»

Il rougit, puis reprit:

«Si quelqu’un aime une fleur qui n’existe qu’à un exemplaire dans les millions et les millions d’étoiles, ça suffit pour qu’il soit heureux[54] quand il les regarde. Il se dit: «Ma fleur est là quelque part…» Mais si le mouton mange la fleur, c’est pour lui comme si, brusquement, toutes les étoiles s’éteignaient! Et ce n’est pas important ça!»

Il ne put rien dire de plus[55]. Il éclata brusquement en sanglots. La nuit était tombée. J’avais lâché mes outils. Je me moquais bien de mon marteau, de mon boulon, de la soif et de la mort. Il y avait sur une étoile, une planète, la mienne, la Terre, un petit prince à consoler! Je le pris dans les bras. Je le berçai. Je lui disais: «La fleur que tu aimes n’est pas en danger… Je lui dessinerai une muselière, à ton mouton… Je te dessinerai une armure pour ta fleur… Je…» Je ne savais pas trop quoi dire. Je me sentais très maladroit. Je ne savais comment l’atteindre, où le rejoindre… C’est tellement mystérieux, le pays des larmes!

VIII

J’appris bien vite à mieux connaître cette fleur. Il y avait toujours eu, sur la planète du petit prince, des fleurs très simples, ornées d’un seul rang de pétales, et qui ne tenaient point de place, et qui ne dérangeaient personne. Elles apparaissaient un matin dans l’herbe, et puis elles s’éteignaient le soir. Mais celle-là avait germé un jour, d’une graine apportée d’on ne sait où[56], et le petit prince avait surveillé de très près cette brindille qui ne ressemblait pas aux autres brindilles. Ça pouvait être un nouveau genre de baobab. Mais l’arbuste cessa vite de croître, et commença de préparer une fleur. Le petit prince, qui assistait à l’installation d’un bouton énorme, sentait bien qu’il en sortirait une apparition miraculeuse, mais la fleur n’en finissait pas de se préparer à être belle, à l’abri de sa chambre verte[57]. Elle choisissait avec soin ses couleurs. Elle s’habillait lentement, elle ajustait un à un ses pétales. Elle ne voulait pas sortir toute fripée comme les coquelicots. Elle ne voulait apparaître que dans le plein rayonnement de sa beauté. Eh! oui. Elle était très coquette! Sa toilette mystérieuse avait donc duré des jours et des jours. Et puis voici qu’un matin, justement à l’heure du lever du soleil, elle s’était montrée[58].

Et elle, qui avait travaillé avec tant de précision, dit en bâillant:

«Ah! Je me réveille à peine… Je vous demande pardon… Je suis encore toute décoiffée…»

Le petit prince, alors, ne put contenir son admiration:

«Que vous êtes belle!

– N’est-ce pas, répondit doucement la fleur. Et je suis née en même temps que le soleil…»

Le petit prince devina bien qu’elle n’était pas trop modeste, mais elle était si émouvante!

«C’est l’heure, je crois, du petit déjeuner, avait-elle bientôt ajouté, auriez-vous la bonté de penser à moi…[59]

Et le petit prince, tout confus, ayant été chercher un arrosoir d’eau fraîche[60], avait servi la fleur.

Ainsi l’avait-elle bien vite tourmenté par sa vanité un peu ombrageuse. Un jour, par exemple, parlant de ses quatre épines, elle avait dit au petit prince:

«Ils peuvent venir, les tigres, avec leurs griffes!

– Il n’y a pas de tigres sur ma planète, avait objecté le petit prince, et puis les tigres ne mangent pas d’herbe.

– Je ne suis pas une herbe, avait doucement répondu la fleur.

– Pardonnez-moi…

– Je ne crains rien des tigres, mais j’ai horreur des courants d’air. Vous n’auriez pas un paravent?»

«Horreur des courants d’air… ce n’est pas de chance, pour une plante[61], avait remarqué le petit prince. Cette fleur est bien compliquée…»

«Le soir vous me mettrez sous un globe. Il fait très froid chez vous. C’est mal installé. Là d’où je viens…»

Mais elle s’était interrompue. Elle était venue sous forme de graine. Elle n’avait rien pu connaître des autres mondes. Humiliée de s’être laissé surprendre à préparer un mensonge aussi naïf, elle avait toussé deux ou trois fois, pour mettre le petit prince dans son tort[62]:

«Ce paravent?…

– J’allais le chercher mais vous me parliez[63]!»

Alors elle avait forcé sa toux pour lui infliger quand même des remords.

Ainsi le petit prince, malgré la bonne volonté de son amour, avait vite douté d’elle[64]. Il avait pris au sérieux des mots sans importance, et était devenu très malheureux.

«J’aurais dû ne pas l’écouter, me confia-t-il un jour, il ne faut jamais écouter les fleurs. Il faut les regarder et les respirer. La mienne embaumait ma planète, mais je ne savais pas m’en réjouir. Cette histoire de griffes, qui m’avait tellement agacé, eût dû m’attendrir…[65]«

Il me confia encore:

«Je n’ai alors rien su comprendre! J’aurais dû la juger sur les actes et non sur les mots. Elle m’embaumait et m’éclairait. Je n’aurais jamais dû m’enfuir! J’aurais dû deviner sa tendresse derrière ses pauvres ruses. Les fleurs sont si contradictoires! Mais j’étais trop jeune pour savoir l’aimer».

IX

Je crois qu’il profita, pour son évasion, d’une migration d’oiseaux sauvages. Au matin du départ il mit sa planète bien en ordre. Il ramona soigneusement ses volcans en activité. Il possédait deux volcans en activité[66]. Et c’était bien commode pour faire chauffer le petit déjeuner du matin. Il possédait aussi un volcan éteint. Mais, comme il disait, «On ne sait jamais!» Il ramona donc également le volcan éteint. S’ils sont bien ramonés, les volcans brûlent doucement et régulièrement, sans éruptions. Les éruptions volcaniques sont comme des feux de cheminée. Évidemment sur notre terre nous sommes beaucoup trop petits pour ramoner nos volcans. C’est pourquoi ils nous causent des tas d’ennuis.

Примечания

1

avoir dédié – инфинитив прошедшего времени (infinitif passé). Возможный перевод: «Я прошу прощения у детей за то, что посвятил…».

2

Elle a besoin d’etre consolée – Он (взрослый человек – grande personne ж.р.) нуждается в утешении.

3

Histoires vécues – «Правдивые истории».

4

afin que les grandes personnes puissent comprendre – чтобы взрослые могли понять. (puissent – сослагательное наклонение (Subjonctif) от глагола «pouvoir»).

5

J’avais été découragé par l’insuccès de mes dessins. – Я был разочарован, потерпев неудачу с рисунками. (avais été découragé – предпрошедшее время (Plus-que-parfait), пассивный залог.)

6

c’est exact – это так; всё верно.

7

Je savais reconnaître – я умел отличить. Savoir + infinitif – мочь что-то делать, уметь что-то делать

8

J’ai ainsi eu – таким образом, у меня было… (eu – форма причастия прошедшего времени (participe passé) глагола «avoir»)

9

J’ai beaucoup vécu… – Я много прожил… (vécu – форма причастия прошедшего времени (participe passé) глагола «vivre»)

10

Je les ai vues – Я видел их… («vues» – форма причастия прошедшего времени (participe passé) глагола «voir» – согласовано в роде и числе с местоимением «les» т. к. оно предшевствует глаголу.)

11

Je me mettais à sa portée – я приспосабливался к его понятиям.

12

Quelque chose s’était cassé – Что-то сломалось (предпрошедшее время (Plus-que-parfait). «Se casser» – возвратный глагол, поэтому в прошедшем времени спрягается с глаголом «être».)

13

Comme si j’avais frappé par la foudre – как если бы меня ударила молния

14

Je regardai – Я посмотрел (здесь и далее часто используется форма Passé simple, характерная для книжной речи. Переводится так же, как глаголы в Passé composé).

15

Aussi absurde que cela me semblât – Каким бы нелепым мне это ни казалось… («semblât» – форма сослагательного наклонения прошедшего времени (imparfait de subjonctif) глагола «sembler».)

16

…ce n’est pas un mouton, c’est un bélier – …это не барашек, это большой баран (здесь употреблены два слова-синонима – bélier и mouton, – имеющие различные оттенки значений).

17

Je refis… – Я переделал… (Passé simple от глагола refaire.)

18

Mais il fut refusé… – Но он был отвергнут… («fut» – Passé simple от глагола «être», пассивная конструкция)

19

faute de patience – теряя терпение

20

C’est tout à fait – именно так

21

Crois-tu qu’il faille beaucoup d’herbe à ce mouton? – Думаешь ли ты, что этому барашку понадобится много травы? (Qu’il faille – сослагательное наклонение – Subjonctif – глагола «falloir»)

22

Ça suffira… – Этого будет достаточно… (Futur Simple от глагола «suffire»)

23

… quand il aperçut… – … когда он заметил… (Passé Simple от глагола «apercevoir». Перед гласными – a, – o, – u «c» заменяется на «ç» и произносится как [s].)

24

Je désire que l’on prenne mes malheurs au sérieux. -

Я хочу, чтобы мои несчастья принимали всерьёз.

25

Je m’efforçai donc d’en savoir plus long. – Тогда я попытался узнать об этом больше.

26

…il ira… – …он пойдёт…(Futur Simple от глагола «aller».

27

et il se perdra – он потеряется (Futur Simple от глагола «perdre».)

28

Droit devant lui… – Прямо. Куда глаза глядят…

29

Droit devant soi on ne peut pas aller bien loin… – Идя прямо, куда глаза глядят, далеко не уйдёшь…

30

à peine – едва ли

31

auxquelles – которым (относительное местоимение (pronom relatif) – à+lesquelles)

32

qui sont quelquefois si petites qu’on a beaucoup de mal à les apercevoir au télescope – которые иногда бывают такими маленькими, что их с трудом разглядишь в телескоп.

33

Mais personne ne l’avait cru – Но никто ему не поверил. (cru – plus-que-parfait от глагола «croire».)

34

Sous peine de mort – под угрозой смертной казни

35

Et cette fois-ci tout le monde fut de son avis. – И на этот раз все с ним согласились.

36

elles ne parviennent pas à s’imaginer cette maison – им не удаётся мысленно себе представить этот дом

37

alors elles seront convancues – тогда это их убедит

38

J’aurais aimé – Мне хотелось бы… (условное наклонение (Conditionnel)).

39

Car je n’aime pas qu’on lise mon livre à la légère. – Так как мне не хочется, чтобы мою книгу читали ради развлечения.

40

J’essaierai, bien sûr, de faire des portraits le plus ressemblants possible. – Я, конечно, постараюсь нарисовать портреты как можно более похожие.

41

tant bien que mal – с грехом пополам.

42

Mais ça, il faudra me le pardonner. – Но за это стоит меня простить. (faudra – Futur Simple от глагола «falloir».)

43

J’ai dû viellir. – Наверное, я постарел.

44

…que les moutons mangeassent les arbustes. -…что барашки едят кусты. (mangeassent – Imparfait du Subjonctif глагола «manger».)

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