L'Anneau des Dragons - Морган Райс 6 стр.


L’eau s’engouffra dans le manteau de Renard, l’habit se fit plus pesant qu’une chape de plomb sur ses épaules. Renard déchira et arracha son pardessus mais la boucle se prit dans sa tignasse rousse, l’immobilisait alors qu'il s'accrochait à un rocher. Renard arracha une épaisse mèche de cheveux et parvint ainsi à se dégager, projeté en avant par le courant.

Renard se débattait pour rester à la surface, essayant de se rappeler pourquoi se jeter à l’eau lui avait semblé à la base une si bonne idée. Il émergea, réussit à prendre une goulée d’air et se souvint avoir aperçu au loin la grosse masse rouge du dragon. Un petit séjour dans l’eau valait mieux qu'être brûlé vif, n’est-ce pas ?

La rivière apporta la réponse à sa question en l'entraînant à nouveau sous les flots, le propulsant à une vitesse comparable à celle d’un cheval au galop. Renard se heurta aux rochers qui écrasèrent ses côtes et dut user de ses bras et jambes pour repousser les pires écueils avant de les percuter à nouveau.

La situation ne pouvait pas être pire.

Il remonta à la surface et le regretta aussitôt. Devant lui, l'eau céda la place à l’écume et aux embruns, tandis que la rivière semblait tout bonnement disparaître par-delà les rochers déchiquetés. Une chute ou un barrage attendaient Renard, il tomberait bientôt de Charybde en Scylla.

Il nagea vers le rivage, ne voulant pas combattre la rivière de front mais l’affronter de biais. Renard comprit dès ses premières brasses que son idée ne fonctionnerait pas. La rivière était trop puissante, le courant l’entraînait trop vite. Renard devrait choisir entre passer en force ou s'écraser contre les rochers en vue – sa vie se résumait à des choix draconiens depuis ces derniers temps.

Renard supposa que la plupart des gens auraient choisi les rochers, auraient essayé de s'y cramponner pour éviter de terminer dans la cascade. Ils se seraient probablement fracassés contre et Renard n'était pas du genre à choisir la facilité. Il nagea jusqu’à un espace libre entre eux, eut le temps de contempler le vide trente mètres plus bas, si ce n’est plus, dans la rivière en contrebas puis, ce fut la chute.

Renard fit en sorte que sa chute se mue en plongeon et quand bien même, l'élégance n'était pas de mise vue la façon dont il fit son entrée dans l'eau. Une vasque attendait Renard, il n’avait plus qu’à espérer qu'elle soit assez profonde, faute de quoi cette chute sonnerait son trépas.

Il tendit les mains droit devant lui, fendant et battant l'eau avec une force qui l’ébranlait jusqu’aux os. Renard s’arcbouta afin de pénétrer moins profondément dans l’eau mais il heurta le fond de la vasque suffisamment violemment pour perdre le peu de souffle qui lui restait.

Renard apercevait la surface au-dessus, tel un cercle de lumière bien trop éloigné pour qu'il soit en mesure de l'atteindre et le toucher. Mais déjà ses poumons le brûlaient, il dut lutter pour retenir sa respiration alors qu'il remontait vers la lumière.

La remontée lui parut une éternité. La vue de Renard s’obscurcissait peu à peu, la pression allait crescendo sous son crâne qui lui semblait à deux doigts d’exploser. Il respirerait bientôt, qu'il le veuille ou non, l'eau s’engouffrerait dans ses poumons, il mourrait noyé…

Renard surgit à la surface, en manque d’air. Il leva les yeux, vit la chute d'eau qui se fracassait au-dessus, elle paraissait encore plus haute vue de là que lors de sa descente. L'eau martelait tout autour de lui, Renard trouva la chose rafraîchissante au possible à cet instant précis, il était vivant.

"Je suis vivant !" cria-t-il à la cantonade, attitude assurément des plus stupide. Il était déjà convaincu, à sa grande joie, que les dieux prenaient visiblement un malin plaisir à le tourmenter. Renard se mit à nager jusqu’au bord de la vasque.

Arrivé à bon port, il se hissa hors de l'eau sur une berge rocailleuse, épuisé et trempé jusqu'aux os. Il resta allongé pendant ce qui lui sembla une éternité, le soleil était désormais suffisamment chaud pour qu’il crut percevoir de la vapeur s'élever de tout son être.

Renard vérifia ses biens, essaya de définir ce qui restait suite à son plongeon dans la cascade. Il n'avait pas d'épée, mais toujours un long couteau sanglé à sa hanche. Sa bourse contenant son argent avait survécu, il possédait par conséquent encore une forte somme, grâce à l'amulette revendue à Geertstown.

Renard savait sans même avoir besoin de vérifier que l'amulette était toujours là. Il la sentait qui s’amusait à le pousser à bout, le vidait petit à petit de son énergie vitale. Renard était brisé et meurtri, épuisé et à peine capable de reprendre son souffle. Il sentait malgré tout quelque chose de bien plus insidieux sous-jacent, alors que l'amulette menaçait de l’achever.

Pourquoi cette amulette ne l’avait-elle pas déjà tué ? Renard n'était pas du genre à poser ce genre de question en temps normal, cela ne pouvait qu’attirer du négatif mais il ne pouvait s'empêcher de se poser des questions en pareil moment. Il ne pouvait rien faire hormis s’en poser justement, trop épuisé pour agir, même avec la perspective d'un dragon dans les parages qui le traquerait sans doute.

Le receleur auquel il avait vendu l'amulette était mort moins d'une heure après, pompé jusqu’à la moelle et n’ayant plus rien d’humain. L'homme était certes âgé mais quand bien même, Renard ne pouvait croire que l'amulette ait pu causer pareils dégâts. Il se tramait quelque chose, quelque chose qui le dépassait.

Renard finit par se redresser, s’asseoir et se lever. Il savait ce qu'il devait faire sans qu’on ait besoin de le lui souffler, il le savait depuis le moment où il avait volé l'amulette à Geertstown : il avait besoin d'un sorcier.

Le problème était toujours le même. Les sorciers étaient tout sauf du vulgus pecum, trouver quelqu'un qui en savait suffisamment long en matière de magie pour s'occuper d'une amulette redoutée par les Forces Obscures en personne, en dépit de leur terrible pouvoir… comment espérer trouver un homme qui en soit capable ?

Renard se mit en marche, ses vêtements dégoulinaient à chacun de ses pas. Il avait déjà fait une douzaine de pas avant de réfléchir quelle direction prendre. La position du soleil lui fournit la réponse. Il allait vers l'est, vers Royalsport.

Il savait son idée stupide, les rumeurs qui couraient sur Geertstown disaient que la guerre venait de l'est. Une cité pleine de voleurs et de contrebandiers était considérée comme un havre de paix eu égard au reste du royaume.

Evidemment, la majeure partie de Geertstown était actuellement en feu, grâce au dragon venu chercher l'amulette.

Renard la prit et l’admira. Un petit morceau d'écaille de dragon au centre d’un octogone, chaque face affichait une pierre précieuse de couleur différente qui brillait au soleil.

"J'aurais dû te laisser à ta place," dit Renard à l'amulette. "Pourquoi faut-il toujours que je n’en fasse qu’à ma tête ?"

Et pourtant. Il l'avait reprise pour éviter des problèmes ultérieurs, la seule solution aurait été de laisser une chose aussi puissante entre les mains des Forces Obscures. Cette seule motivation s'était avérée suffisante pour que Renard prenne de court des individus capables de le réduire en pièces à l'aide de leurs pouvoirs magiques.

Devoir se rendre à Royalsport pour trouver un sorcier n'était rien en comparaison. Il savait de qui il avait besoin, il n’existait qu'un seul homme capable de l'aider en pareille situation. Renard devait faire appel à Maître Grey, le sorcier du roi. Il devait aller voir l’enchanteur, même si cela impliquait affronter la violence qui sévissait à l'est, et demander son aide.

Ou bien, conserver simplement l'amulette dans sa main et s’enfuir, en espérant que cela suffise à rompre leur lien, le sorcier saurait quoi faire.

Quoi qu'il en soit, Renard continua à cheminer parmi la rocaille, continua d’avancer dans l'espoir de trouver un chemin. Il tomba sur une piste qu’il suivit et le mena à une piste plus grande, il poursuivit son périple.

Il était presque déjà rendu au prochain village lorsqu’il se hasarda à jeter un regard en arrière, il avait gardé les yeux rivés devant lui jusque-là, penser à ce qui l’attendait éventuellement l’avait empêché de se retourner. Mais Renard n’y tenait plus. Il regarda par-dessus une épaule, scruta ciel et terre.

Il n'en fallut pas plus pour qu'il trouve ce qu'il cherchait. Ce n'était qu'un point maintenant, mais bel et bien là, de sorte que Renard savait qu'il ne ferait pas halte dans ce village, ou dans n’importe quel autre, bien longtemps, à peine le temps de voler un cheval.

Le dragon volait à l’horizon, le suivait lentement mais sûrement, Renard savait qu’il rôtirait à nouveau dans ses flammes s’il ne rejoignait pas le sorcier au plus vite, guerre ou pas.

CHAPITRE NEUF

Nerra regarda fixement la grosse masse sombre du dragon qui s’élevait au-dessus d'elle, elle était persuadée de mourir. Il la regardait fixement de ses yeux jaune d’or, contemplant Nerra comme s’il essayait de se persuader de la facilité déconcertante avec laquelle il la dévorerait.

Les restes de la colonie éparse autour d'elle lui indiquaient qu’un souffle suffirait à l’anéantir. Pourtant, le sentiment étrange qui emplissait son coeur à cet instant n'était pas de la terreur, mais la fascination.

Comparé au dragon dont elle avait trouvé l'œuf, celui-ci était énorme, d’un noir étincelant, mais Nerra voyait désormais que le noir était en fait une douzaine de nuances et de teintes différentes, du gris le plus clair au noir goudron, comme parsemé des ombres du ciel nocturne. Ses écailles étaient si larges qu'elles ressemblaient à des plaques d'armure au niveau de son ventre, les seules giclées de couleur étant le jaune de ses yeux et le rouge profond de sa gueule lorsque le dragon l’ouvrait grand.

Il cracha des flammes près de Nerra, la terreur fit soudainement son retour dans l'esprit de Nerra. Elle se retourna et courut, trébucha parmi les vestiges de la colonie dévastée, se dirigea vers les arbres plutôt que vers le terrain sombre et rocheux à découvert, en partant du principe qu’une créature aussi volumineuse ne pourrait s’y faufiler.

Nerra entendit un rugissement derrière elle, et continua à courir.

Elle se trouvait maintenant dans la jungle à l'intérieur de l'île, des tâches de soleil trouaient la canopée tandis qu’elle continuait sa course. Les plantes que Nerra apercevait en courant ne ressemblaient en rien à celles qu'elle connaissait, des plantes vertes et luxuriantes, aux couleurs vives, qui emplissaient son nez de leurs parfums. Pressait-elle l’allure à cause des épines de la végétation ou sa nouvelle apparence en était-elle la cause ?

Nerra distinguait l'ombre énorme et large du dragon volant au-dessus d'elle, il la suivait sans encombre même à travers les arbres. Nerra ne pouvait s'empêcher de le regarder, partagée entre la terreur à l'idée qu'un si grand prédateur rôde et son admiration pour l'élégance avec laquelle il fendait l'air. Il descendait en piqué et remontait en battant à peine ses ailes géantes, crachant des flammes devant lui qui produisaient des courants thermiques facilitant son vol.

Mais, comment Nerra savait-elle tout cela ? Elle avait vu son propre dragon, bien sûr, elle avait senti ce lien particulier qui les unissait, mais ignorait tout du fonctionnement de leur organisme, ce qu’être un dragon signifiait. Elle semblait désormais posséder ce savoir indéniable qui allait crescendo.

Nerra ne put s'empêcher de regarder le dragon en arrivant dans une clairière, comprit alors que ses serres étaient presque aussi habiles que ses mains, que son corps pouvait transformer la magie ambiante en flamme, ombre ou brume. Elle savait sans qu'on ait besoin de le lui dire qu’il s’agissait d’un dragon femelle, qu'il était grand, même pour son espèce.

Nerra passa de longues secondes à contempler le dragon, secondes durant lesquelles un mouvement se fit entendre sur sa gauche. Une bête couverte d’écailles surgit des arbres, bondit vers elle tous crocs dehors, prête à mordre. La créature parut à Nerra semblable aux silhouettes tordues des êtres difformes de l'Ile de l'Espoir, mais celle-ci semblait plus animale, comme inhumaine à la base.

Elle n'eut cependant pas le temps de réfléchir car la créature déjà se jetait sur elle. En temps normal Nerra aurait couru, perdue, mais elle sortit d’instinct ses mains griffues, griffes qui entaillèrent la chair de la créature et la forcèrent à bondir en arrière. Elle la regarda fixement, sifflant et grinçant des dents comme si elle comptait bondir à nouveau sur Nerra, deux autres la rejoignirent au même moment.

Nerra savait d’instinct comment le dragon était monté en flèche, qu’il lui serait assez facile de gérer une créature de la famille des lézards, mais trois à la fois s’avérait plus difficile. Elles encerclèrent Nerra qui sentit sa mort prochaine.

Elle vit le dragon plonger telle une pierre vers la terre, ailes repliées sur le côté, alors qu'il descendait en piqué, se laissant choir jusqu'à être presque au niveau du sol avant d'ouvrir et battre fermement des ailes, créant un tel appel d'air que Nerra se retrouva cul par-dessus tête. Les drôles de lézards s’étalèrent à leur tour.

Le dragon ouvrit sa gueule différemment, en sortit une sorte de buée sombre et tremblotante qui s’abattit sur les créatures sans endommager les arbres derrière elles, et non du feu. Elles hurlèrent de douleur et se replièrent en tout hâte vers la forêt.

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