Mûr pour la Pagaille - Грейс Фиона 2 стр.


Elle retira sa veste et ses gants, quitta ses bottes et se dirigea vers le tapis duveteux qui se trouvait devant la cheminée. Elle s’assit en tailleur à côté de son chat noir et blanc semi-domestiqué, Pirate, qui était roulé en boule sur un coin du tapis, profondément endormi.

– Je suis à l’intérieur, dit-elle à Bianca.

– Comment progresse ta production de vin ? demanda son ex-assistant. Est-ce que tes vins sont disponibles ? Puis-je commander une bouteille ?

– Eh bien, les vignes que j’ai commandées sont encore des bébés, expliqua Olivia. Elles ne produiront des raisins que l’année prochaine au plus tôt. J’ai même de la chance qu’elles aient germé avant l’hiver ! Il y a des vignes sauvages sur ma propriété et j’en découvre toujours de nouvelles à chaque fois que je vais me promener, mais je n’ai pas encore cueilli leurs raisins.

Olivia se souvint du premier frisson de joie qu’elle avait ressenti quand elle avait découvert la première vigne sauvage qui poussait sur sa ferme. C’était à ce moment qu’elle s’était rendu compte que les raisins pouvaient très bien pousser sur un sol rocailleux. Depuis, elle avait appris que sa propriété avait été une exploitation viticole longtemps auparavant, avant qu’elle ne tombe en ruine. Quelques-unes des vignes avaient survécu, mais Olivia savait qu’il faudrait crapahuter une journée entière dans les huit hectares de collines pour trouver tous les pieds qui, disséminés çà et là, étaient maintenant chargés de raisins mûrs. Elle n’avait pas encore eu le temps de le faire mais, si elle voulait produire un peu de vin cette année, elle serait forcée de partir à la recherche de ses vignes sauvages.

– Et ton travail ? demanda Bianca. Travailles-tu encore pour l’exploitation viticole ?

Olivia remua sur le tapis, mal à l’aise.

Les paroles de Bianca lui rappelaient ses problèmes de manière désagréable.

– En fait, j’ai quelques ennuis au travail, avoua-t-elle en imaginant comment Bianca allait froncer les sourcils, consternée par ses mots.

– Qu’est-il arrivé ? demanda-t-elle.

Maintenant, Olivia l’imaginait se ronger les ongles. Quand elle était soumise à du stress, elle le faisait toujours.

Olivia décida de se confier à son ex-assistante. C’était sa chance d’avouer la folie qu’elle avait commise.

CHAPITRE DEUX

– On m’a laissée sans surveillance dans le bâtiment de vinification et j’ai mal compris ce que j’avais le droit d’y faire. J’ai utilisé tout un lot de raisins qui ne m’étaient pas du tout destinés, avoua Olivia à Bianca.

Elle rougit de honte en se souvenant de l’assurance, non, de l’arrogance avec laquelle elle était entrée dans le bâtiment. Son cerveau de débutante avait débordé d’idées idiotes et impraticables de vins imbuvables.

– C’est terrible ! Pourquoi t’ont-ils laissée sans surveillance ? Ils savent que tu n’as pas d’expérience, dit Bianca d’un ton stupéfait qui n’aida pas du tout Olivia à se sentir mieux.

– C’était la fin de la saison de pousse et Nadia, la vigneronne, travaillait à notre autre exploitation viticole pendant quelques semaines avant de partir en vacances. Elle avait dit qu’il restait un excédent de vin dans quelques-uns des tonneaux et que je pouvais m’entraîner avec pour apprendre à effectuer des assemblages.

– OK. Et après, que s’est-il passé ? demanda Bianca, apparemment intriguée.

– Alors, les quelques dernières vendanges sont arrivées. Elles étaient prévues pour des vins spécifiques qui faisaient partie du plan de production annuel du vignoble. Tout le monde savait quoi faire avec eux mais, parce que j’étais là, ils ont cru que j’étais en charge et m’ont écoutée à la place des autres.

Olivia se souvint de la joie intense qu’elle avait ressentie quand les raisins récemment cueillis (les derniers de la vendange d’automne) avaient été livrés. Elle avait cru, à tort, qu’ils étaient aussi disponibles pour son propre usage et elle avait eu une idée de génie.

En fait, reconnut-elle, cela avait plutôt été une idée désastreuse. Ces raisins avaient tous été destinés à un usage spécifique. Les raisins de Merlot servaient à faire du merlot. La dernière et précieuse récolte de sangiovese, qui avait été réduite cette année, devait être utilisée pour faire du sangiovese. Les raisins nebbiolo devaient servir à produire du barolo.

Et ainsi de suite. Olivia se couvrit le visage avec les mains quand elle se souvint de l’audace avec laquelle elle avait agi. Quelle idiote elle avait été.

– J’ai fait quelque chose de stupide. Je les ai tous utilisés. Pour mener mon expérience ridicule, j’ai gaspillé les raisins qui auraient dû servir à produire des centaines de bouteilles de vin onéreuses.

– Oh, mon Dieu ! s’exclama Bianca d’un air inquiet.

– Je ne m’en suis rendu compte que cet après-midi, quand Antonio, le cadet des trois Vescovi, est entré pour rédiger un rapport pour Nadia avant de partir lui-même en vacances. Il était horrifié. Il a failli s’enfuir quand il a découvert ce que j’avais fait. Nadia a très mauvais caractère. C’est sa sœur aînée.

– Moi aussi, j’aurais eu peur, convint Bianca.

– J’ai essayé de rédiger un courriel pour Marcello mais, depuis qu’on en parle, je commence à me demander si une excuse en personne ne serait pas plus indiquée.

– Je suis d’accord. Ce serait beaucoup mieux. Il faut que tu en parles avec lui. Ça me paraît être la meilleure idée, dit Bianca.

– Comment ça va, au travail ?

Olivia espéra que les dernières péripéties de la vie quotidienne à l’agence de publicité la distrairaient assez pour lui permettre d’oublier la tâche inquiétante qui l’attendait mais, pendant qu’elle bavardait avec Bianca, elle se rendit compte qu’elle repensait constamment au face à face effrayant qui occupait maintenant la plus grande partie de son avenir proche.

Elle redoutait la déception qu’elle verrait dans les yeux de Marcello quand elle lui avouerait ses actions irréfléchies.

*

Le lendemain matin, l’orage s’était calmé. Un soleil frais et brillant entrait par la fenêtre de la chambre d’Olivia. Elle sortit discrètement de son lit pour ne pas déranger Pirate, qui dormait à côté de ses pieds, et contempla la vue.

Les derniers nuages gris se dissipaient et le ciel de début de matinée avait à nouveau l’air bleu et bienveillant. Olivia aimait la façon dont les rayons les plus bas donnaient un air plus dramatique au paysage, assombrissaient et allongeaient les ombres des arbres et approfondissaient et vivifiaient le vert des collines et des champs. Ce n’était que maintenant qu’elle se rendait compte que le paysage avait été très sec à la fin de l’été, poussiéreux et marron doré, encore privé des pluies nourricières que l’hiver apporterait.

Olivia décida de se mettre au travail tôt pour pouvoir aller retrouver Marcello avant que Nadia n’arrive. Comme ça, il comprendrait à quel point elle était désolée et avec quel empressement elle voulait réparer sa faute.

Quand Nadia se serait calmée, Olivia s’en tirerait peut-être avec un avertissement et une baisse de salaire correspondant aux coûts des dégâts qu’elle avait causés.

Elle consulta la météo. Il ne devait pas pleuvoir aujourd’hui, ce qui signifiait qu’elle et Erba allaient pouvoir se rendre au travail à pied et qu’Olivia ne serait pas obligée d’utiliser son vieux pick-up gris Fiat, qui était garé sur le côté de la ferme.

Olivia ouvrit l’armoire en bois qu’elle avait achetée dans un magasin d’occasion et avait passé un week-end à poncer et à vernir. Les tons chauds du bois naturel allaient parfaitement bien avec la nuance crème qu’elle avait choisie pour les murs de la chambre et avec les rideaux jaunes. Cette palette de couleurs donnait à la chambre une atmosphère joyeuse et douillette qui correspondait elle aussi à l’atmosphère de la ferme.

Olivia choisit une tenue stylée mais commode pour sa journée de travail : un pantalon beige, des bottes marron et un haut à manches longues en une nuance magnifique de vert citron. Alors, elle sortit sa jolie veste verte et dorée de l’armoire et descendit.

Erba était déjà perchée sur le rebord de la fenêtre de la cuisine, où elle attendait ses carottes matinales. Après les avoir servies à la chèvre dans la cour, le long de laquelle Olivia avait planté des parterres d’herbes médicinales, Olivia se prépara rapidement une tasse de café. Alors, il fut l’heure qu’elle se rende au travail, accompagnée par Erba qui trottait derrière elle avec enthousiasme.

Les bâtiments en pierre élégants de La Leggenda, nettoyés par la pluie et débarrassés de leur poussière estivale, luisaient d’un éclat bronze doré dans le soleil matinal. Quand Olivia remonta l’allée pavée, elle admira la plantation de vignes la plus proche, qui s’étendait sur le coteau pentu. Elle se sentit fière d’avoir travaillé ici quand ces vignes avaient été plantées. Maintenant, ces vignes, visiblement robustes et à croissance rapide, étaient saines et fortes. Elles aussi, elles semblaient avoir prospéré et donnaient l’impression d’avoir poussé à toute vitesse après l’orage de la veille.

Avant d’approcher de l’entrée cintrée de la salle de dégustation, Olivia risqua un coup d’œil dans le bâtiment de vinification.

Il n’y avait aucun signe de Nadia.

Elle ne reviendrait peut-être travailler que le lendemain. Parfois, il y avait des miracles, n’est-ce pas ?

Ce qui l’inquiétait plus, c’était que la voiture de Marcello n’était pas dans le parking. Cela signifiait que, ce matin, il était peut-être en train d’inspecter les vignobles, ou même en train de travailler dans l’autre exploitation viticole près de Pise. Olivia allait devoir attendre, vérifier s’il arrivait et être prête à s’excuser dès le moment où il apparaîtrait.

Quand Olivia entra dans la salle de dégustation, elle écarquilla les yeux. On aurait dit qu’un pugilat était en train de s’y dérouler.

– Non, non, non ! cria une voix passionnée à l’accent français. Comment pouvez-vous autoriser ce genre de chose ? C’est mal, mal, vraiment mal. Inacceptable !

Olivia reconnut les tons distinctifs de Jean-Pierre Pelletier, son tout nouvel assistant sommelier.

Avec qui se disputait-il de si bon matin ? se demanda Olivia.

Elle se précipita à l’intérieur pour essayer de calmer la diatribe de Jean-Pierre, mais elle s’arrêta brusquement quand elle entendit la réponse stridente.

– J’autorise ce que je veux. Je suis en charge, ici, et je refuse de recevoir des ordres d’un homme jeune, ignare et encore inexpérimenté !

Olivia reconnut les tons furieux aux accents italiens de Gabriella, la directrice du restaurant.

Il se trouvait que Gabriella était aussi l’ex-petite amie de Marcello. Comme Olivia s’était immédiatement sentie attirée par Marcello quand elle l’avait rencontré et comme elle avait senti qu’il était attiré lui aussi, elle pensait que c’était pour cela que Gabriella avait ressenti de l’aversion pour elle dès le premier jour. En fait, ce n’était pas de l’aversion mais une haine malveillante. Gabriella avait essayé de son mieux de faire renvoyer Olivia de l’exploitation viticole.

Eh bien, si Jean-Pierre l’exaspérait, c’était dommage, n’est-ce pas ?

Olivia ralentit le pas et, avançant nonchalamment, entra sans se presser et écouta non sans plaisir la dispute se poursuivre avec moult hurlements.

– Ignare ? Mon père a travaillé dix ans dans un des restaurants de Paris les plus décorés par Michelin et il m’a appris qu’on devait placer le verre de vin rouge à gauche du verre de vin blanc pour un arrangement formel de table.

Quand Olivia s’arrêta à mi-course pour redresser une des fiches de dégustation placées sur le long comptoir en bois, elle se rendit compte que Jean-Pierre n’avait pas l’air agressif. Il avait juste l’air passionné, comme s’il ne pouvait pas supporter que Gabriella se trompe à ce point.

– Dans notre restaurant, nous faisons autrement, répliqua sèchement Gabriella.

Olivia entendit à sa voix qu’elle était sur la défensive. Elle savait que cela signifiait que Gabriella avait perdu et qu’elle ne ripostait que pour avoir le dernier mot.

– Eh bien, vous le faites de manière incorrecte ! s’écria Jean-Pierre.

Olivia entendit à son ton qu’il était vraiment exaspéré.

– Bonjour, Jean-Pierre. Sommes-nous prêts à commencer la journée ? demanda-t-elle, décidant que, si elle intervenait à ce moment-là, cela permettrait à Jean-Pierre d’avoir le dernier mot et de gâcher complètement la journée de Gabriella.

Jean-Pierre repartit rapidement dans la salle de dégustation en laissant Gabriella chercher une réponse appropriée, frustrée et bouche bée.

Mince, les cheveux foncés et âgé d’à peine vingt-et-un ans, Jean-Pierre était le candidat qu’elle avait embauché parmi les cinq qui avaient été impatients de commencer une carrière dans le monde du vin.

Elle avait choisi ce jeune homme pour sa passion évidente et pour sa nature éloquente. Quand il s’était excité pendant l’entretien, la façon dont il avait agité les bras avait rappelé Nadia à Olivia. Elle avait pensé qu’il s’adapterait bien à l’atmosphère italienne de l’exploitation viticole et que, avec son enthousiasme, il irait loin.

Jusque-là, les instincts d’Olivia avaient fait mouche mais, à l’origine, elle ne s’était pas rendu compte qu’elle serait obligée de passer autant de temps à gérer ses crises de colère.

– Bonjour, Olivia. Tout est prêt pour l’arrivée des touristes. J’essayais d’aider à préparer les tables d’à côté, expliqua-t-il en adressant à Olivia un coup d’œil anxieux.

– La salle de dégustation a l’air parfaite, dit Olivia pour le complimenter.

Quand elle contempla la salle spacieuse, elle se sentit fière. Le long comptoir de dégustation brillait et la rangée de tonneaux en bois portant le logo de l’exploitation viticole constituait un décor parfait pour les clients. La chaleur rayonnante des lettres dorées symbolisait la gentillesse de l’accueil et l’expérience de dégustation que les clients appréciaient.

Des posters encadrés permettant de découvrir l’histoire de La Leggenda et ses vins étaient disposés le long des murs. De plus, sur les tables, il y avait des dépliants en papier glacé tout nouveaux pour les clients qui désiraient avoir plus d’informations.

Olivia était fière de ces dépliants, parce que c’était elle qui les avait créés. Elle avait récemment pris la direction du marketing de l’exploitation viticole en plus de son travail en salle de dégustation et les brochures étaient une des manières qu’elle avait de mettre en valeur la présence de la marque « La Leggenda ».

– Si vous remarquez que quelque chose ne va pas dans le restaurant, n’hésitez jamais à le dire à Gabriella. Après tout, il faut que nous respections les niveaux d’excellence les plus élevés qui soient dans toute l’entreprise, ajouta-t-elle.

En parlant, elle avait élevé la voix juste au cas où Gabriella l’aurait écoutée. Elle était sûre qu’elle l’avait écoutée et elle se sentait heureuse de l’avoir contrariée à nouveau. Cela faisait longtemps qu’elle n’en avait plus eu l’occasion.

Quand Marcello lui avait demandé d’embaucher un nouvel assistant sommelier, Olivia avait commencé par recommander Paolo, un serveur du restaurant qui aimait aider dans la salle de dégustation pendant les pics d’activité.

Gabriella l’avait déjouée en promouvant immédiatement Paolo au poste de serveur en chef. C’était une grande opportunité pour ce beau jeune étudiant, car cela signifiait qu’il allait gagner plus et qu’il n’aurait plus besoin de polir les verres, tâche qu’il n’aimait pas.

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