Pièces choisies - Krasnogorov Valentin 9 стр.


IRÈNE ouvre son sac, fouille, mais au lieu de la carte d’identité prend un mouchoir, sanglote et commence à essuyer ses larmes.

LE DOCTEUR. (Inquiet.) Qu’avez-vous ?

IRÈNE ne répond pas. LE DOCTEUR verse dans un verre de l’eau de la carafe et l’apporte à IRÈNE.

IRÈNE. (Repoussant le verre.) Laissez-moi !

LE DOCTEUR. Que se passe-t-il ? Vous m’en voulez ? Vous ai-je froissée ?

IRÈNE. Selon vous ?

LE DOCTEUR. Mais comment ?

IRÈNE. (À travers des larmes.) Et vous osez demander comment ? Vous m’aviez fait très bonne impression, mieux encore, vous m’aviez plu. Il m’avait même semblé que vous aussi étiez, en quelque mesure, bien disposée à mon égard… Je suis venue vers vous le cœur à découvert, et comment suis-je reçue en fait ? Avec froideur, méfiance, soumise à un interrogatoire humiliant… (Elle sanglote.)

LE DOCTEUR. Calmez-vous…

IRÈNE. Laissez-moi partir.

LE DOCTEUR. (La retenant.) Vous ne connaissez pas toutes les circonstances. Le fait est qu’en votre absence est venue… C’est sans importance.

IRÈNE. Qui est venu ? Une autre femme ?

LE DOCTEUR garde le silence, troublé.

Et elle aussi a dit qu’elle était sa femme ?

LE DOCTEUR. Oui.

IRÈNE. Et alors ? Ne me dites pas que vous l’avez crue ? Arrivez-vous à tenir un compte des fous qui viennent vous voir ?

LE DOCTEUR. Oui mais voilà, Michel l’a reconnue comme étant sa femme.

IRÈNE. Vous ignorez qu’il n’a pas de mémoire ? Et puis, est-elle vraiment venue ?

LE DOCTEUR. Oui, bien sûr.

IRÈNE. (Elle s’approche de la porte et appelle Michel.) Chéri, viens.

Entre MICHEL.

Dis-moi, est-ce qu’une femme est venue ici en mon absence ?

MICHEL. (Le plus tranquillement du monde.) Je n’ai vu personne.

IRÈNE. A-t-elle dit qu’elle était ta femme ?

MICHEL. Comment aurait-elle pu le dire, si elle n’est pas du tout venue ?

IRÈNE. Et toi, tu as dit qu’elle était ta femme ?

MICHEL Je n’ai que toi au monde, et tu le sais très bien. (Il l’embrasse.)

IRÈNE. Merci, chéri. (Au docteur.) Eh bien, me croyez-vous maintenant ?

LE DOCTEUR. Je ne sais pas quoi penser… d’ailleurs, il y a encore une circonstance… Outre la femme, un homme aussi est venu…

IRÈNE. Et alors ?

LE DOCTEUR. Il a affirmé qu’il… qu’il était votre mari.

IRÈNE. Mon mari ? (Elle rit bruyamment.) Mon Dieu, quel dur métier que celui de psychiatre ! Qui ne voyez-vous pas défiler ! (Elle continue de rire.)

LE DOCTEUR. Je ne vois pas ce qu’il y a de risible.

IRÈNE. Mais le voici, mon mari, là, devant vous ! Il vous faut d’autres preuves ? Qu’à cela ne tienne. (À Michel.) Chéri, ôte ta chemise et montre au docteur ton grain de beauté sous ton omoplate gauche.

MICHEL, obéissant, ôte sa chemise. LE DOCTEUR examine le grain de beauté. IRÈNE s’adresse au DOCTEUR.

Vous en êtes-vous convaincu ?

MICHEL. Docteur, ce grain de beauté n’est-il pas dangereux ?

LE DOCTEUR. Non.

MICHEL. (S’accrochant.) Malgré tout, je vous demanderai de me l’enlever. Je crains qu’il dégénère en une tumeur maligne.

LE DOCTEUR. Je vous assure qu’elle est inoffensive. Et de plus, je ne suis pas chirurgien.

MICHEL. Êtes-vous urologue ? Ça tombe bien, j’ai justement de gros problèmes de ce côté-là. Je vais vous montrer… (Il porte la main à la ceinture.)

LE DOCTEUR. Ce n’est pas la peine !

MICHEL. Je vous montre, quand même. Puisque vous êtes urologue…

IRÈNE. (L’interrompant.) Merci, chéri, ce n’est pas la peine. Attends-moi, s’il te plaît, dans la salle d’attente. Mais ne t’en va pas. (Avec insistance.) Tu as retenu ? Ne t’en va pas. Nous n’allons pas tarder à rentrer à la maison ensemble.

MICHEL sort.

LE DOCTEUR. Excusez-moi, si je me suis permis de douter de vous. Je dois l’avouer, cet homme m’a fait perdre le sens.

IRÈNE. Mais vous êtes certain qu’il est vraiment venu ?

LE DOCTEUR. Que signifie « certain » ? Bien sûr, qu’il est venu ! (Déconcerté.) Ou il n’est pas venu ? Bon, admettons, qu’il soit, comme vous dites, fou. Mais la femme m’a montré ses papiers d’identité, alors que vous, excusez-moi, je ne sais même pas comment vous vous appelez.

IRÈNE. Comment ça, vous ne savez pas ? Pas plus tard que ce matin, vous m’avez téléphoné deux fois en m’appelant Irène.

LE DOCTEUR. (Au bout du rouleau.) Ah ! oui, c’est vrai… J’avais oublié…

Pendant ce temps, IRÈNE range son mouchoir, prend son poudrier et se refait une beauté. Rangeant le poudrier dans son sac, elle pousse un cri de joie.

IRÈNE. Oh ! Finalement, j’ai un document. Et en plus avec photo. Mon permis de conduire. Tenez, regardez, je vous prie.

LE DOCTEUR. Pas la peine, je vous crois.

IRÈNE. Là, vous me croyez, mais dans cinq minutes vous cesserez à nouveau de me croire. Comme tous les hommes. Regardez, quand même.

LE DOCTEUR prend le permis à contrecœur.

Que lisez-vous ?

LE DOCTEUR. « Irène Grelot ».

IRÈNE. Tout est en règle ?

LE DOCTEUR. Oui.

LE DOCTEUR rend le document à IRÈNE. Elle le fait disparaître dans son sac et en prend des photographies.

IRÈNE. Mon mari vous a-t-il dit que nous étions à la même école ?

LE DOCTEUR. Quel mari ? Michel ? Oui.

IRÈNE. Tenez, regardez, comment nous étions, enfants. Rigolos, n’est-ce pas ?

LE DOCTEUR. Vous n’avez pas beaucoup changé.

IRÈNE. Merci. Et là, nous sommes déjà adultes.

LE DOCTEUR. C’est sûrement peu de temps avant le mariage ?

IRÈNE. Oui.

LE DOCTEUR. Comme vous êtes belle ici !

IRÈNE. (Coquette.) Vous voulez dire que maintenant je ne le suis plus ?

LE DOCTEUR. Maintenant, vous l’êtes encore plus.

IRÈNE. Merci. (Faisant disparaître les photographies.) Je vois que vous êtes un homme à femmes. Je ne sais pas si une femme est venue ici, mais ce dont je suis sûre, c’est que vous l’avez invitée à dîner.

LE DOCTEUR. Je vous jure que je n’ai invité personne ! Et, en gros, personne n’est venu ! (Perplexe.) Ou il est venu quelqu’un ? Maudite mémoire… (Il se verse à nouveau une dose de gouttes.)

IRÈNE. (Elle lui confisque la fiole.) Cessez de prendre des gouttes. Avez-vous un alcool ?

LE DOCTEUR. Je dois avoir une bouteille de cognac.

IRÈNE. Eh bien, buvez double dose. Ça aide instantanément.

LE DOCTEUR. Nous allons vérifier. (Il ouvre le bar.) Oui, j’en ai ! (Il prend une bouteille.) Vous m’accompagnez ?

IRÈNE. Buvez, vous dis-je, l’effet est instantané.

LE DOCTEUR. Nous allons vérifier. (Il ouvre le bar.) J’ai beaucoup de cognac. (La mine réjouie.) Donc, je suis médecin ! (Il prend une bouteille.) Vous m’accompagnez ?

IRÈNE. Je ne vous ai pas encore pardonné.

LE DOCTEUR. Allez, oubliez ça. Buvons. (Les mains tremblantes, il remplit les verres de cognac.)

IRÈNE. (Le regardant avec pitié.) Mon cher, regardez-vous dans une glace. Que vous arrive-t-il ?

LE DOCTEUR. Je dois avouer qu’aujourd’hui je ne suis pas du tout en forme…

IRÈNE. Stop. Vous avez tout bonnement besoin qu’une douce main féminine s’occupe de vous, voilà tout. Avez-vous une femme ?

LE DOCTEUR. Une femme ? (Il réfléchit.) Je ne m’en souviens pas… que dis-je ? Bien sûr que je me rappelle. Je suis veuf, depuis des années. Mes enfants sont adultes, ils ne vivent pas avec moi. Je suis tout à fait seul… Vous savez, j’envie même votre mari. Moi aussi je jetterais tout aux oubliettes avec joie : la solitude, le travail éreintant, les inspecteurs des impôts, les collègues envieux, les patients entêtés avec leurs éternelles plaintes et maladies, et aussi du même coup mes propres maladies. Ne penser à rien, ne rien se rappeler, rester assis à côté d’une belle femme à boire un verre de cognac, tout oublier et ne jouir que de la minute présente…

IRÈNE. Eh bien, vivez le présent. Remettez à plus tard vos considérations, et maintenant laissez-vous aller à la joie de vivre. (Elle lève son verre.) À votre santé et à vos succès ! Au bonheur !

LE DOCTEUR. Merci. Je me sens si à l’aise avec vous. Il émane de vous une certaine lumière. Vous êtes, sûrement, très heureuse. (Il la prend par la main.)

IRÈNE. (Sans retirer sa main.) N’allez pas croire que j’ai une vie facile. Moi aussi, je sais ce qu’est la solitude.

LE DOCTEUR. Mais vous avez Michel.

IRÈNE. (L’air inquiet.) À propos, il faut vérifier s’il n’est pas parti. (Elle sort et très vite revient.)

LE DOCTEUR. Il n’a pas bougé ?

IRÈNE. Non.

LE DOCTEUR. Dommage.

IRÈNE. Je dois y aller. J’appelle un taxi et j’emmène Michel .

LE DOCTEUR. Notre rendez-vous d’aujourd’hui tient toujours ?

IRÈNE. Si vous ne changez pas d’avis et si vous n’oubliez pas.

LE DOCTEUR. (Avec flamme.) Moi, oublier ? Mais je… (Se remémorant la soudaine et étrange amnésie dont il avait été frappé.) Je vais le noter. À tout hasard. (Il écrit dans son agenda.)

IRÈNE. (Se levant.) Et n’oubliez pas de préparer la fiche médicale et le certificat médical.

LE DOCTEUR. Pour vous, je ferai tout ce qui vous plaira. Je vous raccompagne ?

IRÈNE. Non, merci.

IRÈNE sort. LE DOCTEUR, requinqué, s’assoit devant son ordinateur. Entre L’HOMME. Il se conduit tout à fait autrement que lors de la première fois. Ses manières sont pleines d’assurance et de résolution.

LE DOCTEUR. Encore vous ?

L’HOMME. Comme vous le voyez.

LE DOCTEUR. Que voulez-vous de moi ?

L’HOMME. Je mène une petite enquête privée.

LE DOCTEUR. J’avais tout de suite compris que vous étiez détective.

L’HOMME. Je ne suis pas détective. Je suis du fisc.

LE DOCTEUR. Si vous êtes inspecteur des impôts, présentez vos documents.

L’HOMME. (Sèchement.) Où est Irène ?

LE DOCTEUR. Hélas, je ne vous serai d’aucune utilité. Comme vous le voyez, elle n’est pas là.

L’HOMME. Je l’ai bien vue entrer ici, il y a vingt minutes.

LE DOCTEUR. Mais vous ne l’avez pas vue partir, il y a une minute.

L’HOMME. Elle reviendra ?

LE DOCTEUR. Je ne sais pas. Que lui voulez-vous ?

L’HOMME. C’est quelque chose que je n’ai pas le droit de vous dire.

LE DOCTEUR. Pas le droit, eh bien, ne le dites pas. Au plaisir de vous revoir.

L’HOMME. Il me faut la trouver d’urgence, vous comprenez ? C’est une question de vie et de mort.

LE DOCTEUR. Vous n’êtes pas dans une agence de détective. Aussi, cherchez-la dehors. Et, s’il vous plaît, ne me faites pas perdre mon temps. Au fait, les consultations dans mon cabinet sont très onéreuses.

L’HOMME. Je suis prêt à payer, si vous m’aidez à la retrouver.

LE DOCTEUR. Je ne prends pas de pots-de-vin.

L’HOMME. Non !?

LE DOCTEUR. Je reçois des honoraires.

L’HOMME. Mais je suis prêt à vous verser des honoraires.

LE DOCTEUR. Je ne les perçois qu’en échange d’un traitement et non pas en échange de renseignements donnés. Je vous souhaite de réussir, et ne m’empêchez pas de travailler. Je ne reçois que sur rendez-vous. (Il entraîne poliment L’Homme vers la sortie de secours.) Je vous en prie. Non, pas par cette porte. Par celle-ci, n’entrent que mes malades.

L’HOMME. Bon, dans ce cas, je vous enverrai vraiment l’inspecteur des impôts. (Il regarde attentivement le Docteur.) Non, vous avez eu peur ?

LE DOCTEUR. Pas tellement.

L’HOMME. Vous devriez. Je suis sûr que vous n’aimez pas payer des impôts.

LE DOCTEUR. Moi je n’aime pas ?

L’HOMME. Vous.

LE DOCTEUR. Moi ?!

L’HOMME. Vous.

LE DOCTEUR. Et alors ? Et qui aime ça ?

L’HOMME. Et si nous organisions un petit contrôle ?

LE DOCTEUR. Faites, donc. Je sais bien cacher mes revenus.

L’HOMME. Et moi, je sais bien les retrouver.

LE DOCTEUR. Cessez de me menacer. Je vous l’ai dit, je ne crains pas les contrôles.

L’HOMME. Parce que vous ne prenez pas de pots-de-vin ?

LE DOCTEUR. Non. Parce que je les donne. Au plaisir de vous revoir.

L’HOMME. (Changeant de ton.) Docteur, vous le savez bien, l’affaire que j’ai en ce moment est strictement personnelle, elle n’a aucun rapport avec la médecine, ni avec le fisc. J’ai besoin d’Irène.

LE DOCTEUR. Au revoir. La porte de sortie est ici.

L’HOMME. (S’attardant au moment de sortir.) Docteur, pourquoi, tout de même, vient-elle vous voir ? Il y a quelque chose entre vous ?

LE DOCTEUR. Cela ne vous regarde en aucune façon.

L’HOMME. Serait-elle malade ?

LE DOCTEUR. Aucun détail concernant mes visiteurs, malades ou bien portants, ne franchit les limites de ce cabinet.

L’HOMME. (D’un ton sec, presque menaçant.) Parfait. Cependant, je sens qu’il y a un lien entre vous et je pense qu’il est de mon devoir de vous prévenir : soyez prudent.

LE DOCTEUR. Dans quel sens ?

LE DOCTEUR. Dans tous les sens. Elle s’est oubliée et elle-même ne comprend pas ce qu’elle fait. (Il se dirige vers la sortie.) Si, malgré tout, vous la voyez, dites-lui que j’essaierai de la voir à la maison, et si je ne l’y trouve pas, que je reviendrai ici.

LE DOCTEUR. Je ne pense pas que je vous laisserai entrer.

L’HOMME. Et moi, je ne pense pas que je vous en demanderai l’autorisation.

L’HOMME part. LE DOCTEUR se rassoit devant son ordinateur. IRÈNE revient.

IRÈNE. Vous n’en avez toujours pas assez de moi ?

LE DOCTEUR. Le taxi est déjà là ?

IRÈNE. Je ne l’ai pas appelé… J’ai décidé d’emmener Michel dans ma voiture. Elle est là, tout près, sur le parking. Surveillez-le deux minutes encore, d’accord ? (Après avoir bien regardé le Docteur.) Qu’y a-t-il encore ?

LE DOCTEUR. À l’instant… Eh bien… Il a de nouveau demandé après vous… Votre mari…

IRÈNE. Je vous l’ai déjà dit, je n’ai aucun mari ! À part Michel, bien sûr.

LE DOCTEUR. Je ne sais pas, je ne sais pas… Il m’a prévenu qu’il fallait que je sois prudent avec vous.

IRÈNE. Il n’a pas expliqué de quoi il retournait ?

LE DOCTEUR. Non, mais il a dit que c’était très important. Une question de vie et de mort.

IRÈNE. (Fortement troublée.) Je crois que je devine de qui il s’agit.

LE DOCTEUR. Il est vraiment votre mari ?

IRÈNE. Pas tout à fait.

LE DOCTEUR. Pas tout à fait ?

IRÈNE. Pas du tout. C’est mon collègue de travail… plus exactement, c’est même mon supérieur.

LE DOCTEUR. Vous dites la vérité ?

IRÈNE. Je vous jure.

LE DOCTEUR. Et de quelle affaire importante vous concernant parle-t-il ?

IRÈNE. Des bêtises. Simplement, il, comment vous dire… Il y a des gens, voyez-vous, qui… Il est continuellement à vouloir élucider quelque chose avec moi, à vouloir m’entretenir de quelque chose… Et c’est toujours, bien sûr, urgent. Du reste, voilà un patient idéal pour vous.

LE DOCTEUR. Je comprends.

IRÈNE. Bon, je vais chercher la voiture.

LE DOCTEUR. (La retenant.) Je n’ai pas envie de vous laisser partir.

IRÈNE. (Dégageant la main avec douceur.) Je reviens vite. Une minute, pas plus.

LE DOCTEUR. Et vous repartirez.

IRÈNE. (L’embrassant sur la joue.) Pour notre rendez-vous de ce soir.

IRÈNE sort. LE DOCTEUR arbore un sourire heureux. Il s’approche de la glace, s’examine sans concession, redresse la cravate, arrange sa coiffure, sort de l’armoire une autre veste aux couleurs plus vives et la met. Entre JEANNE, plus décidée encore que précédemment. LE DOCTEUR, qui s’était préparé à accueillir à bras ouverts sa visiteuse, est désagréablement surpris.

LE DOCTEUR. C’est vous ?

JEANNE. Pourquoi ? Qui attendiez-vous ?

LE DOCTEUR. Une autre femme. La femme de votre mari. Ou plutôt… Je voulais dire, la femme de Michel. Ou plutôt…

JEANNE. La femme de Michel, c’est moi.

LE DOCTEUR. J’ai un gros doute là-dessus, maintenant.

JEANNE. C’est la première fois que je rencontre un docteur qui, au lieu de s’occuper de soigner, mène une enquête. La carte médicale est-elle prête ?

LE DOCTEUR. Non. Et si elle l’était, je ne vous la donnerais pas. Qui êtes-vous, au juste ?

JEANNE. J’avais prévu que vous chercheriez n’importe quel prétexte pour vous défausser et j’ai préparé à cet effet un registre complet de documents en bonne et due forme. (Elle montre un dossier soigneusement constitué.) Voici ma carte d’identité. Voici le livret de famille prouvant mon mariage avec Michel. Voici les certificats de naissance de nos enfants, dans lesquels, d’ailleurs, sont enregistrés aussi les noms de leurs parents, autrement dit, le mien et celui de mon mari. Voici la photographie de mariage, voici également une photo du mariage mais avec les invités, et voici des photos où nous sommes avec les enfants. Voici des factures d’électricité ainsi que d’autres paiements à notre nom. Vous êtes convaincu maintenant ?

Stupéfait LE DOCTEUR rassemble les documents et les rend à JEANNE.

LE DOCTEUR. Je… Je… (Il va pour prendre les gouttes, mais repousse la fiole et se verse une bonne dose de cognac.) Finalement, vous êtes tout de même sa femme ?

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