Pirates ! - de Villiers Gérard


Hélas, depuis 1991, la Somalie avait explosé, lorsque le dictateur Syad Barré avait été chassé par un consortium de « warlords », bien décidés à démembrer le pays et à s’en partager les dépouilles.

Leur plan avait réussi au-delà de toute espérance. L’ancienne Somalie, grande comme trois fois la France, avait éclaté en trois grandes entités — du nord au sud, le Somaliland, le Puntland et la Somalie, où régnait l’anarchie la plus totale, lieu d’affrontement entre des milices féroces et surannées qui s’expliquaient à l’arme lourde au milieu de la population.

Au-delà de tout affrontement religieux. D’ailleurs, à Mogadiscio même, la Grande Mosquée et la cathédrale catholique avaient toutes deux été réduites à des tas de gravats.

Or, l’ex Somalie était un pays homogène : même ethnie, même religion — musulmane — et même langue. Donc, à l’abri des guerres tribales qui décimaient l’Afrique depuis la décolonisation. Partant de ce constat en apparence encourageant et armés de leur bonne foi, les Américains avaient, en 1994, tenté une opération de sauvetage en débarquant à Mogadiscio armés de probité candide et de sacs de riz. But avoué et avouable de l’opération : mettre fin au règne des « warlords » qui tenaient le pays en coupe réglée.

Hélas, le résultat n’avait pas été à la hauteur des espérances américaines. Quelques années plus tard, ce qui restait de l’opération « Restore Hope » était un excellent film, « Black Hawk Down » relatant la perte de deux hélicoptères US, le massacre de 18 Rangers américains par les milices somaliennes et le nettoyage qui avait suivi, laissant environ 4000 Somaliens, miliciens et civils, sur le carreau.

Depuis, le monde civilisé avait oublié la Somalie. Aux « Warlords » avaient succédé des « Tribunaux Islamiques » cherchant à instaurer la charia, eux-mêmes chassés par une expédition de l’armée éthiopienne sponsorisée par Washington.

Les Éthiopiens avaient entamé le dialogue avec les Islamistes à l’arme lourde, massacrant encore plus de civils et se contentaient depuis, modestement, de tenu quelques points d’appuis à Mogadiscio et à Baidoa, permettant l’établissement à Mogadiscio d’un Gouvernement Transitoire Fédéral dont l’autorité ne dépassait pas un jet de pierre. Appuyés mollement par un contingent militaire de l’Union Africaine — l’AMISOM — dont les soldats, terrés peureusement autour de l’aéroport de Mogadiscio, vendaient leurs armes à ceux qu’ils étaient chargés de combattre pour améliorer un ordinaire., il faut le reconnaître, extrêmement médiocre.

Les « Warlords » plus ou moins éliminés, les Tribunaux Islamiques en déroute, une nouvelle milice était née : les Shebabs, jeunes islamistes radicaux, admirateurs d’Al Qaida, bien décidés à établir un Émirat islamiste en Somalie. Se heurtant à quelques milices privées, mais à l’armement considérable, qui subsistaient encore.

En dépit de cette déliquescence, ce pays, sans vrai gouvernement, sans administration, sans police, sans armée, sans douane, sans infrastructures, parvenait à survivre. En effet, sur les huit millions de Somaliens, au moins deux se trouvaient à l’étranger, une dispora qui faisait vivre ceux restés au pays.

Et puis, on se débrouillait ! Au principal marché de Mogadiscio, Bakara, on trouvait de tout. Des boutres yéménites, omanais, dubaiotes, y déversaient les biens les plus sophistiqués. Le dollar avait remplacé le shilling somalien dont il fallait désormais 30000 pour obtenir un dollar.

On mourait toujours beaucoup en Somalie, de maladie ou de guerre, mais les Somaliens, nomades, habitués à prévoir l’avenir, avaient développé toutes sortes de combines pour survivre. La plus récente et la plus juteuse était la piraterie.

Sport qui avait toujours prospéré autour du golfe d’Aden mais sur une petite échelle. Seulement, depuis un an, des pêcheurs, poussés par le désir légitime de nourrir leurs familles, s’étaient attaqués aux chalutiers venant écumer les eaux territoriales de ce pays sans loi, bordé par 2600 kilomètres de côtes. Les premières victimes avaient donc été quelques chalutiers de différentes nationalités. Les Somaliens en avaient rendu certains contre des rançons confortables et en avaient gardé d’autres. La vue des liasses de dollars leur avait donné des idées... D’artisanale, la piraterie était devenue industrielle. Et de plus en plus rentable.

Le « Buruh Océan » était l’exemple parfait de cette transformation. Extérieurement, il ressemblait à ce qu’il avait été dans une vie précédente : un modeste chalutier russe de soixante-dix pieds en campagne de pêche... Seulement, la sienne s’était interrompue six mois plus tôt, lorsque le « Buruh Océan » s’était approché un peu trop des côtes somaliennes.

Pris à l’abordage par un « speedboat » de huit mètres hérissé de Somaliens munis de filets de pêche, mais, aussi de Kalachnikovs et de lance-roquettes RPG7, il avait dû gagner le port d’Hobyo où son équipage avait été débarqué puis échangé, quelques semaines plus tard, contre une rançon de 45000 dollars.

Bien que le système bancaire somalien ne soit plus qu’un souvenir, l’argent était parvenu facilement aux pirates d’Hobyo. Versé à une officine de « Hawala » à Dubai et transféré à la « branche » de Hobyo. Ce réseau financier était tenu par des familles somaliennes installées un peu partout sur la planète. On ne travaillait qu’en famille car tout reposait sur une confiance absolue. Dans ces circuits, il n’y avait pas de chèques sans provision, seulement des gorges tranchées.

L’argent de ces premières rançons avait été judicieusement utilisé. De Mombasa, au Kenya, on avait fait venir des barques rigides d’une grande solidité, de Chine, des moteurs de 75 chevaux trois cylindres, solides et bon marché, et, de Dubai, une petite merveille technologique : l’Automatic Identification System.

Vendu pour la modeste somme de 1300 euros chez tous les

Cerise sur le gâteau : un règlement international, ignorant évidemment l’existence de la piraterie, obligeait tout bâtiment de plus de 300 tonneaux à être équipé d’un émetteur AIS. Comme ce matériel, censé augmenter la sécurité, était en vente libre, n’importe qui pouvait se le procurer, même par correspondance.

C’est grâce à l’AIS que le « Buruh Océan » avait entamé sa seconde carrière comme « mothership » de pirates.

Il quittait Hobyo avec le plein de vivres et de fuel, traînant derrière lui deux barques rigides, et un équipage mixte, moitié pirates, moitié marins.

Il n’y avait plus qu’à se poster sur le « rail » maritime emprunté par les navires se dirigeant vers le sud, à activer le récepteur AIS, et à choisir sa proie. Délicate attention, l’écran de l’AIS donnait le nom du navire repéré, sa nationalité, sa vitesse, son cap, et le cap qu’il fallait prendre pour le rejoindre.

En sus des proies, il permettait de repérer les navires de guerre de la Ve flotte Ils ou ceux de la Task Force 150 croisant dans l’Océan Indien. En cas de danger, le « Buruh Océan » s’éloignait prudemment.

Cette nuit-là, il était à l’affût depuis déjà deux heures et Ibrahim Issaq Yarow, l’opérateur de l’AIS, commençait à avoir mal aux yeux à force de fixer son écran.

Soudain, il sursauta : un petit triangle orange venait d’apparaître en haut, à droite, de son grand écran, souligné d’un numéro de neuf chiffres, son code OMI dont les trois premiers chiffres donnaient la nationalité du navire.

Fiévreusement, Ibrahim Issaq Yarow passa au plus petit écran et tapa le numéro OMI. Quelques secondes plus tard, une série d’indications s’affichèrent sur l’écran : MV FAINA, battant pavillon de Belize, cargo. Port d’attache Sebastopol, port de destination Mombasa. Suivaient la taille du navire, son tirant d’eau, sa position, latitude et longitude, son cap, sa vitesse et son statut. En utilisant sa souris, l’opérateur obtint le dernier renseignement, le plus important à ses yeux : en suivant le cap 320, le « Buruh Océan » ne se trouvait qu’à 32 miles nautiques du MV Faina. C’est-à-dire deux heures de mer.

Toutes ces indications étant actualisées toutes les vingt secondes, c’était un jeu d’enfant d’intercepter leur proie. Prodigieusement excité, Ibrahim Issaq Yarow se leva pour aller avertir le chef des pirates, Garda Abdi, surnommé « l’homme qui ne dort jamais ».

Garda Abdi ne sentait même pas la chaleur poisseuse de l’étroit réduit situé sous la dunette, à l’atmosphère irrespirable, baptisé pompeusement la cabine du commandant. Des parois d’acier, un hublot toujours fermé, une sourde odeur de gas-oil et des matelas posés à même le sol.

Dans sa hâte de la consommer, il l’avait emmenée dans l’expédition du « Buruh Océan », privilège du chef, mais la laissait enfermée à double tour, afin de ne pas susciter la concupiscence de ses hommes qui, eux, n’avaient pas droit à cette gâterie.

Il se laissa tomber sur le matelas, s’approcha, puis écarta doucement le pagne, dévoilant les jambes de Saida qui se réveilla en sursaut. Croisant le regard luisant de lubricité de son mari, elle comprit immédiatement la raison de sa visite.

D’ailleurs, déjà, il défaisait son pantalon de toile, exhibant un caleçon mauve gonflé par un sexe déjà en érection. Il n’avait pas eu le temps de l’enlever quand, docilement, Saida défit son pagne, apparaissant entièrement nue. Il faisait trop chaud pour porter des dessous et, d’ailleurs, elle n’en mettait jamais. Son nouveau mari tenait à ce qu’elle soit toujours prête à être utilisée.

Sans un mot, elle s’allongea sur le dos, les cuisses déjà ouvertes, prête à se faire saillir. Priant pour qu’il ne soit pas trop brutal. Garda contempla longuement son corps gracile, avec ses petits seins hauts, sa peau mate, luisante de transpiration. Le tangage du chalutier l’excitait. Machinalement, il commença à se masturber à travers son caleçon, sous le regard inquiet de son épouse.

Il n’eut pas le temps de se manueliser longtemps. À vingt-six ans, même en se goinfrant de Khat, il pouvait faire l’amour plusieurs fois par jour. Il fit enfin glisser son caleçon mauve, découvrant le long sexe recourbé comme un cimeterre dont il était très fier. Saida écarta encore plus les cuisses. Garda n’était pas du genre câlin et ignorait même l’existence du clitoris. La plupart des Somaliennes étaient d’ailleurs excisées, ce qui réglait la question... Soudain, en contemplant le triangle de fourrure noire, le jeune pirate eut envie d’autre chose.

— Retourne-toi ! lança-t-il.

Saida obéit sans discuter, se mettant automatiquement à quatre pattes, le visage contre la paroi de la cabine. Garda sentait son cœur cogner contre ses côtes. La vue de cette croupe merveilleusement callipyge lui mettait l’eau à la bouche. Les Somaliennes étaient réputées pour la beauté de leur chute de reins et le grain de leur peau.

Il prit son sexe de la main gauche et tâtonna entre les cuisses disjointes jusqu’à ce qu’il trouve l’ouverture du sexe juvénile. Légèrement humide, mais, hélas, ce n’était pas l’excitation, seulement la transpiration... Il se cala bien et, de toutes ses forces, donna un violent coup de rein en avant, faisant pénétrer son « cimeterre » aux trois quarts dans le ventre de sa très jeune épouse.

Saida poussa un cri bref. L’imposante massue était disproportionnée pour son sexe déjà peu enthousiaste...

Garda n’en eut cure.

Une fois bien abuté, il saisit Saida par les hanches et donna un second coup de rein, afin de faire pénétrer tout son sexe. La jeune femme poussa encore un cri de souris. Avec l’impression d’être ouverte en deux. Garda se retira presque entièrement, et repartit aussitôt à l’assaut. Avec tant de vigueur que, poussée en avant, la tête de Saida heurta la paroi d’acier de la cabine.

Son mari continua de plus belle. Peu à peu, les muqueuses de Saida se dilataient et il la prenait plus facilement. Volontairement, il retenait son plaisir car il avait bien l’intention de terminer sa récréation dans ses reins.

Il adorait être serré à se faire mal.

Maintenant, à chacun de ses coups de reins, la tête de Saida cognait la paroi d’acier avec un bruit sourd, ce dont Garda se moquait. Au contraire, il prenait son élan pour mieux s’enfoncer en elle. Il allait se retirer pour violer enfin ses reins — la première fois, il avait dû la menacer de l’égorger si elle ne se laissait pas faire — quand on tambourina à la porte d’acier.

— On l’a repéré ! cria Ibrahim Issaq.

Garda regarda son sexe raide, rouge et brûlant.

— J’arrive ! cria-t-il.

À la fois joyeux et frustré, il s’enfonça une seule fois dans les reins de sa femme qui hurla de douleur. Il eut quand même le temps de lâcher sa semence, aplatissant Saida sur le matelas et se retirant aussitôt. Le temps de remettre son caleçon et son pantalon de toile, il sortait, prenant le temps de refermer soigneusement la porte de la cabine et de glisser la clef dans une poche secrète de son pantalon.

— Où est Hashi ? demanda-t-il.

— Au pied de la dunette.

— Réveille les autres, je m’occupe de lui.

Le reste de l’équipage et les pirates dormaient dans l’entrepont, au-dessus de la cale. Garda Abdi se dirigea vers la passerelle et aperçut une forme enroulée dans une couverture, d’où ne dépassait qu’un keffieh rose.

Hashi Farah, en dépit de son jeune âge, était déjà un héros des Shebabs, les milices islamistes qui étaient en train de grignoter la Somalie, village après village. Il militait depuis plus de dix ans. Au départ, en 1998, il avait accueilli en Somalie les rescapés de l’équipe d’Al Qaida qui avait fait sauter l’ambassade des États-Unis à Nairobi. Ensuite, grâce à leurs contacts, il avait été combattre en Afghanistan pendant plus d’un an. À son retour, il avait rejoint comme chef la milice d’un des tribunaux islamiques les plus radicaux, Ifka Halane Court.

Se distinguant par sa haine des

— 

Le jeune shebab s’ébroua, écartant la couverture. Il portait une longue tunique blanche avec un pantalon traditionnel, très large, et son torse disparaissait sous les étuis de toile des chargeurs d’AK 47. S’il dormait sur le pont, c’est qu’il souffrait du mal de mer et ne supportait pas de rester dans un espace confiné. Il ramassa sa Kalach, vérifia le pistolet glissé dans sa ceinture et demanda :

— C’est bien le Faina ?

— Viens voir toi-même. C’est affiché sur l’écran.

Spontanément, le shebab étreignit Garda Abdi.

— Tu vois que tu as bien fait de suivre mes conseils ! remarqua-t-il.

— C’est vrai ! reconnut Garda Abdi.

Depuis le début de la piraterie, c’était la première opération « mixte », entre shebabs et pirates. Au départ, les shebabs, dans leur intégrisme, avaient déclaré que la piraterie était un crime contre l’Islam et qu’ils la désapprouvaient. Tout en ne se mêlant pas des opérations menées au Puntland et à Hobyo.

Les pirates établis à Hobyo n’avaient que peu de contacts avec les shebabs, ceux-ci se trouvant beaucoup plus au sud, vers Mogadiscio, à une exception près. À Haradhère, 410 kilomètres au nord de Mogadiscio, et à une centaine de kilomètres au sud d’Hobyo, les shebabs avaient installé une tête de pont et se rendaient fréquemment à Hobyo. C’est ainsi que Garda Abdi et Hashi Farah s’étaient retrouvés. Tous deux membres du clan Darod et de son sous-clan, les Majarteen, ils étaient, en plus, vaguement cousins.

C’est lui qui, un jour, avait fait une proposition à Garda Abdi.

— Nous avons appris qu’un bateau chargé d’armes doit arriver à Mombasa, avait-il expliqué. Grâce à nos contacts à Mombasa, nous sommes en mesure de connaître sa date d’arrivée.

— D’où vient-il ?

— D’Europe. D’Ukraine. Nous aimerions nous emparer des armes légères et des munitions qu’il transporte. Ensuite, vous ferez ce que vous voulez avec le bateau et l’équipage.

Garda Abdi avait réuni ses amis et leur avait soumis la proposition du shebab. Sans beaucoup d’hésitations, ils avaient accepté : même sans sa cargaison, un navire de la taille du Faina pouvait rapporter une très grosse rançon.

Tout le monde était gagnant...

En plus, grâce à l’information donnée par les Shebabs, ils ne perdraient pas de temps.

Voilà comment Hashi Farah et deux de ses hommes s’étaient retrouvés sur le

Ils se retrouvèrent quelques instants plus tard devant les écrans de TAIS. Désormais, le

Sur le pont, les pirates attendaient, après avoir vérifié leurs armes et leur équipement.

Rien ne se passa pendant plus d’une heure, puis Garda Abdi montra au shebab un point lumineux droit devant eux.

— C’est le Faina ! annonça-t-il. Il ne se trouve plus qu’à cinq miles environ.

Il sortit de la dunette et lança un ordre à ses hommes. Ceux-ci se mirent à haler les deux barques attachées à l’arrière du chalutier, de façon à les mettre à couple avec le

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