Contes Merveilleux Tome I - Grimm Jakob et Wilhelm 12 стр.


– Je suis Benjamin, le plus jeune de tes freres.

Et elle se mit a pleurer de joie, et Benjamin aussi; et ils s'embrasserent avec une grande tendresse. Benjamin se prit a dire tout a coup:

– Chere s?ur, je dois te prevenir que nous avons fait le serment de tuer toutes les jeunes filles que nous rencontrerions.

Elle repondit:

– Je mourrai volontiers, si ma mort peut rendre a mes freres ce qu'ils ont perdu.

– Non, reprit Benjamin, tu ne dois pas mourir; place-toi derriere cette cuve jusqu'a l'arrivee de mes onze freres, et je les aurai bientot mis d'accord avec moi.

Elle se placa derriere la cuve; et quand il fut nuit, les freres revinrent de la chasse, et le repas se trouva pret… Et comme ils etaient en train de manger, ils demanderent:

– Qu'y a-t-il de nouveau?

Benjamin repondit:

– Ne savez-vous rien?

– Non, reprirent-ils.

Benjamin ajouta:

– Vous etes alles dans la foret, moi je suis reste a la maison, et pourtant j'en sais plus long que vous.

– Raconte donc, s'ecrierent-ils.

Il repondit:

– Promettez-moi d'abord que la premiere jeune fille qui se presentera a nous ne devra pas mourir.

– Nous le promettons, s'ecrierent-ils tous, raconte-nous donc.

Alors Benjamin leur dit:

– Notre s?ur est la. Et il poussa la cuve, et la fille du roi s'avanca dans ses vetements royaux, et l'etoile d'or sur le front, et elle brillait a la fois de beaute, de finesse et de grace. Alors ils se rejouirent tous, et l'embrasserent.

A partir de ce moment, la jeune fille garda la maison avec Benjamin, et l'aida dans son travail. Les onze freres allaient dans la foret, poursuivaient les lievres et les chevreuils, les oiseaux et les pigeons, et rapportaient au logis le produit de leur chasse, que Benjamin et sa s?ur appretaient pour le repas. Elle ramassait le bois qui servait a faire cuire les provisions, cherchait les plantes qui devaient leur tenir lieu de legumes, et les placait sur le feu, si bien que le diner etait toujours pret lorsque les onze freres revenaient a la maison. Elle entretenait aussi un ordre admirable dans la petite cabane, couvrait coquettement le lit avec des draps blancs, de sorte que les freres vivaient avec elle une union parfaite.

Un jour, Benjamin et sa s?ur preparerent un tres joli diner, et quand ils furent tous reunis, ils se mirent a table, mangerent et burent, et furent tous tres joyeux. Il y avait autour de la cabane un petit jardin ou se trouvaient douze lis. La jeune fille, voulant faire une surprise agreable a ses freres, alla cueillir ces douze fleurs afin de les leur offrir. Mais a peine avait-elle cueilli les douze lis que ses douze freres furent changes en douze corbeaux qui s'envolerent au-dessus de la foret; et la maison et le jardin s'evanouirent au meme instant. La pauvre jeune fille se trouvait donc maintenant toute seule dans la foret sauvage, et comme elle regardait autour d'elle avec effroi, elle apercut a quelques pas une vieille femme qui lui dit:

– Qu'as-tu fait la, mon enfant? Pourquoi n'avoir point laisse en paix ces douze blanches fleurs? Ces fleurs etaient tes freres, qui se trouvent desormais transformes en corbeaux pour toujours.

La jeune fille dit en pleurant:

– N'existe-t-il donc pas un moyen de les delivrer?

– Oui, repondit la vieille, mais il n'y en a dans le monde entier qu'un seul, et il est si difficile qu'il ne pourra te servir; car tu devrais ne pas dire un seul mot, ni sourire une seule fois pendant sept annees; et si tu prononces une seule parole, s'il manque une seule heure a l'accomplissement des sept annees, et la parole que tu auras prononcee causera la mort de tes freres. Alors la jeune fille pensa dans son c?ur: «je veux a toute force delivrer mes freres.»

Puis elle se mit en route cherchant un rocher eleve, et quand elle l'eut trouve, elle y monta, et se mit a filer, ayant bien soin de ne point parler et de ne point rire. Il arriva qu'un roi chassait dans la foret; ce roi avait un grand levrier qui, parvenu en courant jusqu'au pied du rocher au haut duquel la jeune fille etait assise, se mit a bondir a l'entour et a aboyer fortement en dressant la tete vers elle. Le roi s'approcha, apercut la belle princesse avec l'etoile d'or sur le front, et fut si ravi de sa beaute qu'il lui demanda si elle ne voulait point devenir son epouse. Elle ne repondit point, mais fit un petit signe avec la tete. Alors le roi monta lui-meme sur le rocher, en redescendit avec elle, la placa sur son cheval, et retourna ainsi dans son palais. La furent celebrees les noces avec autant de pompe que de joie, quoique la jeune fiancee demeurat muette et sans sourire. Lorsqu'ils eurent vecu heureusement ensemble pendant un couple d'annees, la mere du roi, qui etait une mechante femme, se mit a calomnier la jeune reine, et a dire au roi:

– C'est une miserable mendiante que tu as amenee au palais; qui sait quels desseins impies elle trame contre toi! Si elle est vraiment muette elle pourrait du moins rire une fois; celui qui ne rit jamais a une mauvaise conscience.

Le roi ne voulut point d'abord ajouter foi a ces insinuations perfides, mais sa mere les renouvela si souvent, en y ajoutant des inventions mechantes qu'il finit par se laisser persuader, et qu'il condamna sa femme a la peine de mort.

On alluma donc dans la cour un immense bucher, ou la malheureuse devait etre brulee vive; le roi se tenait a sa fenetre, les yeux tout en larmes, car il n'avait pas cesse de l'aimer. Et comme elle etait deja liee fortement contre un pilier, et que les rouges langues du feu dardaient vers ses vetements, il se trouva qu'en ce moment meme s'accomplissaient les sept annees d'epreuve; soudain on entendit dans l'air un battement d'ailes, et douze corbeaux, qui dirigeaient leur vol rapide de ce cote, s'abattirent autour de la jeune femme. A peine eurent-ils touche le bucher qu'ils se changerent en ses douze freres, qui lui devaient ainsi leur delivrance. Ils dissiperent les brandons fumants, eteignirent les flammes, denouerent les liens qui garrottaient leur s?ur, et la couvrirent de baisers. Maintenant qu'elle ne craignait plus de parler, elle raconta au roi pourquoi elle avait ete si longtemps muette, et pourquoi il ne l'avait jamais vue sourire.

Le roi se rejouit de la trouver innocente, et ils vecurent desormais tous ensemble heureux et unis jusqu'a la mort.

Les Enfants Couleur d’Or

Il y avait une fois un pauvre homme et une pauvre femme qui ne possedaient rien au monde qu’une petite cabane. Ils ne vivaient que du produit de leur peche. Un jour que le pauvre homme assis au bord de l’eau tirait ses filets, il prit un poisson entierement d’or. Tandis qu’il contemplait ce poisson avec des yeux etonnes, celui-ci prit la parole:

– Bon pecheur, ecoute-moi, lui dit-il, si tu consens a me rejeter dans l’eau, je changerai ta miserable cabane en un chateau magnifique.

– A quoi me servira un chateau, si je n’ai pas de quoi manger?

– J’y aviserai aussi: il se trouvera dans le chateau une armoire, tu n’auras qu’a l’ouvrir pour y trouver a souhait des plats de toutes sortes.

– S’il en est ainsi, dit notre homme, je ne demande pas mieux que de faire ce que tu desires.

– Oui, reprit le poisson, mais j’y mets pour condition que tu ne diras a personne l’origine de ta fortune; si tu souffles la-dessus le plus petit mot, tout s’ecroulera.

Le pecheur rejeta dans l’eau le poisson merveilleux, et prit le chemin de sa demeure; mais a la place ou se trouvait sa chetive cabane, s’elevait maintenant un chateau magnifique. Il ouvrit de grands yeux, franchit la porte et apercut sa femme assise dans une chambre richement ornee, et vetue d’habits precieux. Cette derniere etait au comble de la joie. Elle s’ecria:

– Cher homme, comment cela est-il arrive tout d’un coup? je m’en trouve fort bien.

– Et moi aussi, repondit l’homme, mais je meurs de faim; commence par me donner quelque chose a manger.

– Je ne possede rien, et je ne sais ou chercher dans ce chateau.

– Oh! dit le pecheur, je vois la une grande armoire; si tu l’ouvrais?

La femme tourna la clef aussitot et apercut, ranges avec ordre, des gateaux, des viandes, des sucreries et des vins. Elle poussa un cri de joie, et tous deux se mirent a faire honneur au repas prepare. Quand ils eurent fini, la femme elevant la voix:

– Dis-moi donc un peu, cher homme, quelle est l’origine de toute cette richesse?

– Ne m’interroge pas, repondit le pecheur, je dois garder le silence sur ce point, la moindre indiscretion nous ferait retomber dans notre premier etat.

– Il suffit; puisque je ne dois pas le savoir, je ne te prierai plus de me le dire.

Cependant elle le tourmenta et le persecuta si bien, qu’il finit par lui avouer que toute leur fortune leur venait d’un poisson d’or qu’il avait capture.

Il avait a peine fini ce recit, que le chateau disparut ainsi que l’armoire merveilleuse, et qu’ils se trouverent de nouveau assis dans leur ancienne cabane de pecheur.

Notre homme fut donc force de reprendre son ancien metier.

Cependant le bonheur voulut qu’il attrapat une seconde fois le poisson d’or.

– Si tu me rends encore la liberte, dit le poisson, je te donnerai de nouveau le chateau et l’armoire; mais pour le coup tiens-toi ferme et garde-toi bien de dire a qui que ce soit de qui tu tiens ces richesses sinon, tu les perdras de nouveau.

– J’y prendrai garde, repondit le pecheur.

Et il rejeta le poisson dans l’eau.

Quand il revint chez lui, tout avait repris son eclat et sa femme etait radieuse mais la curiosite ne la laissa pas longtemps en repos, et deux jours s’etaient a peine ecoules qu’elle recommenca a questionner son mari. Celui-ci finit par ceder.

Le chateau s’evanouit, et ils se trouverent dans leur ancienne cabane.

– Tu l’as voulu, dit le pecheur: grace a toi, nous allons recommencer notre vie miserable.

– Helas! repondit la femme, je prefere encore me passer de la richesse que de ne pas savoir d’ou elle me vient.

Le pecheur retourna a ses filets, et quelque temps apres il attrapa pour la troisieme fois le poisson d’or.

– Ecoute, dit ce dernier; je vois bien que je suis destine a tomber entre tes mains; emporte-moi avec toi au logis, et coupe-moi en six morceaux; de ces morceaux, fais-en manger deux a ta femme, deux a ton cheval, et mets en terre les deux restants; tu n’auras pas lieu de t’en repentir.

Le pecheur revint chez lui avec le poisson, et fit tout ce que celui-ci avait recommande.

Il arriva que deux lis d’or pousserent a l’endroit ou les deux morceaux avaient ete enterres, la jument eut deux poulains de couleur d’or, et la femme du pecheur deux garcons egalement d’une couleur d’or.

Les enfants grandirent, ainsi que les lis et les jeunes poulains.

Il arriva qu’un jour les deux freres dirent au pecheur:

– Cher pere, permettez-nous de monter nos coursiers d’or et de nous mettre a courir le monde.

Le pecheur repondit avec tristesse:

– Comment pourrai-je supporter votre absence? Songez a l’incertitude cruelle dans laquelle je serai sur votre compte; qui me dira ce qui vous arrive?

Les freres repondirent:

– Les deux lis d’or vous donneront de nos nouvelles. Tant qu’ils brilleront d’un frais eclat, nous serons en bonne sante, si au contraire ils palissent, ce sera signe que nous sommes malades et leur mort annoncerait la notre.

Ils partirent donc, et arriverent bientot dans une auberge pleine de monde. A la vue des deux freres couleur d’or, on se mit a rire et a se moquer. L’un d’eux ayant compris qu’il etait l’objet de ces plaisanteries, regagna la maison paternelle.

Quant a l’autre, il poursuivit son voyage, et parvint au bord d’une grande foret. Comme il se disposait a y pousser son cheval, des paysans lui dirent:

– Il ne sera pas prudent a vous de penetrer dans cette foret; elle est pleine de voleurs; et s’ils apercoivent votre couleur d’or et celle de votre cheval, ils ne manqueront pas de vous donner la mort.

Mais le jeune homme ne se laissa pas effrayer; il reprit:

– Il faut absolument que je traverse cette foret.

Cela dit, il prit des peaux d’ours, s’en couvrit entierement, ainsi que son cheval, si bien qu’on ne voyait plus luire la moindre petite place d’or, et il penetra hardiment dans la foret. Soudain, il entendit les broussailles s’agiter et des voix en sortirent et s’entretinrent tout bas. D’un cote on disait:

– En voici un!

Mais du cote oppose on repondait aussitot:

– Qu’on le laisse courir, c’est un pauvre diable, gueux comme un rat d’eglise!

C’est ainsi que le jeune homme couleur d’or arriva heureusement a l’autre extremite de la foret. Il traversa bientot un village ou il remarqua une jeune fille si belle qu’il crut qu’aucune autre au monde ne pouvait la surpasser en beaute. Il se sentit si epris, qu’il s’approcha d’elle et lui dit:

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