Contes Merveilleux Tome I - Grimm Jakob et Wilhelm 4 стр.


Cendrillon

Un homme riche avait une femme qui tomba malade; et quand celle-ci sentit sa fin prochaine, elle appela a son chevet son unique fille et lui dit:

– Chere enfant, reste bonne et pieuse, et le bon Dieu t'aidera toujours, et moi, du haut du ciel, je te regarderai et te protegerai.

Puis elle ferma les yeux et mourut. La fillette se rendit chaque jour sur la tombe de sa mere, pleura et resta bonne et pieuse. L'hiver venu, la neige recouvrit la tombe d'un tapis blanc. Mais au printemps, quand le soleil l'eut fait fondre, l'homme prit une autre femme.

La femme avait amene avec elle ses deux filles qui etaient jolies et blanches de visage, mais laides et noires de c?ur. Alors de bien mauvais jours commencerent pour la pauvre belle-fille.

Faut-il que cette petite oie reste avec nous dans la salle? dirent-elles. Qui veut manger du pain, doit le gagner. Allez ouste, souillon!

Elles lui enleverent ses beaux habits, la vetirent d'un vieux tablier gris et lui donnerent des sabots de bois. «Voyez un peu la fiere princesse, comme elle est accoutree!», s'ecrierent-elles en riant et elles la conduisirent a la cuisine. Alors il lui fallut faire du matin au soir de durs travaux, se lever bien avant le jour, porter de l'eau, allumer le feu, faire la cuisine et la lessive. En outre, les deux s?urs lui faisaient toutes les miseres imaginables, se moquaient d'elle, lui renversaient les pois et les lentilles dans la cendre, de sorte qu'elle devait recommencer a les trier. Le soir, lorsqu'elle etait epuisee de travail, elle ne se couchait pas dans un lit, mais devait s'etendre pres du foyer dans les cendres. Et parce que cela lui donnait toujours un air poussiereux et sale, elles l'appelerent «Cendrillon».

Dessin de Walter Crane

Il arriva que le pere voulut un jour se rendre a la foire; il demanda a ses deux belles-filles ce qu'il devait leur rapporter.

– De beaux habits, dit l'une. – Des perles et des pierres precieuses, dit la seconde.

– Et toi, Cendrillon, demanda-t-il, que veux-tu?

– Pere, le premier rameau qui heurtera votre chapeau sur le chemin du retour, cueillez-le pour moi.

Il acheta donc de beaux habits, des perles et des pierres precieuses pour les deux s?urs, et, sur le chemin du retour, en traversant a cheval un vert bosquet, une branche de noisetier l'effleura et fit tomber son chapeau. Alors il cueillit le rameau et l'emporta. Arrive a la maison, il donna a ses belles-filles ce qu'elles avaient souhaite et a Cendrillon le rameau de noisetier. Cendrillon le remercia, s'en alla sur la tombe de sa mere et y planta le rameau, en pleurant si fort que les larmes tomberent dessus et l'arroserent. Il grandit cependant et devint un bel arbre. Cendrillon allait trois fois par jour pleurer et prier sous ses branches, et chaque fois un petit oiseau blanc venait se poser sur l'arbre. Quand elle exprimait un souhait, le petit oiseau lui lancait a terre ce quelle avait souhaite.

Or il arriva que le roi donna une fete qui devait durer trois jours et a laquelle furent invitees toutes les jolies filles du pays, afin que son fils put se choisir une fiancee. Quand elles apprirent qu'elles allaient aussi y assister, les deux s?urs furent toutes contentes; elles appelerent Cendrillon et lui dirent -

– Peigne nos cheveux, brosse nos souliers et ajuste les boucles, nous allons au chateau du roi pour la noce.

Cendrillon obeit, mais en pleurant, car elle aurait bien voulu les accompagner, et elle pria sa belle-mere de bien vouloir le lui permettre.

– Toi, Cendrillon, dit-elle, mais tu es pleine de poussiere et de crasse, et tu veux aller a la noce? Tu n'as ni habits, ni souliers, et tu veux aller danser?

Mais comme Cendrillon ne cessait de la supplier, elle finit par lui dire:

– J'ai renverse un plat de lentilles dans les cendres; si dans deux heures tu les as de nouveau triees, tu pourras venir avec nous.

La jeune fille alla au jardin par la porte de derriere et appela:

Dessin de Walter Crane

Alors l'oiseau lui lanca une robe d'or et d'argent, ainsi que des pantoufles brodees de soie et d'argent. Elle mit la robe en toute hate et partit a la fete. Ni ses s?urs, ni sa maratre ne la reconnurent, et penserent que ce devait etre la fille d'un roi etranger, tant elle etait belle dans cette robe d'or. Elles ne songeaient pas le moins du monde a Cendrillon et la croyaient au logis, assise dans la salete, a retirer les lentilles de la cendre. Le fils du roi vint a sa rencontre, a prit par la main et dansa avec elle. Il ne voulut meme danser avec nulle autre, si bien qu'il ne lui lacha plus la main et lorsqu'un autre danseur venait l'inviter, il lui disait: «C'est ma cavaliere».

Dessin de Walter Crane

Elle dansa jusqu'au soir, et voulut alors rentrer. Le fils du roi lui dit: «je m'en vais avec toi et t'accompagne», car il voulait voir a quelle famille appartenait cette belle jeune fille. Mais elle lui echappa et sauta dans le pigeonnier. Alors le prince attendit l'arrivee du pere et lui dit que la jeune inconnue avait saute dans le pigeonnier. «Serait-ce Cendrillon?» se demanda le vieillard et il fallut lui apporter une hache et une pioche pour qu'il put demolir le pigeonnier. Mais il n'y avait personne dedans. Et lorsqu'ils entrerent dans la maison. Cendrillon etait couchee dans la cendre avec ses vetements sales, et une petite lampe a huile brulait faiblement dans la cheminee; car Cendrillon avait prestement saute du pigeonnier par-derriere et couru jusqu'au noisetier; la, elle avait retire ses beaux habits, les avait poses sur la tombe, et l'oiseau les avait remportes; puis elle etait allee avec son vilain tablier gris se mettre dans les cendres de la cuisine.

Le jour suivant, comme la fete recommencait et que ses parents et ses s?urs etaient de nouveau partis, Cendrillon alla sous le noisetier et dit:

«

Dessin de Walter Crane

Alors l'oiseau lui lanca une robe encore plus splendide que celle de la veille. Et quand elle parut a la fete dans cette toilette, tous furent frappes de sa beaute. Le fils du toi, qui avait attendu sa venue, la prit aussitot par la main et ne dansa qu'avec elle. Quand d'autres venaient l'inviter, il leur disait: «C'est ma cavaliere.» Le soir venu, elle voulut partir, et le fils du roi la suivit, pour voir dans quelle maison elle entrait, mais elle lui echappa et sauta dans le jardin derriere sa maison. Il y avait la un grand et bel arbre qui portait les poires les plus exquises, elle grimpa entre ses branches aussi agilement qu'un ecureuil, et le prince ne sut pas ou elle etait passee. Cependant il attendit l'arrivee du pere et lui dit:

– La jeune fille inconnue m'a echappe, et je crois qu'elle a saute sur le poirier.

«Serait-ce Cendrillon?» pensa le pere qui envoya chercher la hache et abattit l'arbre, mais il n'y avait personne dessus. Et quand ils entrerent dans la cuisine, Cendrillon etait couchee dans la cendre, tout comme d'habitude, car elle avait saute en bas de l'arbre par l'autre cote, rapporte les beaux habits a l'oiseau du noisetier et revetu son vilain tablier gris. Le troisieme jour, quand ses parents et ses s?urs furent partis, Cendrillon retourna sur la tombe de sa mere et dit au noisetier:

«

Dessin de Walter Crane

Le lendemain matin, il vint trouver le vieil homme avec la pantoufle et lui dit:

– Nulle ne sera mon epouse que celle dont le pied chaussera ce soulier d'or.

Alors les deux s?urs se rejouirent, car elles avaient le pied joli. L'ainee alla dans sa chambre pour essayer le soulier en compagnie de sa mere. Mais elle ne put y faire entrer le gros orteil, car la chaussure tait trop petite pour elle; alors sa mere lui tendit un couteau en lui disant:

– Coupe-toi ce doigt; quand tu seras reine, tu n’auras plus besoin d'aller a pied.

Alors la jeune fille se coupa l'orteil, fit entrer de force son pied dans le soulier et, contenant sa douleur, s'en alla trouver le fils du roi. Il la prit pour fiancee, la mit sur son cheval et partit avec elle. Mais il leur fallut passer devant la tombe; les deux petits pigeons s'y trouvaient, perches sur le noisetier, et ils crierent:

«

– Coupe-toi un bout de talon; quand tu seras reine, tu n'auras plus besoin d'aller a pied.

La jeune fille se coupa un bout de talon, fit entrer de force son pied dans le soulier et, contenant sa douleur, s'en alla trouver le fils du roi. Il la prit alors pour fiancee, la mit sur son cheval et partit avec elle. Quand ils passerent devant le noisetier, les deux petits pigeons s'y trouvaient perches et crierent:

«

– Ce n'est toujours pas la bonne, dit-il, n'avez-vous point d'autre fille?

– Non, dit le pere, il n'y a plus que la fille de ma defunte femme, une miserable, Cendrillon, malpropre, c'est impossible qu'elle soit la fiancee que vous cherchez.

Le fils du roi dit qu'il fallait la faire venir, mais la mere repondit:

– Oh non! la pauvre est bien trop sale pour se montrer.

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